Essai - Nouvelle Lamborghini Temerario : un roulage à 10.000 tours/minute !
Lamborghini fait passer la pilule de l’hybridation avec sa nouvelle Temerario, mue par un moteur V8 biturbo capable de grimper à 10.000 tours/minute : bravo !
Dix ans après les 580 ch de la toute première Huracán, la Temerario fait un pas de géant sur l’échelle de la puissance : 920 ch cumulés, d’entrée ! A peine 10 % d’écart avec la reine mère Revuelto. Au point de se demander si cette course effrénée ne brouille pas les pistes dans les rangs de Sant’Agata.
Le beurre et l’argent du beurre
Paolo Racchetti, le responsable marketing produit, s’en défend :
« Techniquement, nos gammes sont très différentes. La Revuelto
a un côté extrême, avec un V12 atmosphérique hybride et une coque
en carbone, tandis que la Temerario est moins radicale, avec un V8
biturbo hybride et un châssis en aluminium.
En comparaison, elle est plus courte, plus légère et beaucoup plus
agile. Elle se plie ainsi à toutes les conditions d’utilisation,
sur route comme sur piste. Nous avons concentré tous nos efforts
sur le plaisir et la facilité de conduite. »
Mais avant
d’en juger, un rappel des architectures est nécessaire. Si
l’électrification du train avant de la Temerario est comparable à
celui de la Revuelto, celle de l’arrière est différente.
Contrairement au V12, dont le moteur électrique est sur l’arbre
intermédiaire de la boîte de vitesses, celui du V8 biturbo est connecté au
vilebrequin. Entre le moteur et l’embrayage, donc.
Rouven Mohr, le directeur technique de Lamborghini, explique la
raison de son choix : « Nous ne souhaitions pas débarquer dans
le domaine du turbocompresseur et faire un copier-coller. Nous
voulions quelque chose de complètement différent.
Nous avons opté pour la meilleure linéarité possible, sur la grande
plage de régime. C’est plus ou moins semblable à un moteur
atmosphérique. Le but est d’avoir la meilleure réactivité, pour que
le conducteur puisse moduler et anticiper les réactions à
l’accélérateur. Ce qui est unique ici, et ce n’est pas seulement un
discours marketing, c’est d’obtenir une courbe de puissance plate,
sans chute à haut régime.
L’objectif est de combiner le plaisir que procure l’atmosphérique
avec la sensation de couple qui progresse jusqu’à la limite du
régime. Le défi consistait à trouver la meilleure combinaison entre
la taille du turbocompresseur, le moteur électrique et la gestion
de la suralimentation. C’est tout un ensemble.
Si vous retiriez le moteur électrique au vilebrequin, cela ne
fonctionnerait pas. Nous avons une machine électrique capable de
fournir 30 mkg immédiatement et cela nous permet d’utiliser deux
turbines mono-scroll dont le diamètre est de plus de 6 cm, l’un des
plus grands du marché.
C’est la meilleure façon de tirer parti du vilebrequin plat, des
bielles en titane, des pistons extrêmement légers et des culbuteurs
recouverts de DLC (carbone de type diamant) qui sont en mesure
d’atteindre 11 000 tr/mn. »
De quoi en perdre son latin.
Sur le papier, en tout cas, c’est tout à fait probant. La courbe de
couple maxi ressemble à un plateau entre 4 000 D et 7 000 tr/mn,
puis la puissance déboule entre 9 000 et 9 750 tr/mn, avant de voir
débarquer la coupure d’allumage à 10 000 tr/mn. Bref, du couple en
bas, de la puissance en haut et un rupteur de moto… le beurre et
l’argent du beurre. Voyons comment tout cela se traduit dans la
réalité.
Condensé
La première accélération franche est assez déconcertante. A quoi
ça ressemble ? A rien d’existant. Il serait d’ailleurs plus simple
d’inverser la question pour apporter des éléments de réponse plus
concrets. Donc… cela ne ressemble pas (du tout) à une McLaren 750S,
à une Porsche 911 Turbo S ni à une Aston Martin Vantage.
Il n’y a pas de temps de réponse, pas de sensation de vague qui
doit monter en puissance pour mieux déferler, pas d’énergie latente
qui oblige à anticiper. Rien de tout cela. C’est du tac au tac,
immédiat, instantané, tout en restant très linéaire et très
lissé.
Le V8 dégaine avec une réactivité inattendue et grimpe dans les
tours jusqu’à plus soif, en donnant une impression de maîtrise tout
à fait opposée à ce qui pourrait s’apparenter à une saute d’humeur.
Il a aussi les vibrations d’un vilebrequin plat, c’est-à-dire très
(trop ?) lisses.
Pour être clair, c’est bluffant du point de vue technique mais
désarmant en matière de sensations au volant. Tout simplement parce
qu’on est partagé entre la performance technologique et les
émotions polies que cela génère en comparaison du précédent V10,
plus vivant. De là à dire que le nouveau V8 est décevant… non, pas
exactement.
Il suffit de jeter un coup d’œil sur les performances revendiquées
pour s’en convaincre : 2’’7 seulement pour le 0 à 100 km/h et 343
km/h en pointe ! Il n’empêche qu’au-delà de ces valeurs dignes
d’une bête de course, nous aurions aimé sortir du circuit pour
compléter cette première prise en main dans des conditions plus
classiques, et ainsi jauger de son agrément dans la vraie vie.
La Temerario est très agile !
En ce qui concerne le comportement dynamique, en revanche, il
n’y a pas de doute. La Temerario est très (!) agile.
Elle supplante clairement la Revuelto en matière de feeling au
volant et de stabilité à haute vitesse.
Cela passe notamment par la direction au retour d’informations très
naturel. Ensuite, et même si Lamborghini délaisse le système des
roues arrière directrices de l’Huracán, la Temerario fait preuve
d’une dextérité rare pour plonger à la corde.
Rouven Mohr explique pourquoi : « La clé, c’est l’essieu avant
connecté. C’est lui, le chef d’orchestre. C’est ce qui permet à la
voiture de se comporter comme elle le fait, en particulier en ce
qui concerne sa faculté à effacer son poids. Comme sur la Revuelto
mais avec une application différente. Sur la Temerario, nous avons
mis l’accent sur l’agilité.
Cela signifie que nous voulions avoir une vraie rotation, une auto
qui tourne facilement, plus rapidement. C’est précisément ce qui
donne l’impression que la voiture est plus légère. L’essieu avant
connecté procure 70 % de sa maniabilité. Sans lui, pour être
honnête, le comportement serait complètement différent. »
M. Mohr s’engouffre alors dans une explication qui lui tient
visiblement à cœur : « Les gens sont toujours amoureux des
composants mécaniques, tels que le moteur, la boîte de vitesses ou
encore la taille du moteur électrique, mais ce ne sont finalement
que des ingrédients.
En réalité, c’est comme quand vous faites une salade de tomates,
vous devez acheter de bonnes tomates, mais il faut surtout savoir
les assaisonner, quelles épices utiliser. Ici, toute cette
subtilité concerne le cerveau électronique de la voiture.
C’est-à-dire la stratégie des unités de contrôle, dans chacune des
conditions spécifiques. C’est ce qui fait le caractère de la
conduite.
Peu importe si les moteurs électriques font 100, 110 ou 125 kW, ce
qui compte, c’est la façon précise de les employer. C’est pourquoi
nous avons beaucoup investi sur ce point chez Lamborghini. La
majorité des constructeurs, même les plus grands, n’utilisent que
des bibliothèques de fonctions de fournisseur.
En ce qui nous concerne, nous faisons différemment. Nous utilisons
partiellement les fonctions existantes, mais la commande, que nous
appelons le “niveau stratégique du logiciel”, c’est nous qui la
développons, sur notre simulateur privé. (…)
En réalité, chaque situation correspond à une quantité physique,
donc à une équation. Je ne veux pas vous ennuyer avec des
mathématiques, mais c’est quelque chose que l’on peut calculer, et
faire varier.
Si l’indice d’agilité est supérieur à un, la voiture est plus
agile. Si l’indice est inférieur à un, la voiture est stable.
Partant de là, nous faisons ce que nous voulons. »
Retour vers le futur
Vous vous dites probablement que l’autobloquant et la
crémaillère mécaniques sont des reliques désormais remplacées par
des ordinateurs, et ce n’est pas faux. Dommage pour les boulons et
les rondelles, mais après tout, il faut vivre avec son temps, et
l’essentiel, c’est que le conducteur reste connecté à son
volant.
C’est exactement ce qui se passe dans la Temerario. L’essieu avant
est très sensible à la direction et celle-ci renvoie suffisamment
de sensations pour donner l’impression de savoir où sont posées les
roues. En clair, on ne ressent pas les 1 690 kg annoncés et la
voiture semble être plus compacte qu’elle ne l’est en réalité.
Ce sentiment de précision vient aussi de la rigidité, supérieure à
celle de l’Huracán. La Temerario installe une confiance immédiate,
qui donne envie de jouer avec les modes de conduite. Sur la
position Corsa, par exemple, le vecteur de couple sur l’essieu
avant est augmenté au bénéfice de l’accélération latérale.
Le bémol, c’est que le mode Corsa impose de changer les vitesses
manuellement, au volant, et de ne pas se faire surprendre par le
rupteur qui arrive rapidement. Passons. Il y a aussi un mode Drift
à trois positions, qui autorise des survirages aux angles
variés.
Outre son côté récréatif, il permet surtout de constater les
progrès réalisés par Lamborghini en matière de gestion
électronique. Ces aides sont non seulement très efficaces, mais
aussi imperceptibles. Alors qu’elles étaient envahissantes au
volant des Gallardo et des premières Huracán, dans la Temerario,
les interventions électroniques ne donnent pas l’impression d’être
rappelé à l’ordre, au contraire.
Elles agissent comme des coups de pouce invisibles et naturels.
Enfin, le freinage est une réussite. Lorsque la plupart des
supersportives hybrides ont du mal à masquer la récupération
d’énergie à la décélération, la Temerario présente un excellent
contact à la pédale : direct, authentique et facile à doser.
Et suffisamment endurant pour enchaîner quelques tours du circuit
d’Estoril sans arrière-pensées. Précisons que notre modèle d’essai
est équipé du pack Alleggerita (pour « légèreté »). Il permet une
réduction du poids pouvant aller jusqu’à 25 kg, à condition d’opter
pour le pack Carbone supplémentaire. A propos d’options, elles sont
nombreuses et pas vraiment données.
Lamborghini Temerario : sa fiche technique
- Moteur thermique : V8, biturbo, 32 S
- Cylindrée : 3 995 cm3
- Puissance thermique maxi : 800 ch à 9 000 tr/mn
- Couple thermique maxi : 74,4 mkg à 4 000 tr/mn
- Moteurs électriques : 2 à l’avant + 1 à l’arrière
- Puissance électrique : 220 kW à l’AV (NC à l’AR)
- Capacité de la batterie (brute) : 3,8 kWh
- Autonomie électrique : 10 km
- Puissance cumulée : 920 ch
- Transmission : intégrale permanente, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable électronique + vecteur de couple
- Poids annoncé : 1 690 kg (à sec)
- Rapport poids/puissance : 1,8 kg/ch
- L - l - h : 4 706 - 1 996 - 1 201 mm
- Empattement : 2 658 mm
- Pneus AV & AR : 255/35 ZR 20 & 325/30 ZR 21 (Bridgestone Potenza Sport)
- Freins AV & AR : disques carbone-céramique (410 & 390 mm)
- Réservoir : 68 l
- Prix de base : 310 140 €
- Prix des options/malus : 123 860 €/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 504 000 € (malus compris)
- V. max. : 343 km/h
- 0 à 100 km/h : 2’’7
- Freinage de 100 km/h à 0 : 32 m
L'avis de Laurent Chevalier : 5/5
La première chose remarquable, au volant, c’est la fluidité
et la cohérence entre la direction et le freinage. Elle apporte un
feeling très naturel et une confiance immédiate qui donne envie de
jouer avec la voiture.
Sans parler de l’agilité. En ce qui concerne le moteur, en
revanche, il paraît très lissé, et peut-être pas assez débordant en
matière de caractère pur. Nous attendrons de pouvoir l’essayer dans
des conditions normales, sur route ouverte, pour en juger
définitivement.
Retrouvez notre essai de la Lamborghini Temerario dans le Sport Auto n°764 du 29/08/2025.


