Essai - Ferrari 296 Speciale : performances et sensations, elle survole ! (+ images)

Publié le 12 décembre 2025 à 11:30
Essai - Ferrari 296 Speciale : performances et sensations, elle survole !

Un simple galop d’essai suffit à se rendre à l’évidence : dans le registre des supercars de route et de circuit, la Ferrari 296 Speciale survole littéralement la concurrence. En performances et surtout, en sensations !

Raffaele de Simone, le pilote essayeur de Ferrari, évoque la transmission de la 296 Speciale en tentant de cacher son sourire en coin : « Nous avons beaucoup travaillé sur les passages de rapport. Mais je préfère ne pas vous en dire plus… vous constaterez par vous‑même. »
Autant dire qu’à partir de ce moment précis, je n’ai qu’une seule envie : sauter dans le baquet et tirer sur les palettes au volant en ouvrant grand les tympans. D’autant que nous sommes devant la cerise sur le gâteau : Fiorano, le circuit mythique de Modène où Ferrari nous déroule le tapis rouge.
Entrée, plat, dessert et mignardises : quatre sessions de quatre tours de piste pour passer la matinée, puis libre-service, sur routes ouvertes, jusqu’en fin de journée. A table ! Je me laisse tomber dans la Speciale, rentre le ventre pour clipper le harnais récalcitrant et pose l’index sur la commande tactile du démarreur.
J’avoue que c’était quand même mieux avant, à l’époque du bouton rouge, dont l’impulsion provoquait des réactions chronologiques et tangibles. Plutôt qu’un son ressemblant au « Toudoum » de Netflix, au mieux, et au pire à un silence qui laisse perplexe et fait froncer les sourcils, en se demandant ce qui empêche de passer la première pour quitter sa place de parking (porte ouverte, coffre mal fermé, va savoir…). Passons.
Je pianote à tâtons sur la partie gauche du volant, dans l’espoir de lancer le V6 biturbo et de recouvrer des vibrations en rapport avec ce décor sculpté dans le carbone. Ce que les silencieux font sans se faire prier, en lâchant un râle caractéristique, à la fois sourd et sec. A mi-chemin entre un coup de kick d’Enduro et une allumette qui s’enflamme.

Ferrari 296 Speciale : elle est intense !

La 296 Speciale sort des stands et s’élance, au pas, sur ce qu’il reste de la ligne droite. Les liquides ont beau être à température, j’ai trop de respect mécanique pour écraser l’accélérateur d’emblée de jeu, comme un dératé.
Et surtout, je veux savourer le moment et faire durer le plaisir. Accélérateur à mi-course, donc, je tire sur la palette de droite pour engager le rapport supérieur. Et là… l’invraisemblable se produit. A vous glacer le sang et vous dresser les poils de bras en même temps.
Le passage de vitesse n’est pas une succession d’événements, mais une cascade d’actions instantanées. Ferrari explique qu’il s’agit d’une nouvelle stratégie : « Cette fonction, appelée “Fast Shift”, utilise le moteur électrique pour dessiner le profil de changement de vitesse de la boîte DCT à 8 vitesses. Lors des changements de rapport, le moteur électrique, qui est bien plus rapide que le système hydraulique, donne un effet de couple.
Pendant ce temps, nous sommes capables de jouer avec l’hydraulique pour faire varier l’effet d’inertie selon la vitesse que vous demandez. Nous réduisons ainsi le temps de passage, mais l’énergie que nous transmettons aux roues est supérieure, parce que nous jouons avec les inerties mécaniques et l’instantanéité de la machine électrique.
Donc, nous pouvons obtenir exactement l’effet que nous voulons, c’est‑à‑dire conserver une stratégie de coupure, parce que c’est beaucoup plus engageant, et la mixer avec un bruit très agréable. C’était difficile à réaliser dans le passé, mais maintenant, nous sommes en mesure d’inverser la stratégie de changement de vitesse, pour avoir un surcouple sans délai, avec du son. »

Ferrari 296 Speciale : des vitesses qui s’enclenchent en un éclair

Au volant, croyez-moi sur parole, ça change tout. Imaginez des vitesses qui s’enclenchent en un éclair, avec une perception d’à-coups communicative, mais sans réelle rupture de couple, et avec un son à vous faire froid dans le dos.
Le beurre et l’argent du beurre. Sur un croquis qui irait de la claque forte, lente et caricaturale d’une Lamborghini Aventador en mode Corsa jusqu’au lissage trop linéaire de la boîte de la McLaren Artura, Ferrari ouvre ainsi une troisième dimension : celle d’une transmission vivante, animale et animée.
En pesant mes mots et en prenant le risque de vous choquer, je dirais qu’en matière d’adrénaline au volant, la boîte de la 296 Speciale est si réussie qu’elle n’a rien à envier à la grille métallique d’antan. Rien que ça.
En clair, Maranello invente un genre nouveau, celui des gestions de boîte qui ne se contentent plus de restituer l’intégralité des sensations d’un moteur, mais qui les subliment. Pour la première fois, on peut le dire : ce n’était pas mieux au temps des F355 à boîte mécanique… c’est mieux maintenant !
Sans parler du fait que cette transmission offre l’avantage d’un mode auto qui réagit plus vite que votre cerveau. Dans le virage 4 de Fiorano, un grand droite qui débouche sur le gauche avant le freinage de la passerelle, la 296 Speciale se cale sur des rails avec une stabilité déconcertante.
La différence avec la GTB est également perceptible en matière de roulis. Soulignons que le modèle d’essai mis à disposition sur le circuit adopte la suspension passive optionnelle à une seule position (même raideur de ressort mais tarage unique des amortissements correspondant à la position Race de l’amortissement semi-actif).
Les barres antiroulis sont aussi plus rigides pour optimiser la surface de contact entre le pneu et le bitume. L’accélération latérale s’en ressent, bien que l’on ne puisse pas dire que la 296 GTB Assetto Fiorano pèche à ce niveau.

Ferrari 296 Speciale : deux secondes à Fiorano

L’autre point à noter concerne les pneus Sport Cup 2 K1, développés en collaboration avec Michelin pour la 296 Speciale. Mises bout à bout, l’ensemble de ces améliorations feraient passer le temps au tour de Fiorano à 1”19 (soit 7 dixièmes de mieux que LaFerrari) au lieu de 1”21 pour la 296 GTB.
Nous laissons ça aux vrais pilotes et continuons à découvrir la Speciale, en ouvrant nos chakras pour amasser le maximum de sensations et de plaisir à retranscrire. En montant par exemple sur les freins avant la passerelle, pour jauger la force de la décélération.
Je ne vous cache pas que j’aurais adoré que Ferrari propose le nouveau freinage CCM-R Plus (le système hors de prix monté sur la 296 Challenge et la F80), en bon essayeur pourri gâté qui n’a jamais payé la moindre plaquette en carbone-céramique, et encore moins ce genre de disques en platine. « Nous n’avons pas jugé ça nécessaire, étant donné les capacités du système de freinage d’origine », précise Ferrari.
Il faut avouer que la force des décélérations abonde dans ce sens, en vous incrustant les bretelles du harnais dans les épaules. Avant de vous les tasser sur les côtés, quand le museau de la Speciale se jette à la corde comme un missile à tête chercheuse.
Sans parler du feeling de la direction, qui donne l’impression palpable de savoir où vous placez les roues en direct, là où une Aston Martin Vantage envoie un retour infiniment plus flou. On retrouve cette fluidité au niveau des corrections électroniques du comportement.
Notamment lors de la remise de gaz sur la passerelle de Fiorano, au moment de la détente, que les contrôles de trajectoire digèrent sans sourciller. Idem pour l’épingle avant la ligne droite. A condition de ne pas réaccélérer trop tôt, ce qui est tentant mais à éviter, étant donné l’incroyable santé de la mécanique.

Ferrari 296 Speciale : "Le son est un élément fondamental"

A ce propos, seul le mode Qualifying permet d’exploiter toute l’énergie du groupe motopropulseur et d’offrir l’extra-boost, qui fournit un complément de puissance en sortie de virage. Ce coup de pouce supplémentaire ne représente que 13 ch, mais le couple immédiat qu’il délivre fait la différence.
Précisons que cette stratégie de suralimentation, affinée par rapport à la 296 GTB, est entièrement automatique. Quant à savoir si l’écart de puissance est sensible vis-à-vis de la version classique, la réponse est oui.
D’autant qu’elle s’accompagne d’une baisse de la masse totale (60 kg annoncés, en choisissant les bonnes options, comme sur notre modèle d’essai). L’autre écart perceptible avec la GTB concerne le bruit du moteur.
Et Ferrari de fredonner notre refrain préféré : « Le son est un élément fondamental pour nous. Nous avons accentué toutes les qualités acoustiques du V6, en ajoutant deux résonateurs dans la garniture arrière de l’habitacle. Ça signifie que la Speciale utilise deux résonateurs de plus que la 296 GTB. »
Précisons qu’il s’agit de résonances amplifiées dans des cavités mais que le bruit reste naturel et non pas artificiel dans les haut-parleurs, au contraire de ce que Porsche pratique dans la 911 Carrera GTS, malheureusement. Ou dans une Mercedes-AMG GT Pro, par exemple, qui joue à l’Auto-Tune comme les rappeurs qui font saigner les tympans.

Ferrari 296 Speciale : "Moteur électrique et batterie à leurs limites"

En ce qui concerne la partie nucléaire de la propulsion, Ferrari explique avoir « poussé le moteur électrique et la batterie à leurs limites, à savoir 180 ch, grâce à de nouvelles solutions de refroidissement ». Sorte de jet d’huile supplémentaire sur le feu du V6 biturbo, qui en profite pour recevoir un coup de fouet. Il délivre en effet 700 ch, soit 37 ch de plus que la 296 GTB.
« Pour y parvenir, nos motoristes se sont concentrés sur les turbos et l’augmentation de la pression dans la chambre de combustion. Une grande part de leur travail a été consacrée à la hausse de la pression de suralimentation et à la lutte contre le cliquetis.
Ce nouveau système de contrôle du front de flamme nous permet d’extraire toute la puissance possible de chaque cycle de combustion, sans pénaliser la fiabilité du moteur. L’augmentation de la pression de suralimentation a également entraîné un accroissement de 7 % de la pression maximale dans la chambre de combustion.
Nous avons dû mettre au point de nouveaux pistons, revoir la conception des bielles, en utilisant un procédé emprunté à la Ferrari F80, et développer un nouveau vilebrequin. En recourant à des alliages de titane, pour les bielles et les boulons de fixation, nous avons réussi à gagner 9 kg sur le poids du V6.
Un autre gain de poids significatif a été obtenu avec les turbocompresseurs, où nous avons retiré 1,2 kg en employant une solution d’isolation du carter de turbine basée sur la 296 Challenge. »
Tout ça pour parvenir à la crème du dessus du panier : un V6 dont les turbos sont omniprésents, tout en se faisant oublier, et qui prend des tours en chantant comme un petit V12 atmo. D’autres questions ?
En clair, inutile de faire un tour d’horizon de la concurrence. La Porsche 911 GT3 RS a beau être une athlète hors pair et nous prendre par les sentiments en miaulant à 9 000 tours, ça ne l’empêche pas d’être dépassée sur le plan moteur.
Quant à la Maserati MC20 GT2 Stradale, elle est… à l’ouest, aussi bien en efficacité qu’en sensations. Charge à Lamborghini d’alléger sa Temerario pour une éventuelle version Performante. D’ici là, la 296 Speciale aura tout le loisir de survoler les débats.

L'avis de Laurent Chevalier : 5/5

La 296 Speciale ne se contente pas de reprendre le flambeau des versions radicales de Maranello avec brio, elle ouvre de nouvelles perspectives. Alors que l’immense majorité des sportives tentent péniblement de conserver leurs sensations, sans toujours y parvenir, Ferrari parvient à les décupler.

Ferrari 296 Speciale : sa fiche technique

  • Moteurs : V6, biturbo, 24 S + 1 électrique
  • Cylindrée : 2 992 cm3 Régime maxi : 8 500 tr/mn
  • Puissance thermique maxi : 700 ch à 8 000 tr/mn
  • Couple thermique maxi : 77 mkg à 6 000 tr/mn
  • Puissance électrique maxi : 154 ch (180 ch en mode Boost sur la position Qualifying)
  • Couple électrique maxi : 32,1 mkg
  • Capacité de la batterie : 7,45 kWh
  • Autonomie électrique : 25 km
  • Puissance cumulée : 880 ch
  • Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
  • Antipatinage/autobloquant : oui/oui (eDiff)
  • Poids annoncé : 1 490 kg
  • Rapport poids/puissance : 1,7 kg/ch
  • L - l - h : 4 625 - 1 968 - 1 181 mm
  • Empattement : 2 660 mm
  • Pneus AV & AR : 245/35 & 305/35 ZR 20 (Michelin Sport Cup 2)
  • Réservoir : 65 l
  • Prix de base : 405 000 €
  • Prix des options/malus : 150 175/70 000 €
  • Prix du modèle essayé : 625 175 € (malus compris)
  • V. max. : 320 km/h
  • 0 à 100 km/h : 2”8
  • 0 à 200 km/h : 7”0

Retrouvez notre essai de la Ferrari 296 Speciale dans le Sport Auto n°766 du 31/10/2025.

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