Sébastien Loeb, l'interview pré-Dakar 2026 : "Avec Al-Attiyah, on se battra jusqu'au bout"
Développement du Sandrider, nouvel équipier, ambiance dans le team, parcours et ambitions sportives : Sébastien Loeb s'est confié à Sport Auto en prélude à son retour sur les dunes et pistes du Dakar 2026. Enfin la victoire au général pour le champion français ?
Le compte à rebours est lancé pour Sébastien Loeb. Le 3 janvier 2026, le nonuple Champion du monde WRC s'élancera pour sa dixième participation au Dakar. À quelques semaines du départ de la 48ème édition du roi des rallyes-raids, Sport Auto a rencontré le pilote du Dacia Sandrider. Morceaux choisis d'une interview en deux parties, dont la première est à savourer ici.
Sport Auto : Quel bilan tirez-vous de votre premier saison avec Dacia en Mondial des rallyes-raids ?
Sébastien Loeb : A titre personnel, le
bilan est plutôt mitigé parce que le Dakar puis le Rallye d'Abou
Dhabi se sont mal passés. Globalement, la voiture est performante
mais la réglementation technique fait que tout le monde est
proche en performance, cela reste très serré.
Le début de saison avait été marqué par des petits problèmes de
jeunesse avec la Dacia, principalement au niveau de la gestion
électronique des ventilateurs, mais aussi un peu de fragilité sur
certaines pièces, comme les trains roulants, les triangles,
etc.
Heureusement, tout ça a été résolu sur les
dernières courses. Après le Dakar et Abou Dhabi, on a aligné trois
podiums [dont une victoire au Maroc, ndlr.] pour faire une
belle fin de saison. Par rapport à l'an dernier, où on était arrivé
sur le Dakar moins bien préparés, on se sent davantage en
confiance. Reste à mettre tous les éléments bout à bout.
Votre navigateur Fabian Lurquin a laissé place à Edouard Boulanger. Comment s’est passée cette transition ?
Je pense que nos soucis du début de saison étaient surtout
liés à un manque de chance, à des mauvais concours de
circonstances. Il n'y avait rien à incriminer à Fabian, mais il en
a fait les frais. On s'entendait très bien dans la
voiture, mais la réussite nous boudait en termes de
résultats.
Alors quand Nasser [Al-Attiyah, ndlr.]
a fait savoir qu'il voulait changer de copilote, on a discuté
avec Dacia et Fabian et on s'est mis d'accord pour faire évoluer
les équipages. On a décidé de changer quelque chose en espérant que
ça fonctionne mieux. C'était une décision commune. Il n'y a aucun
problème à ce sujet-là, on reste en très bons termes avec
Fabian.
Comment décrivez-vous la "méthode Boulanger" par rapport à celle de Lurquin que vous pratiquiez depuis 2022 ?
Le rôle du copilote reste le même : décrire une
case de roadbook, faire un décompte de la distance, être le plus
précis possible, mais sans forcément donner le maximum
d'informations. Là où Fabian m'en donnait beaucoup, Edouard fait
davantage le tri, m'en donne moins.
Parfois, ça met permet d'avoir le cerveau un peu plus libre.
Parfois, il me manque certaines infos sur des cases particulières.
Je dirais aussi que'Edouard est un poil plus posé. Il dégage un peu
plus de sérénité dans la voiture.
Cela me donne plus de temps pour me concentrer sur l'attaque sans
me préoccuper du reste. Mais que ce soit Lurquin ou Boulanger, ils
sont deux très bons copilotes, sans d'énormes différences.
Édouard Boulanger a décroché son deuxième titre mondial des Navigateurs d’affilée en 2025. Est-ce un motif en plus pour lui mettre gentiment la pression ?
Pas plus que ça. C'est plutôt lui qui a fait le bon choix en changeant de pilote au moment où la tendance s'inversait. En début de saison, ça se passait plutôt bien avec Nasser, puis il est venu avec moi, et ça allait mieux. Qui sait, c'est peut-être lui le joker gagnant ! On verra bien sur le Dakar...
Le temps d'adaptation était-il suffisant pour votre duo avant d'aborder le Dakar ?
Dès le début, on s'est dit qu'on avait pas besoin
de temps d'adaptation. On est tous les deux Français, on parle la
même langue, il a son expérience en navigation rallye-raid, et moi
celle du pilotage. Il n'y a aucune raison qu'il ne ne fournisse pas
les bonnes infos pour que j'aille au bon endroit.
Mais cela ne veut pas dire que tout est ok pour autant. On doit
encore peaufiner certains détails, comme se caler sur les
distances, la façon de les annoncer. Edouard a tendance à les
anticiper un peu avec la vitesse, là où j'aime quand elles sont
réelles. Mis à part des petits calages comme ça, la compréhension a
été bonne dès le début.
En quoi votre Dacia Sandrider sera-t-il différent en 2026 pour aborder le Dakar ?
Le plus compliqué a été de résoudre les problèmes
électroniques de ventilateur. Outre la fragilité de certains
composants, l'un de nos premiers axes de développement a été de
limiter les crevaisons. Sur ma précédente voiture produite par
Prodrive [le Hunter BRX que Sport
Auto passe à la loupe ici, ndlr.], je crevais beaucoup
au niveau des roues arrière.
Il a fallu comprendre pourquoi et comment faire les choses
différemment. Et ces analyses nous ont été bien utiles pour avancer
dans la compréhension du problème avec la Dacia. Il y a eu un gros
travail sur les échappements, qui chauffaient pas mal les roues,
mais aussi les amortisseurs, pour essayer de soulager le pneu sur
les impacts de pierres, etc.
Dacia comptera un quatrième équipage sur le parcours en 2026. En quoi l’arrivée de Lucas Moraes et Dennis Zenz sera bénéfique pour l’équipe dans sa quête de gros résultats ?
Au niveau de nos ambitions, avoir une quatrième voiture ne
changera pas grand-chose. Ils deviennent des rivaux de plus dans
l'équipe. Un avantage dans le rallye-raid est qu'on ne se met pas
des coups de roue à chaque spéciale.
Cela peut arriver que des tensions se créent sur le parcours si une
voiture rattrape une autre, mais c'est plutôt rare. Au final,
chacun fait son truc. Certes, une voiture en plus rend
l'équipe plus forte, et permet d'avoir davantage de retours
d'expérience.
Pour ce qui est de la course, tant qu'on
est tous en position de jouer la victoire, il n'y a pas d'histoire
de stratégie. Mais si une voiture se retrouve perdue ou en
difficulté, malheureusement pour elle, il faudra rouler pour
soutenir les autres.
Ce n'est pas forcément ce qu'on préfère, mais ça fait partie d'un
rallye comme le Dakar. C'est d'ailleurs comme ça que [Carlos]
Sainz a gagné il y a deux ans, avec ses deux équipiers qui
partaient derrière lui à chaque spéciale, prêts à le secourir en
cas de crevaison. C'était vraiment une assistance
instantanée qui le suivait durant tout le parcours. Mais,
parfois, il faut pouvoir compter là-dessus, sans quoi il n'aurait
pas gagné !
Entre vos podiums mais aussi plusieurs déconvenues, la victoire au Dakar continue de vous échapper. Est-elle devenue une obsession ?
Je reste les pieds sur terre. Une victoire au Dakar est le résultat d'une succession de paramètres. La réussite en fait partie. J'ai perdu des rallyes par ma faute, d'autres à cause d'un manque de chance. Ce serait magnifique de le gagner cette année, mais on est nombreux à la vouloir cette victoire, et il y a qu'une seule place au sommet du podium.
Quel est votre avis initial sur le parcours dévoilé du Dakar 2026 ?
Honnêtement, je n'ai pas encore regardé, ça ne me parle pas
trop. De toute façon, les spéciales ont des parcours secrets, c'est
difficile d'être bien renseigné à l'avance. J'ai vu qu'on n'ira pas
dans 'l'Empty quarter' [l'une des nouveautés du parcours
dont Sport Auto vous parle ici, ndlr.].
Par contre, les dunes les plus compliquées n'y sont pas
forcément, ils peuvent très bien trouver des grosses spéciales de
sable sans aller là-bas. Pour le reste, il y aura plus de pistes,
mais j'espère pas trop de cailloux, rapport aux risques de
crevaison sur ce genre de parcours.
Imaginons le scénario suivant : vous et Nasser Al-Attiyah êtes au coude à coude pour la victoire. Vous laissera-t-on libres de lutter jusqu’au bout ?
Si c'est le cas avec Nasser [Al-Attiyah], on se battra jusqu'au bout. Si on a encore la moindre chance, on ne la lâchera pas.


