Essai - Porsche 911 GT3 (Type 992, phase 2) : aiguiser l'outil...

Il y a plusieurs façons de considérer la nouvelle mouture de la Porsche 911 GT3. La première consiste à déplorer le statu quo en matière de puissance et de poids. Mais derrière les chiffres qui stagnent, il y a un travail de fourmi destiné à aiguiser l’outil. Autant de nuances qui font la différence.
Enchaîner des tours de circuit au volant d’une 911 GT3 ? Evidemment que j’ai levé le doigt ! Le rendez-vous est pris sur la piste Ricardo-Tormo de Valence, en Espagne, pour un jeu des 7 erreurs grandeur nature, en long et en large mais pas en travers, puisqu’il est formellement interdit de couper l’ESP. Snif.
6 tours de 4 km, en liberté surveillée, derrière un poisson-pilote en GT3 RS type 992 phase 1. Otez le premier tour de reconnaissance et le dernier pour refroidir… il n’en reste que 4 pour évaluer les nuances entre la GT3 type 992.2 et son aînée, la 992.1.
Blanc bonnet et bonnet blanc : 510 ch dans les deux cas, on y reviendra, et 2 malheureux kilos d’écart, on en reparlera aussi. Mais pour l’instant, direction le nouveau baquet. Tiens, pratique ce coussinet d’appuie-tête qui se retire d’un simple clic pour laisser davantage de recul à la nuque, une fois casqué.
Bonheur à la clé
La première bonne surprise concerne la procédure de démarrage du flat 6, c’est-à-dire avec une mollette dont le mouvement rappelle celui des anciennes clés, à l’heure où les dernières Carrera, Carrera S et GTS ont toutes cédé au bouton Start Engine interchangeable et monotone. « C’est une volonté de notre part », précise Jörg Bergmeister, pilote et ambassadeur de Porsche, qui a participé à la mise au point.
Le genre de petit détail qui laisse penser que les ingénieurs responsables de cette auto sont bel et bien les plus picousés de la bande de Weissach. L’autre bonne nouvelle se rapporte à la sonorité du flat 6 au démarrage, qui ne semble pas aussi étouffée qu’on aurait pu le craindre, en l’imaginant croulant sous la pile sans cesse grandissante de filtres imposés par la réglementation.
En remontant la pit lane sur un filet de gaz, les yeux rivés sur le compteur pour ne pas dépasser les 30 km/h autorisés, la GT3 ronge son frein. Ils sont en carbone-céramique optionnel sur notre premier modèle d’essai pour mieux plonger dans le grand bain, puis en acier sur la deuxième version testée, ce qui nous permettra d’évaluer les différences entre les deux systèmes.
On verra ça plus tard. Pour le moment, place à l’accélération. Le feu vert du bout des stands donne le signal, et la boîte rétrograde en extirpant du flat 6 des soubresauts qui font froid dans le dos. Des sortes d’aboiements en cascade, infiniment plus aériens que ceux de la dernière 911 Carrera GTS.
Le 4 litres hennit et projette l’aiguille du compte-tours vers la zone rouge, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. La deuxième vitesse varappe à 100 km/h dans une complainte qui vous transperce les tripes, et la boîte PDK passe la troisième avec l’impassibilité d’un métronome et la vitesse d’un uppercut.
La GT3 plonge dans le gauche d’Aspar avec une rapidité sidérante et une précision, à l’envie de remettre une pièce dans la machine pour avaler le bout droit qui suit.
L’aiguille grimpe à 8 500 tr/mn, puis chute d’à peine 1 500 tr/mn en quatrième, en repartant de plus belle sans que l’accélération faiblisse. La GT3 crawle au cœur de sa plage de régime, tout en haut du compte‑tours. A partir de 6 000 tr/mn, c’est un poisson dans l’eau et vous, un chat sur un radiateur. Le bonheur.
D’autant que les rapports ont l’air de tirer plus court que ceux de la version précédente, et d’être encore plus prompts à la relance. La motricité ? C’est mouillé ! Pas détrempé, mais assez pour s’écarter volontairement de la trajectoire, en quête de grip sur les portions sèches.
La GT3 repart pleine balle dans la sortie de virage encore humide, qui provoque une brève ruade du train arrière, aussitôt rattrapé par l’ESP en mode Track, dont il faut avouer qu’il vous fiche globalement la paix.
A la réaccélération, le flat 6 réagit comme à un coup de fouet. Il rugit et déguerpit vers la zone rouge avec une rage qui fait plaisir à voir et à entendre. Malgré ses catalyseurs et ses filtres à particules, le 4 litres respire à pleins poumons. Il paraît même moins étouffé que celui de la précédente version.
Autant dire qu’il ne fait qu’une bouchée des deux portions rectilignes qui séparent le gauche de Doohan du droite de Nico Terol. La GT3 y plonge en mordant sur le vibreur, qui provoque un tressaillement caractéristique dans le train avant.
Mais le châssis donne l’impression d’être en béton armé, et la direction retransmet juste ce qu’il faut des trépidations. Assez pour en être informé, mais pas au point d’en être gêné.
Pur jus
Le flat 6 repart de plus belle, 7 000, 7 500, 8 000, en vous lavant les tympans et en transmettant ses vibrations à travers la carlingue. Il est reconnaissable entre mille. C’est un concentré d’extrait d’essence de Porsche.
Ce moteur est infiniment plus aérien que les grondements rauques d’une Mercedes-AMG GT 63 Pro ou d’une Aston Martin Vantage, et beaucoup plus volontaire que les relances d’une Maserati MC20. En clair, son agrément vaut largement celui des moteurs de 100 ch de plus.
Sans compter son tempérament, qui ne fait aucun doute sur sa provenance : c’est un véritable moteur de course. Quant au choix de la transmission pour le déguster, à savoir manuelle à 6 rapports ou double embrayage à 7 rapports, j’aurais personnellement tendance à préférer la PDK, qui permet de ne pas en perdre une miette.
Et surtout de se concentrer sur tout le reste. Autant une boîte manuelle s’avère souvent parfaite pour se faire plaisir sur la route, autant une PDK (aussi réussie) s’impose d’elle-même sur circuit. D’autant que les virages surgissent dans le pare-brise à la vitesse grand V.
C’était déjà le cas au volant de la précédente version, c’est un fait, mais ça devient encore plus criant de vérité. Cela provient notamment de la direction, qui a évolué. On le ressent au point milieu, qui réussit le tour de force d’être à la fois plus précis et plus neutre.
En clair, plus efficace mais plus accessible. Les différences avec la précédente mouture sont également perceptibles en matière de stabilité à haute vitesse. En appui, la 992.2 donne le sentiment d’être plus ancrée dans le sol et plus stable lors des changements de cap.
Je garde en mémoire une micro-frayeur que je m’étais faite au volant de la GT3 992.1 à haute vitesse, et qui ne réapparaît pas, dans les mêmes conditions, sur la 992.2. C’est probablement dû à la plongée au freinage, réduite pour l’occasion.
Les ingénieurs de Porsche disent que ce meilleur contrôle permet également de mieux maîtriser la stabilité aérodynamique lors des gros freinages à haute vitesse.
A ce propos, la force des décélérations est une autre carte maîtresse de la 992.2. Il suffit de sauter sur les freins avant d’entrer dans le virage d’Angel Nieto pour s’en rendre compte. La GT3 casse alors sa vitesse avec une puissance à vous projeter en avant, tout en restant insensible à la plongée.
En clair, elle se plante dans le bitume, mais demeure droite comme un « i ». Idem pour la stabilité en appui dans la longue courbe de la Afición où elle semble rivetée au sol malgré la vitesse. Le grand gauche qui suit fait retomber les rapports en martelant l’aiguille du compte-tours contre la zone rouge.
Décidément… quel bonheur ! Puis le long gauchedroite qui mène au grand droite de Jaume Masià s’avale sans lever. Quel pied ! La GT3 encaisse, sans broncher, et communique tout, en vous transmettant ses bonnes vibrations dans le baquet.
Non pas à la manière d’une coque carbone, mais avec juste ce qu’il faut de filtre pour rester utilisable, tout en vous permettant d’être parfaitement connecté.
En ce qui concerne le choix du freinage, classique ou PCCB, il y a débat. En sachant que Porsche recommande évidemment la céramique optionnelle pour le circuit, mais que bon nombre de porschistes eux‑mêmes préfèrent le système classique pour des raisons de coût d’entretien (en cas de sortie dans un bac à gravier notamment).
Comme je ne regarde pas à la dépense, surtout quand ce n’est pas moi qui paie, je vous donne mes impressions plutôt qu’un conseil. A savoir que le contact à la pédale est bien meilleur, et le dosage beaucoup plus fin, avec les freins en céramique. Au point d’apporter un tout autre agrément.
Par rapport au freinage en acier livré de série, le toucher est plus franc, plus direct et la sensation est infiniment plus agréable. Sans parler de la résistance à l’échauffement en cas de fortes sollicitations répétitives. En clair, la céramique lui va comme un gant.
Ça balance pas mal
Les esprits chafouins regrettent le niveau d’accélération en statu quo par rapport à l’ancienne version (0 à 100 km/h en 3’’4 et 0 à 200 km/h en 10’’8) mais il faut préciser que, primo, la GT3 ne s’évalue pas au dixième à l’accélération. Et deuxio, le rapport poids/puissance est identique à celui de la précédente mouture.
A ce propos, Porsche annonce 1 462 kg avec la boîte manuelle. Les ingénieurs indiquent : « Nous avons dû ajouter des renforts dans les portières, ce qui a augmenté le poids. Nous avons aussi épaissi les disques de frein avant, mais nous avons trouvé de petits ajustements, comme un tapis plus léger et une batterie optimisée, qui ont permis de gagner quelques kilos. Ensuite, grâce au pack allégé en option, nous avons réduit de 15 kg supplémentaires. Le résultat, c’est que la 992.2 pèse pratiquement le même poids que la 992.1, malgré toutes les nouvelles réglementations. »
La question subsidiaire concerne le temps sur la boucle nord du Nürburgring. C’est non seulement un juge de paix en général mais également un bon marqueur pour la GT3 en particulier, puisqu’elle a commencé sa carrière (996 phase 1) juste en dessous des 8 minutes en 1999 et qu’elle l’a bouclée en 6’55’’2 en 2021 (992 phase 1).
Pour savoir où se situe la 992.2 dans l’Enfer vert, il faudra être patient. Ce n’est pas l’envie d’en découdre sur la Nordschleife qui manque en interne, apparemment, mais on évoque le coût d’une telle entreprise : 70 000 € de location de la piste, sans compter les moyens humains et matériels, pour l’enregistrement officiel, la vidéo, etc.
Ce qui dépasse largement les 100 000 € pour tenter d’établir un chrono à la merci d’une ondée de pluie. Pour rester sur le thème de la question pécuniaire, on ne peut pas dire qu’elle s’allège en ce qui concerne le coût d’achat.
Comptez 212 200 € en tarif de base, auquel il convient d’ajouter 60 000 € d’options sans trop se lâcher, pour pouvoir bénéficier de la panoplie complète permettant d’en tirer la quintessence : pack Weissach et options allégées, freins céramique, etc.
Pas donné donc, mais c’est malheureusement la tendance du marché. Quoi qu’il en soit, vous ne retrouverez pas un tel niveau d’agrément ailleurs. La copie n’était déjà pas loin d’être exemplaire avec la 992.1, elle remporte désormais les félicitations du jury.
Cette nouvelle mouture est à la fois plus précise, plus efficace et moins pointue à haute vitesse. Pour résumer, plus rapide et plus facile, tout en restant ultra‑communicative. Surtout ne changez rien.
L'avis de Laurent Chevalier
Avec une puissance et un poids qui stagne, je ne comprenais pas pourquoi Porsche en faisait tout un plat. Mais il suffit de conduire la nouvelle GT3 pour s’en rendre compte. Non pas qu’il y ait de grosses différences par rapport au modèle précédent, mais les petits détails qui pouvaient encore être améliorés l’ont été. Le résultat est limpide : non seulement la 992.2 ne perd rien en caractère, mais elle devient à la fois plus efficace et plus facile.
Porsche 911 GT3 (Type 992, phase 2) : fiche technique
- Moteur : flat 6, atmo, 32 S
- Cylindrée : 3 996 cm3
- Régime maxi : 9 000 tr/mn
- Puissance maxi : 510 ch à 8 400 tr/mn
- Couple maxi : 47,9 mkg à 6 100 tr/mn
- Transmission : roues AR, 7 rapports PDK en option
- Antipatinage : de série
- Autobloquant : de série, avec blocage électronique (PTV+)
- Poids annoncé : 1 479 kg (1 462 kg avec BVM 6)
- L - l - h : 4 570 - 1 852 - 1 279 mm
- Empattement : 2 457 mm
- Pneus AV & AR : 255/35 ZR 20 & 315/30 ZR 21
- Réservoir : 64 l
- Prix de base : 212 200 €
- Prix des options/malus : 67 026/70 000 €
- V. max. : 311 km/h (BVM : 313 km/h)
- 0 à 100 km/h : 3’’4 (BVM : 3’’9)
- 0 à 160 km/h : 7’’0 (BVM : 7’’9)
- 0 à 200 km/h : 10’’8 (BVM : 11’’9)
Retrouvez notre essai de la Porsche 911 GT3 (Type 992, phase 2) dans le Sport Auto n°758 du 28/02/2025.