Essai - Nouvelle Ferrari F80 : comment elle surclasse Bugatti, Pagani ou Koenigsegg...

Publié le 1 septembre 2025 à 10:00
Mis à jour le 1 septembre 2025 à 11:12
Essai - Nouvelle Ferrari F80 : comment elle surclasse Bugatti, Pagani ou Koenigsegg...

Dès les premiers tours de roues à son volant, c’est une évidence : il y aura un avant et un après. Oubliez les Pagani, Koenigsegg et Bugatti… La Ferrari F80 redistribue les cartes en haut de la hiérarchie en repoussant les sensations de conduite à un niveau jamais atteint. Jamais. Parole de Sport Auto !

La scène se passe en Italie, dans la région des Marches, à une petite cinquantaine de kilomètres au sud de Saint-Marin. Au gré d’une départementale escarpée, sur laquelle on ne s’attend pas à avoir une révélation.
C’est pourtant ce qui se produit. Mieux, c’est une apparition, une évidence fulgurante, un signe éminemment palpable qui matérialise l’existence d’un état suprême de la conduite. Cette petite dizaine de minutes volées au volant de la F80 pendant notre séance photos restera gravée dans ma mémoire à tout jamais.
Je parle d’un niveau de sensations qui relègue ces vingt dernières années à essayer toutes les supercars de la planète… aux oubliettes. La F80 marque un pas décisif par rapport aux Pagani, Koenigsegg, Bugatti ou Aston Martin Valkyrie, entre autres.
Je ne fais pas seulement référence à ses qualités dynamiques mais aussi et surtout à sa capacité à générer des sensations. A vous faire vivre des moments qui donnent l’impression d’être en lévitation.

Mutation

Première ligne droite. Je tente une accélération sur le mode Race, pour voir. J’ai vu. Au moment où mon gros orteil effleure la pédale de droite, la F80 explose dans un coup de fouet qui distend l’espace-temps. Vous me direz que c’est la même chose au volant d’une McLaren Senna ou d’une Pagani Utopia. Non.
Le V6 Ferrari réagit comme s’il n’avait aucune inertie, zéro temps de réponse, pas de limites. En une seule accélération, je ravale ma question concernant les regrets d’un V12. Non, rien de rien, ce 3 litres suralimenté et boosté par l’électricité ne manque de rien.
Il réincarne la violence du V8 de la F40, la progressivité du V12 de la F50, l’allonge de celui de l’Enzo et la force surnaturelle d’une LaFerrari. En parlant d’émotions, c’est le moment de plonger dans le premier virage, et là, ça devient carrément lunaire. La F80 douce comme un agneau se change en mutant.
Je touche à peine les freins et le décor se fige, je commence tout juste à braquer et le nez fuse vers la corde avec une rapidité et une fluidité indescriptibles. Je n’ai jamais ressenti ça derrière un volant. A tel point que je sens la peau de l’arrière de mon crâne se rétracter. J’en ai des spasmes d’euphorie.
Il y a des voitures qui donnent l’impression de faire corps avec la machine, là, c’est l’inverse : c’est comme si l’instrument devenait un organisme vivant. La première chose à laquelle j’ai pensé, c’est au film Avatar.
Lorsque les héros apprivoisent des dragons sauvages pour les transformer en armes de guerre. Voilà, c’est exactement cela : la F80 est un animal fabuleux. Elle fonce vers la corde comme si elle plongeait dans le vide, se cale sur ses appuis tout en spiralant autour du virage, puis se relance dans un battement d’ailes qui se fracassent.
Les freins mordent, le nez pique et elle vous obéit au doigt et à l’œil, par télépathie. J’en ai le souffle coupé, le regard exorbité, les poils hérissés. Des sensations indescriptibles passent par la direction. Celle de la F80 est différente des autres modèles de Maranello, en matière de consistance, tout en paraissant encore plus connectée.
Au moment même où le train avant entre en action, vous avez l’impression de pouvoir prédire ce que va faire la voiture. Comme si vous voyiez le moindre gravier sous les roues et que vous saviez comment elle va se comporter. Il y a une densité mais aucun effet de couple dans le volant, seulement une liaison directe entre vos mains et les pneus avant. Et tout est à l’avenant.
Depuis l’architecture de la suspension jusqu’à l’amortissement, en passant par l’ensemble des aides électroniques et les moteurs électriques à l’avant. Tout est d’une transparence, d’une homogénéité et d’une limpidité absolues. Non seulement la F80 se comporte comme une pure propulsion (malgré ses roues avant électriques), mais elle reste accessible.
Et curieusement plus facile à appréhender qu’une SF90 Stradale, en donnant moins d’impression de poids sur le nez et davantage de rigidité. On le doit notamment au tout nouveau châssis carbone. Il est 50 % plus rigide que celui de LaFerrari, en torsion et en flexion, 5 % plus léger et accessoirement plus civilisé dans la mesure où il absorbe mieux les bruits de roulement.
Le confort s’en ressent sur route ouverte, là où l’on pouvait s’attendre à un filtrage hard-core de 499P du Mans. Idem en ce qui concerne la place à bord, loin d’être caricaturale. Les baquets décalés (celui du passager est un peu reculé par rapport à celui du conducteur) laissaient craindre un manque d’espace aux coudes.
On y tient pourtant facilement à deux, et j’ai même pu glisser ma carcasse de 1,91 m sur le siège passager pourtant censé être limité à un gabarit de 1,85 m. Comme dans du beurre. La fin du galop d’essai sur route ouverte est l’occasion de dresser un premier bilan : la F80 est très à l’aise dans des conditions normales de circulation.
C’est le jour et la nuit par rapport à une Koenigsegg Agera ou à une Aston Martin Valkyrie. Même si cela n’enlève rien au fait qu’un circuit est fortement conseillé pour avoir une idée de son potentiel. Rappel des faits : 1 200 ch cumulés pour 1 525 kg revendiqués à sec, 2’’15 de 0 à 100 km/h, 5’’75 de 0 à 200 km/h et 350 km/h en pointe.

Démonstration

La seconde partie de notre parcours d’essai fait une halte sur piste. Celle de Misano, dans le Nord de l’Italie : 4,2 km dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, au terme de dix courbes à droite, six à gauche et une ligne de droite de 600 m, pas bien longue mais suffisante pour être satellisé. Au programme des réjouissances : entrée, plat, dessert.
A savoir un premier tiers de piste assez lent et technique, pour sentir le travail du torque vectoring en entrée et en sortie de virages serrés. Un deuxième tiers plus dégagé pour jauger le grip et l’accélération longitudinale.
Un troisième tiers de courbes rapides pour appréhender la stabilité de l’aérodynamique active (1 050 kg d’appui à 250 km/h), avant de replonger dans la première section lente en appontant pour tester l’ABS Evo et les décélérations offertes par les fameux disques en carbone de compétition CCM-R. Mais avant de plonger dans le grand bain, une explication de fonctionnement du boost électrique s’impose.
Ferrari détaille : « Cette fonction, n’est disponible qu’en modes Qualify et Performance, après avoir effectué un premier tour d’acquisition, au cours duquel le système identifie les caractéristiques de la piste. Cette stratégie d’optimisation détermine à quel endroit l’électricité offre le plus d’avantages pour réduire le temps au tour.
Il s’agit des sorties de virage, que le système privilégie toujours par rapport à l’accélération en ligne droite. En mode Performance, la fonction permet d’utiliser la puissance du groupe motopropulseur pendant une période plus longue et pour un plus grand nombre de tours. »
Quant aux tours plein boost possibles en mode Qualify, ils sont comptés : « Il est probable que l’état de charge de la batterie ne garantisse pas plus d’un tour, peut-être deux, mais ce n’est pas sûr. » Quoi qu’il en soit, la F80 s’élance sur la piste en décollant comme un Rafale (l’avion, pas la Renault).
Au volant, l’impression qui prédomine concerne le centre de gravité très, très bas. Rappelons que la suspension active sert à abaisser la hauteur de caisse. En suivant le même principe que celle de la Purosangue mais avec un système complètement différent, c’est-à-dire à poussoirs et à double triangulation avant/arrière.
En clair, et contrairement aux suspensions classiques qui se cantonnent à se verrouiller sur circuit, celle de la F80 est capable de changer d’état d’esprit. Il est effectivement possible de jouer en direct sur les réactions de a voiture, d’avoir un peu plus de sous-virage, de neutralité ou un peu plus de survirage.
Ou encore d’abaisser l’assiette pour favoriser l’effet de l’aérodynamique active. Au volant, sans avoir le temps de comprendre le dixième de ces réglages, cela donne le sentiment d’un mariage parfait en position comme en mouvement, toutes fréquences confondues.
Dès le troisième virage sur la piste, la F80 matérialise l’étape ultime de la gestion du roulis, du cabrage, de la plongée et du lacet… le tout avec un naturel légèrement sous-vireur pour toujours rester accessible. C’est au-delà de la perfection, Ferrari repousse ici les limites à un niveau inexploré.
Je pèse mes mots ; il s’agit d’une nouvelle ère de sensations de conduite. La stabilité indéboulonnable à haute vitesse est au diapason. Quelle que soit la cadence, la F80 inspire confiance là où la Valkyrie intimide.
Même chose au freinage, grâce au système emprunté à la 296 Challenge et utilisé pour la première fois sur route. Rappelons qu’il est question d’un carbone spécial dont le coefficient de frottement permet un usage prolongé sur piste.
« Ces disques sont les joyaux de la couronne du projet », précisent les ingénieurs de Maranello, et il faut reconnaître que la force des décélérations est très inhabituelle. S’ils sont plus mordants que les mâchoires de requin d’une McLaren Senna ?
Difficile à dire en quelques tours, mais ce qui est certain, c’est que les freinages survolent en intensité la production des supercars actuelles. Au même titre que l’ensemble des capacités de la F80, qui va bien au-delà d’une Pagani Utopia ou d’une Koenigsegg Agera. Inutile de chercher des éléments de comparaison, il n’y en a pas. La F80 ouvre une nouvelle voie.

L'avis de Laurent Chevalier : 5/5

Je m’attendais à prendre une claque, mais pas à ce point-là ! La F80 efface toutes les références en matière de sensations dynamiques pour ouvrir une nouvelle brèche. Jamais une auto n’a été aussi communicative, agile, limpide, ni aussi généreuse à fabriquer des émotions au volant. Ce n’est plus une question de technologie ni d’efficacité mais bel et bien d’adrénaline pure. Le genre d’expérience qui surclasse absolument tout.

Ferrari F80 : sa fiche technique

  • Moteur thermique : V6 à 120°, biturbo, 24 S
  • Cylindrée : 2 992 cm3
  • Puissance thermique maxi : 900 ch à 8 750 tr/mn
  • Régime maxi : 9 200 tr/mn (limiteur dynamique)
  • Couple thermique maxi : 86,6 mkg à 5 500 tr/mn
  • Moteurs électriques : 2 AV e-4WD (142 ch x2) + 1 AR MGU-K (81 ch)
  • Puissance électrique maxi : 300 ch
  • Capacité de la batterie : 6,16 kWh
  • Puissance cumulée : 1 200 ch
  • Transmission : intégrale permanente (essieu avant connecté jusqu’à 350 km/h), 8 rapports à double embrayage
  • Antipatinage/autobloquant : TC, SSC 9.0/E-diff
  • Poids annoncé : 1 525 kg (à sec)
  • Répartition AV/AR : 42,2/57,8 %
  • Rapport poids/puissance : 1,27 kg/ch
  • L - l - h : 4 840 - 2 060 - 1 138 mm
  • Empattement : 2 665 mm
  • Pneus AV & AR : 285/30 R 20 & 345/30 R 21
  • Freins AV & AR : disques carbone-céramique (408/390 mm)
  • Réservoir : 63,5 l
  • Prix de base : 4 300 000 €
  • Prix des options/malus : NC/70 000 €
  • Prix du modèle essayé : 4 370 000 € (malus compris)
  • Production : 799 ex.
  • V. max. : 350 km/h
  • 0 à 100 km/h : 2’’15
  • 0 à 200 km/h : 5’’75
  • Freinage de 100 à 0 km/h : 28 m
  • Freinage de 200 à 0 km/h : 98 m

Retrouvez notre essai de la nouvelle Ferrari F80 dans le Sport Auto n°763 du 25/07/2025.

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