Essai - McLaren 750S (2025) : la super sportive de référence ?
Qu’est-ce qu’une bonne super sportive ? Une machine à exploser les cervicales ? Assurément. Un bolide qui tient en respect les malotrus ? Sans aucun doute. Un météore capable d’affoler les chronos au Vigeant ? Evidemment. Mais une super sportive, c’est avant tout une auto avec laquelle le conducteur fait communion, de façon naturelle. Et dans ce secteur, la McLaren 750S est la référence.
Entre les aides à la conduite omniprésentes, les performances qui ne cessent de croître et un comportement routier en progression telle que la moindre GTi des temps modernes est plus efficace que les monstres sacrés du siècle dernier, nous avons tendance à tenir pour acquises certaines choses.
C’est convenu : une McLaren 750S est une supersportive sur laquelle on se retourne, aux accélérations (bien qu’un peu décevantes, nous le verrons) souffrant peu de la concurrence et dont la précision comportementale truste le haut du panier.
O.K. : l’anglaise est tout ça, mais il me faut vous l’avouer, elle a un petit truc en plus. Cékoidon ? Bonne question… Lundi matin, Mortefontaine. Premiers mètres à bord en ce qui me concerne et la messe est déjà dite. C’est « farpait », ainsi que le clame Obélix lorsqu’il est rond comme un cupcake.
La position, pour commencer. Plus inclinée que dans une 296 GTB, les cuisses plus relevées que dans une GT3 RS, les épaules plus à l’aise que dans une Dallara Stradale et surtout, plus de place que dans n’importe quelle Lambo ! La jante de volant est épaisse mais pas de façon caricaturale.
L’Alcantara est doux et sa préhension est meilleure qu’un cuir. Mais si ces premiers mètres sont aussi délectables, c’est avant tout en raison de la direction. A assistance électro-hydraulique, elle hérite d’une nouvelle pompe vis-à-vis de la 720S et d’un rapport plus direct.
Résumons : dans la 720S, c’était parfait. Dans la 750S, ça l’est encore plus. Ce qui nous ramène à la question liminaire : pourquoi cette anglaise poids coq (1 419 kg tous pleins faits) fait-elle si bonne impression, alors que le radar n’est pas encore installé ? Suivez un peu !
C’est dans le titre : « Faire corps ». La 750S ne filtre pas l’information : elle la délivre de façon telle que son conducteur n’en retient que l’essentiel. Une saillie dans la route ? Le capitaine aux manettes la ressent mais ne la subit pas. Un surbraquage à opérer ?
Le train avant ne rechignera pas à avaler la corde, mais les mains sentiront le moindre effort réclamé aux pneus. La direction de la 750S est bel et bien assistée mais dans le sens premier du terme.
Elle est là pour vous faciliter les choses, vous faire comprendre la route, vous garantir le meilleur retour d’expérience. M…, je cause comme un responsable marketing. Direction l’aire plane du Ceram, pour appareiller la britannique.
Les gens de McLaren nous accompagnant pour l’occasion expliquent que je dois faire grimper la température dans les Pirelli PZero Trofeo R rodés. Et pour cela, la 750S a une méthode infaillible : le burn out. Pas celui qui fait mal à la tête, celui qui trouble la rétrovision avec ses signaux de fumée blanche.
Au bout de cinq minutes, les 45 °C préconisés sont atteints et il me faut vite déguerpir sur l’anneau. Premier launch control : pas de patinage mais pas de catapultage non plus. Au deuxième, c’est foiré.
Au troisième, la 750S s’arrache un peu mieux mais on est loin de l’effet « coup franc à la Roberto Carlos » de la 720S. Notre radar en atteste : 3’’1 pour le 0 à 100 km/h, c’est un tiers de seconde moins bien que pour la devancière. Il est temps de chausser les Trofeo R neufs.
Une fois à température, les chronos s’améliorent. 2’’99 puis 2’’90. Une 296, bien aidée par son hybridation mais au rapport poids/puissance similaire (2 kg/ch contre 1,9 pour la McLaren), explose le 1 000 m D.A. en 18’’0 tout rond. Notre 750S a besoin de six dixièmes de plus.
Alea jacta est et pierre qui roule n’amasse pas mousse : le coupé anglais s’incline face à la fusée italienne. Alors, comme il voit que nous sommes chagrins, il redouble d’efforts avec les reprises. Il y a un temps de réponse au kick-down (bien plus que dans la Ferrari) et ensuite, bourre-pif : en 1’’4 et 47 m, vous passez de 100 à 140 km/h ! Nous n’avons rien chiffré d’aussi rapide.
Ah, si : la Ferrari 296, qui revendique exactement les mêmes valeurs. Pour les porschistes invétérés, une 918 Spyder nécessite 1’’8 pour cet exercice. Je ne juge pas, j’informe…
McLaren 750S : bonne routière, supersportive
Sa précision déconcertante, la 750S ne la doit pas au hasard mais à ses solutions techniques. La voie avant s’élargit de 6 cm (comme sur une 765LT) pour conférer plus d’assise au pouvoir directionnel.
La cellule centrale (Monocage II-S) en carbone forgé oscille autour des 80 kg. Elle est reliée à deux faux châssis en aluminium. Par rapport à la 720S, les ressorts avant ont été assouplis de 3 % alors que ceux de l’arrière sont durcis de 4 %. Les nouveaux amortisseurs ont permis d’économiser 2 kg.
Rappelons que l’anglaise raye de sa liste des équipements les barres antiroulis au profit du PCC-III (Proactive Chassis Control III), qui fait courir sous les jolis atours de la McLaren tout un réseau de canalisations hydrauliques venant, par le biais de pompes et de valves, freiner voire endiguer les mouvements parasites (plongée, cabrage, tangage).
Les ressorts passifs sont couplés à des amortisseurs semi-actifs, dont détente et compression sont ajustables en continu. Les baquets équipant notre belle bleue sont les Super-Lightweight Carbon Fibre Racing Seats.
C’est comme les Carbon Fibre Racing Seats mais leur nouveau processus de fabrication (cellule à double peau) permet d’abaisser leur poids à seulement… 3,35 kg ! Ça méritait bien un « Super » devant leur petit nom. Ajoutons que McLaren a particulièrement bossé sur le bump steer (phénomène vertical affectant la directivité sur les phases de délestage) en peaufinant la géométrie.
Bref, la 750S ne laisse rien au hasard. Pourtant, sa conduite est reposante. Les minces sièges ne sont pas un supplice. La visibilité est excellente. Surtout, le confort est plus probant que dans bon nombre de GT verrouillant à outrance leur suspension pour contrecarrer leur embonpoint.
Le mode Sport de l’amortissement, sur route bosselée, ne se solde pas par un déchaussement des ratiches et un coup de fil au chiropracteur. Pour le programme Track, c’est sans surprise bien plus remuant quand le réseau secondaire est mal entretenu.
On l’a répété maintes fois : nul besoin d’opter pour des verrouillages extrêmes de débattements lorsqu’on conserve un bon poids de forme. Je n’ai rien contre les gros (je le deviens), mais il ne faut pas s’attendre à voir Gérard Depardieu descendre du Tourmalet avec la même agilité et célérité que Romain Bardet.
Seuls les bruits de roulement et aérodynamiques, inhérents aux voitures majoritairement en carbone, perturbent la quiétude du périple jusqu’au Vigeant. Planqué sous la plage arrière, le M840T. « M » pour « McLaren », « 8 » pour le nombre de pistons, « 40 » en référence à la cylindrée et « T » pour les deux turbos Twin Scroll.
Il dispose d’un vilebrequin plat, d’une lubrification par carter sec, de bielles allégées, des pistons de la 765LT et de wastegates à commande électronique. Une pompe à essence additionnelle fait son apparition par rapport à la 720S, en cas de demande accrue en sans‑plomb.
Les acousticiens de Woking ont revu l’échappement, afin d’offrir à ce V8 qui n’a jamais été un chanteur lyrique émérite un timbre en adéquation avec le prestige de la marque. Eh bien, c’est raté. Le nouveau silencieux central en inox (‑ 2,2 kg), qui est, du reste, un bon moyen pour distinguer la 750 de la 720, ne joue toujours pas une partition symphonique.
C’est ballot car le V8 a du tempérament à revendre. Les valves s’ouvrent vers 2 500 tr/mn et la poussée faiblit à peine à l’approche du rupteur (8 500 tr/mn). Pour un bloc suralimenté, puissance et couple maximaux sont d’ailleurs atteints relativement tard, à respectivement 7 500 et 5 500 tr/mn.
Capable de cruiser à 50 km/h en septième, il transforme le moindre dépassement en catapultage. Comme, en mode auto, la boîte à double embrayage SSG n’est pas toujours réactive, mieux vaut d’abord se décaler avant d’écraser l’accélérateur sous peine de recarrosser le postérieur qui vous précède.
Le temps de réponse des turbos étonne en 2025, habitués que nous sommes aux suralimentations réagissant instantanément. Ces précieux dixièmes perdus en performance se font au profit des sensations fortes, avec une poussée et un souffle graduels qui suscitent à la fois euphorie et frayeur, tant les mises en vitesse sont ahurissantes.
Les départementales de la Creuse et de la Vienne ne posent guère de difficultés à la 750S. Elle efface les courbes, avale les virages et raccourcit les lignes droites. Conserver le rythme légal est inenvisageable.
C’est mal, répréhensible, tout ça, tout ça, mais la précision, l’agilité et la confiance distillées par la McLaren sont le meilleur moyen de passer par la case prison sans toucher son salaire.
On doit pouvoir conduire à allure de sénateur ce coupé, mais ce serait comme ajouter des glaçons à une Chouffe déjà bien fraîche. Du gâchis, rien d’autre.
Elle est tout ce que j’attends d’une voiture de sport, la tessiture en moins. Plus rigoureuse que sa devancière, notamment sur les phases de délestage où la 720S avait parfois du mal à juguler le rebond, la « sept et demi » vous laisse néanmoins les rênes.
Il faut être concentré, attentif, impliqué. Pas en raison du caractère scabreux de l’auto, mais parce que c’est encore la meilleure façon de progresser dans sa conduite.
McLaren 750S : supersportive et super-pistarde ?
Et dans son pilotage ? Je laisse Christophe revenir sur son excellent chrono, mais à mon modeste niveau, l’expérience au Vigeant fut mémorable. Ce ne sont pas les reprises foudroyantes ni les freinages d’une puissance et résistance fabuleuses qui m’ont estomaqué.
Ce n’est pas davantage la célérité de la boîte SSG, une fois en manuel, qui m’a subjugué. Ce n’est pas enfin cette raideur globale qui génère des changements de cap instantanés. Non.
Si je reviens aussi ému de cet essai, c’est bien en raison de tout ça mais surtout de cette façon, quasi unique (j’ai retrouvé un peu le feeling d’une 911 S/T), que la 750S a de vous guider, vous informer.
Les mains commandent un essieu directionnel indéboulonnable (quoique légèrement sous‑vireur aux dires de Christophe), les reins ressentent, sans subir, la moindre aspérité, les pieds savent exactement quelle pression exercer pour obtenir l’effet escompté.
Cette McLaren vous conte la route et le circuit et vous laisse écrire votre histoire dessus. Ce ne sera peut‑être pas du Baudelaire mais ce sera le plus joli des récits : le vôtre.
L'avis de Sylvain Vétaux : 5/5
La Ferrari 296 GTS est plus rapide au Vigeant : le chrono ne ment jamais. L’italienne, ultra-véloce, est d’une accessibilité presque exaspérante. La 750S propose une expérience bien différente.
En cerner les limites réclame du talent, de la concentration. Si le duo moteur-boîte est moins performant que celui de la Ferrari, la direction d’une limpidité absolue et le freinage indestructible suffisent, selon moi, à lui offrir le titre de la plus pistarde de notre classement.
McLaren 750S : ses performances en piste
McLaren 750S : fiche technique
- Moteur : V8, biturbo, 32 S
- Position : centrale AR, longitudinale
- Cylindrée : 3 994 cm3
- Alésage x course : 93 x 73,56 mm
- Régime maxi : 8 500 tr/mn
- Puissance maxi : 750 ch à 7 500 tr/mn
- Puissance au litre : 187 ch/l
- Couple maxi : 81,6 mkg à 5 500 tr/mn
- Couple au litre : 20,4 mkg/l
- Transmission : roues AR, 7 rapports à double embrayage
- Autobloquant : non (brake steer)
- Antipatinage : de série déconnectable
- Suspension AV/AR : doubles triangles en aluminium, antiroulis actif hydraulique, amortisseurs pilotés
- Direction : crémaillère, assistance électro-hydraulique
- Tours de volant : 2,5 tours
- Freins AV/AR : disques percés ventilés carbone-céramique (390 mm, étriers 6 pistons/380 mm, étriers 4 pistons)
- Antiblocage : de série
- Poids constructeur/contrôlé : 1 389/1 419 kg
- Répartition AV/AR : 41/59 %
- Rapport poids/puissance : 1,9 kg/ch
- L - l - h : 4 569 - 1 930 - 1 196 mm
- Empattement : 2 670 mm
- Voies AV/AR : 1 680/1 629 mm
- Réservoir : 72 l
- Roues AV & AR : 9 x 19 & 11 x 20
- Pneumatiques AV & AR : 245/35 ZR 19 & 305/30 ZR 20
- Prix de base : 299 400 €
- Prix du modèle essayé : 447 590 € (malus compris)
Retrouvez notre essai de la McLaren 750S dans le Sport Auto n°757 du 31/01/2025.