Essai - Ferrari 296 Speciale : performances et sensations, elle survole ! (+ images)
Un simple galop d’essai suffit à se rendre à l’évidence : dans le registre des supercars de route et de circuit, la Ferrari 296 Speciale survole littéralement la concurrence. En performances et surtout, en sensations !
Raffaele de Simone, le pilote essayeur de Ferrari, évoque la
transmission de la 296 Speciale en tentant de
cacher son sourire en coin : « Nous avons beaucoup travaillé
sur les passages de rapport. Mais je préfère ne pas vous en dire
plus… vous constaterez par vous‑même. »
Autant dire qu’à partir de ce moment précis, je n’ai qu’une seule
envie : sauter dans le baquet et tirer sur les palettes au volant
en ouvrant grand les tympans. D’autant que nous sommes devant la
cerise sur le gâteau : Fiorano, le circuit mythique de Modène où
Ferrari nous déroule le tapis rouge.
Entrée, plat, dessert et mignardises : quatre sessions de quatre
tours de piste pour passer la matinée, puis libre-service, sur
routes ouvertes, jusqu’en fin de journée. A table ! Je me laisse
tomber dans la Speciale, rentre le ventre pour clipper le harnais
récalcitrant et pose l’index sur la commande tactile du
démarreur.
J’avoue que c’était quand même mieux avant, à l’époque du bouton
rouge, dont l’impulsion provoquait des réactions chronologiques et
tangibles. Plutôt qu’un son ressemblant au « Toudoum » de Netflix,
au mieux, et au pire à un silence qui laisse perplexe et fait
froncer les sourcils, en se demandant ce qui empêche de passer la
première pour quitter sa place de parking (porte ouverte, coffre
mal fermé, va savoir…). Passons.
Je pianote à tâtons sur la partie gauche du volant, dans l’espoir
de lancer le V6 biturbo et de recouvrer des vibrations en rapport
avec ce décor sculpté dans le carbone. Ce que les silencieux font
sans se faire prier, en lâchant un râle caractéristique, à la fois
sourd et sec. A mi-chemin entre un coup de kick d’Enduro et une
allumette qui s’enflamme.
Ferrari 296 Speciale : elle est intense !
La 296 Speciale sort des stands et
s’élance, au pas, sur ce qu’il reste de la ligne droite. Les
liquides ont beau être à température, j’ai trop de respect
mécanique pour écraser l’accélérateur d’emblée de jeu, comme un
dératé.
Et surtout, je veux savourer le moment et faire durer le plaisir.
Accélérateur à mi-course, donc, je tire sur la palette de droite
pour engager le rapport supérieur. Et là… l’invraisemblable se
produit. A vous glacer le sang et vous dresser les poils de bras en
même temps.
Le passage de vitesse n’est pas une succession d’événements, mais
une cascade d’actions instantanées. Ferrari explique qu’il s’agit
d’une nouvelle stratégie : « Cette fonction, appelée “Fast
Shift”, utilise le moteur électrique pour dessiner le profil de
changement de vitesse de la boîte DCT à 8 vitesses. Lors des
changements de rapport, le moteur électrique, qui est bien plus
rapide que le système hydraulique, donne un effet de
couple.
Pendant ce temps, nous sommes capables de jouer avec
l’hydraulique pour faire varier l’effet d’inertie selon la vitesse
que vous demandez. Nous réduisons ainsi le temps de passage, mais
l’énergie que nous transmettons aux roues est supérieure, parce que
nous jouons avec les inerties mécaniques et l’instantanéité de la
machine électrique.
Donc, nous pouvons obtenir exactement l’effet que nous voulons,
c’est‑à‑dire conserver une stratégie de coupure, parce que c’est
beaucoup plus engageant, et la mixer avec un bruit très agréable.
C’était difficile à réaliser dans le passé, mais maintenant, nous
sommes en mesure d’inverser la stratégie de changement de vitesse,
pour avoir un surcouple sans délai, avec du son. »
Ferrari 296 Speciale : des vitesses qui s’enclenchent en un éclair
Au volant, croyez-moi sur parole, ça change tout. Imaginez des
vitesses qui s’enclenchent en un éclair, avec une perception
d’à-coups communicative, mais sans réelle rupture de couple, et
avec un son à vous faire froid dans le dos.
Le beurre et l’argent du beurre. Sur un croquis qui irait de la
claque forte, lente et caricaturale d’une Lamborghini Aventador en
mode Corsa jusqu’au lissage trop linéaire de la boîte de la McLaren
Artura, Ferrari ouvre ainsi une troisième dimension : celle d’une
transmission vivante, animale et animée.
En pesant mes mots et en prenant le risque de vous choquer, je
dirais qu’en matière d’adrénaline au volant, la boîte de la
296 Speciale est si réussie
qu’elle n’a rien à envier à la grille métallique d’antan. Rien que
ça.
En clair, Maranello invente un genre nouveau, celui des gestions de
boîte qui ne se contentent plus de restituer l’intégralité des
sensations d’un moteur, mais qui les subliment. Pour la première
fois, on peut le dire : ce n’était pas mieux au temps des F355 à
boîte mécanique… c’est mieux maintenant !
Sans parler du fait que cette transmission offre l’avantage d’un
mode auto qui réagit plus vite que votre cerveau. Dans le virage 4
de Fiorano, un grand droite qui débouche sur le gauche avant le
freinage de la passerelle, la 296 Speciale se cale sur des rails
avec une stabilité déconcertante.
La différence avec la GTB est également perceptible en matière de
roulis. Soulignons que le modèle d’essai mis à disposition sur le
circuit adopte la suspension passive optionnelle à une seule
position (même raideur de ressort mais tarage unique des
amortissements correspondant à la position Race de l’amortissement
semi-actif).
Les barres antiroulis sont aussi plus rigides pour optimiser la
surface de contact entre le pneu et le bitume. L’accélération
latérale s’en ressent, bien que l’on ne puisse pas dire que la 296
GTB Assetto Fiorano pèche à ce niveau.
Ferrari 296 Speciale : deux secondes à Fiorano
L’autre point à noter concerne les pneus Sport Cup 2 K1,
développés en collaboration avec Michelin pour la 296 Speciale.
Mises bout à bout, l’ensemble de ces améliorations feraient passer
le temps au tour de Fiorano à 1”19 (soit 7 dixièmes de mieux que
LaFerrari) au lieu de 1”21 pour la 296 GTB.
Nous laissons ça aux vrais pilotes et continuons à découvrir la
Speciale, en ouvrant nos chakras pour amasser le maximum de
sensations et de plaisir à retranscrire. En montant par exemple sur
les freins avant la passerelle, pour jauger la force de la
décélération.
Je ne vous cache pas que j’aurais adoré que Ferrari propose le
nouveau freinage CCM-R Plus (le système hors de prix monté sur la
296 Challenge et la F80), en bon essayeur pourri gâté qui n’a
jamais payé la moindre plaquette en carbone-céramique, et encore
moins ce genre de disques en platine. « Nous n’avons pas jugé
ça nécessaire, étant donné les capacités du système de freinage
d’origine », précise Ferrari.
Il faut avouer que la force des décélérations abonde dans ce sens,
en vous incrustant les bretelles du harnais dans les épaules. Avant
de vous les tasser sur les côtés, quand le museau de la Speciale se
jette à la corde comme un missile à tête chercheuse.
Sans parler du feeling de la direction, qui donne l’impression
palpable de savoir où vous placez les roues en direct, là où une
Aston Martin Vantage envoie un retour infiniment plus flou. On
retrouve cette fluidité au niveau des corrections électroniques du
comportement.
Notamment lors de la remise de gaz sur la passerelle de Fiorano, au
moment de la détente, que les contrôles de trajectoire digèrent
sans sourciller. Idem pour l’épingle avant la ligne droite. A
condition de ne pas réaccélérer trop tôt, ce qui est tentant mais à
éviter, étant donné l’incroyable santé de la mécanique.
Ferrari 296 Speciale : "Le son est un élément fondamental"
A ce propos, seul le mode Qualifying permet d’exploiter
toute l’énergie du groupe motopropulseur et d’offrir l’extra-boost,
qui fournit un complément de puissance en sortie de virage. Ce coup
de pouce supplémentaire ne représente que 13 ch, mais le couple
immédiat qu’il délivre fait la différence.
Précisons que cette stratégie de suralimentation, affinée par
rapport à la 296 GTB, est entièrement automatique. Quant à savoir
si l’écart de puissance est sensible vis-à-vis de la version
classique, la réponse est oui.
D’autant qu’elle s’accompagne d’une baisse de la masse totale (60
kg annoncés, en choisissant les bonnes options, comme sur notre
modèle d’essai). L’autre écart perceptible avec la GTB concerne le
bruit du moteur.
Et Ferrari de fredonner notre refrain préféré : « Le son est un
élément fondamental pour nous. Nous avons accentué toutes les
qualités acoustiques du V6, en ajoutant deux résonateurs dans la
garniture arrière de l’habitacle. Ça signifie que la Speciale
utilise deux résonateurs de plus que la 296 GTB. »
Précisons qu’il s’agit de résonances amplifiées dans des cavités
mais que le bruit reste naturel et non pas artificiel dans les
haut-parleurs, au contraire de ce que Porsche pratique dans la 911
Carrera GTS, malheureusement. Ou dans une Mercedes-AMG GT Pro, par
exemple, qui joue à l’Auto-Tune comme les rappeurs qui font saigner
les tympans.
Ferrari 296 Speciale : "Moteur électrique et batterie à leurs limites"
En ce qui concerne la partie nucléaire de la propulsion, Ferrari
explique avoir « poussé le moteur électrique et la batterie à
leurs limites, à savoir 180 ch, grâce à de nouvelles solutions de
refroidissement ». Sorte de jet d’huile supplémentaire sur le
feu du V6 biturbo, qui en profite pour recevoir un coup de fouet.
Il délivre en effet 700 ch, soit 37 ch de plus que la 296 GTB.
« Pour y parvenir, nos motoristes se sont concentrés sur les
turbos et l’augmentation de la pression dans la chambre de
combustion. Une grande part de leur travail a été consacrée à la
hausse de la pression de suralimentation et à la lutte contre le
cliquetis.
Ce nouveau système de contrôle du front de flamme nous permet
d’extraire toute la puissance possible de chaque cycle de
combustion, sans pénaliser la fiabilité du moteur. L’augmentation
de la pression de suralimentation a également entraîné un
accroissement de 7 % de la pression maximale dans la chambre de
combustion.
Nous avons dû mettre au point de nouveaux pistons, revoir la
conception des bielles, en utilisant un procédé emprunté à la
Ferrari F80, et développer un nouveau vilebrequin. En recourant à
des alliages de titane, pour les bielles et les boulons de
fixation, nous avons réussi à gagner 9 kg sur le poids du V6.
Un autre gain de poids significatif a été obtenu avec les
turbocompresseurs, où nous avons retiré 1,2 kg en employant une
solution d’isolation du carter de turbine basée sur la 296
Challenge. »
Tout ça pour parvenir à la crème du dessus du
panier : un V6 dont les turbos sont omniprésents, tout en se
faisant oublier, et qui prend des tours en chantant comme un petit
V12 atmo. D’autres questions ?
En clair, inutile de faire un tour d’horizon de la concurrence. La
Porsche 911 GT3 RS a beau être une athlète hors pair et nous
prendre par les sentiments en miaulant à 9 000 tours, ça ne
l’empêche pas d’être dépassée sur le plan moteur.
Quant à la Maserati MC20 GT2 Stradale, elle est… à l’ouest, aussi
bien en efficacité qu’en sensations. Charge à Lamborghini d’alléger
sa Temerario pour une éventuelle version Performante. D’ici là, la
296 Speciale aura tout le loisir de survoler les débats.
L'avis de Laurent Chevalier : 5/5
La 296 Speciale ne se contente pas de reprendre le flambeau des versions radicales de Maranello avec brio, elle ouvre de nouvelles perspectives. Alors que l’immense majorité des sportives tentent péniblement de conserver leurs sensations, sans toujours y parvenir, Ferrari parvient à les décupler.
Ferrari 296 Speciale : sa fiche technique
- Moteurs : V6, biturbo, 24 S + 1 électrique
- Cylindrée : 2 992 cm3 Régime maxi : 8 500 tr/mn
- Puissance thermique maxi : 700 ch à 8 000 tr/mn
- Couple thermique maxi : 77 mkg à 6 000 tr/mn
- Puissance électrique maxi : 154 ch (180 ch en mode Boost sur la position Qualifying)
- Couple électrique maxi : 32,1 mkg
- Capacité de la batterie : 7,45 kWh
- Autonomie électrique : 25 km
- Puissance cumulée : 880 ch
- Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : oui/oui (eDiff)
- Poids annoncé : 1 490 kg
- Rapport poids/puissance : 1,7 kg/ch
- L - l - h : 4 625 - 1 968 - 1 181 mm
- Empattement : 2 660 mm
- Pneus AV & AR : 245/35 & 305/35 ZR 20 (Michelin Sport Cup 2)
- Réservoir : 65 l
- Prix de base : 405 000 €
- Prix des options/malus : 150 175/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 625 175 € (malus compris)
- V. max. : 320 km/h
- 0 à 100 km/h : 2”8
- 0 à 200 km/h : 7”0
Retrouvez notre essai de la Ferrari 296 Speciale dans le Sport Auto n°766 du 31/10/2025.


