Essai - Bentley Continental GT Speed First Edition : tirée à quatre épingles
Après un bref galop d’essai l’été dernier, Sport Auto s'est replongé dans l’univers de la nouvelle Continental GT. En direction des sommets pour chasser les épingles… dans une auto tirée à quatre épingles.
Nous sommes de ceux qui préfèrent les 12 cylindres aux V8, par conviction. Mais ce n’est pas un principe, car il existe des exceptions. En fonction du caractère du moteur concerné et de la voiture qu’il y a autour.
Question d’homogénéité, surtout. En effet, aussi extraordinaire soit‑il, le V12 ne va pas avec tout. On peut être plus attiré par le V8, qui est juste en dessous, comme sur certaines Mercedes‑AMG, dont les versions 65 à 12 cylindres ne sont pas les plus probantes.
C’était moins évident sur la précédente Continental, mais il faut reconnaître que l’ancien W12 ne faisait pas mieux que le V8. Voire pire, puisqu’il chargeait le train avant au détriment de l’agilité, ce qui n’est pas forcément un drame sur une limousine Flying Spur, mais plus préoccupant sur une GT.
Voyons comment cela se passe avec le nouveau V8 hybride et sa puissance impressionnante : 782 ch cumulés, rien que ça ! Tout comme le poids : un âne mort écrasé par une enclume.
Avec 2 459 kg avoués sur la balance, soit presque 300 kg de plus que la précédente version V8, la Continental GT Speed interroge sur sa capacité à digérer les épingles. Raison de plus pour la conduire sur un parcours montagneux. En route !
Parenthèses
Avant de plonger dans les virages, on (re)découvre une Continental GT muette comme une carpe. Avec un moteur électrique qui souffle sur l’enclume et la fait glisser sur le bitume. Pas déplaisant.
On profite de cette accalmie avant la tempête pour explorer le confort princier, en essayant de percer les énigmes de ce luxe enveloppant. Typiquement le genre d’auto où l’on en vient à espérer que le temps s’arrête, pour rester suspendu, bercé par cette impression de profusion où tout semble facile.
A ce propos, il suffit de tourner la molette des modes de conduite sur la position Sport pour démarrer le V8. Et retrouver une sonorité rauque, rythmée par de bonnes vibrations. Si le jeu du mode électrique consiste à effleurer la pédale d’accélérateur pour ne pas réveiller le V8, maintenant que c’est fait, on ne va certainement pas s’en priver.
En écrasant la pédale de droite sur les premiers rapports, la Continental explose avec une vigueur qui fait presque penser à une 911 Turbo, c’est dire. L’autre parallèle avec la Porsche concerne la motricité, malgré la route détrempée et les Pirelli Sottozero de notre modèle d’essai.
A peine quelques micro‑régulations de différentiel entre l’avant et l’arrière… et la Bentley s’arrache du sol. Il faut rappeler que le 0 à 100 km/h est annoncé en 3”2 et le 0 à 160 km/h en 6”9.
A titre de comparaison, la version antérieure réclamait 4”0 et 8”9 pour parcourir les mêmes épreuves. Le surcroît de puissance maxi permet, quant à lui, de promettre 335 km/h en pointe, au lieu de 318.
Le punch de ce V8 couplé à l’électricité et sa faculté à monter en régime sans inertie n’ont pas grand‑chose à envier au précédent W12. Pour mémoire, ce 4 litres est emprunté aux Audi RS 6, Lamborghini Urus et Porsche Panamera.
Là où c’est inattendu, c’est qu’il a tendance à être plus communicatif sous le capot d’une Bentley que sous celui d’une Porsche. Ce qui est également perceptible, c’est que la Continental n’a pas les deux pieds dans le même sabot, entre deux virolos.
Malgré le crachin et l’adhérence précaire, la panoplie technologique veille au grain : transmission intégrale avec vectorisation du couple, barres antiroulis actives, roues arrière directrices et suspension pneumatique dernière génération.
Parlons‑en d’ailleurs, puisque l’écart de celle‑ci avec le modèle antérieur est flagrant, en matière non seulement de régulation du tangage ou de la plongée, mais aussi de filtrage.
La direction est quasi parfaite, même si l’on se serait passé de sa consistance variable en fonction des modes (ce qui n’est pas gênant dans le cas présent, car on peut toujours se concocter son propre mode de conduite, en détaillant les réglages moteur-boîte, suspension et direction).
Ce qui est certain, c’est que la Continental revient de très loin sur le thème du toucher de route, si l’on convoque nos souvenirs du modèle R, c’est-à-dire avant 2005. A des années-lumière, sans parler de l’équilibre du comportement, évidemment.
L’autre élément intéressant concerne le confort de roulement, qui a largement progressé par rapport au modèle précédent. Lorsqu’on retourne en mode Normal, la Bentley détend ses barres antiroulis pour donner l’impression de voler sur un tapis, ce qui n’était pas gagné étant donné la taille des pneus hiver de notre modèle d’essai (305/35 R 21 à l’arrière).
Reste à savoir comment cela se passe avec la monte habituelle de 22 pouces. Le freinage, quant à lui, n’apporte pas de véritable bémol à cet essai. Il faut dire que la résistance à l’échauffement ne risque pas d’atteindre ses limites sur les routes mouillées de notre parcours.
Et pour être honnête, le contact à la pédale de ce modèle équipé de freins en céramique n’est pas aussi perturbant que sur certaines sportives hybrides, dont la régénération est plus caricaturale.
A ce propos, il est à souligner que Bentley a mis les petits plats dans les grands : 440 mm de diamètre à l’avant, moyennant 15 300 € supplémentaires.
Palace
L’habitacle mériterait un chapitre à lui seul. Il est très différent de celui d’une BMW M8 ou d’une Mercedes-AMG SL. Je ne parle pas simplement des matériaux ou de la finition.
Je pense à cette foule de détails immuables, comme les tirettes pour régler le débit de l’air climatisé, les aérateurs circulaires chromés, etc. Autant d’éléments uniques qui renforcent cette signature du luxe, là où la plupart des constructeurs se contentent désormais d’augmenter la taille des dalles numériques et d’incruster des LED qui passent du vert au violet comme dans une salle de karaoké.
Ou encore de rétroéclairer un distributeur de parfum dans la boîte à gants, tel un arbre magique, mais pour faire plus chic. Bentley est clairement au-dessus de tout cela. Je ne parle pas seulement du panneau central à trois faces, qui permet de recouvrer des cadrans analogiques.
Je pense plus généralement au soin apporté à chaque commande, à la qualité de l’isolation acoustique lorsque vous refermez la porte et à tous les autres détails qui, mis bout à bout, confèrent l’impression d’être dans un univers à part.
Calé dans un fauteuil au confort apaisant, vous naviguez ainsi entre la rigueur d’une finition hors pair et la chaleur d’un salon anglais. De quoi donner l’envie de prendre son temps, pour faire durer un plaisir d’autant plus intense qu’il est ponctué d’accélérations bien senties.
Et surtout savourer chaque seconde passée dans ce carrosse tapissé de cuir, en se laissant bercer par le son des échappements qui ne cachent pas leur joie en mode Sport. Franchement, chapeau !
Cette escapade sur route ouverte révèle des capacités de voyage hors du commun. On s’en serait douté, mais pas à ce point. Non seulement la nouvelle Continental GT est une invitation à rouler vite, par tous les temps et en toute sécurité, mais en plus elle continue de dévoiler des saveurs spécifiques.
Preuve que l’hybridation est digérée. Quant aux 70 000 € de malus économisés, vous aurez tout le loisir de les consacrer aux options. Enfin, je veux dire, à la personnalisation.
L'avis de Laurent Chevalier : 5/5
Bentley parvient à limiter les effets négatifs générés par le système électrique, malgré les 300 kg d’écart avec la version thermique. L’agrément reste de tout premier ordre, et le confort de roulage en profite pour encore augmenter. Sans parler des performances, qui grimpent à la vitesse grand V. Le tout dans un environ.
Bentley Continental GT Speed First Edition : fiche technique
- Moteur thermique : V8 biturbo, 32 S
- Cylindrée : 3 996 cm3
- Puissance thermique maxi : 600 ch à 6 000 tr/mn
- Couple thermique maxi : 81,5 mkg à 2 000 tr/mn
- Moteur électrique (puissance/couple) : 190 ch/45,9 mkg
- Puissance cumulée : 782 ch
- Couple cumulé : 101,9 mkg
- Autonomie électrique : 81 km
- Transmission : intégrale, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/ central + Torque Vectoring
- Poids annoncé : 2 459 kg
- L - l - h : 4 895 - 1 966 - 1 397 mm
- Empattement : 2 851 mm
- Pneus AV & AR : 275/35 & 315/35 R 22 (modèle essayé en 265/40 & 305/35 R 21)
- Prix de base : 295 660 €
- Prix des options/malus : 81 294/0 €
- Prix du modèle essayé : 376 954 € (malus compris)
- V. max. : 335 km/h
- 0 à 100 km/h : 3”2
- 0 à 160 km/h : 6”9
Retrouvez notre essai de la Bentley Continental GT Speed First Edition dans le Sport Auto n°760 du 25/04/2025.