Essai - Nouvelle Morgan Supersport (2025) : Magie, y es-tu ?
Une Morgan moderne : voilà un bel exemple d’oxymore, l’alliance de deux mots de sens contradictoires. C’est pourtant le postulat de cette nouvelle Supersport, qui cherche à progresser sans perdre sa formule unique. Magie, y es-tu ?
Depuis 1909, du côté de Malvern Link, au sud-ouest de
Birmingham, on produit à la main des automobiles Morgan. Elles ont parfois trois
roues, parfois quatre, du bois de frêne, de l’aluminium et du cuir
parmi leurs matériaux, et elles parcourent avec agilité les petites
« B roads » de leur Worcestershire natal.
Hors du temps, à raison de quelques centaines d’exemplaires chaque
année, la marque so British continue bon an mal an son bonhomme de
chemin. Mais nous sommes en 2025 et si la famille est toujours
impliquée, de nouveaux actionnaires ont donné les moyens à Morgan
de penser une auto pour le xxie siècle.
Presque à temps ! Mais il n’est pas question de renverser la table
et de remettre en cause les préceptes qui ont fait son modeste
succès. Pourtant, avec la Supersport, Morgan espère
proposer celle qui pourrait être la seule voiture de sport d’un
foyer.
Autant dire qu’elle doit offrir un brin plus de confort et de
praticité que celles qui l’ont précédée. Il aura fallu un peu plus
de trois ans de développement aux petites équipes de Morgan (200
personnes en tout) pour concevoir leur nouveauté sur la base de la
plateforme de la génération précédente, largement retravaillée pour
gagner en masse et en rigidité torsionnelle (+ 10 %).
Baptisée « CXV », cette plateforme présente une nouvelle suspension
et une direction repensée, tandis que la carrosserie aux panneaux
d’alu collés sur une structure en bois de frêne est toujours
construite à la main, dans la plus pure tradition du «
coachbuilding ».
L’allure générale de la Supersport reste bien dans les codes de la
marque : voilà immanquablement une Morgan ! Sa silhouette demeure
inspirée des modèles de l’entre-deux-guerres, avec son capot étroit
à charnière longitudinale et ses ailes XXL. On reconnaît la
calandre typique en fer à cheval, les phares sortant des ailes, les
rétroviseurs chromés, l’arrière plongeant.
Morgan Supersport : cockpit ouvert aux vents
Tout y est, mais cette réinterprétation très fine a su prendre
l’air du temps et les designers ont fait un excellent travail. La
Morgan a gagné en muscles tout
en gardant un gabarit compact de 4,11 m de long (à peine plus
qu’une Clio) pour 1,29 m de haut.
En regardant de plus près, on comprend la savante évolution du
style vers des touches modernes avec force détails : le traitement
des boucliers, des prises d’air, les surfaces lissées, les pointes
de gris mat…
C’est surtout l’arrière qui tranche avec un aspect sportif plus
sculpté, très effilé. Les couleurs de carrosserie comme les
revêtements de l’habitacle sont personnalisables à la demande :
c’est plus facile avec une voiture cousue main.
Le contraste est moins fort dans l’habitacle, qui avait déjà su
évoluer dans les modèles précédents. La planche de bord est du
genre sobre, parsemée de beaux compteurs analogiques en provenance
de Caerbont, le constructeur d’origine des compteurs Smiths.
Ils se montrent très lisibles, à part le tachymètre, trop éloigné.
La vitesse est affichée en numérique sur un tout petit écran
derrière le volant, mais il est à peine visible au soleil et peu
défini.
Autres griefs, la clé basique, le levier de boîte auto BMW et les
commodos de chez Stellantis font tache pour cette auto tout sauf
cheap, dont la qualité de présentation est soignée et le cuir de la
marque écossaise Bridge of Weir très élégant.
Une minuscule boîte à gants et un espace derrière les sièges sont
les seuls rangements prévus. Heureusement, la Supersport offre… un
(petit) coffre, ce qui n’était pas le cas de la Plus Six qu’elle
remplace. On n’arrête pas le progrès.
Le capot interminable, les ailes sculptées à l’ancienne dans le
champ de vision, le petit pare-brise et ses trois
micro-essuie-glaces inox : on ressent comme un « déjà vu », comme
aiment à dire les Anglais, en prenant place au volant de la
nouvelle Morgan Supersport.
Un sentiment qui rassure – il ne faut pas plus d’une seconde pour
tomber sous le charme – autant qu’il peut susciter quelques
appréhensions. Car la précédente génération de Morgan donnait un
peu de fil à retordre à son châssis approximatif, sans aucune
béquille électronique.
Sa qualité de construction péchait dans de nombreux détails ; or
ici, on atteint un niveau de prix à six chiffres. Et en même temps,
on ne voudrait pas qu’elle devienne trop moderne et parfaite,
perdant son âme au passage.
Bref, pour en avoir le cœur net, autant partir à l’assaut des
superbes routes qui nous ont été préparées par les équipes du petit
constructeur, du côté de l’arrière-pays de Barcelone, là où on ne
compte plus les virages.
Assis très bas, littéralement au niveau des roues arrière, le
conducteur ajuste facilement sa position, avec le pied gauche
décalé par le tunnel de transmission dans notre conduite à droite,
bien installé sur le large repose-pied.
Plus amusant qu’efficace, le réglage final des sièges se fait au
moyen de poires pour renforcer le soutien lombaire. D’un clic
prolongé sur le bouton mécanique de la planche de bord, le 6 en
ligne turbo BMW ronronne.
Le classique B58 de la Plus Six est reconduit ici, uniquement en
boîte automatique. La largeur totale de 1,80 m permet à la
Supersport de se faufiler dans le trafic, mais son gabarit pourtant
limité demande un temps avant d’être appréhendé.
En mode D, la gestion de la boîte est sage, parfaite pour la balade
au son du feulement du moteur qu’on entend en prise directe, le
toit souple en mohair replié. Autant profiter du grand air jusqu’au
bout et ranger les demi-portes dans le coffre, le coude à la
portière.
En cas d’averse, refermer le toit est beaucoup plus facile
qu’auparavant : il ne faut se battre qu’avec deux crochets… Une
fois les demi-portes remontées, n’attendez pas pour autant un cocon
silencieux : les fenêtres coulissantes en plexiglas demeurent
ultra-basiques et les bruits d’air sont bien du voyage.
Le tableau n’est pas tellement mieux avec le hard-top en carbone
(19,7 kg), qu’il faut manipuler à deux et dont les joints couinent
à la moindre aspérité de la route. La Morgan reste une auto
rustique, qu’on se le dise.
Morgan Supersport : elle est directe !
La direction très directe offre un excellent feeling, tandis que
l’attaque du freinage AP Racing se révèle peu précise – mais assez
puissante pour stopper les modestes 1 170 kg pleins faits, sans
conducteur.
Avec les 340 ch du moteur bavarois, la petite anglaise ne manque
pas de vivacité et les 100 km/h sont annoncés en moins de 4’’.
L’ingénieur avec qui nous avons échangé souligne que le châssis
pourrait encaisser sans souci plus de puissance mais qu’ils
travaillent plus les sensations au volant que les chronos.
En effet, la Supersport n’est pas avare dans ce domaine, surtout en
mode S avec une remarquable gestion de la boîte ZF calibrée
spécifiquement et une valve d’échappement ouverte autorisant de
légères pétarades au lever de pied.
Le mode S+ laisse vraiment beaucoup le moteur dans les tours et
devient rapidement lassant. Mais dans tous les cas, on prend vite
la main sur la boîte 8 rapports pour profiter de la célérité de ses
changements de vitesse au moyen des larges palettes fixées sur la
colonne.
En haussant le rythme, la Supersport révèle petit à petit tout son
potentiel. Sur des routes sèches avec un parfait revêtement, son
comportement s’est montré très équilibré avec un soupçon de
tendance naturelle au survirage, mais pas piégeux pour un sou
lorsqu’on provoque la glisse au lever de pied ou à la
réaccélération en sortie de virage une fois l’ESC déconnecté, même
avec notre exemplaire qui n’était pas équipé du différentiel
optionnel.
Le châssis suffisamment rigide, la géométrie revue, les barres
antiroulis avant et arrière contribuent à offrir un comportement
franc et amusant qui donne pleine confiance. La monte en Michelin
Pilot Sport 5, en 18 pouces sur notre modèle, y concourt sans aucun
doute.
Les amortisseurs Nitron Racing monotubes ajustés ici aux deux tiers
de leurs 24 crans rendent un très bon arbitrage entre rigueur et
confort, qui reste étonnamment convenable pour une auto de ce type,
somme toute très homogène. Décidément, on ne s’en lasse pas !
On pourrait envisager un long trajet à son bord, c’est dire. Même
sa consommation parvient à un compromis très acceptable, avec 12
l/100 km en conduite sportive sur routes de montagne et 9 l/100 km
en balade tranquille.
L’occasion de tester l’originale sono de bord qui permet juste de
connecter son smartphone en Bluetooth pour profiter d’un système
d’actuateurs développés par Sennheiser, utilisant directement la
structure de la voiture en lieu et place de haut-parleurs
classiques, pour un résultat très correct.
L'avis de notre essayeur Nicolas Velano : 4/5
La Morgan Supersport représente un joli petit tour de force : traiter avec respect une recette ancienne en prenant la bonne dose de progrès récents. Le mélange est réussi et cette auto hors du temps trace une route bien à elle. Enthousiasmante, charmante, passionnante : dommage que son tarif soit trop élevé pour se l’offrir sur un coup de cœur. Oxymore, we want more !
Morgan Supersport : fiche technique
- Moteur : 6 en ligne, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 2 998 cm3
- Puissance maxi : 340 ch à 6 500 tr/mn
- Couple maxi : 51 mkg à 1 250 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série/déconnectable
- Poids annoncé : 1 170 kg
- Rapport poids/puissance : 3,4 kg/ch
- L - l - h : 4 110 - 1 805 - 1 290 mm
- Empattement : 2 520 mm
- Pneus AV & AR : 235/45 & 255/45 R 18
- Prix de base : 132 396 €
- Prix des options/malus : 20 904/22 380 €
- Prix du modèle essayé : 175 680 € (malus compris)
- V. max. : 267 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’9
Retrouvez notre essai de la Morgan Supersport dans le Sport Auto n°761 du 30/05/2025.


