Essai - Ferrari 12Cilindri : profitons de son V12... avant qu'il ne soit trop tard !
Pendant combien de temps les motoristes de Ferrari vont-ils pouvoir produire leurs V12 ? Personne ne le sait, même pas les intéressés. La seule certitude, c’est qu’il n’a jamais été aussi urgent d’en profiter ! Comme avec la nouvelle 12Cilindri.
Base campagne luxembourgeoise, mardi, 13 h 30. Pas un chat.
Juste un V12 dissimulé sous un capot interminable, au bout duquel
se dresse l’entrée du tunnel, long et rectiligne. Je ne sais pas
qui pourrait résister à l’envie d’entrouvrir les vitres avant de
rétrograder comme un dératé en écrasant l’accélérateur contre le
plancher. Pas moi.
Une première pichenette sur la palette de gauche déclenche le
grognement d’un rottweiler aux crocs sortis. Le ronron du V12 sursaute et l’écho des
silencieux se répand sur les parois du tunnel. Une deuxième
pichenette sur la commande de boîte provoque une autre
détonation.
L’aiguille du compte-tours oscille de nouveau et le gémissement de
la 12Cilindri monte d’une octave.
Du tac au tac, sans la moindre inertie. J’en remets une louche en
tournant le Manettino sur Race et en tirant une fois encore sur la
gâchette pour passer de seconde en première.
Le 6,5 litres hennit comme un pur-sang ravagé par une nuée de
taons. Le cri des échappements dépasse l’entendement, et l’aiguille
du compte-tours se stabilise à 7 000 tr/mn. R Pile-poil au régime
du couple maxi. Trois, deux, un… et l’accélérateur écrase le
plancher. Les silencieux détonent et les roues arrière vrillent
comme des toupies, en marquant une virgule de gomme sur le sol.
La 12Cilindri amorce un mini-dérapage aussitôt contenu par l’ESP,
puis file droit et se transforme en projectile. Je tire sur la
palette de droite dès que l’aiguille du compte-tours s’approche des
9 000 tr/mn pour éviter que le rupteur d’allumage ne défouraille
comme une mitraillette.
La boîte passe en seconde avec une rapidité à couper le souffle. Le
V12 repart de plus belle. 9 000 tr/mn, 9 500 tr/mn… le 6,5 litres
miaule comme s’il était possédé, au rythme d’une succession de cris
sans fin qui déchirent l’air.
D’abord l’aspiration de l’admission, puis les pistons qui
s’affolent dans des aigus perçants avant que les silencieux ne
prennent le relais dans des graves à vous remuer les tripes. La
bourrasque stoppe net, pendant la micro-fraction de seconde du
passage du rapport, puis les pots repartent à l’assaut. 7 000, 8
000, 9 000 tours et le V12 poursuit sa complainte inimitable. C’est
enivrant, envoûtant… électrisant !
Et qu’on ne me dise pas que c’est comparable à une GranTurismo
Folgore sous prétexte que les 0 à 100 km/h sont proches. Au
contraire, c’est le jour et la nuit : trois petites secondes de
bonheur pour les tripes et les tympans au volant de la Ferrari,
contre un haut-le-cœur et une bande-son d’ascenseur au volant de la
Maserati électrique.
Peu importent les dixièmes ou les secondes, d’ailleurs. Toute la
question est de savoir si l’expérience de l’accélération donne
réellement l’envie de la reproduire. Oui, indéfiniment au volant de
la 12C, et non, pas vraiment dans la Folgore.
En clair, il n’y a pas de mot pour décrire le tour de magie des
motoristes de Ferrari au-delà de 7 000 tr/mn. Ce V12 a beau être
moins sonore que celui de la 812 Competizione et de la F12tdf, il
est du même acabit. Notamment dans sa façon unique de respirer dans
les tours, sans contraintes, sans inertie, ni aucune limite.
Et je ne parle pas de la rapidité sidérante de la boîte F1, à
l’accélération comme au rétrogradage. Il s’agit de la transmission
à double embrayage utilisée sur la SF90 Stradale. Elle donne
l’impression de tirer un poil plus court que celle de la Superfast
sur les premiers rapports, et d’être plus instantanée lors des
passages de rapports, tout en étant plus progressive.
Avec une telle cavalerie servie par une transmission aussi
brillante, le bilan est dithyrambique. Alors certes, on ressent les
couches successives de filtres qui se sont empilées au fil des
normes antipollution depuis la tdf, mais le caractère surnaturel
originel est bel et bien préservé : c’est un authentique moteur de
course.
La preuve, c’est qu’il est encore plus aérien et athlétique à
l’usage que celui de la Lamborghini Revuelto. Au-dessus ? Il n’y a
pas grand-chose à vrai dire. Le V12 d’une Pagani Utopia est plus
bestial, mais il est suralimenté.
Quant au 6 litres atmosphérique de 850 ch de la Zonda R, il prend
moins de tours et ne peut pas se plier à une utilisation routière.
Et le V12 de l’Aston Martin Valkyrie est moins élastique.
Essai - Ferrari 12Cilindri : docile...
C’est entendu, il n’y a rien à redire du côté de la mécanique.
Et pas grand-chose à ajouter en ce qui concerne la capacité de la
12Cilindri à délivrer ce potentiel renversant avec la plus grande
des facilités. D’une part, le châssis est plus résistant
qu’auparavant. Et pas qu’un peu.
Le porte-parole de Maranello évoque une hausse de 50 % de la
rigidité par rapport à la 812 Superfast. L’équilibre des masses
entre les essieux reste toujours au centre du débat (48 % et des
broutilles à l’avant et quasi 52 % à l’arrière).
A ce propos, Ferrari avance 1 560 kg à sec contre 1 630 kg avec les
pleins pour une 812 Superfast, en prenant le soin d’éviter la
comparaison directe. Quoi qu’il en soit, et en connaissant les
habitudes de Maranello lorsqu’il s’agit d’évoquer la masse réelle
de ses autos, nous attendrons de pouvoir poser les roues de la
12Cilindri sur notre propre
balance pour être fixés.
Volant en mains, en tout cas, on ne peut pas dire que l’inertie
soit pénalisante ni vraiment notable, au contraire de ce qu’il
ressort de la conduite d’une Lamborghini Revuelto, par exemple. La
12Cilindri est étonnamment agile en entrée de virage, se cale sur
des appuis en béton et se relance avec une motricité remarquable au
regard de la tempête de couple qui s’abat sur les deux seules roues
arrière.
Inutile de préciser que les metteurs au point ont dû se creuser les
méninges. A grands coups d’électronique, depuis l’ABS Evo inauguré
sur la 296 GTB, en passant par le capteur 6D qui guide les roues
arrière directrices et le contrôle du patinage latéral SSC 8.0.
Ce dernier a été optimisé pour améliorer sa précision et sa vitesse
d’exécution (+ 10 % par rapport aux précédents) ainsi que la
motricité sur tous types de surfaces. Pour simplifier, la
12Cilindri peut estimer le niveau d’adhérence entre chaque pneu et
la route en permanence, y compris pendant les braquages et dans
toutes les conditions de roulage, pas seulement à la limite.
Le nouveau dispositif Aspirated Torque Shaping va aussi dans ce
sens, en augmentant la linéarité de la puissance. Le système des 4
roues directrices, quant à lui, est reconduit. Rappelons qu’il agit
sur le mouvement de chaque roue indépendamment, au bénéfice de la
gestion du lacet dans les virages et de la réactivité lors des
changements de cap à vitesse élevée.
Même principe que sur la 812 Competizione donc, mais avec un
meilleur contrôle de chaque actionneur, un temps de réponse plus
rapide et une plus grande réactivité dans les courbes. De la magie
électronique, mais pas seulement, puisque l’empattement est
raccourci de 20 mm par rapport à celui de la 812 Superfast.
En comparaison de cette dernière, la 12Cilindri donne l’impression
d’avoir plus de grip à l’avant, d’être moins sous-vireuse et mieux
maintenue en roulis. Pour ce qui est du toucher de route en
revanche, il y a des nuances à apporter.
J’ai beau ne jamais avoir fait partie de ceux qui se plaignent de
la légèreté des directions des Ferrari, tant que celles-ci
conservaient des remontées d’informations, je dois avouer que la
communication commence à se distendre et qu’on a du mal à sentir où
l’on place les roues avant.
Idem pour le dosage des freins sur notre modèle d’essai destiné à
la route, probablement fatigués, tandis que celui réservé aux
pistes du centre Goodyear du Luxembourg a une course différente.
L’autre léger grief concerne la stabilité du train arrière dans
certains cas perfectible, en cas de changement de cap à haute
vitesse ou de très forte relance à basse vitesse.
Bref, la 12Cilindri a beau donner le sentiment d’être plus facile à
conduire qu’auparavant, il ne faut pas oublier que ça reste un
volcan dont l’entrée en éruption guette au moindre mouvement du
pied. Mais cessons de tatillonner. Cette nouvelle Ferrari est l’une
des plus étincelantes pompes à feu qui aient jamais existé.
Sa façon d’être aussi accessible à bas régime et aussi athlétique
jusqu’à la zone rouge est tout simplement fascinante. Au même titre
que son comportement de propulsion surpuissante à la limite. Même
s’il nous faudra attendre de pouvoir tester les Goodyear Eagle F1
sur la route, et non pas seulement sur piste, pour entériner ce
jugement. On peut d’ores et déjà valider le fait que la 12Cilindri
se hisse au sommet absolu du grand tourisme. Tout comme la nouvelle
Aston Martin Vanquish (V12 biturbo, 835 ch, tiens donc) dont on
attend de voir si le moteur a un tel brio et si l’amortissement est
aussi efficace. Avec une barre placée si haut, j’en doute.
L'avis de Laurent Chevalier, Rédacteur en Chef Adjoint de Sport Auto
C’est un miracle de produire un tel moteur pour route
ouverte, et un prodige de le rendre aussi accessible et utilisable.
Surtout à une époque où l’on nous sert des hybrides et des
électriques à toutes les sauces, au risque de les édulcorer.
Sauf chez les ingénieurs de Ferrari, qui mettent les pendules à
l’heure en défendant leur vision du grand tourisme autant qu’ils la
remettent au goût du jour.
Ferrari 12Cilindri : fiche technique
- Moteur : V12 à 65°
- Cylindrée : 6 496 cm3
- Régime maxi : 9 500 tr/mn
- Puissance maxi : 830 ch à 9 250 tr/mn
- Couple maxi : 69,1 mkg à 7 250 tr/m
- Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
- Anti-patinage/auto-bloquant : de série + contrôle de trajectoire/piloté
- Poids : 1 560 kg à sec
- Rapport poids/puissance : 1,9 kg/ch
- L - l - h : 4 733 - 2 176 - 1 292 mm
- Empattement : 2 700 mm
- Voies AV/AR : 1 686/1 645 mm
- Pneumatiques AV & AR : 275/35 & 315/35 R 21
- Réservoir : 92 l
- Prix de base : 395 000 €
- Prix des options/malus : NC/60 000 €
- Prix du modèle essayé hors options : 455 000 € (malus compris)
Ferrari 12Cilindri : performances annoncées
Découvrez notre essai de la Ferrari 12Cilindri dans le Sport Auto n°754 du 25/10/2024.



