Supertest - Porsche Taycan Turbo GT : est-elle une vraie sportive ?
La Porsche Taycan Turbo GT est-elle une vraie sportive ? Sport Auto la passe sur le grill du Supertest en piste !
Nous aurions aimé emmener au Vigeant la Taycan Turbo GT avec le pack
Weissach, mais cette version, allégée de 70 kg (suppression de la
banquette arrière et de certains isolants et ajout d’un aileron
fixe en carbone), Porsche France ne l’avait pas en stock. Enfin,
pour la télé, si. Vexé, Sport Auto ?
Non, je taquine car, désolé de spoiler, notre monture violine se
mouvant sur des roues bronze est bien plus qu’un lot de
consolation. Même si cette configuration chromatique n’est pas
toujours simple à faire ressortir en photo. La Taycan Turbo GT,
c’est quoi ?
La Porsche de série la plus puissante de l’histoire de la marque.
Rien que ça. Que ce soit une électrique fait grincer des dents, les
nôtres en tout cas. Lancé au printemps dernier, le météore de
Zuffenhausen a fait tout de suite les gros titres de la presse
spécialisée en pulvérisant, coup sur coup, deux records pour une
voiture électrique. Il y eut les 7’07”55 sur la
Nordschleife, explosant le chrono de la version Turbo S
(août 2022) de… 26”.
Il y eut également les 1’27”87 sur le tortueux tracé de Laguna
Seca. Mais la McMurtry Spéirling est passée par la Californie à
l’été et a humilié l’allemande : 1’18”413. La Porsche, à l’heure où
nous mettons sous presse, conserve toujours son temps de référence au
Nürburgring, la Xiaomi SU7 Ultra, qui a claqué un 6’47’’ il y a quelques
semaines, étant un prototype non homologué.
Une Tesla Model S Plaid est reléguée à 18”. Je sais que certains «
Tesla boys » vont me sauter sur le râble pour vanter l’écran king
size, le rapport prix/performances imbattable, la polyvalence ou le
génie d’Elon Musk, apôtre de la bienveillance et du retournement de
veste.
Soyons francs : je m’en fiche. La seule question à laquelle votre
magazine doit répondre est la suivante : la Taycan Turbo GT
est-elle une voiture que Sport Auto recommanderait ? Réponse pas si
évidente.
"Space Mountain"
Si je me focalise uniquement sur les chiffres enregistrés par
notre radar, la Porsche est la huitième merveille du monde. La
procédure est simplissime : pied gauche sur le frein, pied droit au
plancher et un message Launch Control apparaît.
Les 789 ch sont soutenus par le renfort de cavalerie pour cumuler à
1 034 ch. Mais avant de relâcher la guibole à bâbord, un conseil :
pensez à plaquer la nuque sur l’appuie-tête car le départ est
violent. Brutal. Suffocant. Maboul. En 2”2, vous êtes à 100 km/h,
les yeux plissés par la poussée oppressante.
C’est deux dixièmes de mieux qu’une Model S Plaid, mesurée au même
endroit. Plus que ce chrono dingue, c’est la faible distance dont a
besoin la Taycan qui effraie : 32 m, soit peu ou prou 32 pas. La
suite est du même acabit. Les 160 km/h sont franchis en 4”4, soit
le temps mis par une 718 Spyder pour atteindre 100 km/h.
Avant, les voitures électriques s’essoufflaient à l’approche des
200 km/h. Mais ça, c’était avant. 0 à 200 km/h : 6”5. 0 à 250 km/h
: 11”4. 0 à 290 km/h : 19”8. A cette allure, un truc marrant se
produit. Ou plutôt deux.
Le premier, c’est que la bride intervient et que la Turbo GT régule
gentiment à la vitesse du TGV.
Le second, c’est que vous retrouvez enfin de l’air dans les
poumons. « Ma Plaid fait mieux ! » raille le Tesla boy. C’est vrai
: Laurent Chevalier l’avait chiffrée en 17”4 au 1 000 m D.A. alors
que j’ai péniblement réalisé 17”7. Ce mille, la Tesla l’avait
terminé à 308 km/h tandis que la Porsche passe la borne
kilométrique à 282 km/h.
Sans la bride, il y a fort à parier que l’allemande aurait devancé
l’américaine. A partir de 260 km/h, l’électronique freine la folle
accélération, en générant des pertes de puissance, comme pour
anticiper la bride. Et comme la Taycan colle au bas mot un dixième
à la Tesla sur toutes les accélérations (à part le mille, donc), il
est très probable que sans ce garde-fou, elle eût été devant.
En reprises aussi, nos deux super-familiales se tiennent à la
culotte. 1”3 pour la Model S, 1”4 pour la Taycan : pas le temps de
compter le nombre de passagers dans le monospace que vous venez de
déposer. La Turbo GT est ultra-véloce, c’est certain, mais est-ce
plaisant de se retrouver catapulté de la sorte ?
Pas vraiment, surtout si, comme moi, vous oubliez la règle numéro
un : plaquer l’occiput au dossier avant toute accélération franche.
Ça aide à encaisser le bourre-pif… Rappelons que ses 1 034 ch,
l’auto ne les développe que pendant le court laps de temps du
départ arrêté.
Il faut ensuite se contenter de 789 bourrins. En mode Sport Plus,
la Porsche émet une désagréable stridulation délivrée par les
haut-parleurs. C’est entre le zonzonnement d’un moustique
hérétique, la plaque de cuisson qui rend l’âme et un chiot qui
pousse ses premiers jappements. Il est heureusement possible de
faire taire cette bande-son depuis l’écran central.
Aie confiance !
La Porsche la plus puissante de l’histoire est aussi la plus
véloce. Tout va bien. Mais elle est également l’un des modèles les
plus réussis en matière de toucher de route.
Il faut juste faire confiance à l’amortissement piloté Active Ride,
aux roues arrière directrices, à la transmission intégrale et à une
direction certes électrique mais au feeling typiquement
Porsche.
L’Active Ride, pour rappel, est un système piloté dans lequel
chaque amortisseur dispose d’une pompe hydraulique à commande
électrique. Cette dernière achemine de l’huile sous haute pression
dans un circuit, permettant ainsi de contrôler plus finement
compression et rebond.
Des capteurs, au niveau de chaque roue, évaluent la vitesse des
mouvements verticaux de celle-ci et, à raison de 13 fois par
seconde, donnent l’information à la pompe quant à la quantité
d’huile à envoyer.
L’effet de surcompensation des mouvements de caisse est moins
évident que dans une Panamera que j’avais eu l’occasion d’essayer
il y a quelques mois. Il n’y a pas ce phénomène de voiture qui se
couche dans le virage, comme en deux-roues.
La répartition de la charge dynamique est néanmoins très efficace,
et l’assiette reste quasi horizontale. Même en programme Sport
Plus, la Taycan n’est jamais brutale avec les vertèbres sensibles.
Ferme, oui ; cassante, non. Pourtant sa conduite est
stressante.
La raison ? L’autonomie, pardi ! Parti d’Allainville, sur l’A10,
avec 76 % de batterie, il m’a fallu réinjecter des électrons à
l’aire des Mille Etangs, sur l’A20, après deux heures d’autoroute
et 217 km. L’écran indiquait alors 14 % d’autonomie. Ça ne fait pas
bézef…
Après une heure de recharge sur une borne de 175 kW, c’est reparti.
Une fois sur le réseau creusois et viennois, le conducteur est
moins préoccupé par la jauge. Il est possible, d’une pichenette sur
la palette de gauche, d’activer le freinage régénératif, peu
intrusif d’ailleurs.
Celle de droite actionne une fonction Boost assez inutile puisqu’en
Sport Plus, un pied au plancher se solde systématiquement par un
écrasement occipital. Les jolies routes autour de Bellac et du
Dorat sont un terrain de jeu qu’apprécie la Porsche.
Dans ces successions de grandes courbes, suivre le rythme infernal
de la pile électrique est inenvisageable. Les relances en sortie
sont la première raison, la direction intégrale et particulièrement
probante pour une voiture électrique en est la seconde. Porsche
réussit à séduire avec cette assistance ferme et cette montée en
effort informative.
Jour J
Le lendemain, jour de chrono, la météo est radieuse et la
température (19 °C) idéale pour affoler le radar. Christophe est
pourtant dubitatif sur son temps : « Je ne sais vraiment pas à
quoi m’attendre. Je suis incapable de te dire si je vais tourner en
1’43” ou 1’50”. »
Nous avions obtenu, à l’époque où nous
réalisions nos Supertest au Mans, un chrono avec la Taycan Turbo S
: 1’50”35. La Porsche s’intercalait alors entre une Caterham Seven
485 R et une M4 CS. Le Val de Vienne est plus court que le Bugatti
(3,7 km contre 4,2), aussi le meilleur temps enregistré (1’45”23)
n’explique-t-il pas grand-chose.
La Taycan Turbo GT échoue de peu à intégrer notre Top Ten, et
Christophe vous précise pourquoi (voir p. 54). Quant à moi, je suis
tiraillé entre mon aversion pour les autos électriques, dont la
place devrait se résumer aux fêtes foraines, et le plaisir, il me
faut le reconnaître, qu’il y a à (mal)mener cette Turbo GT sur
piste.
Direction consistante, mouvements contenus, mises en vitesse
affolantes, grip sans faille, comportement prévenant mais un peu
jovial une fois les aides débranchées : c’est un quasi-carton
plein. Quasi car, avec sa puissance de fusée, nous escomptions un
chrono encore meilleur.
La raison tient principalement dans les freins, ces frisbees de
carbone-céramique. Arriver à doser efficacement les décélérations
n’est pas simple, y compris pour notre pilote. La course de la
pédale est déjà trop longue en temps normal, et ce grief s’amplifie
au fil des tours.
Endurance et puissance sont au rendez-vous, mais le toucher de la
pédale de gauche est perturbé par la récupération d’énergie
cinétique, qui fait varier l’attaque sur un même freinage. Elle
n’est donc pas – encore – née, la sportive électrique qui nous
ferait préférer son volant à celui d’une GT3 RS.
L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux : 4/5
Résumer la Taycan Turbo GT à un canon vous propulsant vers l’infini est trop réducteur, même si elle assume le rôle de catapulte. La Porsche est aussi une machine à avaler, avec maestria, les virages plus ou moins piégeurs et dont le toucher de route, limpide, efficace mais pas dénué d’agilité, est à montrer en exemple. Hélas, une pédale de frein peu rassurante et un poids trop sensible la pénalisent.
Porsche Taycan Turbo GT : performances sur circuit
Porsche Taycan Turbo GT : fiche technique
- Moteurs : 2 électriques
- Puissance maxi : 789 ch
- Puissance maxi avec overboost (Launch Control) : 1 034 ch
- Couple maxi avec overboost (Launch Control) : 126,4 mkg
- Batterie (capacité brute/nette) : 105/97 kWh
- Puissance de recharge : 320 kW
- Transmission : intégrale, 2 rapports automatiques
- Autobloquant : de série (piloté PTV+)
- Antipatinage : de série déconnectable
- Suspension AV/AR : doubles triangles en aluminium, antiroulis actif Active Ride, amortissement piloté/ essieu multibras, antiroulis actif Active Ride, amortissement piloté
- Direction : crémaillère, assistance électrique
- Tours de volant/diamètre de braquage : 2,5/11,2 m Cx : 0,22
- Freins AV/AR : disques percés ventilés carbone-céramique (390 mm, étriers 6 pistons/380 mm, étriers 4 pistons)
- Antiblocage : de série
- Poids annoncé/contrôlé : 2 290/2 321 kg
- Répartition AV/AR : 49/51 %
- Rapport poids/puissance : 2,2 kg/ch
- L - l - h : 4 968 - 1 998 - 1 378 mm
- Empattement : 2 900 mm
- Jantes AV & AR : 10 & 12 x 21
- Pneumatiques AV & AR : 265/35 & 305/30 ZR 21
- Prix de base : 246 538 €
- Options/bonus : 18 522 €/0 €
- Prix du modèle essayé : 265 060 €
Retrouvez notre Supertest du Porsche Taycan Turbo GT dans le Sport Auto n°755 du 29/11/2024.



