Essai - Chevrolet Corvette Z06 (2025) : la force tranquille...
Avec la Z06, la Chevrolet Corvette devient une supercar dont il faut se méfier. Et pourtant, c’est une compagne de balade tout à fait recommandable, la preuve en essai.
Depuis Francfort, cap sur l’ouest, pour rejoindre au plus tôt la vallée du Rhin. Un serpent de 171 km de long qui, dans notre direction, remonte de Bingen am Rhein à Cologne.
Notre point de rencontre avec le fleuve franco‑allemand se fera au niveau de Coblence. De quoi profiter des vallons de schiste, pour l’œil averti de mon collègue Yann à la photo, et pour mon envie de découvrir cette sportive méconnue chez nous sur des routes adaptées.
Et la balade ne tarde pas à susciter notre intérêt. Une quarantaine de forteresses jonchent les rives, et le dénivelé dévoile des points de vue qui donnent tout l’intérêt à cette région. Est‑ce que notre Z06 fait tache dans ce cadre bucolique inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco ?
A peine… Il faut dire qu’une Corvette dans la circulation européenne, ça se remarque. Certains y voient une lointaine parenté avec Lamborghini, qui joue des mêmes effets de style tranchant. Pourquoi pas. Mais elle déclenche une réelle sympathie des passants.
Et notamment chez Toby, gérant de la marina de Neuwied, qui insiste pour une pause photo. Et il est vrai que pour Yann, un bateau sorti de l’eau, c’est toujours beau. Le temps du cliché, Toby m’explique qu’à quelques kilomètres se trouve le garage de Corvette le plus improbable.
C’est là que nous avons fait l’inattendue rencontre d’Andreas. Cet Allemand a fait son beurre dans l’importation et l’entretien de Corvette. C’est le spécialiste de la région, et pour lui, l’américaine n’a aucun secret, quelle que soit la génération.
Mais on n’a pu que D remarquer son air dubitatif à la vue de cette C8, qui plus est "bodybuildée". Pour lui, une Corvette a le moteur à l’avant, et glougloute comme un chalutier. Alors forcément, son pedigree de supercar européenne affûtée telle une lame de chef ne lui parle pas vraiment.
« Certains diront que c’était le seul moyen de la rendre meilleure. Ce n’est que mon avis et je n’ai que rarement eu des C8, mais on est loin de l’esprit originel », conclut Andreas, visiblement nostalgique des soixante‑dix ans de tradition vite oubliés.
Un V8 à haut régime
Nous voilà repartis, et c’est vrai que cette Corvette Z06 nous rappelle davantage les divas italiennes que les méchantes muscle cars américaines. Par son architecture, mais aussi par son moteur, véritable mastodonte de puissance. Ce V8 atmosphérique, avec ses 645 ch, est le plus puissant de la production actuelle.
Ce 5.5 n’a pas grand‑chose à voir avec le 6.2 de la Stingray classique, et pioche ses éléments dans la banque d’organes qui fournit les moteurs en compétition du constructeur. Architecture à vilebrequin plat, bielles et soupapes en titane, distribution revue avec 32 soupapes et double arbre à cames, la Z06 respire la santé.
Et le comportement de ce bloc incite à une conduite différente de celle entamée par la Stingray. Il aime les hauts régimes, à tel point que les premières accélérations m’ont laissé un goût d’inachevé. Comme s’il subissait l’inertie de sa mécanique.
Les montées en régime moins promptes que celles du flat 6 d’une 911 GT3 et une sonorité plus étouffée que l’époustouflant V10 de feu l’Huracán déçoivent au premier abord. Mais ça, c’était avant de lire la notice d’utilisation.
Au risque de chahuter le calme ambiant de la vallée du Rhin, j’appuie sur la touche Z située sur le volant. La transmission catapulte l’aiguille fictive du compte‑tours numérique dans des eaux plus propices à l’expression du V8.
Le couple maxi de 60,6 mkg est à aller chercher à 6 300 tr/mn, et la démonstration de force arrive enfin. Percutant et volubile à défaut d’être particulièrement chantant, ce V8 à carter sec a finalement un caractère de cochon.
Et c’est tout ce qui fait son charme. Les vitesses proscrites sont atteintes beaucoup trop rapidement, mais la vitalité de ce moteur remarquable donne vie à une machine sensationnelle.
De bonnes manières, aussi
Et malgré ses entrailles de compète, il est à l’image de cette Corvette, plein de douceur et de bonnes volontés. Il sait gentiment ronronner au bas du compte‑tours, montre une belle élasticité, et la transmission à double embrayage à 8 rapports lisse le comportement.
Voilà qui offre de quoi cruiser sans fatigue, et de profiter de cette région finalement pas si touristique. Non pas que la vallée du Rhin manque d’intérêt. Le charme de ses bourgades fleure bon l’Europe du Nord, le chapelet de châteaux bordant les rives propose des pit‑stop plaisants aux amateurs, et la présence constante des vignes signale celle d’épicuriens.
*Et si les puissantes sportives peuplent les routes ici plus qu’ailleurs, notre Corvette Z06 détourne les regards plus que les autres. Elle a l’air méchante. Ses origines lointaines, sa relative confidentialité et le tranchant de son pack Z07 optionnel la rendent intimidante.
Une sorte de créature incomprise à laquelle on prête des intentions parfois mal interprétées. Et pourtant… la Corvette Z06 est douce comme un agneau. Son moteur épique connaît les bonnes manières, le confort de ses suspensions magnétorhéologiques est tout simplement bluffant, son habitacle offre toutes les commodités nécessaires, et même ses ouvrants avant et arrière sont dotés d’une fonction automatique soft close.
A bord, c’est le beurre et son argent. Les sièges sont larges et confortables, le cuir est omniprésent, il y a de l’espace et de grands porte‑gobelets (made in USA, of course). En revanche, l’agencement est complexe et les surpiqûres ne filent pas vraiment tout droit.
Et que dire de cette énorme muraille – regroupant les commandes de climatisation – qui sépare les deux occupants ? Envahissant et peu utile. Pas de quoi reconsidérer un départ en week‑end cela dit. Le coffre à l’avant est généreux, tout comme à l’arrière.
Attention simplement à ne pas y mettre des affaires craignant le chaud, le V8 souffle pas loin. En remontant paisiblement vers le nord, les collines se dessinent de plus en plus à mesure que l’on s’approche de Bonn. Et la météo s’invite à la fête.
Parfait, la Z06 est une Targa qui permet de démonter le toit avant de le ranger dans le coffre arrière. C’est rapide et facile, et cette légère pièce en carbone se porte aisément à une seule main. Détour par les vignes des coteaux d’en face, pour aller chercher les virolos.
Et nom de Dieu ! Si le moteur a déjà rallié les suffrages et attiré toute ma sympathie, la mise au point de cette Z06 est à classer du côté des points forts. Avec le bouton Z, je peux optimiser les éléments mécaniques et technologiques.
Et la Corvette ne semble pas du genre à aimer les gadgets. La moindre modification dans les modes de conduite opère instantanément un changement sensible de la direction, de la réponse du moteur ou du niveau de maintien de la suspension.
Les bascules qui nous rapprochent du mode le plus hardcore, Track, apportent à chaque palier plus de tension, plus de vocalises et plus de réactivité. L’ESP totalement déconnectable restera sur sa configuration Sport, histoire de ne pas jouer aux limites de nos pneus hiver foulant les revêtements froids.
Une efficacité redoutable
Et malgré la fougue du V8, la Corvette s’avère facile et prévenante. Les routes désertes en ce mois de novembre frisquet nous laissent le champ libre. Le train avant est étonnant de précision, la direction communicative offre juste ce qu’il faut de consistance.
Le rythme s’accélère, et la confiance y gagne. Il conviendra de s’habituer à ce volant carré, mais mener la Z06 avec entrain témoigne de l’excellent travail de mise au point des Américains. Tout arrive ! Malgré les capacités redoutables de l’engin, rien ne nous semble sous-dimensionné pour la balade.
Et cela tient au caractère très communicatif de la Corvette Z06. Nul besoin d’aller chercher les vitesses inavouables pour la découvrir vivante et spontanée. L’Américaine me rappelle un peu la fantastique Huracán par bien des aspects.
Et celui-là en fait partie. Son châssis techniquement abouti permet une bonne dose de fun sans oublier la rigueur. Le différentiel à glissement limité piloté électroniquement est intelligemment calibré et loin d’être castrateur.
En témoignent les sorties d’épingle que je m’autorise à quitter en virgule. C’est progressif et facile à juguler sans se faire de grosse frayeur. Là aussi, la Corvette démontre une réelle maturité. Mais il est temps de revenir sur nos traces pour rendre cette attachante Yankee à ses propriétaires.
Et pour ce trajet retour, l’autoroute est un passage obligatoire pour les amateurs, une sorte d’attraction locale. De quoi jouir du souffle inépuisable de ce V8 qui respire très fort, sans broncher jusqu’à 8 600 tr/mn. Grisant.
Les voies élargies de cette Z06 (de presque 10 cm !) et ses énormes boudins de 345 mm à l’arrière offrent une stabilité impériale, et malgré la monte pneumatique moins typée performance, la motricité est excellente. Souffre-t-elle la comparaison avec des rivales européennes plus légitimes dans la discipline ? Pas vraiment.
Certes, elle n’a ni le feeling sans pareil d’une McLaren, ni l’explosivité d’une Lamborghini, ni la rigueur extrême d’une Porsche. Faut-il lui en vouloir ? Certainement pas. Si les Américains ont souvent été moqués pour la mise au point parfois relative de leurs sportives, cette Z06 vient signaler la fin de ce préconçu.
Et Chevrolet est aussi en passe de devenir un motoriste reconnu. Si le V8 de cette version nous a déjà convaincus, qu’en sera-t-il de sa tonitruante déclinaison ZR1 ?
Le même bloc 5.5 s’adjoint les services de deux turbos, pour développer une puissance phénoménale de 1 064 ch, sans la moindre hybridation. Vive la Corvette !
L'avis de notre essayeur Walid Bouarab
La dernière génération de Corvette a presque su faire oublier les précédentes. Du moins pour les amateurs de sportives sur circuit. Et l’optimisation de cette version Z06 est allée peaufiner les détails qui nous plaisent : moteur remarquable, châssis vivant, efficacité chirurgicale… Mais le tour de force réside dans cette faculté à demeurer facile à vivre, confortable et accessible. Reste un intérieur qui mériterait d’en faire moins…
Chevrolet Corvette Z06 : fiche technique
- Moteur : V8 atmo, 32 S
- Cylindrée : 5 460 cm3
- Puissance maxi : 645 ch à 8 550 tr/mn
- Couple maxi : 60,6 mkg à 6 300 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage : de série déconnectable
- Autobloquant : de série
- Poids annoncé/mesuré : 1 561 kg à sec/1 679 kg
- Rapport poids-puissance : 2,6 kg/ch
- L - l - h : 4 688 - 2 025 - 1 235 mm
- Empattement : 2 722 mm
- Pneus AV & AR : 275/30 & 345/25 ZR 21
- Réservoir : 70 l
- Prix de base : env. 200 000 €
- Prix des options/malus : 35 000/60 000 € (modèle équipé du pack Z07 avec freins en céramique et jantes en carbone)
- Prix du modèle essayé : env. 295 000 € (malus compris)
- V. max. : + de 300 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’1
- 0 à 160 km/h : 6’’5
- 0 à 200 km/h : 10’’8
- 400 m D.A. : 11’’0
- 1 000 m D.A. : 20’’1
- Freinage de 200 à 0 km/h : 134 m (4’’9)
Retrouvez notre essai de la Chevrolet Corvette Z06 dans le Sport Auto n°756 du 27/12/2024.