Essai - Ferrari 12Cilindri Spider (2025) : entre douceur et frénésie

Il n’y a pas de mots pour retranscrire la poussée du V12 Ferrari entre 7 000 et 9 000 tr/mn. A moins de le comparer à la puissance d’une vague géante. D’où l’idée de le redécouvrir avec la 12Cilindri en version Spider à Nazaré, au Portugal, épicentre mondial du surf de l’extrême.
Nazaré, Portugal, lundi 27 janvier, 9 heures. On les appelle les « vagues monstres ». Des murs d’eau colossaux qui peuvent s’élever jusqu’à 25 m de hauteur et qui font le bonheur des surfeurs.
D’autant plus spectaculaire qu’ils se laissent observer, aux premières loges, depuis un promontoire naturel perché à flanc de falaise. Le phénomène s’explique par des courants formés dans un canyon sous‑marin de 5 000 m de profondeur et un effet d’entonnoir qui concentre l’énergie de la houle vers ce point béni des dieux de la glisse.
Autant dire La Mecque pour les stars mondiales du Big Wave Riding, comme Justine Dupont, pour qui ça paraît limpide. « Ce sont précisément ces vagues que nous recherchons, celles qui vous mettent à bout. »
Si je vous parle de ces lames de fond, c’est pour une simple et bonne raison, ou plutôt un constat : il n’y a pas meilleur parallèle pour exprimer ce qu’on ressent lorsqu’on écrase l’accélérateur de la nouvelle Ferrari 12Cilindri Spider.
Tube
A 4 000 tr/mn sur un filet de gaz, la mer semble calme, mais vous sentez que ça peut se déchaîner au moindre appel du pied. Une légère pression sur le champignon libère une puissance qui s’érige progressivement, mais sûrement, en tsunami.
D’abord sans faire de vagues, puis en donnant l’impression que quelque chose d’inhabituel se produit. Une sorte d’amplitude indescriptible, dont l’énergie augmente à mesure qu’elle émerge.
Le sentiment est d’autant plus étrange qu’elle est palpable, audible et ne laisse aucun doute sur la suite : les choses vont s’accélérer de manière irrépressible et quasi incontrôlable. Bref, ça va déborder. De fait… à 5 000 tr/mn, la houle se forme comme une onde qui prend de l’ampleur.
La 12Cilindri Spider est poussée par une fougue qui ne fait que décupler. Sous le long capot, ça gronde, ça aspire, ça grogne, ça chante et ça commence à se déchaîner très sérieusement. A 6 000 tr/mn, on a beau se méfier et se tenir à la barre, ça secoue.
Le 6,5 litres change de registre et monte dans les gammes. Ce n’est plus un cri, c’est une mélodie. Vive, légère, énergique et vigoureuse, mais aussi plaintive, communicative et presque victorieuse. Oui, tout ça à la fois.
Avec une voix grave de baryton mixée aux aigus de ténor qui fendent l’air et vous bercent par la même occasion. A 7 000 tr/mn, ça passe au soprano et ça pousse dans le dos. Ce qui est cocasse, c’est que le pic de couple maxi (7 250 tr/mn !) n’est toujours pas atteint.
Le son devient cristallin et s’installe dans la durée en s’étirant comme un élastique. A 8 000 tr/mn, la 12Cilindri Spider décuple ses foulées et déguerpit à la vitesse grand V. A 9 000 tr/mn, pas le moindre signe d’essoufflement puisque le pic de puissance n’est pas encore atteint (830 ch à 9 250 tr/mn).
Par gourmandise, on prolonge jusqu’à 9 500 tr/mn, en tirant sur la palette de droite pour éviter de toucher le rupteur. La boîte F1 défouraille en fanfare, mais en douceur, en passant le rapport supérieur.
Et c’est reparti de plus belle dans cet océan de bonheur, avec un timbre et une tessiture jamais rencontrés ailleurs. Toujours avec la même vigueur, quelle que soit la vitesse engagée. En clair, à haut régime, la 12Cilindri Spider donne l’impression d’ouvrir une parenthèse dans l’espace-temps.
Avec une façon de respirer unique, sans contrainte ni limite. Et je ne parle pas de la réactivité de la boîte à double embrayage, qui en remet une couche à l’accélération comme au freinage, lorsqu’elle rétrograde les rapports en ponctuant sa vélocité surnaturelle par des jappements bien sentis.
C’est d’autant plus bluffant que ce duo moteur-boîte tranche avec le côté pullman qui transpire au volant. Sur la route qui longe la côte atlantique en direction de Cascais, en effet, la 12Cilindri coche toutes les cases d’une authentique GT.
Bien maintenue sans être inconfortable, intimiste tout en restant relativement logeable et (presque) discrète sur le plan sonore, à condition d’abaisser le volume du son avec le pied droit.
© LAURENT VILLARON / SPORT AUTOGrand Format N° 758 Ferrari 12Cilindri Spider
Tactile
Dans ce ciel immaculé, le seul nuage concerne l’interface des multiples écrans de contrôle. Notamment pour désactiver les assistances automatiques ADAS, qui sont envahissantes et vous rappellent à l’ordre dès que vous raccourcissez un tant soit peu les trajectoires. Il y a plus grave dans la vie, ce n’est pas faux.
Mais ce supplice de la goutte d’eau, qui recommence chaque fois qu’on coupe le contact, peut tout de même s’avérer agaçant à la longue. On note d’ailleurs que Porsche a récemment trouvé la parade.
La déconnexion des systèmes ADAS se fait d’une façon infiniment plus intuitive sur la toute dernière 911 GT3 : un seul bouton physique suivi d’un simple tapotage d’écran, juste devant.
Contrairement à la manipulation sur la 12Cilindri, par un bouton, sur le volant, trop petit, trop tactile, trop mouvant, puis des sous-menus en cascade. Si j’en fais des tonnes à ce sujet, c’est probablement parce que je ne trouve pas d’autre défaut à Maranello. Sur la route escarpée qui plonge vers le sud, c’est l’extase.
Le V12 sursaute d’un coup de tonnerre d’échappement et repart à l’assaut des hauts régimes. Il fait à peine 10 °C, mais ça ne nous empêche pas de rouler décapoté grâce aux brassages d’air bien maîtrisés. A propos de garder la tête froide, c’est primordial au volant de la 12Cilindri Spider.
La puissance est tellement importante et le couple tellement instantané à haut régime que nous vous déconseillons de couper l’antipatinage et l’ESC et d’appuyer sur l’accélérateur comme un dératé. En clair, l’humilité reste de mise.
A moins d’avoir des talents d’acrobate hors norme (et encore) pour ne pas se laisser submerger par la puissance. Côté face, en revanche, c’est-à-dire à bas régime, la 12Cilindri est une bonne pâte, et son confort de roulage est tout à fait acceptable pour une auto de cette trempe.
Par rapport à la 812, l’amortissement donne l’impression de mieux juguler le passage de bosses à haute fréquence et le châssis d’être beaucoup plus rigide. La différence est très nette avec l’époque des Ferrari 458 Spider, dont les craquements aux jonctions du toit pouvaient devenir envahissants lors des manœuvres, par exemple.
Sur route, même dégradée, la 12Cilindri reste de marbre, et sa suspension pilotée avale les imperfections sans trop broncher. En revanche, le toucher de route est un peu plus filtré qu’auparavant, avec une direction un brin moins communicative.
Mais pas de quoi perdre le fil de la route, pour rassurer les nostalgiques de la direction hydraulique classique. L’essentiel demeure, et la 12Cilindri Spider s’avère d’une facilité désarmante dans la vraie vie, une fois qu’on a assimilé ses dimensions.
En quittant l’agglomération de Sintra, on se désenglue de la circulation d’un bref mouvement de pied. Le Spider s’exécute avec une légèreté, une volonté et une élasticité très différentes du V12 biturbo d’Aston Martin, par exemple.
Et le fait de décapoter ne fait qu’exacerber cette impression : le 6,5 litres de Maranello n’est comparable à aucun autre. Même pas celui d’une Lamborghini Revuelto. Les motoristes de Sant’Agata ont beau être des magiciens, ils ne parviennent pas à distiller la même aisance ni la même finesse à haut régime.
© LAURENT VILLARON / SPORT AUTOGrand Format N° 758 Ferrari 12Cilindri Spider
Tête froide
La route se déroule comme un tapis rouge sous les Pilot Sport, et le Spider défile. Au volant, on ne peut pas dire que l’inertie dégagée par la hausse de poids par rapport au coupé soit réellement perceptible.
Il faut souligner que Ferrari évoque 60 kg de plus en raison des renforts de caisse, avec un total de 1 620 kg à sec. La 12Cilindri Spider reste tout aussi agile en entrée de virage et se cale sur ses trajectoires avec la même dextérité.
A condition de ne pas réaccélérer comme un décérébré après avoir tout déconnecté, au risque de me répéter. En mode Race, l’électronique veille au grain avec une efficacité remarquable, qu’il s’agisse de l’ABS ultra-sophistiqué ou du contrôle antipatinage digne de la Nasa.
Ce dernier améliore la motricité sur tout type de surface et se montre également plus discret. Idem pour le système des 4 roues directrices guidées par un capteur 6D. Comme sur la 812 Competizione, en somme, mais avec un meilleur contrôle, un temps de réponse plus rapide et une plus grande réactivité dans les courbes.
En comparaison de la 812 GTS, la 12Cilindri Spider confère l’impression d’avoir plus de mordant du train avant, d’être moins sous-vireuse et mieux maintenue en roulis. Sans parler de sa rigidité, où elle creuse un fossé avec sa devancière.
La 12Cilindri donne aussi la sensation d’être plus accessible au volant, bien qu’elle reste un volcan dont l’ébullition guette au moindre mouvement. Je serais même tenté d’ajouter que c’est ce qui fait son charme.
Non seulement ce nouveau Spider suit à la lettre la définition des plus grandes GT de Maranello, mais en plus, il la propulse dans une nouvelle dimension de performances et de facilité.
Sa façon d’être progressive à bas régime et quasi bestiale à l’approche de la zone rouge est fascinante. Au même titre que son comportement dynamique, capable de passer d’une extrême douceur sur un filet de gaz à des saveurs très épicées de pure propulsion lorsqu’on met la louche.
Le tout avec une finesse mécanique unique. En résumé, la voûte céleste est toujours sans nuage au sommet du grand tourisme à ciel ouvert. Le toit escamotable ne fait que libérer une voix qui était déjà prête à s’envoler. Ça devient carrément planant.
L'avis de Laurent Chevalier : 5/5
La 12Cilindri Spider gagne en rigidité, en efficacité et en facilité de conduite par rapport à la 812 GTS. Et malgré la débauche de technologie, le V12 conserve son caractère initial absolument unique.
A savoir une douceur époustouflante à bas régime et une frénésie exaltante dans les tours. Avec un toit escamotable deux en un, qui permet d’en profiter dans toutes les conditions. L’auto parfaite pour lever les voiles.
Ferrari 12Cilindri Spider : fiche technique
- Moteur : V12 à 65°, 48 S
- Cylindrée : 6 496 cm3
- Régime maxi : 9 500 tr/mn
- Puissance maxi : 830 ch à 9 250 tr/mn
- Couple maxi : 69,1 mkg à 7 250 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série + contrôle de trajectoire
- Poids annoncé : 1 620 kg à sec
- Rapport poids/puissance : 2 kg/ch
- L - l - h : 4 733 - 2 176 - 1 292 mm
- Empattement : 2 700 mm
- Voies AV/AR : 1 686/1 645 mm
- Pneus AV & AR : 275/35 & 315/35 R 21
- Réservoir : 92 l
- Prix de base : 427 000 €
- Prix des options/malus : 160 197/70 000 €
- V. max. : 340 km/h
- 0 à 100 km/h : 2”9
- 0 à 200 km/h : 8”2
Retrouvez notre essai Grand Format de la Ferrari 12Cilindri Spider dans le Sport Auto n°758 du 28/02/2025.