Essai - Aston Martin Valhalla : 1er contact avec une "bête" fort bien élevée !
Dans la mythologie nordique, le Valhalla accueille l’âme des valeureux guerriers morts au combat. Un nom intimidant pour une supercar certes impressionnante, mais dont les traits cachent un tempérament docile. 1er contact avec l'Aston Martin, une bête fort bien élevée.
J'éclate d’un rire enfantin tandis que je m’extrais de l’épingle
« Cygnet » avec quelques degrés de contre-braquage, dosant
accélérateur et volant avec une facilité déconcertante, V8 grondant
dans mon dos et pneus Michelin Pilot Sport S 5 crissant sous mes
fesses.
Je prends des libertés incroyables avec ce prototype unique alors
que je ne suis à ses commandes que depuis quelques minutes !
L’espace d’un instant, je me prends pour un super‑héros, grisé
comme a pu l’être Peter Parker/Spider‑Man après avoir été piqué par
une araignée radioactive.
Je me pincerais bien volontiers si je ne tenais pas fermement le
petit volant entre mes mains. Tout juste le temps de me rendre
compte de l’incongruité du moment que la ligne droite d’à peine 300
m est déjà avalée, et le compteur tutoie les 140 miles à l’heure
(225 km/h) lorsque je me jette sur les freins carbone‑céramique
avant de plonger dans le droite‑gauche « Alonso ». Purée, quel
engin !
Un air de Formule 1
Ce n’est pas tous les jours que l’on est invité à essayer une
supercar de plus de 1 000 ch. Encore moins pendant vingt bonnes
minutes, en solo, sans chaperon dans le siège passager pour nous
rappeler toutes les dix secondes d’y aller mollo.
C’est pourtant bien le programme qui m’attend alors que je débarque
sur le circuit de Silverstone en ce matin d’été gris comme
l’Angleterre en a le secret. Au moins la pluie ne devrait‑elle pas
nous déranger, ce qui me rassure, car je n’en mène pas trop large
en découvrant l’impressionnante bête, longue, large et basse (1,16
m seulement !).
La parenté spirituelle avec la Valkyrie saute aux yeux, même si les
deux autos n’ont pas grand-chose en commun. Elle n’en reste pas
moins un festin de fibre de carbone, matériau modelé dans des
formes incroyablement complexes afin de dompter les flux d’air, ce
qui lui permet notamment de générer jusqu’à 600 kg d’appui à partir
de 240 km/h.
Le profil de la lame avant évoque la F1, ce qui n’a rien d’un
hasard : les collègues de l’Aston Martin Formula One Team
ont été sollicités pour prodiguer leur savoir-faire en matière de
matériaux composites et d’aérodynamique (leurs locaux sont situés à
500 m à vol d’oiseau).
Faux châssis en aluminium
L’ingénieur en chef Andrew Kay nous détaille sa dernière
création. Andrew a débarqué chez Aston Martin en 2022, après
avoir passé dix ans chez Lotus puis neuf ans chez McLaren. Autant
dire qu’il connaît deux ou trois bricoles au sujet des sportives
!
"L’aérodynamique active tient une place prépondérante sur ce
modèle, avec une lame pilotée à l’avant qui complète l’aileron
arrière. La répartition de l’appui est de 40 % à l’avant et 60 % à
l’arrière, mais varie en continu selon les besoins. A partir de 240
km/h, on réduit progressivement le braquage des ailerons afin de ne
pas surcharger les pneus."
La cellule centrale – en carbone, comme il se doit – reçoit de part
et d’autre de faux châssis en aluminium extrudé qui accueillent les
liaisons au sol et la mécanique (contrairement à la Valkyrie, le
moteur n’est pas boulonné directement à la baignoire en carbone).
Le V8 4.0 biturbo provient d’une Mercedes-AMG GT Black Series et en
retient notamment son vilebrequin plat.
"En revanche, nous avons mis de nouveaux turbos plus gros et
revu l’admission comme l’échappement", précise Andrew Kay. A
lui seul, ce V8 délivre 828 ch et 87,4 mkg de couple. Il est
complété par un moteur électrique intégré à la toute nouvelle boîte
à double embrayage et huit rapports, ainsi que par deux autres à
l’avant entraînant chacun une roue.
"Les moteurs avant ne sont jamais débrayés, à l’inverse de ce
que font certains de nos concurrents : vous avez cette puissance
additionnelle jusqu’à la bride électronique, fixée à 350
km/h."
Vectoriser le couple
Ces deux machines électriques permettent de vectoriser le
couple, afin d’accentuer ou réduire les mouvements de lacet, en
complément du différentiel arrière piloté électroniquement.
Andrew Kay ne cache pas sa fierté – teintée d’une pointe de
gourmandise ! – lorsqu’il évoque les détails fascinants de cet
engin, comme la chaleur générée dans le compartiment moteur («
Entre les turbos et les deux catalyseurs, on atteint les 1 000 °C à
l’intérieur du V ! ») ou l’incroyable sophistication de la boîte
électrifiée : "Le moteur intégré n’engrène que les rapports
pairs, mais ça fonctionne parfaitement car on peut enclencher deux
vitesses en même temps. C’est assez complexe."
Tu m’étonnes, John ! La voiture que nous essayons aujourd’hui n’est
encore qu’un prototype, mais visiblement suffisamment avancé pour
en confier les clés à des curieux de mon espèce. « En ce qui
concerne la partie “hardware”, tout est identique au modèle de
production. En revanche, nous continuons d’affiner la partie
logicielle », concède Andrew. On devine que cela ne doit pas
être une mince affaire…
Mettre à l’aise
Alors que mon vénérable confrère italien effectue ses tours de
circuit (honneur aux aînés !), j’échange avec Simon Newton, le
metteur au point de la Valhalla. Je lui demande comment
celle-ci se positionne en matière de philosophie par rapport à la
Valkyrie.
"La Valkyrie était extrême et restera un modèle à part. Nous
avons voulu la Valhalla plus accessible, un peu plus confortable,
qu’elle soit une proposition plus équilibrée. Quel que soit son
niveau de pilotage, il est possible de se faire plaisir à son
volant."
De fait, mon confrère n’en est qu’à son deuxième tour et il semble
déjà très à l’aise avec l’engin. De mon côté, et malgré l’accueil
charmant qui nous est réservé, je demeure partagé entre excitation
et appréhension.
Heureusement, nos hôtes ont bien fait les choses et ont prévu de
nous laisser effectuer quelques tours au volant d’une Vantage afin
de nous familiariser avec ce tracé de Stowe, qui tient davantage du
tourniquet pour track days que de la piste FIA.
Il ne développe en effet que 1 740 m et, pour ne rien arranger,
c’est un vrai champ de mines constellé de trous et de bosses. Pour
un peu, on se croirait dans une rue de Paris ! Comment la Valhalla
peut-elle encaisser un tel traitement avec sa garde au sol de
seulement 109 mm ?
L’heure est venue de le déterminer. Simon m’emmène d’abord pour un
tour en passager, afin de m’expliquer les différents modes. "Le
mode EV, tu oublies pour cette fois, c’est le mode 100 % électrique
avec 8 à 10 km d’autonomie. Sport, c’est le mode par défaut, où V8
et électricité travaillent ensemble. Puis tu as Sport+ et Race. On
va se mettre en Race aujourd’hui !"
Dans ce mode, l’aileron arrière s’érige de 255 mm et
l’aérodynamique active entre en action, en pilotant l’inclinaison
des plans et en offrant même un aérofrein. "Pour désactiver
l’ESP, tu appuies ici. Ensuite, tu peux régler l’antipatinage sur
neuf niveaux. Ne te trompe pas : le niveau 9, c’est zéro
anti-patinage !"
Notre pilote en rajoute un peu histoire de m’impressionner, en
faisant abondamment glisser la bête en courbe. La première
accélération à pleins gaz me coupe le souffle. En revanche, côté
sonorité mécanique, on est loin du V12 de la Valkyrie : le
grondement qui résonne dans l’habitacle tient plus de la machine
industrielle que de l’instrument de musique. Après ce petit tour,
nous rentrons au stand et Simon me laisse sa place.
Equilibre remarquable
Malgré la coque en carbone, l’accès à bord reste relativement
aisé, grâce à des seuils latéraux pas trop épais et à des portières
découpant une large échancrure sur le toit. On est assis très bas,
avec les jambes légèrement surélevées, face à un volant aux
contours trapézoïdaux. Le carbone forgé le dispute au cuir et à
l’Alcantara dans un étonnant mélange d’ascétisme et de luxe.
Les premiers hectomètres sont encourageants, avec des commandes à
la réponse naturelle et un bon feeling à la pédale de frein. Après
quelques virages, je commence à hausser le rythme et… je freine
trop tôt, je braque trop, bref, j’en fais trop.
Tout à l’heure, je trouvais que la Vantage avait un bon train
avant, mais en comparaison avec la Valhalla, c’est un autobus !
Pourtant, malgré tout ce carbone, elle affiche 1 655 kg à sec. Mais
on peine à le croire lorsque l’on est au volant.
Douce et précise, avec une montée en effort parfaitement linéaire,
la direction assistée électrique est probablement la meilleure
qu’il m’ait été donné d’essayer, à tel point que l’on pourrait la
confondre avec une électro‑hydraulique.
Elle dicte ses ordres à un nez qui s’empresse d’obéir, bien épaulé
par la vectorisation du couple. Les moteurs avant aident aussi à
rééquilibrer l’auto en sortie de virage, et la motricité apparaît
épatante vu la colossale puissance disponible.
Côté suspension, les amortisseurs Bilstein (« inboard » à l’avant
pour abaisser le nez de l’auto) encaissent tous les trous et bosses
avec un flegme remarquable. La piste tabasse, mais la Valhalla ne
se laisse pas intimider : tenue de cap impériale, pas l’ombre d’un
talonnage des suspensions.
Une formidable école de pilotage !
Les freins ? Ces éléments en carbone (410 mm à l’avant, 390 à
l’arrière !) ne craignent rien : tour après tour, ils reçoivent les
pires mauvais traitements sans jamais broncher, bien secondés par
l’aérofrein qui surgit dans le rétroviseur (à caméra, vu qu’il n’y
a pas de lunette arrière).
Et grâce au pilotage « by‑wire », les sensations à la
pédale restent constantes et parfaitement linéaires, gommant toute
transition entre régénération et décélération mécanique. La course
longue facilite par ailleurs le dosage.
Mais comme je l’ai dit, ce qui impressionne le plus, c’est
l’équilibre remarquable du comportement routier. La Valhalla
pardonne vos petites erreurs tout en vous prenant par la main
lorsque vous vous enhardissez. Une formidable école de pilotage
!
La perfection ? On la touche du bout des doigts. La boîte m’a
plusieurs fois refusé des rétrogradages (« Cette auto a une
version de logiciel un peu ancienne, nous travaillons encore dessus
», a admis Simon) et l’on aimerait disposer d’une « shift
light » pour savoir à quel moment passer la vitesse supérieure sans
devoir lorgner en permanence le compte‑tours (c’est prévu dans une
future itération du logiciel).
Les suspensions avant, étonnamment souples, ont tendance à piocher
en entrée de virage, un comportement paraît‑il voulu afin que l’on
sente mieux les limites du train avant. Enfin, un petit tour sans
casque à basse vitesse pour les photos mettra en évidence une
insonorisation disons… sportive.
Sans être assourdissante comme une Valkyrie, la Valhalla n’en est
pas pour autant une GT taillée pour les longs trajets. De toute
manière, elle n’a pas de coffre. N’empêche, quel formidable jouet
!
L'avis de Vincent Desmonts
Aussi spectaculaire que facile à prendre en main,
ultra-performante et en même temps docile, l’Aston Martin Valhalla
m’a laissé sans voix. Qu’un engin aussi radical reste ludique et
accessible quel que soit votre niveau de pilotage ne peut que
fasciner.
Plus surprenant encore : le tarif, certes très élevé dans l’absolu,
paraît presque raisonnable au vu des technologies déployées
(rappelons que la Valkyrie coûtait 2,5 millions d’euros). De toute
manière, seuls 999 exemplaires sont prévus…
Aston Martin Valhalla : sa fiche technique
- Moteur thermique : V8, biturbo, 32 S
- Cylindrée : 3 996 cm3
- Moteurs électriques : 3 (2 à l’avant + 1 à l’arrière)
- Puissance thermique maxi : 828 ch à 6 700 tr/mn
- Couple thermique maxi : 87,4 mkg
- Puissance électrique : 251 ch
- Capacité de batterie brute/nette : 6/4,8 kWh
- Autonomie électrique : 14 km
- Puissance maxi cumulée : 1 079 ch
- Couple maxi cumulé : 112,1 mkg
- Transmission : intégrale, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série/piloté
- Poids annoncé : 1 655 kg (à sec)
- Rapport poids/puissance : 1,5 kg/ch
- L - l - h : 4 727 - 2 014 - 1 161 mm
- Empattement : 2 760 mm
- Voies AV/AR : 1 731/1 672 mm
- Pneus AV & AR : 285/30 R 20 & 335/30 R 21 (Michelin Pilot Sport S 5)
- Freins AV & AR : disques carbone-céramique (410/390 mm)
- Réservoir : 65 l
- Prix de base : 988 000 €
- Prix des options/malus : NC/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 1 058 000 € (hors options, malus compris)
- Production : 999 ex.
- V. max. : 350 km/h (bride électronique)
- 0 à 100 km/h : 2’’5
Retrouvez notre essai de l'Aston Martin Valhalla dans le Sport Auto n°764 du 29/08/2025.


