Essai - Porsche 911 Carrera 4 GTS Cabriolet : que vaut la 911 à la sauce hybride ?
On redoutait le pire à propos de l’hybridation de la Porsche 911, tout en espérant secrètement qu’elle efface, ou allège, le malus de 60 000 €. Ni l’un ni l’autre…
Quelle sauce d’hybridation la 911 allait-elle être mangée ? Rien n’a filtré jusqu’au lever de rideau, qui stoppait net un déluge de spéculations plus ou moins sombres.
« Les gens ne savaient pas ce que nous allions faire. Ils étaient très sceptiques. Ils imaginaient une version hybride plug-in et la jugeaient comme étant le début de la fin pour la 911. Je ne vous cache pas que certains commentaires sur les réseaux sociaux étaient difficiles à lire », confie Frank Moser, le vice-président des gammes 911 et 718, avant de poursuivre : « L’une de nos priorités était de conserver la même répartition du poids entre les essieux. Nous souhaitions également créer une plus grande différence entre les modèles Carrera classique et GTS. L’idée est d’augmenter les performances tout en réduisant les émissions."
Pour ce qui est d’améliorer les performances, c’est ce que nous allons voir dans un instant. En ce qui concerne les émissions de CO2, en revanche, n’espérez pas de l’hybridation qu’elle contourne le malus de 60 000 €. Avec 239 g/km pour une Carrera GTS, c’est plus que jamais plein pot. Mais avant de s’emmêler les pinceaux, un rappel des innovations s’impose.
La nouvelle Carrera tout court reste en 100 % thermique et n’évolue que dans le détail par rapport à la phase 1 lancée en 2019. Elle emprunte ses turbos à la précédente GTS, en gagnant 8 ch et quelques babioles d’équipement. Mais la 992 GTS phase 2, elle, est remaniée de fond en comble.
Elle inaugure un tout nouveau flat 6, de 3,6 litres au lieu de 3 litres, qui troque son système biturbo pour un monoturbo à assistance électrique et un moteur électrique pris en sandwich dans le carter de la boîte de vitesses à double embrayage. C’est une sorte de croisement entre une usine à gaz et une centrale nucléaire.
Avec tout ce que cela comporte comme interrogations. A commencer par savoir si cette orgie de technologies préserve l’équilibre ô combien caractéristique et savoureux de la 911. Il faut ensuite évaluer ce que cela apporte, ou enlève, au volant. Et aussi, sans être devin, se demander comment cette nouvelle débauche d’électronique tiendra dans le temps.
Rappelons que la 911 a forgé sa réputation sur le fait de résister aux décennies et d’avaler des centaines de milliers de kilomètres sans ennuis. Mais plutôt que de penser à demain, profitons du moment présent et sautons dans le baquet de cette Carrera 4 GTS Cabriolet qui nous tend les bras.
La première différence, pour les habitués de la 992 phase 1, concerne la mise en route du flat 6. Cela se passe toujours à gauche du volant, mais le bitoniau qui nous avait déjà agacés en se substituant à la clé de contact de la 991 est lui-même remplacé par un simple bouton. Un peu comme un ordi… bon, passons.
Au démarrage, le nouveau flat 6 résonne à l’extérieur mais donne l’impression d’avoir une couche de filtres supplémentaire depuis l’intérieur. Le fait d’appuyer sur la touche de l’échappement Sport au tableau ne change pas grand-chose à l’oreille. C’est moins perceptible que sur la 992 Carrera T, en comparaison.
Du tac au tac
Dès les premiers tours de roues, cependant, le 3,6 litres semble remonté comme un coucou. Fini le temps de réponse de la suralimentation, le turbo réagit du tac au tac et relance la cadence au moindre appel du pied droit.
A tel point qu’il faut garder un œil sur le compteur de vitesse pour éviter les mauvaises surprises, et supporter l’incessante répétition des trois gongs de dépassement de la vitesse autorisée, dont le volume sonore restreint agit tel le supplice de la goutte d’eau. Comptez une fréquence de moins de trois secondes pour le déclencher avec des panneaux à 90 km/h.
Vous pouvez le déconnecter, mais il faut naviguer dans les sous-menus de l’écran tactile chaque fois que vous coupez le moteur. Un poil irritant, tout comme le fait de devoir quitter la route des yeux et pianoter sur l’écran pour régler la direction de la ventilation.
Un détail, abordons à présent l’essentiel : le nouveau flat 6 de 3,6 litres joue sur la corde nostalgique des porschistes comme pour mieux faire passer la pilule de son hybridation. Concrètement, il n’a rien en commun avec le moteur de la Carrera phase 2. Non seulement sa cylindrée est supérieure de 600 cm3 , mais sa hauteur totale est inférieure de 110 mm grâce à l’absence de courroie et de poulie du compresseur de la climatisation, désormais entraîné par l’électricité.
L’espace ainsi dégagé permet de loger une partie du système électrique et le convertisseur. Le poids du bazar, avec les batteries ? 50 kg de plus pour l’équivalent de 61 ch de gagnés. Le rapport poids/puissance serait donc plus favorable avec l’hybridation (3 kg/ch au lieu de 3,3 sur l’ancienne GTS).
Volant en mains, le surplus de vigueur mécanique est manifeste, que ce soit au décollage, à mi-régime ou dans les tours. Au point de donner l’impression, sur le circuit d’Ascari où s’est déroulé ce galop d’essai, de rester dans le sillon de la 992 Turbo S de notre poisson‑pilote du jour.
A moins que ce dernier ne me brosse dans le sens du poil, pour me faire dire que la nouvelle marche mieux que l’ancienne avec plus de chevaux, tout en ménageant ma susceptibilité, ce qui serait assez malin de sa part. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la Carrera GTS hybride paraît décoller plus vite, avoir plus de punch, pousser un poil plus fort et plus longtemps.
Le gap est également sensible en ce qui concerne la tenue de route. Notre modèle d’essai, équipé du système optionnel PDCC, pour « Porsche Dynamic Chassis Control », est un poisson dans l’eau sur circuit. Pour simplifier, la pompe hydraulique de cet antiroulis actif est désormais alimentée par le système à haute tension, et son accumulateur est dorénavant séparé. Non seulement les mises en pression sont plus rapides, mais les calculateurs sont plus expéditifs.
Il en résulte une stabilité encore plus spectaculaire, avec une absence totale de roulis qui s’accompagne d’une plongée inexistante au freinage et d’un cabrage indécelable à l’accélération. Le tout génère une plus grande précision. Par ailleurs, le train avant gagne en rapidité à l’entrée des courbes et résiste mieux au sous‑virage à la réaccélération.
Rappelons que les roues arrière directrices sont désormais montées de série. Pour mémoire, elles pivotent dans le sens inverse des roues avant en dessous de 50 km/h pour favoriser l’agilité, et dans le même sens au‑dessus de 80 km/h pour maintenir la stabilité.
Plus rapide mais pas plus émouvante
Pas besoin de dégainer le chrono pour se rendre compte que la version hybride va tourner autour des Carrera GTS phase 1 lors des sorties sur circuit. Au doigt mouillé, je prédis même qu’elle avoisine le temps au tour d’une 992 Turbo S. Porsche ne tarde pas à le confirmer en annonçant une amélioration de 8’’7 par rapport à l’ancienne GTS sur un tour de la boucle nord du Nürburgring (soit 7’16’’934).
A titre d’info, nos collègues allemands de Sport Auto ont mesuré la 992 Turbo S en 7’17’’11 en 2018. Les valeurs revendiquées en accélération demeurent proches entre la 911 GTS 2 roues motrices et la 911 Turbo S (3’’0 de 0 à 100 km/h et 10’’5 pour atteindre les 200 km/h, contre 2’’9 et 10’’1).
Il y a donc fort à parier que la 911 hybride tutoie les 20’’ au 1 000 m D.A. et s’approche ainsi de la catégorie des supercars datant d’il n’y a encore pas si longtemps. Quant au freinage, il ne pose aucun souci en matière de résistance à l’échauffement sur la GTS, contrairement à celui de la Carrera phase 2, de plus petit diamètre, dont la consistance diminue au gré des tours de circuit.
Le système en carbone‑céramique au diamètre majoré (420 mm et 10 pistons à l’avant !) est spectaculaire et offre des distances d’arrêt très sécurisantes. Toutefois, la récupération d’énergie au freinage ne passe pas inaperçue et se matérialise par une espèce de sur-assistance qui brouille les pistes sur circuit.
Le dosage est infiniment plus naturel, par exemple, sur une McLaren Artura. Pas de quoi gâcher la fête mais peut‑être s’interroger sur l’intérêt de la nouvelle version, sur le strict plan du plaisir. Que ce modèle hybride soit plus performant et plus efficace, cela ne fait aucun doute. Mais à quel moment se dit‑on qu’il manque des chevaux au volant d’une GTS phase 1 ? Jamais.
D’autant que ce surcroît d’efficacité s’accompagne d’un moteur certes plus plein et performant, mais moins communicatif quant aux vibrations. Je ne sais pas encore si j’ai l’impression de voir s’évaporer une partie du supplément d’âme de la 911, mais ce qui est certain, c’est que je prends davantage de plaisir au volant de la 992 Carrera T phase 1 qu’au volant de cette GTS hybride.
L'avis de Laurent Chevalier
Intrinsèquement, la 911 Carrera hybride mérite 5 feux verts puisque la greffe du moteur électrique booste les performances et n’entame pas son équilibre. Mais à l’usage, on peut se demander quelle est l’utilité de cette nouvelle version dont le malus est toujours aussi élevé.
Et surtout, pour être honnête, j’ai pris davantage de plaisir au volant de la 911 Carrera T pendant notre Supertest, qu’à celui de la GTS hybride pendant cet essai. En clair, amis propriétaires, ne soyez pas pressés de remplacer votre 992 phase 1…
Porsche 911 Carrera 4 GTS Cabriolet : fiche technique
- Moteur : flat 6, turbo hybride, 24 S + 1 électrique
- Position : arrière, porte‑à‑faux
- Cylindrée : 3 591 cm³
- Alésage x course : 97 x 81 mm
- Puissance maxi thermique : 485 ch à 6 500 tr/mn
- Régime maxi : 7 500 tr/mn
- Couple maxi thermique : 58,1 mkg à 2 000 tr/mn
- Puissance électrique : 54 ch
- Couple électrique : 15,3 mkg
- Capacité batterie : 1,9 kWh
- Puissance totale cumulée : 541 ch à 6 500 tr/mn
- Couple total cumulé : 62,2 mkg à 1 950 tr/mn
- Transmission : intégrale, 8 rapports à double embrayage
- Suspension AV/AR : essieu avant MacPherson, barre antiroulis/essieu arrière multibras, barre antiroulis
- Freins AV/AR : disques percés ventilés (408/380 mm)
- Poids annoncé (version Carrera GTS) : 1 595 kg
- Répartition AV/AR : 38/62 %
- Rapport poids/puissance (version Carrera GTS) : 3 kg/ch
- L - l - h : 4 533 ‑ 1 852 ‑ 1 292 mm
- Empattement : 2 450 mm
- Voies AV/AR : 1 595/1 557 mm
- Jantes AV & AR : 8,5 x 20 & 11,5 x 21
- Pneumatiques AV & AR : 245/35 ZR 20 & 305/30 ZR 21
- Réservoir : 63 l
- Prix de base : 197 400 €
- Prix des options/malus : 40 648/60 000 €
- Prix du modèle essayé : 298 048 €
- V. max. : 312 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’1
Retrouvez notre essai de la Porsche 911 Carrera 4 GTS Cabriolet dans le Sport Auto n°751 du 26/07/2024.