Essai - McLaren 750S Spider : une "pistarde" au long cours ?
Sport Auto s'est frotté à la McLaren 750S Spider, un engin de l’ancien monde, sans hybridation, au poids contenu et à la direction limpide. Reste à voir ce que cette supercar, que l’on sait "pistarde" au besoin, donne au long cours...
Début janvier. Ce n’est pas le meilleur moment pour rouler en McLaren. Ce n’est pas le meilleur moment pour sortir un cabriolet. Pas de bol : elle est les deux et je ne vais pas m’en plaindre. J’avoue un faible pour les productions de Woking. Pas en raison de leur esthétique.
Pour être franc, je trouve que le lien de parenté entre les différents modèles est bien trop marqué. Ce n’est pas non plus le tarif qui me fait succomber : 510 € pour la coque de clé vert Mantis (comme la voiture), c’est abuser.
D’autant qu’il faut ajouter 391 410 € pour avoir le reste de l’auto… hors malus. « Tu rentres là-dedans ? » s’alarme un confrère. J’y suis même très à l’aise, l’ouverture en élytre de la portière révélant un habitacle où garde au toit et longueur aux jambes sont de bon aloi. Ça change des cockpits de Lamborghini…
Notre anglaise fait l’impasse sur les profonds baquets empruntés à la Senna (équipant le coupé supertesté dans le no 757) et préfère des sièges en cuir électriques à mémoire.
Paradoxalement, ils nous accueillent moins confortablement que les baignoires ultra-fines en carbone, ces dernières semblant être moulées autour de vous. Aborder les parkings parisiens avec la 750S est une punition.
L’anglaise dispose pourtant de l’assistance de parking à 360° (4 450 €), mais lorsque vous êtes à moins de 15 cm de l’obstacle, un bip permanent accompagne la manœuvre et les ailes joufflues ne facilitent pas la tâche.
Et 15 cm, à Paris ou ailleurs, ça compte pas mal. Dès lors, il faut y aller au petit bonheur la chance et prier pour ne pas esquinter les jantes Ultra Lightweight (5 650 €) et leur peinture Gloss Black Diamond Cut (2 270 € de plus).
« On va où ? » « En Touraine », réponds-je au photographe. « Pourquoi ? » « Parce que c’est moi qui ai le volant… » L’argument manque de pertinence si je me fie aux sourcils circonflexes de mon copilote. Pourtant, direction l’Indre-et-Loire, mais en passant d’abord voir un copain.
Chambord puis bâbord
Sur l’A10, la 750S n’arrive pas à descendre sous les 11 l/100 km, en dépit du régulateur calé sur la vitesse légale. Ce V8 4 litres est glouton même si le poids qu’il trimballe (1 438 kg selon la police) est contenu.
Sortie Blois, puis nous traversons la Loire, une première fois. Cap sur la banlieue sud du chef-lieu pour sonner à la porte de Christophe Tinseau, le local de l’étape. « Ça fait plaisir de vous voir, les gars ! » Et nous donc…
Le pilote, que nous ne voyons habituellement qu’à l’occasion des chronos du Supertest au Vigeant, dirige aussi une structure qui fait dans l’entretien de véhicules de prestige et de compétition.
Il y a une vénérable Ford Falcon, une 964 Carrera 4, une Renault RS01, une 348, de la GT3… On le questionne sur un coin tranquille pour prendre des photos. « Chambord : à cette période de l’année, c’est calme, et le cadre est quand même sympa. »
Dont acte. La McLaren fait son petit effet en traversant Vineuil et Huisseau-sur-Cosson. Il fait beau (pour l’instant), mais la route forestière est piégeuse, alternant portions quasi sèches et rubans bitumeux fourbes.
Dans un droit, à proximité du château (et toutes aides branchées), l’anglaise décroche fortement de l’arrière.
Christophe Tinseau m’avait prévenu : « Rappelle-toi au Supertest, même s’il faisait beau et chaud, l’auto est plus vive que la 296, et il faut faire attention dans ces conditions hivernales. »
Ce ne sera pas aujourd’hui (ni demain) que je pourrai lâcher la bride à ce moteur qui ne réclame pourtant que ça. Sous 2 500 tr/mn, la cavalerie est bien en ordre de marche, disciplinée, le doigt sur la couture.
Mais une fois ce régime atteint, c’est la horde sauvage. Ce ne sont pas des accélérations mais des catapultages. Les performances que nous avions enregistrées confirment que la McLaren fait partie des engins les plus brutaux qui nous soient passés entre les mains. Elle fait jeu égal avec la Ferrari 296 en reprises, et cette version Spider, bien que nous n’ayons pas pu en vérifier la bonne santé, ne donne pas l’impression de s’être assagie.
Ce qui ne change pas non plus, hélas, c’est le manque d’harmonie vocale. Démarrer le V8 vous vaudra certes quelques regards déplaisants en ville, mais la sonorité du 4 litres déçoit.
Pour continuer le parallèle avec le rival italien, la tessiture atypique du V6 très ouvert de la Ferrari séduit davantage. Les allers-retours devant le plus beau château de France (désolé, je suis du coin) me valent sans surprise de tailler le bout de gras avec les forces de l’ordre.
Après une demi-heure d’échanges chaleureux et un baptême en McLaren, bâbord toute et longeons la Loire, qui sera le fil rouge (ou plutôt grisâtre) de ce périple. La suspension conciliante de la 750S est géniale.
Rappelons que toute la baignoire centrale est en carbone, qu’elle est de 30 kg plus légère que celle de la 720S et que l’amortissement piloté se règle par la commande basculante à gauche de la casquette d’instrumentation.
Il y a trois programmes (Confort, Sport et Track), et chacun d’eux se distingue réellement sans jamais pour autant transformer la britannique en briseuse de vertèbres.
Sur le réglage le plus doux, l’auto distille un ouaté presque paradoxal compte tenu des atours de la bête. Entre ses flancs creusés, sa transmission apparente au travers du bouclier arrière, son aileron ajustable, son silencieux haut perché et sa largeur importante (2,16 m avec les rétros), la 750S semble échappée d’une BD de science-fiction.
« Vous avez vraiment le droit de rouler avec ça ? » hasarde une dame promenée par un chien aussi teigneux que dysmorphique. Nous répondons que oui à la sexagénaire, mais son hideux clébard aboie de plus belle. J’ai des envies de drop…
Entre Touraine et Anjou
Initialement, j’avais choisi Tours comme destination du périple, mais étant donné que la cité est sous les eaux, nous continuons jusqu’à Saumur, via les bords de Loire. Vallière, Luynes, Cinq-Mars-la-Pile, Langeais : la D952 est une jolie route au printemps.
Manque de bol pour nous : la nuit tombe, c’est la sortie des bureaux et il pleut comme pendant la mousson à Mumbai. Nous posons le peu de bagages (le coffre accepte 150 l) en centre-ville de Saumur en croisant les doigts pour que le ciel soit plus clément le lendemain.
« La fameuse douceur angevine », lance Laurent. « Jean-Michel du Bellay ? » tenté-je. « Plutôt son frère, Joachim », précise le photographe, plus premier degré que moi. Le risque de pluie est de 90 %, mais il était écrit que nous méritions un répit.
L’humidité ambiante ne me permet toujours pas d’exploiter le potentiel de la supersportive, mais au moins, il ne drache plus. Machine arrière toute pour relonger le fleuve, par sa rive gauche cette fois-ci.
Les volets des bâtisses troglodytes sont presque tous fermés, et je loue la réactivité de la direction hydraulique pour me faufiler avec aisance dans les ruelles de Parnay ou Turquant.
Nous l’avons déjà dit et redit, mais la direction électro-hydraulique de la McLaren devrait être montrée en exemple dans tous les bureaux d’études avant que naisse une voiture de sport.
Assez sujette au bombé de la route, nécessitant dès lors de bien avoir les deux mains au volant, elle délivre juste ce qu’il faut d’information, et ce, même lorsque le programme le plus cool est sélectionné.
Dans la 750S, on ne se contente pas de guider le véhicule : on perçoit la route, dans ses moindres aspérités. Les amateurs de directions légères et très assistées pesteront sur des montées en effort parfois un brin raides.
Ils râleront en disant que manœuvrer à basse vitesse réclame un peu de poigne. Ils critiqueront l’absence de commandes sur les branches, ce qui oblige à lâcher les mains du volant pour changer de radio ou zoomer sur le GPS (à la cartographie vieillotte).
Et puis ils se souviendront qu’une McLaren n’est pas là pour vous trimballer mais pour vous impliquer. Une fois ce leitmotiv fait sien, l’amateur sera convaincu que, si de nombreux constructeurs livrent une copie excellente, rares sont ceux à maîtriser à ce point leur sujet en matière de ressenti.
Je n’évoque pas les performances cataclysmiques de la 750S, mais cette aptitude, unique, qu’elle a de vous faire comprendre ce qui se passe lorsqu’elle est en appui, qu’elle enjambe une plaque d’égout, qu’elle mène les freins de manière dégressive au point de corde ou qu’elle se déleste après une bosse mal négociée.
« C’est loin d’être tuffeau ! » s’exclame Laurent. Je reste coi. « Moi aussi, je fais des blagues. Tout faux, tuffeau : c’est la pierre blanche du coin, qu’on voit un peu partout. » Il est peut-être temps de rentrer…
Le Royaume-Uni a un incroyable talent
La 750S sait tout faire, sauf peut-être vous emmener en vacances, faute de rangements suffisants. Accélérer tel un Falcon de SpaceX au décollage, apponter comme un avion sur le Charles-de-Gaulle, vous centrifuger les neurones dans la boîte crânienne quand le goudron est sec mais également se montrer conciliante en ville, reposante sur autoroute, virevoltante sur départementale : conduire la McLaren est terriblement simple alors que l’auto est une prouesse technologique ambulante.
Son pare-brise est de 1,6 kg plus léger que celui de sa devancière. Son antiroulis actif PCC III est encore plus prompt. Chaque combiné ressort-amortisseur est de 2 kg moins lourd que sur une 720S.
Le bloc d’instrumentation (qui ne bascule plus) a permis d’économiser 1,8 kg. Son toit ne réclame que 11” (jusqu’à 50 km/h) pour s’activer. Son aileron arrière, plus efficace aérodynamiquement de 20 % que sur la 720S, se braque selon trois lois, en fonction des besoins ou du mode sélectionné (appui prononcé, DRS ou freinage d’urgence).
Le train avant se relève 2,5 fois plus vite qu’auparavant. La 750S est ce que l’ingénierie anglaise fait de mieux. Mais le plus extraordinaire est que cette débauche technique n’est pas intrusive et ne vous en met pas plein les mirettes. Non.
Conduire cette voiture, c’est comme retrouver un outil fait à votre main ou votre maison d’enfance : c’est presque inné. « Et Chinon, on déjeune où ? » rigole cette fois le photographe, une fois que nous avons atteint cette ville médiévale, bordée par la Vienne.
La pluie s’est remise à tomber. Fort. Les gommes Pirelli PZero apprécient moyennement ce déluge. Entrées et sorties de rond-point donnent lieu à quelques sueurs froides, et si la pédale de frein (disques carbonecéramique de série) très dure offre un feeling proche de celui de la compétition sur sol sec, son manque de progressivité la dessert dans ces conditions.
Ne prenons pas le risque d’abîmer la 750S. Chaque fois que j’ai la chance d’essayer cette auto, je redécouvre toute l’étendue de son talent. Ce n’est pas une GT, mais elle en a de nombreuses qualités.
C’est une supersportive, mais en prendre le volant quasi quotidiennement n’est pas incongru. Sa boîte de vitesses n’est pas la plus rapide au monde ? C’est vrai, mais par ces frimas, on lui sait gré d’être douce à défaut d’être la plus véloce. Son moteur ne rugit pas aussi sauvagement que ce que le plumage laisse supposer ?
Exact, mais au moins, évoluer à rythme civilisé dans le trafic n’attire pas les foudres des citadins. La conduire une fois les aides débranchées est scabreux ?
Indéniablement, mais c’est justement parce que je sais ne pas être au niveau de son potentiel que je prends tant de plaisir à son bord. Avec l’âge, on s’assagit, mais on a toujours soif de s’améliorer.
L'avis de Sylvain Vétaux : 5/5
La chance a tourné et rarement nous aurons été confrontés à une météo si humide dans le cadre d’un grand format. Ai-je exploité la 750S comme il le faudrait ? Pas du tout.
Je le regrette en partie, évidemment, mais je ne me sens pas frustré pour autant. La McLaren, même dans ces conditions, nous prouve qu’elle est un engin aussi extraordinaire que très abouti.
McLaren 750S Spider : fiche technique
- Moteur : V8 biturbo, 32 S
- Cylindrée : 3 994 cm3
- Puissance maxi : 750 ch à 7 500 tr/mn
- Couple maxi : 81,6 mkg à 5 500 tr/mn
- Transmission : roues AR, 7 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/non (Brake Steer)
- Poids annoncé : 1 438 kg
- L - l - h : 4 569 - 1 930 - 1 196 mm
- Empattement : 2 670 mm
- Roues AV & AR : 9x19” & 11x20”
- Pneus AV & AR : 245/35 ZR 19 & 305/30 ZR 20
- Réservoir : 72 l
- Prix de base : 329 400 €
- Prix des options/malus : 62 520/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 461 920 € (malus compris)
- V. max. : 332 km/h
- 0 à 100 km/h : 2”8
- 0 à 200 km/h : 7”3 0 à 300 km/h : 20”4
Retrouvez notre essai de la McLaren 750S Spider dans le Sport Auto n°760 du 25/04/2025.