F1 - La FIA répond aux doutes sur le halo

Les études de la FIA sur 21 accidents démontrent que le halo est la solution la plus efficace. Il gênera peu la visibilité et pourrait faciliter l'extraction.
Le halo peine à convaincre. La FIA a décidé d'imposer cette solution pour améliorer la
sécurité de la tête du pilote en 2018. Il est composé de trois
tubes, reliés devant la tête du pilote. La solution est peu
esthétique, mais elle est celle qui a obtenu les meilleurs
résultats dans les études de la fédération.
Laurent Mekies, le responsable de la sécurité de la FIA, a détaillé
les raisons de ce choix dans une conférence de presse à Budapest
(vidéo). Le Français a balayé les
principales polémiques : oui, le halo apporte un gain très
important pour la sécurité, non, il ne gêne pas la visibilité et
non, il ne complique pas l'extraction.
Ce qu'il faut retenir:
- Le halo a été la meilleure solution parmi une dizaine de
concepts
- La FIA a analysé l'apport du halo sur 21 accidents survenus, et
sur de possibles variantes
- La visibilité reste bonne mais la FIA envisage de passer la
largeur du montant central de 20mm à 16mm
- L'extraction ne pose aucun problème et elle pourrait même être
facilitée
La génese du halo
Le halo a été testé pour la première fois l'an dernier mais la
FIA a commencé à travailler sur des solutions pour mieux protéger
les pilotes il y a plusieurs années, après plusieurs accidents.
« Le projet a débuté en 2011, » explique Laurent Mekies.
« Il est assez évident qu'avec l'évolution globale de la
sécurité des monoplaces, la partie la plus vulnérable reste la tête
du pilote. La FIA a mené plusieurs études pour trouver une solution
sur ce qui pourrait être fait pour protéger la tête du
pilote. »
A l'époque, le halo n'était que l'une des nombreuses solutions
testées. La FIA a évalué plus de 10 familles de dispositifs. Trois
sont sorties du lot : le fameux halo, mais aussi l'Aeroscreen, un pare-brise, testé par Red Bull à
Sotchi l'an dernier, et le Shield, une bulle devant la tête du pilote,
évaluée par Sebastian Vettel à Silverstone cette année. Le halo et
le Shield ont évolué au fur et à mesure que les études ont avancé.
Le Shield était même privilégié en début d'année.
Pour affiner la sélection, la FIA a d'abord fixé un objectif :
trouver la solution qui protège le mieux face à une roue lancée à
225km/h. L'Aeroscreen était l'une des solutions les plus
séduisantes, mais il a échoué face à ce test.
« L'Aeroscreen était probablement la solution la plus
complète, estime Mekies. « En fait, c'est un halo avec un
pare-brise à l'avant. On ne voit pas la structure parce qu'elle est
masquée par le sommet de l'Aeroscreen, mais elle a une structure du
type de celle du halo. »
« C'était très prometteur. Mais au moment où nous avons dû
prendre la décision, il ne passait pas encore le test de la roue,
donc il échoue encore à protéger contre le lancement de la roue à
la vitesse que nous avons choisie. »
Le halo a donc été privilégié. Le GPDA, l'association des pilotes,
a formellement demandé l'instauration d'une protection l'an dernier. Le halo devait
initialement être lancé en 2017, mais le groupe stratégique a repoussé
son introduction d'un an. L'Aeroscreen pourrait encore avoir sa
chance à l'avenir.
« Ce n'est pas définitivement exclu, » confirme
Mekies. « Nous savons que tout est possible
techniquement, donc ça sera peut-être amélioré un jour, mais pour
le moment (le test de la roue) est la principale limite que nous
avons. »
La présence d'un pare-brise ou d'une bulle, sujets aux salissures,
complique l'introduction de ce type de solutions : « Nous
avons découvert, sur l'Aeroscreen et le Shield, un autre type de
problèmes (...), liées à la poussière, au vent. Nous avons vu qu'il
y avait plusieurs désavantages. »
Comment la FIA a fait ses essais
Avant de valider le halo, la FIA a étudié de nombreux incidents
survenus par le passé. Elle a identifié trois types d'accidents :
ceux entre deux voitures, ceux entre une voiture et l'environnement
extérieur, et ceux entre un voiture et un objet.
« Nous avons reproduit autant d'existants existants que
possible, » explique Laurent Mekies. « A chaque fois que
quelqu'un a remonté un accident, nous l'avons inclus dans ce que
nous appelons l'étude d'analyse des risques. »
La FIA a recensé 21 accidents et dans chacun des cas, la FIA a
évalué ce qu'aurait changé le halo : « Nous connaissons la
résistance du halo, nous connaissons la résistance de son lien avec
la voiture, etc, » précise Mekies. « Nous avons essayé de
reproduire non seulement ce scénario précis d'accident, mais aussi,
autour de ce scénario, nous avons regardé 5cm au dessus, 10cm au
dessus, 10cm sur la gauche, 10cm sur la droite, etc. »
« A la fin de ce processus, pour chacun des cas, nous avons vu
si (le halo) était positif, neutre, ou éventuellement
négatif. »
- Les pilotes toujours divisés sur le halo
Un bilan très positif pour le halo
Le bilan de ces analyses est très largement en faveur du halo.
Sur les huit cas d'accidents entre voitures, le halo aurait eu un
bénéfice positif sept fois et neutre une seule fois. Sur les neuf
cas d'accidents entre une voiture et l'environnement extérieur,
l'apport du halo aurait été positif dans six cas, potentiellement
positif dans deux cas et neutre dans un cas. Enfin, pour les
contacts avec des objets externes, le halo aurait été utile dans
deux cas, et potentiellement utile dans les deux autres.
Pour les incidents entre deux monoplaces, le halo a vite montré ses
avantages pour limiter les dangers pour la tête du pilote.
« Le halo serait devenu la partie la plus solide de la
voiture, » détaille Laurent Mekies. « Elle peut subir 15
fois le poids de la voiture. C'est pourra qu'il joue un rôle
positif, pas seulement pour la roue, mais aussi pour de nombreux
scénarios d'accidents qui ont été chanceux dans la plupart des
cas. L'impact positif dans ces scenarii est
immense. »
Face à l'environnement extérieur, notamment lorsque la voiture se
retourne, le halo offre aussi une meilleure protection.
Enfin, face aux petits objets, comme pour l'accident de Felipe
Massa à Budapest en 2009, le halo peut aussi être utile
: « Nous savons que ce n'est pas comme un pare-brise, ce
n'est pas à 100%, mais ça améliore statistiquement le niveau de
protection, » souligne Mekies. Pour ces accidents, la FIA se repose
aussi sur l'amélioration des casques : « Nous avons fait de
gros progrès sur les normes des casques (après l'accident de
Massa), avec l'introduction d'un panneau en zylon pour faire face
aux petits objets. Nous savons que la résistance a augmenté grâce à
ces nouvelles normes sur les casques. Des progrès arriveront en
2019 avec de nouvelles normes. » Le halo reste utile
: « Statistiquement, quand on met une structure devant un
pilote, on améliore la sécurité contre de petits objets, » indique
Mekies. « Le nombre n'est pas spectaculaire, mais on
améliore significativement la protection. »
La visibilité n'est pas un problème
Après avoir observé les bénéfices du halo, la FIA s'est penchée
sur ses points faibles. Un élément souvent mis en avant est la
visibilité, notamment à cause du montant central, devant les yeux
du pilote. Les pilotes ont presque tous testé le halo, et ils ont
été très peu nombreux à se plaindre de la visibilité.
« Une grande partie des pilotes est satisfaite de la
visibilité, » déclare Laurent Mekies. « Nous avons
vraiment les réactions d'un ou deux pilotes qui évoquent un
sentiment de claustrophobie, (...) mais nous pensons qu'ils
pourront gérer ça. »
La FIA a mené des comparaisons avec les normes imposées pour les
prototypes LMP1, qui sont fermés. Le halo offre une visibilité
similaire : « Nous pensons avoir une meilleure visibilité
qu'avec d'autres catégories, » estime Mekies.
Des progrès sont encore possibles. Le montant central pourrait être
réduit, afin de diminuer la nuisance pour la visibilité : « Le
montant central fait actuellement 20mm. Nous sentons que nous
pourrons réduire sa largeur, pour améliorer la vision frontale du
pilote. Nous ferons des essais jusqu'à 16mm avant l'an prochain, et
nous verrons jusqu'où nous pourrons aller. »
Dans certains cas, la visibilité pourrait même être améliorée. Aux
essais de Budapest, George Russell a pu tester le halo et quand le
soleil était rasant, il a estimé que le halo lui permettait de ne
pas être ébloui.
Pas de conséquences négatives sur l'extraction, au contraire
La FIA est également rassurée pour l'extraction du pilote. Dans
certains types d'accidents, le halo pouvait apparaître pour une
gêne. Parmi les pilotes interrogés par la FIA, un seul estime que
le halo peut véritablement gêner.
Jusqu'à présent, les halos testés n'étaient pas structurels, mais
posés sur la monoplace. Les pilotes ne pouvaient donc pas s'appuyer
dessus. Quand il sera réellement intégré aux monoplaces, le halo
pourrait finalement aider les pilotes à s'extraire de la
monoplace.
S'il faut retirer le halo après un accident, la FIA a étudié
plusieurs solutions, y compris des explosifs, mais elle ne devrait
pas en avoir besoin.
« Nous pensons que nous pourrons pratiquer l'extraction de la
voiture dans tous les cas sans avoir besoin de ça, » indique
Laurent Mekies.
Pour une extraction classique, par le haut, le halo gêne peu
puisqu'il a une forme similaire à celle du cockcpit. Si la voiture
est retournée, la procédure privilégiée est déjà, aujourd'hui, de
remettre la voiture sur ses roues. Et si cela n'est pas possible,
le halo pourrait finalement aider : « En fait, ça offre plus
de place au pilote parce que la voiture reste sur le halo, »
note Mekies.
Aucune des études de la FIA ne montre qu'il faudrait retirer le
halo pour favoriser une extraction, mais de nouveaux protocoles
sont déjà prévus en ce sens, notamment si le halo est déformé :
« Dans ce cas, nous serions très heureux d'avoir eu le halo, »
relève Mekies. « Parce que si quelque chose déforme ce
dispositif, on peut imaginer ce que ça aurait été sans. » La
solution serait alors de découper le halo en trois endroits, ce qui
peut être fait en cinq secondes à un endroit, et en deux secondes
aux deux autres.
Des évolutions sont envisagées
Même si le halo est prévu pour 2018, la FIA va poursuivre ses
recherches sur les solutions. A terme, des systèmes pourraient même
se déployer au moment d'un accident, mais ils ne sont pas encore
matures.
« Aujourd'hui, ces technologies sont loin de nous offrir (ce
qu'il faut) pour les nombreux cas contre lesquels nous voulons nous
protéger, » reconnaît Laurent Mekies.
Le halo va aussi être « habillé ». Il prendra la
couleur de la monoplace, comme sur la Williams à Mexico l'an dernier, ce qui le
rendra plus discret. Les équipes pourront aussi l'équiper d'éléments aérodynamiques, avec un cadre précis, afin d'améliorer l'écoulement
aérodynamique, qui sera modifié par le dispositif.
Et en attendant de nouvelles solutions, le halo va se généraliser à
toutes les catégories de monoplaces sanctionnées par la
FIA, ce qui prendra plusieurs années puisqu'il faut modifier
structurellement les châssis.


