Essai - BMW M3 CS Touring : un look de locomotive... mais du tempérament !
Un break allégé sur base de M3, avec du tempérament, un look de locomotive, une transmission intégrale joueuse : la BMW M3 CS Touring serait-elle la familiale idéale ? Un road trip nous le confirmera… ou pas.
Casaque vert métallisé (4 950 €), narines rouge sang et
roulettes dorées : c’est presque en costardcravate que nous nous
glissons dans les bouchons, en tout cas sans bermuda hawaïen ni
chemise à la Magnum.
Pourtant, conducteurs et cyclistes lèvent les yeux de leur
smartphone, alertés par le râle mécontent du 3 litres. Et encore,
celui-ci est trop feutré à notre goût. La M3 CS Touring fut révélée sur un
circuit extrêmement exigeant, en janvier dernier, à l’occasion des
12 Heures de Bathurst, à Mount Panorama (Australie). Pourquoi le
précisé-je ?
Parce que BMW voulait ainsi montrer de manière spectaculaire à quel
point cette première itération d’un break CS comblait selon lui un
manque. Ça restait à prouver, car le marché des familiales
sportives a-t-il vraiment besoin de breaks radicalisés et néanmoins
lourds par définition ?
Je mets de côté l’Audi RS 6 GT qui, avec ses mensurations de
baleinier, boxe dans la catégorie encore au-dessus : nous avons
pesé ce parpaing à 2 175 kg ! Mais la M3 CS Touring, elle, se
revendique légère, grâce à l’emploi de PRFC (plastique renforcé de
fibres de carbone) que l’on retrouve dans le capot, les coques de
rétroviseurs, la lame frontale tranche‑chevilles, le dossier des
sièges baquets (dont vous savez déjà tout le mal que je pense), la
console centrale, les palettes solidaires du volant, etc.
L’écart de poids avec une M3 Touring « non-CS » serait de
15 kg. C’est peu. C’est faux. Sauf si BMW nous a prêté, en mars
2024, une M3 « CSL » Touring, parce qu’à l’époque, notre monture
grise avouait 1 828 kg. Le transporteur du jour, bien que
coursifié, affiche 1 836 kg sur la balance de Mortefontaine.
Résumons : la CS est plus lourde que la version normale alors
qu’elle emmène plus de carbone. Serait-ce lié à des retouches
mécaniques ? Niet. Le 3 litres (course de 90 mm, alésage de 84 mm)
est identique et dérive toujours du bloc animant la M4 GT3.
Les 20 ch qui séparent une Competition d’une CS sont dus à la
cartographie et à une pression de suralimentation majorée (à 1,1
bar). Rappelons que ce bloc de type « closed deck » (sans
chemisage) est très rigide et que les pistons dansent au rythme
d’un vilebrequin forgé.
Les culasses ont recours à l’impression 3D, choisie pour des
besoins de refroidissement, le moulage de métal n’ayant pas permis
aux ingénieurs d’obtenir la réfrigération nécessaire. Avec la CS,
BMW mise sur le caractère moteur plus que sur les performances.
Non seulement l’écart de puissance est faible, mais le couple,
amplement suffisant comme nous allons le voir, n’évolue pas. Les
66,3 mkg débarquent un peu avant 3 000 tr/mn et répondent à l’appel
jusqu’à 6 000 tr/mn, soit 1 200 tr/mn avant le rupteur.
« J’ai mal au c… » Laurent, à ma droite, a fini son petit
roupillon. « C’est quoi, l’intérêt de coller des baquets aussi
durs dans une voiture familiale ? »
Aussi jolis
soient-ils, les sièges de la M3 CS Touring ne sont pas faits pour
avaler les kilomètres à un rythme de sénateur. Leurs flancs sont
durs et la boursouflure en carbone placée au milieu de l’assise
crée une pression au niveau de l’ischio-jambier droit du conducteur
(le pédalier est légèrement décalé). Il est donc temps de quitter
l’A34 à Boulzicourt, un peu au sud de Charleville-Mézières, pour
rompre la monotonie autoroutière.
Berline et break, du pareil au même
Ceux qui craignaient que la carrosserie Touring ne dénature la
raison d’être de la CS vont réviser leur jugement. Pour le 0 à 100
km/h, il n’y a aucun écart de performance, la berline (1 763 kg) et
le break (73 kg plus lourd) s’acquittant de l’exercice en 3’’2.
Rappelons juste que c’est le chrono d’une Lamborghini Murciélago LP
670-4, qui faisait figure, il y a quinze ans, de missile sol-sol
difficilement égalable.
Pour doubler la mise, ça se joue au coude-à-coude, le Touring
lâchant deux dixièmes à la berline (10’’8 contre 10’’6). Ce delta,
on le retrouve aussi au 1 000 m D.A. (20’’3 pour la berline, 20’’5
pour le break). Et pour enfoncer le clou, Hulk se permet de freiner
plus court (132 m) que la berline (133 m).
Alors non, nous ne sommes pas au volant d’un lot de consolation
pour ce road trip dans les Ardennes et en Belgique. Juste après la
préfecture du « zéro huit », la D989 se transforme en D88, puis en
D988. A Revin, la Meuse s’invite dans le voyage.
Elle nous quittera rarement ensuite, ses méandres, presque trop
réguliers pour être naturels, rythmant notre périple. Une fois la
frontière passée, on s’aperçoit vite que le plat pays ne l’est pas,
avec un relief marqué.
Le trajet n’est pour l’instant pas exigeant : le bitume
parfaitement surfacé bordant la berge ne présente aucune aspérité.
Depuis le palais abbatial de Waulsort, nous prenons le temps
d’admirer les falaises qui nous toisent sur la rive d’en face.
Le voyage est un long fleuve tranquille jusqu’à Anhée, où nous
posons les valises pour la nuit en passant au préalable à Dinant,
joyau des Ardennes belges, avec sa forteresse surplombant une cité
à l’architecture délicieusement surannée.
Le lendemain, les choses se corsent puisque la N971 s’est muée en
serpentin. Le relief est peu prononcé mais les Ponts et Chaussées
ont pris un malin plaisir à en lécher le moindre contour. Bilan :
la M3 CS Touring révèle une autre
facette de sa personnalité.
La direction faiblement démultipliée (2,2 tours d’une butée à
l’autre) est un atout de taille dans cette succession de virages
serrés. Même en mode Normal, elle guide sereinement mais gomme trop
les informations. Basculer en Sport rectifie un peu les choses, au
prix d’une certaine lourdeur.
Dommage que le volant soit si épais. Pas la peine de débrancher les
aides pour l’instant : la pluie s’est invitée et il serait
regrettable d’esquinter ces belles jantes. Dans ces conditions
glissantes, on apprécie le grip des Michelin Sport 4 S et de la
transmission intégrale.
D’autant que cette motricité exemplaire (l’autobloquant est piloté)
se conjugue au « plus‑que‑plaisir ». Pas de sous‑virage, un mode
4WD Sport qui laisse à l’arrière quelque latitude et un train avant
solide font penser à un comportement de GT.
Mais non, nous sommes bien à bord d’un break. Equilibrée, agile,
précise et en prime affublée d’un tempérament mécanique volcanique,
la Béhème nous régale. La Belgique est une terre de bières. Après
Sosoye, une route grimpe jusqu’à l’abbaye de Maredsous, édifice
digne d’un épisode d’Harry Potter.
Les moines y brassent un breuvage très recommandable (avec
modération). « C’est bien la CS, n’est-ce pas ? » nous
interpelle un collégien. Je confirme et m’étonne de la (bonne)
culture de l’ado dans ce lieu de recueillement. « C’est facile
de la reconnaître, entre les jantes, le capot, le spoiler et
l’inscription “CS” illuminée dans les baquets »,
explique‑t‑il. Je lui avoue n’avoir pas fait attention à ce dernier
détail.
Tripolaire
De nouveau sur la N971, nous prenons la direction sud à La
Forge. Falaën, Flun, Weillen, Onhaye : à mesure que nous
descendons, le panorama perd de son intérêt et le ciel se charge.
Les prévisions sont mauvaises, mais avant notre retour en France,
un avis Google nous incite à poursuivre le périple en Wallonie.
Cap sur le Tombeau du Géant, à Botassart, un belvédère dominant une
boucle de la Semois, qui se jette dans la Meuse quelques kilomètres
plus loin. Dans cet environnement verdoyant, la M3 CS Touring
British Racing Green passe inaperçue.
L’ambiance est particulière, entre la bruine se mêlant au
brouillard et cette végétation très fournie au pied de laquelle la
mousse est généreuse : on se croirait dans les Carpates. Le break
dispose d’une multitude de réglages différenciés (moteur/boîte,
suspension, freins, direction) et peut même, une fois l’ESP
totalement muselé, basculer en deux roues motrices avec la
possibilité de choisir le degré d’intervention du contrôle de
traction.
Nous l’avons essayé à Mortefontaine : les panaches de fumée sont
légion et ceux qui ironisaient sur l’arrivée de la transmission
intégrale sur la M3 devront se raviser. L’allemande est tripolaire
: rassurante en 4WD Normal, plaisante en 4WD Sport et enivrante en
2WD.
Sur ce réseau routier à l’entretien approximatif, nous préférons
calmer nos ardeurs, d’autant que certaines portions sont piégeuses.
Le calibrage de la suspension est probant, bien que cette dernière
réclame du rythme pour amortir convenablement. Il ne faut pas
laisser la M3 encaisser les cahots, mais conserver de l’allure,
même si le programme Normal est sélectionné.
Choisir Sport Plus n’est pas hérétique, à condition de profiter du
meilleur verrouillage vertical pour hausser le ton. On découvre
alors une familiale peu sujette au roulis, très équilibrée (51 % du
poids devant, sans architecture transaxle), et qui ne se comporte
pas du tout comme son profil le laisserait supposer.
Plus rigoureuse sur les appuis que la Touring normale (carrossage,
barres antiroulis et ressorts sont spécifiques), la CS est une bête
féroce déguisée en bétaillère. Lorsque les trois barrettes de la
transmission automatique ZF sont sélectionnées, les rapports
passent avec heurts et sans latence.
Un regret : les palettes au volant émettent un bruit trop « plastoc
». Une pression sur l’accélérateur ouvre alors les vannes à la
tempête. Le moteur n’a plus le timbre métallique et rageur de
l’E46, mais l’instantanéité et la fougue avec lesquelles les
reprises s’opèrent donnent l’impression de dompter une mécanique
avec deux fois plus de cylindres.
Coupleux mais avide des hauts régimes, ce straight‑six (183 ch/l
quand même !) n’a que des qualités (souplesse, tempérament). Les
freins carbone‑céramique optionnels (9 950 €) délivrent une
sensation agréable et sont plus faciles à doser que ceux de
certaines rivales.
Le dégressif est simple à cerner et la résistance à l’échauffement
semble au rendez‑vous (132 m mesurés de 200 à 0 km/h). Ce break n’a
finalement que deux véritables défauts : sa consommation qui, à
vitesse légale sur autoroute, culmine à 12,4 l/100 km, et son
tarif, élevé et plombé par le malus français (235 500 €, hors
options).
Pour le reste, rarement une familiale m’avait procuré autant de
plaisir. Contrairement à la M5, cette M3 CS Touring coche toutes
les cases de la Béhème telle qu’on l’aime.
L'avis de Sylvain Vétaux : 5/5
La M3 Touring est une excellente familiale, la CS est peut-être la meilleure de toutes. Efficace et facile d’accès, elle présente aussi un dynamisme typiquement Béhème. Il en résulte un break accélérant plus fort que bien des GT, se comportant avec la même maestria et ajoutant de la praticité. Les félicitations du jury sont méritées.
BMW M3 CS Touring : sa fiche technique
- Moteur : 6 en ligne, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 2 993 cm3
- Puissance maxi : 550 ch à 6 250 tr/mn
- Couple maxi : 66,3 mkg à 2 750 tr/mn
- Transmission : intégrale débrayable, 8 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série, déconnectable + contrôle de traction paramétrable/de série, piloté
- L - l - h : 4 796 - 1 918 - 1 447 mm
- Empattement : 2 857 mm
- Poids annoncé/mesuré : 1 850/1 836 kg
- Pneus AV & AR : 275/35 ZR 19 & 285/30 ZR 20
- Réservoir : 59 l
- Prix de base : 165 500 €
- Prix des options/malus : 17 330/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 252 830 € (malus compris)
- V. max. : 300 km/h (annoncée)
- 0 à 100 km/h : 3’’2 (50 m)
- 0 à 160 km/h : 6’’8 (184 m)
- 0 à 200 km/h : 10’’8 (388 m)
- 400 m D.A. : 11’’0 (202 km/h)
- 1 000 m D.A. : 20’’5 (253 km/h)
- 100 à 140 km/h en Drive : 2’’3 (77 m)
- Freinage de 200 à 0 km/h : 132 m/5’’/1,2 g
Retrouvez notre essai de la BMW M3 CS Touring dans le Sport Auto n°763 du 25/07/2025.


