McLaren pourrait bientôt vous interdire la conduite sportive sur route
McLaren prépare un brevet GPS qui réserverait le mode Track de ses supercars aux seuls circuits fermés. Que restera‑t‑il de la conduite sportive sur route ouverte ?
Une supercar de plus de 700 ch livrée à un conducteur très jeune sur une route ouverte, cela peut vite tourner au drame... Les constructeurs le savent, et la multiplication des modèles ultra puissants rend chaque excès plus dangereux pour les autres usagers.
Un brevet McLaren GPS qui réserve le mode piste au circuit
McLaren semble prête à changer les règles du jeu avec un brevet
qui s’attaque directement à la façon dont ses futures voitures
pourront être exploitées en dehors des circuits. Déposé aux
États-Unis, ce système verrouille les réglages
les plus extrêmes tant que la voiture ne se trouve
pas sur une piste fermée, au point de faire craindre la fin de
toute vraie conduite sportive sur route pour les modèles de
Woking.
Le constructeur britannique a en effet déposé
auprès de l’Office américain des brevets et des
marques (USPTO) un brevet McLaren
GPS. Le texte décrit un dispositif qui place le
"mode de conduite course" derrière une sorte de mur
logiciel : tant que le GPS ne détecte pas un environnement
considéré comme sécurisé, autrement dit un circuit, l’accès à ce
mode reste impossible. Sur route ouverte, la voiture resterait
limitée à des programmes de type Sport, tandis que les modes les
plus extrêmes, Track ou Race, seraient réservés à la piste.
L’un des arguments avancés dans le brevet concerne les réglages de
châssis. En mode piste, la suspension est souvent
fortement rabaissée, d’une manière qui peut "ne pas respecter
une ou plusieurs normes de sécurité pour une utilisation sur route
ouverte", précise le brevet. Officiellement, il ne s’agit pas
de transformer une McLaren en citadine mollassonne
: les modes homologués pour la route resteraient intacts, loin des
performances d’une Honda Prelude
récente ou d’une Mitsubishi Mirage, mais le niveau
le plus agressif serait désactivé en dehors d’un tracé dédié.
Comment McLaren veut limiter la performance sur route tout en restant sportive
Sur une voiture comme la McLaren 750S, la
philosophie actuelle repose déjà sur plusieurs niveaux
d’assistance. Le mode Confort vise l’usage
quotidien, avec une suspension souple, une direction plus légère et
une réponse d’accélérateur adoucie. C’est le réglage pensé pour
avaler des kilomètres sans fatigue, sous la pluie
ou en ville, tout en gardant un niveau de performance très
supérieur à la moyenne du trafic.
Le mode Sport durcit le ton : la direction devient
plus précise, l’accélérateur répond plus vivement et la suspension
se raffermit sensiblement. Le contrôle de traction
se relâche un peu pour autoriser davantage de motricité en sortie
de virage, tout en restant présent pour rattraper les plus grosses
erreurs. Le mode Track va beaucoup plus loin,
transformant l’auto en machine de chronos, souvent en désactivant
le contrôle de traction et une partie de la gestion
électronique de stabilité, avec une sensibilité
maximale de la direction et de l’accélérateur, et une suspension
réglée sur sa position la plus basse et la plus
ferme. Sur certains modèles, il débloque même un mode
Drift, qui facilite les glisses prolongées et les
crissements de pneus arrière, une manœuvre clairement à proscrire
sur la voie publique.
Le brevet ne se contente pas des grands circuits permanents. Il
prévoit aussi le cas des tracés temporaires, comme l’allée de Lord
March utilisée pour le Festival of Speed de
Goodwood, ou les épreuves d’autocross organisées sur
des parkings.
Dans ces situations, le lieu devrait être ajouté à
la base de données de la voiture pour que le mode piste soit
autorisé. McLaren devrait donc être
prévenue en amont de l’événement, le temps de mettre à jour le GPS
de chaque auto concernée. Les situations de conduite sportive
autorisée mais moins cadrée deviennent alors délicates. Certains
rallyes ou courses sur route fermée, où la police encadre des
accélérations ponctuellement tolérées, pourraient se heurter à un
système qui refuse d’ouvrir totalement les vannes. Une
connexion internet défaillante risquerait aussi de
priver un propriétaire du plein potentiel de sa voiture, même dans
un cadre sécurisé et légal. Dans la pratique, plusieurs
sources de frustration apparaissent déjà pour les
conducteurs : des circuits temporaires qui ne seraient pas reconnus
à temps par le GPS de la voiture, des évènements ponctuels
autorisés mais non intégrés à la base de données, une
mauvaise couverture réseau rendant inopérants les modes piste au
mauvais moment et en toile de fond, la question de l’usage des
données de localisation collectées.
Reste aussi le débat sur la vie privée,
l’utilisation de la géolocalisation et la responsabilité du
constructeur face au comportement de ses clients. Une telle
technologie pourrait servir d’argument pour éviter une interdiction
pure et simple des voitures très performantes dans le cadre de
futures mesures de sécurité routière, et
contribuer à limiter les intrusions illégales dans la
circulation.
Avec environ 6,14 millions d’accidents de la route et près de 40
000 décès aux États-Unis en une année, selon la National
Highway Traffic Safety Administration, l’idée de cantonner
le mode Track aux seuls circuits prend une
dimension bien concrète. Reste à savoir si les
passionnés accepteront qu’une McLaren décide, via
son GPS, quand ils ont vraiment le droit de rouler à fond.


