Essai - Land Rover Defender Octa vs Mercedes-AMG G 63 : duel de titans !
A droite du ring, accusant 2.642 kg à la pesée, la terreur des buffets vendéens, le puncheur du Bade-Wurtemberg, le hors-bord routier : le Mercedes-AMG G 63 ! Face à lui, l’Hercule d’outre-Manche, le cogneur tout-terrain, le bourgeois pas franchement gentilhomme : le Land Rover Defender Octa et ses 2.709 kg ! Messieurs les titans, place au spectacle !
Le premier réflexe est de sourire. Après, on se frotte les yeux
et on sourit de nouveau. La balance de l’UTAC n’a probablement
jamais affiché de telles valeurs. 2 642 kg pour l’AMG, c’est deux
petits kilos de plus que le poids officiel. 2 709 kg pour l’Octa : le delta est plus
important (2 585 kg revendiqués).
Finalement, 5 351 kg de testostérone pure, fournie exclusivement
par du sans-plomb. Enfin presque, puisque l’un et l’autre ont droit
à un alterno-démarreur. Pas pour faire chuter le grammage en CO2
(338 g/km pour le G 63, 298 g/km pour le Defender), mais pour
agrémenter les relances.
En fin de compte, j’aurais pu réunir 10 Caterham qu’il n’y aurait
pas eu davantage de masse en mouvement. La première indication
visuelle laisse pantois : le G fait petit. Aux côtés de l’anglais
lorsque sa suspension est rehaussée, on dirait un Jimny.
Pourtant, se hisser derrière son volant typé utilitaire suppose
toujours d’avoir la hanche bien huilée car la marche est haute.
S’installer à bord de ce franchisseur fait voyager dans le temps.
Pas pour la présentation, aux petits oignons, ni l’équipement
technologique, tout à fait au goût du jour, mais pour l’ambiance
qui règne ici.
Maous costaud
Assis droit, le conducteur surplombe un capot droit que
ponctuent deux clignotants géométriques, le tout salué pour une
découpe de la planche de bord rectiligne servant de base à un
pare-brise dépourvu de tout galbe. Les portières émettent ce son
métallique qu’on ne retrouve nulle part dans la production
automobile, y compris chez Land Rover.
A bord de l’anglais, la sensation d’espace impressionne. Rien de
plus logique pour des autos flirtant avec les 2 m de large et dont
l’architecture intérieure doit tout aux bunkers. L’Octa est plus
logeable mais moins m’as-tu-vu.
Notre modèle ne bénéficie pas des à-plats en carbone ni des
dossiers de siège marbrés. Au second rang, la place est moins
chiche que dans le G 63. Les 13 cm d’empattement supplémentaires
l’expliquent. Ponctuons la visite du propriétaire par ces hayons à
ouverture latérale, qui supposent d’avoir privatisé le reste de la
rue pour être manipulés et qui pèsent deux ânes morts chacun, en
raison de la roue de secours handicapant autant la rétrovision
centrale que la balance.
Quel intérieur a ma préférence ? Dur de départager. Le G 63 est
exigu et sa position de conduite rappelle plus celle du Massey
Ferguson 625 que celle d’une AMG, mais il y règne une ambiance à
nulle autre pareille.
L’Octa est plus pratique mais aussi plus ordinaire dans sa
présentation. Premier round : égalité de points. Alors il est temps
de les sortir, les poings. Parmi les V8 encore produits, ces
deux-là sont dans le quinté de tête.
Le 4 litres AMG a réussi, et le défi était de taille, à nous faire
presque oublier le 6,2 litres atmosphérique qu’il a éjecté. Quant
au 4,4 biturbo bavarois (le Defender a un cœur BMW), sa propension
à plisser le bitume sur les reprises n’a d’égale que celle à se
ruer vers la zone rouge.
Honneur au petit dernier, l’Octa. Mode Dynamique activé, pied
gauche sur le frein, accélérateur dans les pâquerettes, launch
control enclenché (vers 2 500 tr/mn) et c’est parti ! Vite sur les
premiers mètres, puis le convertisseur bégaie sa partition avant de
remettre les pages dans le bon ordre.
L’accélération est moins véloce que dans mon souvenir, ce que
confirme notre radar : 4’’6 pour le 0 à 100 km/h, c’est 6 dixièmes
de plus que ce que la brochure annonce. Avant d’entrer en
concession Land Rover (tant qu’il en reste…) en vociférant, 4’’0
pour un engin de 2,7 tonnes, cela semblait pour le moins très
optimiste, pour ne pas dire irréaliste. Et puis, 4’’6, c’est le
chrono d’une M2 CS qui développe certes 185 ch de moins mais fait
l’économie de 1 140 kg !
Donc l’Octa arrache la tronche et termine le 1 000 D.A. en 23’’4,
comme une M3 GTS de 2011. Comment s’opèrent les freinages d’urgence
? Je n’en sais rien. A défaut d’aire plane sèche (officiellement),
par frousse (officieusement), je n’ai pas pris le risque de finir
ma course dans une famille de bouleaux.
Compte tenu de l’inertie de tels engins, j’espère qu’aucun lecteur
ne me reprochera une faute professionnelle. Pour me faire
pardonner, j’ai aussi équipé le G 63 du radar. Le launch control
est bien plus récalcitrant que dans l’Octa.
Il fonctionne une fois sur trois ou quatre, sans qu’on sache
vraiment ce qui le fait bugger. Mais quand le bloc
d’instrumentation scintille de rouge (en modes S ou S+), c’est son
et lumière ! Le capot ondule au gré des révolutions du vilebrequin,
la boîte à chaussures donne l’impression d’avoir avalé un Riva.
Le 4 x 4 se cabre et veut partir en wheeling. C’est cocasse,
bruyant et plutôt efficace puisque nous enregistrons la performance
escomptée : 4’’4 pour le 0 à 100 km/h. La borne kilométrique est
dépassée en 23’’5, pile au moment où intervient la bride (220
km/h). La transmission à 9 rapports de l’AMG est plus véloce que
celle du Land Rover.
Chiffres à l’appui, l’Octa ne tire aucun profit de son meilleur
rapport poids/puissance (4,3 kg/ch contre 4,5), mais les
tempéraments mécaniques diffèrent. Le 4,4 litres munichois offre
davantage d’allonge mais son opposant assène des directs à bas
régime qui mettent à mal un châssis pas supposé endurer pareille
offense.
Même sur les reprises, c’est marquage à la culotte : 3’’7 en 123 m.
Mais sur le plan émotionnel, le mariage iconoclaste entre ce profil
de frigo et ce tempérament mécanique volcanique fait pencher la
balance du côté AMG. L’Octa ne démérite pas mais il ne distille pas
cette même sauvagerie. Mais avant de croire que le G 63 est
définitivement indétrônable, attendez de voir ce qui suit.
Le choc des générations
Le Classe G est né il y a des lustres (la production débuta en
1979), tout comme le Defender, nous direz-vous (1948). Oui, mais
l’anglais a profondément revu sa copie avec cette génération, enfin
à l’aise sur le goudron.
Surtout dans cette version Octa, qui apporte une inédite suspension
6D et n’est disponible qu’en carrosserie 110. On rêve d’un Octa
châssis court (90), mais il semblerait que le projet ait été jugé
trop scabreux à la conduite.
L’amortissement piloté sur plus de niveaux qu’il n’en faut et
l’antiroulis hydraulique actif font du bon boulot. Il n’y a pas de
liaison mécanique entre les roues d’un même essieu, l’huile, plus
ou moins sous pression, faisant office de système antidévers.
Lorsque la charge latérale baisse, les roues se désaccouplent.
La direction du Defender est plus directe que celle du G 63 (2,3
tours d’une butée à l’autre contre 2,7), mais il serait mensonger
d’évoquer une quelconque précision. Disons que l’anglais obéit plus
rapidement aux injonctions du conducteur que l’AMG, dont le guidage
est à l’image de la sonorité : nautique.
Le programme Dynamique (appui court sur le bouton en bas du volant)
durcit un peu les lois de direction, de cartographie et
d’amortissement, mais ne vous attendez pas à une radicalisation des
trains roulants. En dépit du poids, bien trop sensible dans l’une
comme dans l’autre, l’Octa gagne sans contestation possible le
combat du comportement routier.
Ses Michelin Primacy All Season offrent davantage de motricité et
de directionnel que les Goodyear Eagle F1 du Mercedes, pourtant
plus larges et plus tendres mais presque dangereux par temps de
pluie. L’allemand paie sa conception archaïque. Cela se ressent
dans la direction, trop spongieuse et dépourvue de rappel, et les
appuis.
Lorsqu’ils sont pondérés, la compression marque déjà quelques
signes de faiblesse, avec une assiette qui peine à se maintenir.
S’ils s’enchaînent, les débattements deviennent problématiques. Sur
une compacte, cela ne ferait qu’altérer le maintien de cap.
Dans un engin qui en fait deux fois le poids, on a la sensation
d’être à la barre d’un esquif pris dans une tempête hivernale.
Est-ce frustrant ? Pas vraiment, car nul ne réclame du G 63 qu’il
se comporte comme une GTI. D’autant qu’il est bien plus drôle à
conduire. O.K., j’ai un humour bien à moi et il faut être
suffisamment tordu pour prendre du plaisir avec un truc qui se
tord, justement.
A quoi sert ce frigo industriel sous amphétamines ? Je n’en sais
rien. Avec ces gommes, pas à faire du tout-chemin, en tout cas. De
l’autoroute ? Si vous aimez les bruits d’air, assurément. De la
petite route ? A condition que le bas-côté soit dégagé, un accident
est si vite arrivé.
Pour qui apprécie le dynamisme, le G 63, même avec l’Active Ride
Control AMG optionnel, est une hérésie. Mais parfois, les
hérétiques ont des comportements qui séduisent. La rigueur, la
maîtrise du roulis, les décélérations dantesques : il laisse ça à
d’autres.
Vous souhaitez transformer la moindre départementale en spéciale de
Rallye : achetez un DBX ou un Urus, deux autos bien trop lourdes
mais dont le comportement est à des années-lumière du G. Je ne dis
pas qu’il n’y a aucun plaisir de conduite à bord de ces deux
super-SUV : c’est tout l’inverse.
Mais le proverbe se confirme pour l’AMG : c’est parce qu’il est à
ce point inutile qu’il est indispensable. Il y a chez lui un côté
fruit défendu addictif. L’Octa a aussi cette saveur particulière,
mais elle est moins prononcée. Lui, le baroudeur rustique par
excellence, est devenu un engin rentré dans le rang.
Lui, l’insupportable transporteur de troupes sur autoroutes, s’est
mué en limousine. Lui, le piètre tourneur en virage, ne refuse plus
l’obstacle. Et c’est justement parce qu’il a su conserver son
A.D.N. de franchisseur en le mêlant à des gènes plus contemporains
qu’il s’offre, aux points, la victoire d’une courte tête.
Land Rover Defender Octa vs Mercedes-AMG G 63 : l'avis de Sylvain Vétaux
A bien des égards, je préfère le G 63, plus extravagant, plus politiquement incorrect. Mais je dois reconnaître que l’Octa, pourtant encore plus lourd, passe l’examen du comportement routier avec plus de réussite. Alors qu’importe que son V8 ait moins de caractère que le biturbo AMG : sa conduite plus rigoureuse n’en est pas pour autant ennuyeuse.
Mercedes-AMG G 63 : sa fiche technique
- Moteur : V8 biturbo, 32 S, hybridation légère, 48 V
- Cylindrée : 3 982 cm3
- Puissance maxi : 585 ch
- Couple maxi : 86,6 mkg
- Transmission : intégrale, 9 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/ central + différents modes de blocage
- Poids annoncé/contrôlé : 2 640/2 642 kg
- L - l - h : 4 865 - 1 984 - 1 971 mm
- Empattement : 2 890 mm
- Réservoir : 100 l
- Prix de base : 204 701 €
- Prix des options/malus : 41 050/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 315 751 € (malus compris)
- V. max. : 220 km/h
- 0 à 100 km/h : 4’’4 (69 m)
- 0 à 160 km/h : 10’’4 (293 m)
- 0 à 200 km/h : 17’’8 (665 m)
- 400 m D.A. : 12’’7 (174 km/h)
- 1 000 m D.A. : 23’’5 (220 km/h)
- 100 à 140 km/h en Drive : 3’’7 (123 m)
Land Rover Defender Octa : sa fiche technique
- Moteur : V8 biturbo, 32 S, hybridation légère, 48 V
- Cylindrée : 4 395 cm3
- Puissance maxi : 635 ch
- Couple maxi : 76,5 mkg
- Transmission : intégrale, 8 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/ central + différents modes de blocage
- Poids annoncé/contrôlé : 2 585/2 709 kg
- L - l - h : 5 003 - 2 064 - 1 995 mm
- Empattement : 3 023 mm
- Réservoir : 96 l
- Prix de base : 185 400 €
- Prix des options/malus : 6 845/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 262 245 € (malus compris)
- V. max. : 250 km/h
- 0 à 100 km/h : 4’’6 (69 m)
- 0 à 160 km/h : 10’’0 (268 m)
- 0 à 200 km/h : 16’’4 (583 m)
- 400 m D.A. : 12’’8 (179 km/h)
- 1 000 m D.A. : 23’’4 (226 km/h)
- 100 à 140 km/h en Drive : 3’’7 (123 m)
Retrouvez notre essai comparatif entre les Land Rover Defender Octa et Mercedes-AMG G 63 dans le Sport Auto n°766 du 31/10/2025.


