Essai - Bentley Bentayga Speed (2025) : décadent... mais délectable ! (+ images)
En pleine marche forcée vers l’électrique et l’hybride, Bentley sort des sentiers battus en optant pour un Bentayga Speed 100 % thermique. Pas inintéressant…
Le Bentayga souffle ses 10 bougies
et surfe toujours sur la vague du succès, en représentant 40 % des
ventes totales de Bentley en 2024. Autant dire une manne financière
opportune pour remplir les caisses, avant le test grandeur nature
du modèle 100 % électrique de Crewe prévu pour 2027… et sur lequel
personne ne se risque à faire le moindre pronostic.
C’est ainsi, entre les contraintes environnementales qui ont eu
raison du W12 maison et le naturel qui revient au galop, que cette
nouvelle version Speed 100 % thermique voit le jour. Avec un bon
gros V8 biturbo donc, et pas la plus petite trace
d’hybridation.
Les plus observateurs auront reconnu le 4 litres présent sous le
capot des Audi RS Q8, Porsche Cayenne ou Lamborghini Urus par
exemple. Même si les motoristes de Bentley assurent l’avoir
assaisonné à leur propre sauce.
Notamment en ce qui concerne le taux de compression abaissé pour
recevoir des turbos plus gros soufflant plus fort, ainsi qu’une
cartographie privilégiant l’absence de temps de réponse à
mi‑régime. D’où la sensation d’un couple à décorner les bœufs à bas
régime (86,6 mkg à 2 250 tr/mn) et une réserve de puissance
suffisante pour réduire les plus grands espaces (650 ch à 6 000
tr/mn). Le bonheur à la clé : pas de fil à la patte ni de batterie
lourde comme un âne mort.
Ce qui n’empêche évidemment pas le Bentayga Speed de peser le poids
d’une enclume. Soit 2 466 kg revendiqués, à mettre en perspective
des 2 646 kg mesurés par nos soins sur la version hybride de la
Lamborghini Urus (SE).
En ce qui concerne les dimensions, le carrosse de Crewe ne risque
pas de passer inaperçu, avec 5,14 m de long et 2,20 m de large en
comptant les rétroviseurs. Restait à trouver un terrain de jeu à la
hauteur de son gabarit et de ses capacités.
C’est sur les routes du Montana aux Etats‑Unis, décor de la série
Yellowstone où l’un des personnages principaux roule en Continental
GT, que Bentley a choisi de nous le faire découvrir.
Grands espaces
En ouvrant la porte conducteur, la première impression qui se
dégage est celle d’une invitation au voyage, en première classe
évidemment. Et dont on espère qu’il sera le plus long possible,
tant qu’à faire, pour le plaisir de cocooner dans cette ambiance à
la finition hors pair.
Je parle des cuirs irréprochables dont l’odeur, le toucher, le
grain, la finesse et le maintien sont dignes d’un palace. Je parle
aussi des chromes lourds comme des cuillères en argent, et des
placages massifs qui relèguent les boutons en cristal d’une BMW i7
au rayon des poignées de porte de cuisine Ikea.
Si l’on écrivait un livre entier sur l’atmosphère des Bentley, le Bentayga y aurait
son chapitre. Décidément rien à voir avec l’aspect conventionnel
d’une Audi RS Q8 ou tape‑à‑l’œil d’une Lamborghini Urus.
Il est bien question de la différence entre vulgarité et audace :
des cuirs à la couleur pétante passeront pour une provocation
décalée dans un Bentayga, tandis qu’ils seront indigestes dans un
Urus.
Injuste, mais c’est comme ça : l’élégance ne s’invente pas. En
revanche, ce qui est également certain, c’est qu’il ne faut pas
espérer passer incognito au volant du Speed. Surtout si vous cochez
les cases optionnelles des jantes de 23 pouces, des disques en
carbone de 440 mm de diamètre à l’avant (!) et du système
d’échappement en titane.
Côté châssis, Bentley livre les quatre roues directrices et la
suspension Dynamic Ride de série. Le tarage de l’amortissement
pneumatique est affermi de 15 % et l’ESC comprend un système de
torque vectoring par action des freins sur la roue intérieure, pour
mieux faire pivoter l’auto.
Sans oublier un véritable launch control (enfin) et un mode plus
dynamique du contrôle de trajectoire, qui autorise désormais des
angles de dérive. A condition de l’utiliser sur une route à
l’adhérence précaire, comme de la terre par exemple, parce qu’il ne
faut pas compter sur un bitume sec pour voir défiler le paysage par
les portières. Même en le provoquant de manière grossière, le
Bentayga reste rivé au sol, avec un niveau de sécurité active tout
à fait exceptionnel.
Question de dosage
L’autre question consiste à savoir si l’on regrette le W12 de la
précédente version Speed. Sur la forme, peut‑être, mais dans le
fond, le V8 est plus puissant, plus réactif, plus énergique et plus
poignant. Sans parler du fait que sa masse inférieure, posée sur le
train avant, favorise la répartition entre essieux par rapport au
modèle antérieur.
Cela s’accompagne d’une meilleure régulation des mouvements de
caisse, grâce aux barres antiroulis actives qui donnent
l’impression de remettre un coup de vis supplémentaire. Mais le
plus surprenant concerne surtout la finesse de ces réglages à tous
points de vue.
En matière de liaison au sol, en effet, le Bentayga Speed sait se
montrer plus efficace, sans verser dans la caricature d’un
amortissement en béton armé. Idem en ce qui concerne la mélodie du
V8, avec l’échappement optionnel, qui laisse entendre une sonorité
suggestive, mais pas envahissante ni excessive. Question de
dosage.
Et il faut avouer que celui du Bentayga Speed est précis et bien
senti, dans ce registre des SUV de luxe et de caractère. Primo,
parce qu’il ne vous coupe pas de la route en restant suffisamment
communicatif malgré sa masse.
Deusio, parce qu’il ne sacrifie pas le confort, comme certains
autres SUV surpuissants dont les suspensions sont tellement
verrouillées en mode Sport qu’elles sont quasi inutilisables,
hormis sur un billard.
A ce propos, les metteurs au point de Bentley évoquent la
possibilité ponctuelle de s’aventurer sur circuit au volant du
Bentayga Speed. Ce qui est aussi improbable qu’anecdotique, mais
démontre une direction dans les réglages et une volonté de
desserrer le col de la chemise.
Même si c’est évidemment sur longs parcours autoroutiers que le
Speed s’apprécie à sa juste valeur. Le V8 y fait des merveilles. En
écrasant la pédale de droite, le Bentayga s’élance avec la vigueur
d’une véritable GT.
Rappelons que Bentley annonce 3’’6 seulement pour passer de 0 à 100
km/h et 9’’8 pour atteindre les 160 km/h ainsi qu’une vitesse de
pointe de l’ordre de 310 km/h. Histoire de larguer les autos
bridées à 250 ou 280 km/h sur autoroutes allemandes… ce qui ne
manquera pas de panache à bord d’un tel paquebot.
Avec la possibilité permanente de revenir au rythme de la croisière
paisible en basculant sur le mode Normal, où l’antiroulis redonne
presque l’impression de voler sur un tapis. A ce propos, les jantes
optionnelles de 23 pouces et leurs pneus à profil ultra‑bas ne
servent pas à grand‑chose si ce n’est à perturber le filtrage.
Quant au freinage, il apporte des capacités de décélération
remarquables. Ce qui augmente la sensation de sécurité active et le
sentiment de sérénité qui règne à bord. Et par la même occasion,
suscite l’envie de prolonger le voyage, en prenant le temps d’aller
vite, tout en ponctuant l’allure de sénateur par quelques
accélérations bien senties.
Juste pour faire durer le plaisir et savourer chaque seconde passée
dans ce TGV tapissé de cuir, et en se laissant bercer par le son
rauque des échappements.
L'avis de Laurent Chevalier : 4/5
Les SUV ne sont pas votre tasse de thé ? A moi non plus, mais je dois avouer que les longs voyages au volant de la Bentley Bentayga Speed ne manquent pas de saveur. Le choix d’une motorisation 100 % thermique, dans un contexte où il se raréfie, permet de renouer avec des plaisirs authentiques et presque basiques… ici contrebalancés par un luxe débordant. Décadent, mais délectable.
Bentley Bentayga Speed : sa fiche technique
- Moteur : V8 biturbo, 32 S
- Cylindrée : 3 996 cm3
- Puissance maxi : 650 ch à 6 000 tr/mn
- Couple maxi : 86,6 mkg à 2 250 tr/mn
- Transmission : intégrale, 8 rapports automatiques
- Antipatinage/autobloquant : de série/Torsen central, blocage électronique + torque vectoring
- Poids annoncé : 2 466 kg
- L - l - h : 5 144 - 1 998 - 1 728 mm
- Empattement : 2 995 mm
- Pneus AV & AR : 285/40 ZR 22 (véhicule essayé en 285/35 ZR 23)
- Réservoir : 85 l
- Prix de base : 271 200 €
- Prix des options/malus : 71 910/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 413 110 € (malus compris)
- V. max. : 310 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’6
- 0 à 160 km/h : 9’’8
Retrouvez notre essai de la Bentley Bentayga Speed dans le Sport Auto n°765 du 26/09/2025.


























