Supertest - Nouvelle BMW M5 : chaud devant au Vigeant !
Ses 727 ch font trembler le bitume, mais en embarquant 450 kg de plus que sa devancière, la dernière BMW M5 est attendue au tournant du Supertest au Vigeant. Ses garnitures et ses gommes en frissonnent à l’avance. Chaud devant !
Le passage sur la balance de Mortefontaine est attendu avec
inquiétude. Le verdict ? 2 394,5 kg, tous pleins faits. A vrai
dire, la masse du dernier pachyderme munichois angoisse autant
qu’elle laisse perplexes les amateurs de sportivité.
La raison de cette surcharge pondérale tient essentiellement dans
son système d’hybridation rechargeable. La présence d’une batterie,
d’un moteur électrique de 197 ch intégré dans la boîte automatique
à convertisseur et de tout le reste de cette raffinerie pèse
forcément lourd sur la balance.
Les dimensions revues à la hausse n’arrangent rien non plus. Avec
un tel gabarit, les mauvaises langues pourraient presque évoquer la
première M7 de l’histoire plutôt que la septième M5 !
C’est d’autant plus dommage que le V8 biturbo perd 40 ch par
rapport à l’ancienne version Competition et s’en tient à 585 ch,
pour un couple inchangé de 76,5 mkg.
Heureusement que l’assistance électrique permet de cumuler 727 ch
et un couple colossal de 101,9 mkg. Impressionnant, certes, mais le
rapport poids/puissance régresse de 3,1 à 3,3 kg/ch face à sa
devancière également équipée d’une transmission intégrale.
De tout son poids
Direction l’anneau de Mortefontaine pour constater les
conséquences de cette crise d’obésité. Procédure de launch control
activée, l’effet procuré par la transmission intégrale et la
cavalerie au démarrage impressionnent le préposé du siège de
gauche.
Cela reste pourtant moins spectaculaire qu’à bord de sa rivale
Mercedes-AMG GT 63 S E Performance 4Matic+ qui utilise également
une hybridation rechargeable. Le 0 à 100 km/h est expédié en 3’’4,
le 400 m D.A. franchi en 11’’3 et la borne du kilomètre D.A. avalée
en 20’’4.
Pas mal certes, mais le missile de Stuttgart pousse et gronde plus
fort, en pointant quatre dixièmes devant sur le premier exercice et
cinq dixièmes sur les deux autres. Plus que les 20 kg
supplémentaires de notre bavaroise, c’est surtout son déficit de
116 ch qui explique cet écart.
Par rapport à sa devancière, l’électrification gomme le précédent
creux en dessous de 3 000 tr/mn. L’ensemble offre davantage de
réactivité, mais apparaît bien moins démonstratif dans la seconde
partie du compte-tours.
L’écart constant de quatre dixièmes en faveur de l’ancienne M5 sur
les trois mesures précitées prouve que les 453 kg de plus se
ressentent surtout au démarrage. Ensuite, l’écart se stabilise : la
puissance et le couple supérieurs l’autorisent à accélérer aussi
fort (ou de manière très proche) une fois lancée.
La boîte automatique déçoit plus encore que la mécanique trop
feutrée. Les montées de rapport engendrent des à-coups quelle que
soit la vitesse de passage choisie sur le Drivelogic.
Elle y ajoute une gestion parfois inutilement sèche lorsque son
conducteur la laisse faire. Heureusement, le mode manuel se montre
plus inspiré.
Avare en sensations
Avant de prendre la piste, les itinéraires secondaires
rencontrés permettent de se faire un premier avis sur l’incidence
du poids en virage. Contre toute attente, il ne se ressent pas trop
au moment de hausser le rythme. Sans être une ballerine, la M5 ne
se dérobe pas devant l’obstacle.
L’action discrète des roues arrière directrices sert un train avant
suffisamment costaud sous l’effort. Son amortissement piloté réussi
limite les mouvements de caisse pour conserver de la précision en
virage, tout en ménageant un confort supérieur à celui d’une Audi
RS 6.
A défaut d’être incisive en entrée, elle exploite sa transmission
intégrale typée propulsion pour y ajouter une pointe d’agilité en
sortie, surtout avec le mode 4WD Sport, disponible après une
déconnexion partielle ou totale des béquilles électroniques.
Les effets d’un freinage convenablement efficace et endurant sur
route rassurent les esprits. Avec l’option carbone-céramique,
facturée 10 000 €, montée sur notre version d’essai tout du moins
!
Alors certes, la M5 efface une bonne partie de sa masse, mais elle
n’incite guère à outrepasser les limites. C’est d’autant plus vrai
qu’elle instaure trop de distance avec son conducteur.
L’absence flagrante de sensations, la direction peu informative
ainsi que le freinage trop assisté et difficile à doser peinent à
mettre en confiance. Sans oublier un gabarit XXL qui n’arrange pas
les choses. Un minimum de temps s’impose donc pour profiter
pleinement de ses qualités.
Cela ne l’empêche pas de se montrer particulièrement reposante sur
longs trajets, même si je dois avouer ne jamais avoir trouvé une
position de conduite parfaite, malgré les réglages tous azimuts,
pour ménager mes fragiles lombaires.
Mais c’est sur la piste du Vigeant que cette M5 est attendue au
tournant. Surtout quand on connaît les méfaits du poids en
utilisation intensive ! Une fois dans les stands, l’auto
impressionne autant nos fidèles lecteurs présents sur place que
l’ami Christophe Tinseau, qui effectue un rapide tour du
propriétaire : « La voiture est franchement agressive, avec un
style tout à fait dans l’esprit M, même si pour ma part, je préfère
largement l’avant à l’arrière. La couleur noir mat fait résolument
bad boy. »
Dernière vérification sur la pression des
Michelin Pilot Sport 5 S qui risquent de passer un mauvais quart
d’heure avant que notre pilote ne s’élance. Le tank munichois à la
livrée de Batmobile file dans un souffle devant la ligne droite des
stands et les chronomètres se déclenchent.
La complainte sonore des pneumatiques s’entend pratiquement
davantage que la mécanique. Notre M5 repasse exactement au même
endroit 1’48’’24 plus tard dans une odeur de plaquettes prononcée,
mais le rythme identique montre que notre pilote pense améliorer sa
marque.
Sauf qu’il n’y aura hélas pas de deuxième tour chrono. Une minute
plus tard, un long hurlement de pneus immédiatement suivi d’un
concert de gravier anéantissent tout espoir.
Christophe sort du bac par ses propres moyens et revient avec une
M5 intacte certes, mais avec quatre pneus « carrés » à la suite
d’un long blocage des freins. Un débriefing s’impose : « Je
tape dans la pédale de gauche au bout de la ligne droite. La
consistance est alors aussi parfaite que la puissance de
décélération. Une fois arrivé à la sortie du “S” du sanglier, le
tableau de bord indique une avarie du système de freinage.
Je me résous donc à les prendre bien plus tôt. Rien ne se passe et
la pédale va au fond. Je me mets alors à pomper dessus et les roues
arrière se bloquent, puis les roues avant.
La poupe devenue incontrôlable se rapproche du rail de droite et je
décide par conséquent de renvoyer la voiture dans l’autre sens en
visant le bac. »
Grosse frayeur
Plus de peur que de mal, mais notre pilote s’en tire avec une
jolie frayeur et les pneus endommagés permettent tout juste de
terminer les photos avant que la voiture ne reparte sur un
plateau.
Il faudra revenir pour profiter des bienfaits du mode propulsion.
Encore faut-il louer son sang-froid pour avoir évité le pire quand
les roues se sont bloquées à 197 km/h. Je vous laisse imaginer les
conséquences quand on ne s’appelle pas Christophe Tinseau.
Une faiblesse de freins sur circuit, cela peut arriver, surtout
avec une berline de 2 400 kg, mais c’est
surtout l’absence de tout signe avant-coureur qui inquiète. Sur ce
point, l’apparition des systèmes anti-fading fait peut-être partie
de ces fausses bonnes idées.
En empêchant l’allongement progressif de la course de la pédale
(qui incite à rentrer aux stands), il rend l’évanouissement du
freinage impossible à anticiper. Malgré l’expérience écourtée,
Christophe a le temps de se faire une opinion.
Il regrette « le caractère aseptisé et trop feutré sur le
circuit. L’esprit M est préservé en ce qui concerne la puissance et
le style, mais pas les sensations ». Le caractère moteur le
déçoit presque tout autant : « La voiture accélère et pousse
plutôt fort, mais cela ne m’a pas sauté non plus au visage.
»
Vient le moment d’aborder le comportement : « On
retrouve l’équilibre BMW, mais le sous‑virage est plus marqué à
l’inscription et dans le lent. Elle est en revanche bien mieux dans
les virages moyens comme le “S” du sanglier, qui passe pratiquement
à fond.
Elle finit toutefois par embarquer quand une M3 CS est plus
survireuse et plus fine au même endroit. Le châssis est bon, même
si les gommes avant finissent par surchauffer. C’est un travers
typique sur une auto de plus de 2 tonnes. »
Le chrono de
1’48’’24 réalisé sur un seul tour montre néanmoins un potentiel
certain à comparer avec le 1’47’’68 signé par cette fameuse
Mercedes-AMG GT 63 S E Performance, un peu moins bien chaussée
(Michelin Pilot Sport 4 S rodés) mais plus puissante.
L’issue de ce Supertest avorté pousse à investiguer sur cette
avarie de freinage. Renseignements pris, BMW avait laissé des écopes
avant (destinées sans doute à optimiser l’aérodynamisme sur route)
qu’il est obligatoire de retirer sur piste pour améliorer le
refroidissement des disques.
Cela explique ce manque d’endurance, puisque d’autres M5 sont
parvenues à enchaîner plusieurs sessions de deux tours intensifs
sur des circuits plus exigeants sans le moindre problème.
Reste à éclaircir ce blocage des roues à haute vitesse. Défaillance
électronique en l’absence de connexion mécanique entre la pédale et
le système de freinage, déclenchement du frein de parking après la
surchauffe du système ou autre souci spécifique à notre modèle ?
Difficile à dire…
Le cas semble toutefois isolé, même si un poids de 2 400 kg
n’arrange évidemment rien dans le cas d’une utilisation intensive
sur circuit.
L'avis de Jacques Warnery
Mettre une berline de 2 400 kg sur un circuit est forcément
un exercice compliqué et il faut remercier BMW d’avoir joué le jeu.
Les soucis de freinage qui ont mis prématurément fin à ce Supertest
n’ont pas empêché cette M5 de nous dévoiler un potentiel
prometteur.
Châssis rigoureux, excellente transmission intégrale et ensemble
moteur plein comme un œuf démontrent une vraie maîtrise de
l’exercice, avec un chrono intéressant. Mais la piste n’est pas son
terrain de jeu.
BMW M5 : mesures sur circuit
BMW M5 : fiche technique
- Moteur thermique : V8, 32 S, biturbo
- Cylindrée : 4 395 cm3
- Position : AV, longitudinale
- Alésage x course : 88,3 x 89 mm
- Rapport volumétrique : 10,5
- Régime maxi : 7 200 tr/mn
- Moteur électrique : synchrone à aimants permanents
- Puissance thermique maxi : 585 ch à 5 600 tr/mn
- Puissance au litre : 133 ch/l
- Couple thermique maxi : 76,5 mkg à 1 800 tr/mn
- Couple au litre : 17,4 mkg/l
- Puissance électrique : 197 ch
- Couple électrique : 28,5 mkg
- Puissance cumulée : 727 ch
- Couple cumulé : 101,9 mkg
- Transmission : intégrale débrayable, 8 rapports auto
- Autobloquant : central + arrière piloté
- Antipatinage : de série + contrôle de trajectoire déconnectable
- Suspension AV/AR : double triangulation, amortisseurs pilotés + barres antiroulis/essieu multibras, amortisseurs pilotés + barre antiroulis
- Direction : crémaillère, assistance électrique
- Tours de volant/diamètre de braquage : 2,1 tours/12,6 m
- Freins AV/AR : disques ventilés (410 mm, étriers 6 pistons/398 mm, étriers flottants) (disque AV 420 mm M carbone-céramique en option)
- Antiblocage : de série
- Poids constructeur/contrôlé : 2 435/2 394 kg
- Répartition AV/AR : 54/46 %
- Rapport poids/puissance : 3,3 kg/ch
- L - l - h : 5 096 - 1 970 - 1 510 mm
- Empattement : 3 006 mm
- Voies AV/AR : 1 684/1 660 mm
- Réservoir : 60 l
- Autonomie électrique : 68 km
- Roues AV & AR : 10,5J 20 & 11J 21
- Pneumatiques AV & AR : 285/40 R 20 & 295/35 R 21
- Prix de base : 161 900 €
- Options/malus : 28 328/14 330 €
- Prix du modèle essayé : 204 558 € (malus compris)
Retrouvez notre Supertest de la BMW M5 dans le Sport Auto n°758 du 28/02/2025.



