Aston Martin Valkyrie : la "bête" décryptée par Ian James (The Heart Of Racing) (+ podcast)

Publié le 26 septembre 2025 à 18:30
Aston Martin Valkyrie : l'Hypercar au V12 décryptée par Ian James (+ podcast)

En IMSA comme au Mans, la Valkyrie ne laisse guère indifférent. Pour mieux comprendre comment on transforme une "F1 de la route" en "monstre des pistes", Sport Auto a rencontré Ian James, pilote et patron de "The Heart Of Racing", le bras armé d’Aston Martin en course.

"Monstrueuse", "bestiale", "frappante" et, surtout, unique en son genre : les superlatifs ne manquent guère lorsqu'on évoque l'Aston Martin Valkyrie...

Aston Martin Valkyrie : l'Hypercar au V12 à l'assaut des pistes

Rien que son patronyme, en référence aux guerrières de la mythologie nordique, suffit à faire tressaillir d'excitation les fans du monde entier, et trembler ses rivaux à l'écoute du rugissement de son V12.
Produite à 235 unités, la version routière de l'hypercar signée Aston Martin relève déjà de la rareté absolue. Alors quand Sport Auto a été convié à l'approcher de plus près, la réponse ne s'est pas faite attendre !
Dans un premier temps, ce fut dans le baquet "de droite" de sa variante "pistarde", l'AMR Pro, aux côtés d'un certain Nico Hülkenberg, pour une expérience déjà ébouriffante. Privilège ultime : c'était ensuite derrière le volant de la version "routière" pour un galop d'essai sur le tarmac de Bahreïn (à savourer ici en vidéo).
Puis, fin 2023, la nouvelle tombait : la Valkyrie allait prendre le chemin des circuits dans le cadre d'un double programme Hypercar IMSA (GTP)/WEC (LMH). Depuis les 1812 km du Qatar, la flèche de The Heart Of Racing promène ainsi sa teinte British Racing Green sur les pistes nord-américaines et du Championnat du monde.
De quoi susciter l'émoi de milliers de fans au passage de son énorme moteur, bien que sa puissance initiale a logiquement dû être contenue dans les limites du règlement, et le niveau sonore de son cri mécanique muselé.

Rencontre avec Ian James, pilote-patron de THOR

Désireux d'en savoir davantage sur les rouages du programme de l'Aston Martin Valkyrie en compétition, Sport Auto a eu l'occasion de rencontrer Ian James, le fondateur et figure de proue de The Heart Of Racing (THOR).
En prélude aux dernières 24 Heures du Mans, celui qui défend aussi les couleurs de son team dans le baquet de la Vantage GT3 nous en dit plus sur le chemin, encore long, qui attend l'Hypercar vers les sommets des pelotons en IMSA et WEC.

Sport Auto : L'Aston Martin Valkyrie s’est taillée une sacrée réputation sur les routes, la voici aujourd'hui sur circuits. Comment s’est déroulée cette transition, d’un point de vue technique ?

Ian James : La Valkyrie est la seule voiture du plateau en WEC réellement issue d’un modèle routier. Evidemment, il existe un ensemble de règles à respecter dans le cadre de la compétition. L’idée était de reprendre la base, d’adapter légèrement le groupe motopropulseur, de travailler l’aérodynamique autour de la cellule centrale et d’affiner le design existant.
Çe fut un vrai challenge. Et, pour être honnête, c’est parfois plus compliqué que de partir d’une feuille blanche, car il y a des contraintes à gérer, même si cela se traduit aussi par
certains avantages. Au final, je pense que le résultat est très réussi : on retrouve clairement l’ADN de la voiture de route dans la version de course.

Une des signatures de la Valkyrie de route, c’est son V12. Comment avez-vous adapté cette mécanique pour répondre aux contraintes des règlements en IMSA et en WEC ?

Il a fallu réduire la puissance [du moteur, ndlr.] d’environ 30 % par rapport à la version routière, et abaisser un peu le régime. Cela a eu un impact sur la distribution, que nous avons dû entièrement re-dessiner. Ensuite, nous avons travaillé sur la consommation, car la durée des relais et la quantité de carburant embarquée sont essentielles.
Enfin, il y a la question de l’endurance : rouler sur route et attaquer pendant 24 heures, ce n’est pas la même chose. On a donc effectué beaucoup de tests au banc, puis en conditions réelles sur circuit. Et nous sommes très satisfaits du résultat.

Aligner la Valkyrie en course, était-ce une perspective ancrée depuis le tout début ? Ou bien le projet s'est-il dessiné au fur et à mesure de son développement ?

Nous [le team THOR, ndlr.] venons d’un programme GTE. Quand la Valkyrie de route est arrivée, Gabe Newell, le propriétaire qui finance la majeure partie du projet, a dit que ce serait dommage qu’elle ne voie jamais un circuit. Et il m’a confié la mission de tout faire pour amener cette voiture en course. Je pense que les fans sont heureux qu’il ait pris cette décision !

Étiez-vous toujours certain que la Valkyrie finirait par courir ? Ou bien le projet vous-t-il paru trop ambitieux ?

Pour être honnête, à certains moments, j’ai pensé que ça ne se ferait pas. Nous avons été proches plusieurs fois, mais c’était plus un espoir qu’une certitude. Puis, quand Aston Martin a compris le potentiel de lancer sa voiture sur la scène mondiale, nous nous sommes alignés et les accords ont été conclus. Il y avait énormément d’attention et d’attentes autour de ce projet.

Justement, la pression médiatique et les attentes des fans : une motivation en plus ou un poids à porter ?

Notre équipe a toujours placé les fans au centre. C’est une motivation supplémentaire de leur offrir quelque chose qu’ils aiment. Le son et le design de cette voiture en ont déjà fait une favorite du public. Bien sûr, ça rajoute de la pression : nous voulons performer pour eux. Pour l’instant, nous sommes dans une sorte de "lune de miel", mais à terme il faudra être aux avant-postes. C’est clairement notre objectif.

Quels furent les premiers retours des pilotes au volant ?

Ils ont tout de suite dit que la voiture encaissait bien la puissance. C’est un gros V12 atmosphérique de 6,5 litres, donc un moteur imposant. Mais le châssis est bien réglé et le centre de gravité est réglementé, donc pas de souci particulier.
La décharge
de puissance est très progressive, et nous travaillons encore sur l’électronique pour la rendre toujours plus douce et régulière. Dès leurs premiers tours, les pilotes avaient tous un énorme sourire en sortant de la voiture.

Au-delà du moteur, son aérodynamique s'avère très particulière. Étiez-vous d'emblée à l’aise avec son concept extrême ou était-ce un risque de l’adapter au circuit ?

La conception de la voiture de route nous a ouvert certaines opportunités, notamment sur le dessin des tunnels et l’exploitation du plancher. Nous avons voulu pousser ces solutions, qui correspondaient à notre vision d’une version course de la Valkyrie.

Opter pour des choix trop radicaux ne risque-t-il pas de se retourner contre vous ?

Oui, c’est toujours un risque. La voie la plus sûre, c’est d’acheter un châssis de type LMP2, d’y ajouter une carrosserie et de partir de là. Mais nous avons voulu prendre un peu de risque, et toutes nos données laissaient penser que c’était une décision solide. Nous n’avons pas encore tout prouvé, mais si l’on compare notre première année à celle de beaucoup de concurrents, on voit déjà que ce choix n’était pas si insensé.

Vous courez à la fois en IMSA et en WEC. Quels sont les apports des deux championnats dans le développement de la voiture ?

Tout dépend du type de circuit. L’avantage, c’est que courir sur deux fronts accélère énormément notre apprentissage : nous apprenons deux fois plus vite que si nous étions concentrés sur un seul championnat. Nous travaillons comme une seule équipe mondiale, avec un partage total des données.
Pour l’instant, les circuits plus longs et fluides nous conviennent mieux. Mais à terme, il faudra être performants partout, et cela demande du temps pour affiner les réglages de suspension et d’amortisseurs.

Ecoutez ci-dessous notre conversation (en anglais) en compagnie d'Ian James (Heart Of Racing), enregistrée en marge des 24 Heures du Mans 2025, dans l'épisode 11 d'Inside Racing : l’essence de la vitesse.

Si vous appréciez notre série de podcasts Inside Racing : l’essence de la vitesse, découvrez l'intégralité des épisodes à cet onglet mais aussi sur les plateformes d’écoute Spotify et Deezer, en accès gratuit. Nous y discutons avec Théo Pourchaire, Robert Kubica, Victor Martins, Gwen Lagrue, Sarah Bovy, Pierre Van Vliet et bien d'autres !

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À propos de l’auteur
Guillaume Alvarez
Guillaume Alvarez
Rédacteur-Editeur pour Sport Auto, l'Auto-Journal et F1i. Je partage mon temps entre l'écriture, le reportage et les circuits, la plume et le micro portés par la passion de l'automobile et de la compétition, du Karting à la Formule 1, en noir et blanc comme en couleurs.
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