F1 - Pourquoi la F1 refuse une guerre des pneus

De nombreuses éléments ont poussé la F1 à refuser une guerre des pneus ces dernières années. Pirelli explique cette politique.
Pirelli a fait part de sa volonté de rester en F1 après la saison 2019, date à
laquelle son contrat avec le championnat prendra fin. L'appel
d'offres devrait être lancé cette année. D'autres marques
pourraient être intéressées mais la Formule 1 devra aussi décider
si elle veut conserver un fournisseur unique où si elle est prête à
relancer une guerre des pneus entre plusieurs manufacturiers.
La saison 2006 a été la dernière avec deux marques face à face,
quand Michelin affrontait Bridgestone. Le championnat voulait
imposer un manufacturier unique pour 2008 mais Michelin est parti
un an plus tôt.
Le manque de compétition entre différents fournisseurs de pneus est
parfois critiqué, mais la F1 a eu de nombreuses raisons d'y
renoncer. Même Michelin, grand militant d'une concurrence, a
revue sa copie. Le français avait finalement
répondu au dernier appel d'offres, face à Pirelli, pour être le
fournisseur unique.
Les coûts
La principale raison derrière le manufacturier unique est
évidente. Une concurrence entre manufacturiers nécessite de
nombreux essais et un développement important, et donc de grosses
dépenses.
« Si on ouvre la concurrence, on augmente les coûts parce
qu'il faut faire des essais, » a expliqué Mario Isola, le
responsable de la compétition automobile de Pirelli, durant le
salon Autosport International, selon F1i.com.
Alors que la FIA planche sur des solutions pour réduire les
budgets, un retour à une concurrence entre manufacturiers de pneus
serait probablement mal reçu par les équipes les plus modestes.
L'équité
Dans les années 2000, au coeur de la rivalité entre Bridgestone
et Michelin, seules les équipes avec le meilleur manufacturier de
pneus avaient une chance réelle de victoire. Ferrari a ainsi
survolé la saison 2004 avec Bridgestone mais la Scuderia a souffert
l'année suivante, quand Michelin avait l'avantage.
Un manufacturier unique permet de garantir une équité totale.
Pirelli fournit des pneus identiques à chacune des équipes et c'est
à ces dernières de développer au mieux leurs monoplaces autour de
ces gommes. « Nous fournissons le même produit à toutes
les équipes, » rappelle Isola. « Donc toutes les équipes
sont dans la même situation, au niveau des pneus. »
Quand Bridgestone et Michelin s'affrontaient, les composés de pneus
étaient différents entre les partenaires d'un même manufacturier.
Le but était que chaque fournisseur puisse adapter ses pneus à une
voiture, mais les plus petites équipes ne bénéficiaient pas du même
soutien technique que les plus grosses.
Une guerre des pneus créerait des différences à tous les niveaux
: « On aurait des top teams avec un meilleur produit que
les équipes de milieu ou de fond de grille, parce qu'il n'y aurait
plus l'obligation de fournir le même produit à tout le monde, »
prévient Isola. « Cela créerait une différence entre les
top teams et les autres. Avec deux ou trois manufacturiers, ou
aurait quelques équipes au sommet et le reste aurait du mal au
niveau des performances. »
« Avec les pneus, on peut facilement gagner plus d'une
demi-seconde, donc il y aurait de plus gros écarts
qu'aujourd'hui. »
Le spectacle
Les pneus ont un rôle central dans les performances des F1, mais
aussi dans la rue physionomie des courses. Cette année, Pirelli va
relancer des pneus plus tendres. Il n'y a eu qu'un
arrêt dans les huit dernières courses de la saison 2017, à cause de
pneus jugés trop durs, et le but est de retrouver des courses à
deux arrêts, plus animées.
Si un manufacturier a un rival dans le championnat, il voudra
associer la meilleure endurance et la meilleure performance, sans
se soucier des conséquences sur le spectacle. « Quand il y a
une concurrence, il faut trouver la performance, rien d'autre, » a
confirmé Isola à FanaticF1. Le même phénomène se voit dans
l'aérodynamique, avec des équipes qui pensent à créer la voiture la
plus efficace, et pas la plus favorable aux dépassements.
Si un manufacturier est le seul présent, sa volonté change. Il a
pour but de favoriser des courses spectaculaires, ce que Pirelli
recherche avec des pneus à la dégradation rapide, un élément qui
fait partie du cahier des charges établi par la F1 et les
équipes.
Une guerre des pneus favoriserait des courses à un seul arrêt, si
le règlement impose toujours d'utiliser deux types de pneus par
course. Et le nombre d'arrêts a des conséquences directes sur le
spectacle. En 2017, avec des pneus plus endurants, le nombre de
dépassements a chuté. La saison 2005, pendant laquelle les
pilotes devaient disputer l'intégralité d'une course avec les mêmes
pneus, a été la plus mauvaise de l'histoire quant au nombre de
dépassements.
La transparence
Une concurrence entre manufacturiers prive le spectateur
d'informations. Lors de la confrontation entre Bridgestone et
Michelin, avec des pneus différents dans chaque équipe, il était
difficile d'avoir accès aux choix techniques. Le manufacturier
unique peut offrir une meilleure compréhension des performances des
pneus selon les tracés, puisqu'il n'a aucun secret à cacher.
Pirelli dipose d'une gamme de sept gommes et le manufacturier
permet d'identifier clairement les pneus utilisés par les pilotes,
grâce à un code-couleur. Pirelli a même refusé de masquer les noms des pneus et
d'utiliser les termes génériques « tendres »,
« médiums » et « durs » à chaque course. Le but
est de montrer qu'une piste nécessite des pneus différents d'une
autre.
« Quand il y avait une concurrence, les manufacturiers ne
voulaient pas dire ce qu'ils utilisaient, » souligne Mario
Isola. « Ils ne voulaient pas donner un avantage à la
concurrence. Même chez un même manufacturier, mais avec différentes
équipes, ils avaient des pneus différents, des composés différents
et des constructions différentes. C'est une approche totalement
différente. »
« Actuellement, sans concurrence, (...) tout le monde utilise
le même produit et on nous demande d'expliquer aux spectateurs ce
que nous faisons. »


