Essai - Nouvelle Ferrari F80 : comment elle surclasse Bugatti, Pagani ou Koenigsegg...
Dès les premiers tours de roues à son volant, c’est une évidence : il y aura un avant et un après. Oubliez les Pagani, Koenigsegg et Bugatti… La Ferrari F80 redistribue les cartes en haut de la hiérarchie en repoussant les sensations de conduite à un niveau jamais atteint. Jamais. Parole de Sport Auto !
La scène se passe en Italie, dans la région des Marches, à une
petite cinquantaine de kilomètres au sud de Saint-Marin. Au gré
d’une départementale escarpée, sur laquelle on ne s’attend pas à
avoir une révélation.
C’est pourtant ce qui se produit. Mieux, c’est une apparition, une
évidence fulgurante, un signe éminemment palpable qui matérialise
l’existence d’un état suprême de la conduite. Cette petite dizaine
de minutes volées au volant de la F80 pendant notre séance photos
restera gravée dans ma mémoire à tout jamais.
Je parle d’un niveau de sensations qui relègue ces vingt dernières
années à essayer toutes les supercars de la planète… aux
oubliettes. La F80 marque un pas décisif par
rapport aux Pagani, Koenigsegg, Bugatti ou Aston Martin Valkyrie,
entre autres.
Je ne fais pas seulement référence à ses qualités dynamiques mais
aussi et surtout à sa capacité à générer des sensations. A vous
faire vivre des moments qui donnent l’impression d’être en
lévitation.
Mutation
Première ligne droite. Je tente une accélération sur le mode
Race, pour voir. J’ai vu. Au moment où mon gros orteil effleure la
pédale de droite, la F80 explose dans un coup de fouet qui distend
l’espace-temps. Vous me direz que c’est la même chose au volant
d’une McLaren Senna ou d’une Pagani Utopia. Non.
Le V6 Ferrari réagit comme s’il n’avait aucune inertie, zéro temps
de réponse, pas de limites. En une seule accélération, je ravale ma
question concernant les regrets d’un V12. Non, rien de rien, ce 3
litres suralimenté et boosté par l’électricité ne manque de
rien.
Il réincarne la violence du V8 de la F40, la progressivité du V12
de la F50, l’allonge de celui de l’Enzo et la force surnaturelle
d’une LaFerrari. En parlant d’émotions, c’est le moment de plonger
dans le premier virage, et là, ça devient carrément lunaire. La
F80 douce comme un agneau se
change en mutant.
Je touche à peine les freins et le décor se fige, je commence tout
juste à braquer et le nez fuse vers la corde avec une rapidité et
une fluidité indescriptibles. Je n’ai jamais ressenti ça derrière
un volant. A tel point que je sens la peau de l’arrière de mon
crâne se rétracter. J’en ai des spasmes d’euphorie.
Il y a des voitures qui donnent l’impression de faire corps avec la
machine, là, c’est l’inverse : c’est comme si l’instrument devenait
un organisme vivant. La première chose à laquelle j’ai pensé, c’est
au film Avatar.
Lorsque les héros apprivoisent des dragons sauvages pour les
transformer en armes de guerre. Voilà, c’est exactement cela : la
F80 est un animal fabuleux. Elle fonce vers la corde comme si elle
plongeait dans le vide, se cale sur ses appuis tout en spiralant
autour du virage, puis se relance dans un battement d’ailes qui se
fracassent.
Les freins mordent, le nez pique et elle vous obéit au doigt et à
l’œil, par télépathie. J’en ai le souffle coupé, le regard
exorbité, les poils hérissés. Des sensations indescriptibles
passent par la direction. Celle de la F80 est différente des autres
modèles de Maranello, en matière de consistance, tout en paraissant
encore plus connectée.
Au moment même où le train avant entre en action, vous avez
l’impression de pouvoir prédire ce que va faire la voiture. Comme
si vous voyiez le moindre gravier sous les roues et que vous saviez
comment elle va se comporter. Il y a une densité mais aucun effet
de couple dans le volant, seulement une liaison directe entre vos
mains et les pneus avant. Et tout est à l’avenant.
Depuis l’architecture de la suspension jusqu’à l’amortissement, en
passant par l’ensemble des aides électroniques et les moteurs électriques à l’avant.
Tout est d’une transparence, d’une homogénéité et d’une limpidité
absolues. Non seulement la F80 se comporte comme une pure
propulsion (malgré ses roues avant électriques), mais elle reste
accessible.
Et curieusement plus facile à appréhender qu’une SF90 Stradale, en
donnant moins d’impression de poids sur le nez et davantage de
rigidité. On le doit notamment au tout nouveau châssis carbone. Il
est 50 % plus rigide que celui de LaFerrari, en torsion et en
flexion, 5 % plus léger et accessoirement plus civilisé dans la
mesure où il absorbe mieux les bruits de roulement.
Le confort s’en ressent sur route ouverte, là où l’on pouvait
s’attendre à un filtrage hard-core de 499P du Mans. Idem en ce qui
concerne la place à bord, loin d’être caricaturale. Les baquets
décalés (celui du passager est un peu reculé par rapport à celui du
conducteur) laissaient craindre un manque d’espace aux coudes.
On y tient pourtant facilement à deux, et j’ai même pu glisser ma
carcasse de 1,91 m sur le siège passager pourtant censé être limité
à un gabarit de 1,85 m. Comme dans du beurre. La fin du galop
d’essai sur route ouverte est l’occasion de dresser un premier
bilan : la F80 est très à l’aise dans des conditions normales de
circulation.
C’est le jour et la nuit par rapport à une Koenigsegg Agera ou à
une Aston Martin Valkyrie. Même si cela n’enlève rien au fait qu’un
circuit est fortement conseillé pour avoir une idée de son
potentiel. Rappel des faits : 1 200 ch cumulés pour 1 525 kg
revendiqués à sec, 2’’15 de 0 à 100 km/h, 5’’75 de 0 à 200 km/h et
350 km/h en pointe.
Démonstration
La seconde partie de notre parcours d’essai fait une halte sur
piste. Celle de Misano, dans le Nord de l’Italie : 4,2 km dans le
sens inverse des aiguilles d’une montre, au terme de dix courbes à
droite, six à gauche et une ligne de droite de 600 m, pas bien
longue mais suffisante pour être satellisé. Au programme des
réjouissances : entrée, plat, dessert.
A savoir un premier tiers de piste assez lent et technique, pour
sentir le travail du torque vectoring en entrée et en sortie de
virages serrés. Un deuxième tiers plus dégagé pour jauger le grip
et l’accélération longitudinale.
Un troisième tiers de courbes rapides pour appréhender la stabilité
de l’aérodynamique active (1 050 kg d’appui à 250 km/h), avant de
replonger dans la première section lente en appontant pour tester
l’ABS Evo et les décélérations offertes par les fameux disques en
carbone de compétition CCM-R. Mais avant de plonger dans le grand
bain, une explication de fonctionnement du boost électrique
s’impose.
Ferrari détaille : « Cette fonction, n’est disponible qu’en
modes Qualify et Performance, après avoir effectué un premier tour
d’acquisition, au cours duquel le système identifie les
caractéristiques de la piste. Cette stratégie d’optimisation
détermine à quel endroit l’électricité offre le plus d’avantages
pour réduire le temps au tour.
Il s’agit des sorties de virage, que le système privilégie toujours
par rapport à l’accélération en ligne droite. En mode Performance,
la fonction permet d’utiliser la puissance du groupe motopropulseur
pendant une période plus longue et pour un plus grand nombre de
tours. »
Quant aux tours plein boost possibles en mode
Qualify, ils sont comptés : « Il est probable que l’état de
charge de la batterie ne garantisse pas plus d’un tour, peut-être
deux, mais ce n’est pas sûr. » Quoi qu’il en soit, la F80
s’élance sur la piste en décollant comme un Rafale (l’avion, pas la
Renault).
Au volant, l’impression qui prédomine concerne le centre de gravité
très, très bas. Rappelons que la suspension active sert à abaisser
la hauteur de caisse. En suivant le même principe que celle de la
Purosangue mais avec un système complètement différent,
c’est-à-dire à poussoirs et à double triangulation
avant/arrière.
En clair, et contrairement aux suspensions classiques qui se
cantonnent à se verrouiller sur circuit, celle de la F80 est
capable de changer d’état d’esprit. Il est effectivement possible
de jouer en direct sur les réactions de a voiture, d’avoir un peu
plus de sous-virage, de neutralité ou un peu plus de survirage.
Ou encore d’abaisser l’assiette pour favoriser l’effet de
l’aérodynamique active. Au volant, sans avoir le temps de
comprendre le dixième de ces réglages, cela donne le sentiment d’un
mariage parfait en position comme en mouvement, toutes fréquences
confondues.
Dès le troisième virage sur la piste, la F80 matérialise l’étape
ultime de la gestion du roulis, du cabrage, de la plongée et du
lacet… le tout avec un naturel légèrement sous-vireur pour toujours
rester accessible. C’est au-delà de la perfection, Ferrari repousse
ici les limites à un niveau inexploré.
Je pèse mes mots ; il s’agit d’une nouvelle ère de sensations de
conduite. La stabilité indéboulonnable à haute vitesse est au
diapason. Quelle que soit la cadence, la F80 inspire confiance là
où la Valkyrie intimide.
Même chose au freinage, grâce au système emprunté à la 296
Challenge et utilisé pour la première fois sur route. Rappelons
qu’il est question d’un carbone spécial dont le coefficient de
frottement permet un usage prolongé sur piste.
« Ces disques sont les joyaux de la couronne du projet »,
précisent les ingénieurs de Maranello, et il faut reconnaître que
la force des décélérations est très inhabituelle. S’ils sont plus
mordants que les mâchoires de requin d’une McLaren Senna ?
Difficile à dire en quelques tours, mais ce qui est certain, c’est
que les freinages survolent en intensité la production des
supercars actuelles. Au même titre que l’ensemble des capacités de
la F80, qui va bien au-delà d’une Pagani Utopia ou d’une Koenigsegg
Agera. Inutile de chercher des éléments de comparaison, il n’y en a
pas. La F80 ouvre une nouvelle voie.
L'avis de Laurent Chevalier : 5/5
Je m’attendais à prendre une claque, mais pas à ce point-là ! La F80 efface toutes les références en matière de sensations dynamiques pour ouvrir une nouvelle brèche. Jamais une auto n’a été aussi communicative, agile, limpide, ni aussi généreuse à fabriquer des émotions au volant. Ce n’est plus une question de technologie ni d’efficacité mais bel et bien d’adrénaline pure. Le genre d’expérience qui surclasse absolument tout.
Ferrari F80 : sa fiche technique
- Moteur thermique : V6 à 120°, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 2 992 cm3
- Puissance thermique maxi : 900 ch à 8 750 tr/mn
- Régime maxi : 9 200 tr/mn (limiteur dynamique)
- Couple thermique maxi : 86,6 mkg à 5 500 tr/mn
- Moteurs électriques : 2 AV e-4WD (142 ch x2) + 1 AR MGU-K (81 ch)
- Puissance électrique maxi : 300 ch
- Capacité de la batterie : 6,16 kWh
- Puissance cumulée : 1 200 ch
- Transmission : intégrale permanente (essieu avant connecté jusqu’à 350 km/h), 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : TC, SSC 9.0/E-diff
- Poids annoncé : 1 525 kg (à sec)
- Répartition AV/AR : 42,2/57,8 %
- Rapport poids/puissance : 1,27 kg/ch
- L - l - h : 4 840 - 2 060 - 1 138 mm
- Empattement : 2 665 mm
- Pneus AV & AR : 285/30 R 20 & 345/30 R 21
- Freins AV & AR : disques carbone-céramique (408/390 mm)
- Réservoir : 63,5 l
- Prix de base : 4 300 000 €
- Prix des options/malus : NC/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 4 370 000 € (malus compris)
- Production : 799 ex.
- V. max. : 350 km/h
- 0 à 100 km/h : 2’’15
- 0 à 200 km/h : 5’’75
- Freinage de 100 à 0 km/h : 28 m
- Freinage de 200 à 0 km/h : 98 m
Retrouvez notre essai de la nouvelle Ferrari F80 dans le Sport Auto n°763 du 25/07/2025.


