Retour aux sources - Shelby Mustang GT350 (1966) : mythe à l'Américaine...

Publié le 11 juillet 2025 à 12:30
Retour aux sources - Shelby Mustang GT350 (1966) : mythe à l'Américaine...

C’est la première Mustang made by Shelby. La GT350, lancée en 1965, se voulait la réponse de Ford à la Corvette de General Motors. Liaisons au sol améliorées, freins optimisés, puissance rehaussée : la firme au cobra n’a pas ménagé ses efforts. Sans oublier l’essentiel, cette sonorité si reconnaissable !

Les pneus noirs et un volant rond : voilà peu ou prou à quoi se résumaient mes connaissances à propos de la Shelby GT350, avant que nous allions à sa rencontre, à Périgueux. C’est peu mais heureusement son propriétaire, Jean-François Coget, spécialiste de la Mustang, est là pour éclairer ma lanterne.
« C’est bien une 1965 ? commencé-je. – Pas du tout ! Elle a les écopes sur les côtés et les custodes remplaçant les ouïes arrière. C’est forcément une 1966, répond-il. Un mauvais point pour moi. – 350, c’est bien en référence aux cubic inches ? enchaîné-je. Le regard sombre de Jeff m’indique que je me trompe à nouveau. – Encore raté ! C’est un V8 289 ci (4,7 litres) de 306 ch. 350, c’est en référence au nombre de pas entre les ateliers Shelby. »
Alors qu’il cherchait un nom pour cette auto, Carroll demanda à Phil Remington, l’un de ses ingénieurs, quelle était la distance entre les deux bâtiments. Ce dernier répondit : « Environ 350 pas. » Celle qui aurait pu s’appeler Cobra Mustang fut ainsi baptisée GT350.
C’est en janvier 1965 que l’auto fut présentée, mais le modèle différait donc de celui qui illustre ces pages. Posée sur des jantes tôle KelseyHayes de 15 pouces, le capot choisissait la fibre de verre, des amortisseurs Koni remplaçaient ceux de série, la banquette arrière restait à l’atelier et le carburateur d’origine laissa sa place à un Holley quadruple corps.
Pourquoi Carroll Shelby, déjà bien occupé avec la Cobra et la GT40, travailla-t-il sur la Mustang ? Afin de permettre à Ford de gagner en SCCA (Sports Car Club of America).
Notre destrier est un millésime 1966, reconnaissable entre autres à son second rang réapparu, son grand volant D bois/alu dont les branches flottantes à l’arrière activent le klaxon et à son compte-tours déporté et non plus intégré dans la planche de bord.
Le capot allégé de la première version cède sa place à une pièce en acier. Moins radical que le millésime 1965 dans l’esprit, le canasson donne quand même très envie de l’atteler. Dont acte.

Immaculée

La teinte Wimbledon White et les bandes Guardsman Blue plantent le décor. Cette configuration, imposée au lancement, ne l’était plus en 1966 et les clients pouvaient opter pour d’autres couleurs. La sécurité de l’époque se résume à une sangle ventrale, au verrouillage à la fois élégant et malin.
Jean-François nous tend les clés : « Faites-y attention, j’y tiens. » La petite ronde, c’est pour le coffre, dont le volume est assez ridicule, la faute au réservoir (le bouchon d’essence est orné d’un cobra).
Pour démarrer, c’est la clé rectangulaire, denture vers le haut. Un simple quart de tour à droite et ça y est, j’ai traversé l’Atlantique. Le V8 ne hoquette même pas et le ralenti se cale sur 800 tr/mn. Tout y est : le glouglou, le capot qui ondule, les jambes qui vibrent en rythme.
La direction est lourde et l’image renvoyée par l’unique rétro extérieur très déformée. Mieux vaut tourner la tête pour manœuvrer. Les confortables sièges en cuir noir permettent de se contorsionner sans peine.
Malgré ses voies très étroites et ses mensurations quelconques, j’ai l’impression d’être au volant d’un hors-bord. Croiser les camions génère des suées, tout comme les premiers freinages. La GT350 a bien des disques (avant) et des tambours plus gros (arrière), mais il faut y aller franco pour décélérer.
Pas d’assistance, une attaque dure et une désagréable sensation que le joli museau, aux arêtes marquées, empiète d’un bon mètre au premier cédez-le-passage. Le guidage est… aléatoire. Aux alentours des 70/80 km/h, le flou directionnel est perturbant et incite à des perpétuelles corrections.
Ma peur principale concernait la motricité, la GT350 de 1966 faisant l’impasse sur l’autobloquant du précédent millésime, jugé trop bruyant (mais qui reste une option). Comme les pneus Goodyear Blue Streak de 14 pouces sont aussi larges que ceux de mon vélo, j’avais quelques craintes, vite dissipées. La fougue n’est pas la qualité première de ce 4,7 l, plus percheron que pur-sang.
Notre modèle est équipé de la transmission automatique, qui était une option à l’époque. Alors qu’en réunion, Carroll Shelby et son équipe se prenaient la tête sur bon nombre de détails (bouchon de réservoir, texture de l’instrumentation, largeur des bandes, arrivée éventuelle des feux de la Thunderbird, pourtour des custodes, etc.), il y eut consensus autour de cette transmission à trois vitesses, toujours dans l’optique de démocratiser la GT350 en la rendant plus simple à conduire.
Mais aussi moins chère à produire, le moindre dollar investi dans le programme 1966 étant scrupuleusement discuté alors que le millésime 1965, initié avant tout à des fins d’homologation, avec une optique commerciale moins poussée, se montrait plus onéreux à assembler.

Tout doux, bijou !

Cette version a beau être plus sage que la précédente, la GT350 se conduit avec concentration et humilité. Pour la première, vous n’avez guère le choix, la Mustang allant de toute façon là où elle souhaite et n’ayant jamais la même réaction lorsqu’elle passe au même endroit deux fois de suite.
Pour la seconde, c’est plus compliqué car en dépit de ce comportement parfois loufoque, la Shelby s’apprivoise. Du moins, vous le fait croire. Malgré les tremblements de la caisse et dans la colonne de direction, il est difficile de ne pas avoir le pied lourd.
Alors que le volant gigote beaucoup, le train avant est accrocheur, bien aidé par une barre antidévers de gros diamètre. Pour résumer : pas simple de ressentir dans les mains ce qui se passe sous les roues mais ça tient paradoxalement plutôt bien.
L’autre bonne surprise concerne la boîte auto. Le ripage est très important et il faut garder à l’esprit de planter les freins dans la circulation, sous peine d’incruster la belle saillie chromée du pare-chocs dans l’arrière de devant. Mais lorsque le trafic se libère, on apprécie la douceur de la transmission.
Mieux : elle est moins lente que ce que je craignais. Les kick downs se soldent par un cabrage prononcé mais comme l’essieu directionnel est costaud, le conducteur anticipe les sorties de virage. L’allure augmente, les borborygmes aussi.
Les carburateurs Autolite au-dessus du bloc bleu (propres au modèle 66) avalent goulûment l’air de Dordogne. La GT350 ose suivre le rythme des autos actuelles, qui donnent l’impression, depuis l’habitacle de la sexagénaire, d’être verrouillées de toutes parts.
Dire qu’on est ballotté est un euphémisme. Les assises ont un maintien proche du tabouret de traite. Ce qui sauve la Shelby, c’est son faible poids, du moins au regard des canons actuels. Les infos diffèrent énormément, certaines sources évoquant 1 270 kg quand d’autres mentionnent 1 406 kg.
Avec moi à bord, la seconde valeur est probablement la plus réaliste. Malgré leur aspect sous-gonflé, les Goodyear sont adhérents et impliquent de bien cramponner le volant. Et on revient à la seconde consigne, celle d’être humble.
Si notre modèle était victime d’une suspension peu homogène (arrière très chahuteur), aller vite en GT350 est à la portée du premier venu. A l’exception des freins qui inspirent une confiance toute relative, la vieille dame s’emmène sans ménagement.
Ses accélérations (0 à 100 km/h en environ 7’’) sont très suffisantes et son couple généreux (45,5 mkg) fusille les dépassements et permet de cruiser sans crainte. Jusqu’à ce qu’une courbe se refermant nous rappelle à l’ordre. Pas de frayeur, juste une alerte.
Une leçon réassénée : il y a soixante ans, conduire vivement ce genre d’auto réclamait une concentration de tous les instants, les sens en éveil. Le plus tranquille est l’ouïe, bercée par la mélopée étonnamment reposante du V8 à arbre à cames central.
Il n’y a pas de déflagration comme dans une F-Type SVR, pas de retour de flamme comme sur une McLaren. C’est à la fois apaisant et stimulant et nous vaut d’ailleurs des pouces levés. « C’est une vraie ou une réplique ? » questionne un ouvrier intéressé, en centre-ville de Périgueux. Une pure race. L’un des 2 388 modèles qui virent le jour en 1966. « Vous avez du bol. » Et j’en ai pleinement conscience.

Shelby Mustang GT350 (1966) : fiche technique

  • Années de production : 1965 - 1966
  • Exemplaires produits : 2 388 (1966)
  • Moteur : V8 en fonte, 16 S, arbre à cames central
  • Cylindrée : 4 736 cm3
  • Puissance maxi : 306 ch à 6 000 tr/mn
  • Couple maxi :45,5 mkg à 4 200 tr/mn
  • Transmission : roues AR, 4 rapports manuels (3 rapports auto en option)
  • L - l - h : 4 610 - 1 730 - 1 400 mm
  • Empattement : 2 740 mm
  • Poids : env. 1 400 kg
  • Roues AV & AR : 6,5 x 14
  • Prix à l’époque : 4 428 $
  • Cote actuelle : environ 200 000 €
  • V. max. : 230 km/h
  • 0 à 100 km/h : environ 7’’

Retrouvez notre essai "Retour aux sources" de la Shelby Mustang GT350 (1966) dans le Sport Auto n°761 du 30/05/2025.

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