Essai exclusif - Maserati MC20 GT2 : trident en croisade !

Publié le 5 juillet 2024 à 10:00
Essai exclusif - Maserati MC20 GT2 : trident en croisade !

On ne chasse pas les médailles pour faire joli. La compétition sert à faire vendre des voitures, même si Enzo Ferrari prônait l’inverse. Aujourd’hui, Maserati revient aux affaires avec la MC20 GT2. En exclusivité, Sport Auto a pu en prendre le volant. On vous livre les secrets de fabrication et le ressenti de cet essai pas comme les autres.

La technique est bien connue : aller combattre sur les circuits du monde entier pour faire briller l’aura sportive du blason. Maserati pousse déjà l’arrivée de sa gamme 100 % électrique Folgore avec son engagement dans le championnat international de Formule E. Mais le Trident ne vire pas encore complètement de bord.
Les ions, c’est bien pour l’image, et il faut nécessairement préparer un lendemain plus silencieux, mais les glouglous du V6 essence font encore vendre. Une stratégie qui amène désormais la marque italienne à intégrer le championnat européen de tourisme, en catégorie GT2. Un retour aux affaires remarqué et attendu.
Il faut dire que le Trident a un certain passif dans la catégorie. De 2005 à 2010, la majestueuse MC12 avait tout raflé dans le championnat FIA GT (GT1 à l’époque). Un retour scruté pour 2024 donc, mais cette lointaine descendance est prometteuse. Déjà listée pour une course test lors de la saison dernière, la MC20 GT2 avait fait une apparition remarquée (pole position en qualifications, et 2e sur la course 1).
Les rivaux prennent alors cette nouvelle rivale au sérieux, à tel point que trois équipages engagés ont abandonné leur ancienne monture pour dompter la bête italienne sur cette nouvelle saison 2024. En attendant de voir si ces changements de crémerie portent ou non leurs fruits, la MC20 GT2 nous ouvre ses portes en élytre, que la marque a tenu à conserver.
Maserati nous a proposé de découvrir en exclusivité sa nouvelle bête de circuit. Une expérience unique pour Sport Auto, et nous nous devions d’inviter pour l’occasion notre pilote maison, Christophe Tinseau. Votre serviteur devra passer son tour. Gabarit généreux et absence de licence FIA ne font généralement pas bon ménage avec une véritable voiture de course.
De toute façon, seul un pilote expérimenté peut prendre suffisamment de recul pour apprécier les qualités (et les défauts ?) de la bête. Le rendez-vous a été donné sur le circuit de Marzaglia, un minuscule tracé aux portes de Modène, peu adapté à l’engin mais choisi pour des raisons logistiques évidentes.
Une occasion rare qui nous permettra de recueillir les impressions de Christophe, et de comprendre comment les équipes ont bâti une véritable voiture de course sans partir d’une feuille blanche. Car oui, la GT2 est bien extrapolée de la MC20 classique. Elles n’ont visuellement en commun que les feux avant et arrière.
Pourtant, les similitudes sont nombreuses et concernent l’essence même de la supercar italienne. La monocoque en carbone, plébiscitée pour son rapport légèreté/rigidité, faisait forcément sens pour une voiture de compétition. Le moteur est également repris à la très performante MC20, un V6 3.0 biturbo, ouvert à 90° et toujours doté de ses chambres de précombustion (pour le couple et une meilleure maîtrise des consommations).
Enfin, même si les lignes sculpturales de la carrosserie sont toujours au rendez-vous, toutes les pièces en carbone sont redessinées pour améliorer à la fois l’aérodynamisme et le refroidissement du système de freinage et du moteur. A noter que les radiateurs situés au niveau des ailes arrière sont identiques ; seule leur position, plus verticale, change.

Une santé de fer

Blanc bonnet, bonnet blanc, alors ? Pas vraiment. Les optimisations sont évidemment partout. Mais la conservation de ces éléments structurels est inhérente au championnat GT, dont le règlement impose un dérivé course d’une voiture « civile ».
Les ingénieurs Maserati se sont également facilité la tâche en ayant en tête ce projet de compétition dès le développement de la MC20. Des éléments techniques comme les points d’attache des sous-châssis revus pour l’occasion, des supports moteur directement intégrés à la coque en carbone ou l’implantation de trains roulants plus évolués ont été imaginés dès le départ. Le Nettuno, lui, évolue finalement peu.
Ce moteur à la santé de fer se voit adjoindre essentiellement les services de turbos qui prennent de plus grandes aspirations pour lui souffler encore plus fort dans les bronches, bien aidés par un collecteur d’échappement optimisé. La puissance totale reste identique à la version de route, c’est avant tout le couple qui en profite.
Deux données qui restent cependant soumises à la fameuse BoP, la balance de performance. 621 ch tout de même, et un solide 74,4 mkg de couple, quand l’ultra-radicale MCXtrema culmine à 740 ch. Les chambres de précombustion ont été évidemment préservées, et seront probablement de précieuses alliées pour les consommations. Pourquoi donc ?
La marque ne le dit qu’à demi-mot pour le moment, mais la MC20 GT2 est d’ores et déjà homologuée pour les épreuves d’Endurance. Une frugalité bienvenue sur ces courses allant jusqu’à 24 heures. Côté liaisons au sol, c’est également le grand ménage. La géométrie est entièrement revue, la double triangulation avant est conservée et désormais dédoublée sur le train arrière, anciennement doté d’un « simple » multibras.
Le tout garde un haut niveau de configuration possible pour adapter la voiture aux différents circuits et pilotes. Le système de freinage majoré est lui aussi revu, et la boîte séquentielle à 6 rapports est spécifique. Les présentations faites, nos hôtes invitent désormais Christophe Tinseau à prendre place à bord de leurs créations, lui qui découvre par la même occasion la MC20 de route.
Une supersportive rassurante et performante selon lui, même si le comportement gentiment sous-vireur et l’amortissement conciliant trahissent d’emblée le positionnement GT de la voiture. Arrivent ensuite les choses sérieuses. Christophe entame un échange avec Andrea Bertolini, pilote Maserati, auteur d’un grand nombre de succès de la marque en compétition, et développeur de cette nouvelle MC20 GT2.
L’Italien nous explique tout l’intérêt de ce type de championnat, et comment la mise au point en dépend finalement : « Il fallait réussir à proposer un package global intéressant, sans pour autant donner l’impression d’une voiture de moindre catégorie. Les performances sont semblables à celles des GT3, mais ici la puissance est supérieure, tout comme l’appui aérodynamique.
C’est un juste milieu qu’il a fallu trouver pour la rendre accessible. » Effectivement, en catégorie Pro-Am, les pilotes FIA peuvent partager le volant avec des gentlemen drivers. « C’est important de leur donner la sensation de conduire une vraie voiture de course, de prendre un maximum de plaisir, tout en leur procurant suffisamment de confiance dans la voiture pour aller le plus vite possible. »

Au tour de Christophe

Ces informations en tête, Christophe s’élance sur quelques sessions de cinq tours, entrecoupées par des changements de pneumatiques. Et malgré la petitesse du tracé, il se montre plutôt convaincu : « Il faut quand même reconnaître l’excellent travail de Maserati pour cette première en GT2. La réglementation en tourisme et la BoP régulent forcément les performances possibles, mais cette MC20 est d’office au niveau de ce que propose la concurrence. Je ne suis pas étonné qu’ils arrivent à signer trois teams dès la première année. »
Et pourtant, la concurrence est rude. Si l’Audi R8 affiche quelques années au compteur, de fringantes 911 et AMG GT R s’opposent comme de sérieuses rivales. « Elle marche fort, mais plus que la puissance, c’est la disponibilité du couple qui m’impressionne. On ne dirait pas du tout que l’on est sur un “simple” V6. Ça reprend bas, ça monte vite, et il y a une certaine allonge en haut. Pour s’extirper d’un virage et mettre de la vitesse où il faut, c’est redoutable. »
On retrouve ici le tempérament très volontaire du Nettuno, dont l’excellente santé est renforcée par ses turbos surdimensionnés. « La transmission aide aussi à imposer un sacré tempo. On est clairement sur ce qui se fait de mieux en la matière, mais il me semble que l’unité installée ici est la même que sur certaines concurrentes. Pas étonnant. Après, à conduire, on est clairement sur une voiture destinée à cette compétition. Une partie des personnes qui en prendront le volant seront des amateurs, et pour ça il faut une mise au point accessible. On a déjà beaucoup d’aides entre l’ESP et l’antipatinage, mais l’équilibre lui-même est hyper-prévisible et communicatif. »
Andrea nous avait prévenus. L’objectif n’est pas d’aller chercher l’ultime chrono avec un outil extrêmement pointu. Plaisir et efficacité doivent cohabiter avec une certaine facilité. Un leitmotiv que l’on retrouve également sur la planche de bord où l’ergonomie, rendue évidente par le positionnement des commandes sur fond fluo, facilitera les actions en course.
« C’est gentiment sous-vireur, complète Christophe, même si on peut optimiser davantage le comportement avec les réglages. On sent rapidement les limites de l’auto, et elle n’est pas du tout piégeuse. Malheureusement, le circuit n’est pas du tout adapté à ce genre de voiture. Il n’y a aucun virage rapide, on alterne entre de courtes accélérations et des freinages brutaux. Il faudrait voir ce que cela donne sur de longues courbes à haute vitesse, pour jauger du travail de l’aéro. »
Mais Andrea nous le promet, lui pour qui la voiture n’a plus aucun secret : tout est au point ! Même à fond dans le virage de Signes sur le Paul-Ricard… L’Italien paraît extrêmement confiant dans cette GT2… Le premier week-end de course officiel semble avoir donné raison au pilote maison italien. Au Castellet, début avril, une MC20 GT2 exploitée par le team LP Racing s’est imposée en qualifications et a raflé la mise lors de la première course. Ça commence bien pour Maserati.

Maserati MC20 GT2 : fiche technique

  • Moteur : V6 à 90°, 24 S, biturbo
  • Cylindrée : 2 992 cm3
  • Puissance maxi : 621 ch
  • Couple maxi : 74,4 mkg
  • Transmission : 6 rapports séquentiels
  • Poids : selon la BoP (balance de performance)
  • L - l : 4 838 - 2 029 mm
  • Empattement : 2 700 mm
  • Freins AV/AR : disques acier ventilés (390/355 mm)
  • Châssis : monocoque centrale en fibres de carbone
  • Homologation : non homologuée pour la route, homologuée pour la classe GT2

Retrouvez notre essai exclusif de la Maserati MC20 GT2 dans le Sport Auto n°749b du 31/05/2024.

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