Essai exclusif - Maserati MC20 GT2 : trident en croisade !
On ne chasse pas les médailles pour faire joli. La compétition sert à faire vendre des voitures, même si Enzo Ferrari prônait l’inverse. Aujourd’hui, Maserati revient aux affaires avec la MC20 GT2. En exclusivité, Sport Auto a pu en prendre le volant. On vous livre les secrets de fabrication et le ressenti de cet essai pas comme les autres.
La technique est bien connue : aller combattre sur les circuits
du monde entier pour faire briller l’aura sportive du blason.
Maserati pousse déjà l’arrivée de sa gamme 100 % électrique Folgore
avec son engagement dans le championnat international de Formule E.
Mais le Trident ne vire pas encore complètement de bord.
Les ions, c’est bien pour l’image, et il faut nécessairement
préparer un lendemain plus silencieux, mais les glouglous du V6
essence font encore vendre. Une stratégie qui amène désormais la
marque italienne à intégrer le championnat européen de tourisme, en
catégorie GT2. Un retour aux affaires remarqué et attendu.
Il faut dire que le Trident a un certain passif dans la catégorie.
De 2005 à 2010, la majestueuse MC12 avait tout raflé dans le
championnat FIA GT (GT1 à l’époque). Un retour scruté pour 2024
donc, mais cette lointaine descendance est prometteuse. Déjà listée
pour une course test lors de la saison dernière, la MC20 GT2 avait fait une
apparition remarquée (pole position en qualifications, et 2e sur la
course 1).
Les rivaux prennent alors cette nouvelle rivale au sérieux, à tel
point que trois équipages engagés ont abandonné leur ancienne
monture pour dompter la bête italienne sur cette nouvelle saison
2024. En attendant de voir si ces changements de crémerie portent
ou non leurs fruits, la MC20 GT2 nous ouvre ses portes en élytre,
que la marque a tenu à conserver.
Maserati nous a proposé de découvrir en exclusivité sa nouvelle
bête de circuit. Une expérience unique pour Sport Auto, et
nous nous devions d’inviter pour l’occasion notre pilote maison,
Christophe Tinseau. Votre serviteur devra passer son tour. Gabarit
généreux et absence de licence FIA ne font généralement pas bon
ménage avec une véritable voiture de course.
De toute façon, seul un pilote expérimenté peut prendre
suffisamment de recul pour apprécier les qualités (et les défauts
?) de la bête. Le rendez-vous a été donné sur le circuit de
Marzaglia, un minuscule tracé aux portes de Modène, peu adapté à
l’engin mais choisi pour des raisons logistiques évidentes.
Une occasion rare qui nous permettra de recueillir les impressions
de Christophe, et de comprendre comment les équipes ont bâti une
véritable voiture de course sans partir d’une feuille blanche. Car
oui, la GT2 est bien extrapolée de la MC20 classique. Elles n’ont
visuellement en commun que les feux avant et arrière.
Pourtant, les similitudes sont nombreuses et concernent l’essence
même de la supercar italienne. La monocoque en carbone, plébiscitée
pour son rapport légèreté/rigidité, faisait forcément sens pour une
voiture de compétition. Le moteur est également repris à la très
performante MC20, un V6 3.0 biturbo, ouvert à 90° et toujours doté
de ses chambres de précombustion (pour le couple et une meilleure
maîtrise des consommations).
Enfin, même si les lignes sculpturales de la carrosserie sont
toujours au rendez-vous, toutes les pièces en carbone sont
redessinées pour améliorer à la fois l’aérodynamisme et le
refroidissement du système de freinage et du moteur. A noter que
les radiateurs situés au niveau des ailes arrière sont identiques ;
seule leur position, plus verticale, change.
Une santé de fer
Blanc bonnet, bonnet blanc, alors ? Pas vraiment. Les
optimisations sont évidemment partout. Mais la conservation de ces
éléments structurels est inhérente au championnat GT, dont le
règlement impose un dérivé course d’une voiture « civile ».
Les ingénieurs Maserati se sont également facilité la tâche en
ayant en tête ce projet de compétition dès le développement de la
MC20. Des éléments techniques comme les points d’attache des
sous-châssis revus pour l’occasion, des supports moteur directement
intégrés à la coque en carbone ou l’implantation de trains roulants
plus évolués ont été imaginés dès le départ. Le Nettuno, lui,
évolue finalement peu.
Ce moteur à la santé de fer se voit adjoindre essentiellement les
services de turbos qui prennent de plus grandes aspirations pour
lui souffler encore plus fort dans les bronches, bien aidés par un
collecteur d’échappement optimisé. La puissance totale reste
identique à la version de route, c’est avant tout le couple qui en
profite.
Deux données qui restent cependant soumises à la fameuse BoP, la
balance de performance. 621 ch tout de même, et un solide 74,4 mkg
de couple, quand l’ultra-radicale MCXtrema culmine à 740 ch. Les
chambres de précombustion ont été évidemment préservées, et seront
probablement de précieuses alliées pour les consommations. Pourquoi
donc ?
La marque ne le dit qu’à demi-mot pour le moment, mais la MC20 GT2
est d’ores et déjà homologuée pour les épreuves d’Endurance. Une
frugalité bienvenue sur ces courses allant jusqu’à 24 heures. Côté
liaisons au sol, c’est également le grand ménage. La géométrie est
entièrement revue, la double triangulation avant est conservée et
désormais dédoublée sur le train arrière, anciennement doté d’un «
simple » multibras.
Le tout garde un haut niveau de configuration possible pour adapter
la voiture aux différents circuits et pilotes. Le système de
freinage majoré est lui aussi revu, et la boîte séquentielle à 6
rapports est spécifique. Les présentations faites, nos hôtes
invitent désormais Christophe Tinseau à prendre place à bord de
leurs créations, lui qui découvre par la même occasion la MC20 de
route.
Une supersportive rassurante et performante selon lui, même si le
comportement gentiment sous-vireur et l’amortissement conciliant
trahissent d’emblée le positionnement GT de la voiture. Arrivent
ensuite les choses sérieuses. Christophe entame un échange avec
Andrea Bertolini, pilote Maserati, auteur d’un grand nombre de
succès de la marque en compétition, et développeur de cette
nouvelle MC20 GT2.
L’Italien nous explique tout l’intérêt de ce type de championnat,
et comment la mise au point en dépend finalement : « Il fallait
réussir à proposer un package global intéressant, sans pour autant
donner l’impression d’une voiture de moindre catégorie. Les
performances sont semblables à celles des GT3, mais ici la
puissance est supérieure, tout comme l’appui aérodynamique.
C’est un juste milieu qu’il a fallu trouver pour la rendre
accessible. » Effectivement, en catégorie Pro-Am, les pilotes FIA
peuvent partager le volant avec des gentlemen drivers. « C’est
important de leur donner la sensation de conduire une vraie voiture
de course, de prendre un maximum de plaisir, tout en leur procurant
suffisamment de confiance dans la voiture pour aller le plus vite
possible. »
Au tour de Christophe
Ces informations en tête, Christophe s’élance sur quelques
sessions de cinq tours, entrecoupées par des changements de
pneumatiques. Et malgré la petitesse du tracé, il se montre plutôt
convaincu : « Il faut quand même reconnaître l’excellent
travail de Maserati pour cette première en GT2. La réglementation
en tourisme et la BoP régulent forcément les performances
possibles, mais cette MC20 est d’office au niveau de ce que propose
la concurrence. Je ne suis pas étonné qu’ils arrivent à signer
trois teams dès la première année. »
Et pourtant, la
concurrence est rude. Si l’Audi R8 affiche quelques années au
compteur, de fringantes 911 et AMG GT R s’opposent comme de
sérieuses rivales. « Elle marche fort, mais plus que la
puissance, c’est la disponibilité du couple qui m’impressionne. On
ne dirait pas du tout que l’on est sur un “simple” V6. Ça reprend
bas, ça monte vite, et il y a une certaine allonge en haut. Pour
s’extirper d’un virage et mettre de la vitesse où il faut, c’est
redoutable. »
On retrouve ici le tempérament très
volontaire du Nettuno, dont l’excellente santé est renforcée par
ses turbos surdimensionnés. « La transmission aide aussi à
imposer un sacré tempo. On est clairement sur ce qui se fait de
mieux en la matière, mais il me semble que l’unité installée ici
est la même que sur certaines concurrentes. Pas étonnant. Après, à
conduire, on est clairement sur une voiture destinée à cette
compétition. Une partie des personnes qui en prendront le volant
seront des amateurs, et pour ça il faut une mise au point
accessible. On a déjà beaucoup d’aides entre l’ESP et
l’antipatinage, mais l’équilibre lui-même est hyper-prévisible et
communicatif. »
Andrea nous avait prévenus. L’objectif
n’est pas d’aller chercher l’ultime chrono avec un outil
extrêmement pointu. Plaisir et efficacité doivent cohabiter avec
une certaine facilité. Un leitmotiv que l’on retrouve également sur
la planche de bord où l’ergonomie, rendue évidente par le
positionnement des commandes sur fond fluo, facilitera les actions
en course.
« C’est gentiment sous-vireur, complète Christophe,
même si on peut optimiser davantage le comportement avec les
réglages. On sent rapidement les limites de l’auto, et elle n’est
pas du tout piégeuse. Malheureusement, le circuit n’est pas du tout
adapté à ce genre de voiture. Il n’y a aucun virage rapide, on
alterne entre de courtes accélérations et des freinages brutaux. Il
faudrait voir ce que cela donne sur de longues courbes à haute
vitesse, pour jauger du travail de l’aéro. »
Mais Andrea
nous le promet, lui pour qui la voiture n’a plus aucun secret :
tout est au point ! Même à fond dans le virage de Signes sur le
Paul-Ricard… L’Italien paraît extrêmement confiant dans cette GT2…
Le premier week-end de course officiel semble avoir donné raison au
pilote maison italien. Au Castellet, début avril, une MC20 GT2
exploitée par le team LP Racing s’est imposée en qualifications et
a raflé la mise lors de la première course. Ça commence bien pour
Maserati.
Maserati MC20 GT2 : fiche technique
- Moteur : V6 à 90°, 24 S, biturbo
- Cylindrée : 2 992 cm3
- Puissance maxi : 621 ch
- Couple maxi : 74,4 mkg
- Transmission : 6 rapports séquentiels
- Poids : selon la BoP (balance de performance)
- L - l : 4 838 - 2 029 mm
- Empattement : 2 700 mm
- Freins AV/AR : disques acier ventilés (390/355 mm)
- Châssis : monocoque centrale en fibres de carbone
- Homologation : non homologuée pour la route, homologuée pour la classe GT2
Retrouvez notre essai exclusif de la Maserati MC20 GT2 dans le Sport Auto n°749b du 31/05/2024.


