Essai - Aston Martin Vantage Roadster : espèce en voie de disparition...
Pas une once d’hybridation. Juste un V8 biturbo, tentant de contenir l’impatience des 665 chevaux. L'Aston Martin Vantage Roadster est comme une espèce en voie de disparition qui propose, en sept secondes, de passer d’une GT dynamique à un excellent cabriolet.
Il y a vingt ans, la Vantage voyait le jour. Les plus érudits nous diront à raison que le patronyme remonte à 1950, mais à l’époque, l’appellation désignait un kit d’optimisation mécanique pour la DB2.
En 2005, la Vantage fut le premier modèle moderne de l’usine de Gaydon. Fin 2006, Aston Martin en révélera la déclinaison roadster, avec capote en toile pour ne pas alourdir une ligne que certains désignent comme l’une des plus réussies de tous les temps. La nouvelle est-elle aussi charismatique ? L’avenir nous le dira.
Elle est déjà plus imposante (+12 cm) et surtout beaucoup plus puissante (665 ch au lieu de 380). En matière de cylindrée, c’est tout l’inverse : le 4,3 litres (puis le 4.7) prend depuis longtemps la poussière, remplacé par le 4 litres biturbo provenant de chez AMG.
Au début des années 2000, la Vantage est une alternative exotique à la 911, mais une finition indigne des tarifs pratiqués et des soucis de fiabilité au niveau de la transmission robotisée gâtent la recette du succès. Depuis, la firme anglaise tente de rattraper son retard face à la Porsche.
Renouvelée l’année dernière, la Vantage semble enfin se donner les moyens de ses ambitions. La puissance, déjà, fait un bond faramineux : +155 ch par rapport au modèle précédent, équipé du même moteur.
Rappelons, pour recentrer le débat, que ce cabriolet est plus puissant qu’une Ferrari Enzo, la supercar de ce début de siècle. Pas la peine de me dire qu’elles ne boxent pas dans la même catégorie, je suis au courant.
L’italienne est légère (merci la fibre de carbone), l’anglaise se revendique légère aussi (merci l’aluminium). La découvrable n’est pas une supersportive, mais elle soigne son équilibre. En statique, déjà, avec une répartition de 49/51 % (toit replié), grâce à un moteur en retrait de l’essieu avant et une boîte de vitesses automatique placée derrière.
En dynamique, ensuite, comme nous le verrons bientôt. Mais avant, prenons nos marques. L’ergonomie Aston Martin réclame généralement un temps d’adaptation. Les commandes physiques sont heureusement toujours présentes.
Les assemblages approximatifs de 2005 cèdent leur place à des ajustements sérieux, à des matériaux agréables à l’œil et au toucher et à une ambiance plus raffinée que dans une 911.
Il est évidemment possible de passer par le département de personnalisation Q pour configurer son petit nid douillet. Coupé et roadster ont été mis au point en parallèle.
Il n’a donc pas été question d’adapter une GT au décapsulage, mais dès le départ, de faire du cabriolet une auto aussi aboutie que sa jumelle à tête dure. Et cela passe par l’adoption des amortisseurs adaptatifs DTX.
Mieux maintenue…
… mais pas inconfortable. C’est le tour de force réussi par cette suspension commandée à Bilstein. A l’inverse de liaisons au sol pilotées classiques, dont les actionneurs sont logés à l’extérieur du corps d’amortisseur, ceux de la Vantage sont positionnés dans le piston.
Il n’y a donc pas de latence inhérente à la quantité d’huile stagnante dans les durits, puisque le système travaille en interne. Sur le papier, c’est une belle prise de tête, si l’on en croit James Owen, responsable de la performance véhicule, mais dans les faits, c’est efficace.
Le roadster n’est pas le tapis volant d’Aladdin, mais comme dans ce segment les rivales ne sont pas plus tendres avec les vertèbres, l’Aston n’a pas à rougir. Par le passé, elle donnait parfois la désagréable sensation de piocher et de manquer de stabilité, avec une détente qui altérait le grip.
C’est presque fini, même si la technologie Skyhook de l’amortissement (censée maintenir une carrosserie parallèle au sol) génère en appui des réactions un peu folkloriques de l’arrière.
Le mode le plus dur n’est pas insupportable sur route, à condition de choisir un bitume parfait et de donner du rythme. Problème : le roadster est lourd, et certaines attitudes parasites en détente rendent parfois la conduite moins reposée que prévu. A moins que ce ne soit lié au moteur.
Aston Martin ne reçoit à Gaydon que le bloc, et les ingénieurs maison se chargent d’y ajouter leurs culasses, l’admission, la distribution, la suralimentation et l’échappement. Ce dernier est spécifique à la Vantage et ne se retrouve pas sous les capots des AMG SL ou GT.
Le plus impressionnant avec ce moteur n’est pas sa propension à pousser fort mais cette capacité de vous aplatir la fontanelle, même au-delà de 5 000 tr/mn. Saluons l’excellent grip des Michelin Pilot Sport S 5, développés exprès pour cette auto, qui assument les assauts répétés des deux turbines (soufflant à 1,1 bar) avec dignité.
Aston Martin est en train de reconstruire son image et aimerait se positionner entre Bentley (pour le luxe) et Ferrari ou McLaren (pour les performances). Et c’est réussi. On oscille vraiment entre les deux univers, même si l’aptitude qu’a la Vantage à vous retourner le ventre prend le dessus.
Avec ses huit couches, le toit – dont l’armature est faite de bras en aluminium, de pièces d’acier et de magnésium – vous coupe parfaitement du monde extérieur. Il peut être actionné jusqu’à 50 km/h, dans un silence de fonctionnement bluffant.
Entre deux parois rocheuses autrichiennes et une fois la capote pliée en seulement 6’’8 (un record), changement de facette. L’Aston n’est pas que belle : elle est rebelle.
Calibrages de suspension et de direction sont strictement identiques au coupé, selon James Owen : « Le seul élément qui ait changé est le support arrière de transmission, légèrement plus souple. »
Laurent Chevalier avait aimé le tempérament du coupé, je ne peux qu’adhérer à celui du cabriolet. Même en l’absence de silencieux en titane (indisponible même en option), cette mécanique prend aux tripes. Il n’y a pas de clapets pilotés dans les tuyaux, les crépitements au lever de pied étant commandés par l’injection.
Toujours moins efficace qu’une 911
La rivale à abattre, c’est évidemment la Porsche, et malgré les efforts de James Owen et de son équipe pour faire de la Vantage une référence, l’anglaise n’arrive toujours pas à distiller la même confiance.
La direction électrique n’est pas sans reproches. Parfois collante au point milieu, elle ne permet pas de cerner aussi facilement les limites de l’essieu directionnel que dans une 911.
La barre antiroulis avant est de beau diamètre (26,4 mm), mais le roadster paie son lourd moteur. Comparer la ZF à 8 rapports et la PDK aurait pu jouer en défaveur de l’automatique. Ce n’est pas le cas.
En Sport+ et Track, les passages se veulent à la fois plus véloces et plus heurtés, « car la Vantage est avant tout une voiture de sport, et il faut que son conducteur se sente impliqué ».
En effet, et lorsqu’on évoque la comparaison avec la concurrence allemande, James partage notre avis : « La 911 est une auto très aboutie, très efficace. Mais notre cahier des charges était chapitré autour des émotions, et je pense que dans ce secteur, la Vantage en donne davantage. »
L’argument est recevable. De ses défauts, l’Aston fait des traits de caractère appréciables. Elle est moins rigoureuse que la Porsche en appui ? Très bien : réapprenons à ne pas passer tous les virages en force. Sa direction est moins limpide et informative ?
OK : maîtrisons davantage les décélérations pour, sans surcharger l’avant, conférer plus de guidage. L’écran central est parfaitement opaque lorsque le soleil tape dessus ? C’est encore le meilleur moyen de se concentrer sur la route.
Mécaniquement, la Vantage prend l’avantage sur le flat 6 Porsche, que ce soit le 3,6 litres hybride des GTS ou le 3.7 des Turbo. Le V8 anglo-allemand a tout pour lui, à l’exception d’une zone rouge stoppant sa frénésie à 7 000 tr/mn.
Onctueux, expéditif, brutal, bruyant, il est secondé par une transmission, qu’elle soit mécanique ou pneumatique, très efficace. Déconnecter l’ESP (appui long de 5’’) fait apparaître un programme pour les pilotes en herbe.
La molette de sélection des modes de conduite se mue alors en potentiomètre qui règle, sur 8 niveaux, l’intervention du contrôle de motricité. On profite ainsi davantage du travail du différentiel piloté, qui est un véritable autobloquant et pas simplement un effet de lacet obtenu via l’action des plaquettes arrière.
Le freinage nous a d’ailleurs séduits. Cela eût été dommage compte tenu du diamètre des plats en carbone-céramique (410 et 360 mm), bien mis en valeur par le design aéré des jantes forgées de 21 pouces. Aston Martin a voulu qu’il n’y ait pas de différence comportementale entre le coupé et le cabriolet, et le pari est réussi, malgré les 60 kg séparant les deux modèles.
Perfectible mais équilibrée, surmotorisée mais sans exagération, la Vantage doit déposer les armes dans bien des secteurs face à cette satanée 911. Mais sa conduite, moins simple d’accès et donc plus stimulante, lui fait marquer de précieux points.
L'avis de Sylvain Vétaux : 5/5
A l’efficacité parfois froide d’une 911 cabriolet, la Vantage Roadster répond par une mécanique impétueuse, une sonorité plus sportive et une plastique à se damner. Alors qu’importe que son amortissement verse de temps à autre dans le perfectible. L’anglaise ajoute de la rigueur à sa tenue de route mais n’en oublie pas l’essentiel : un caractère bien trempé.
Aston Martin Vantage Roadster : fiche technique
- Moteur : V8 biturbo, 32 S Cylindrée : 3 982 cm3
- Puissance maxi : 665 ch à 6 000 tr/mn
- Couple maxi : 81,6 mkg à 2 750 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable + contrôle de traction ajustable/de série piloté
- L - l - h : 4 495 - 2 045 (rétros repliés) - 1 285 mm
- Empattement : 2 705 mm
- Poids annoncé : 1 665 kg (à sec avec options light)
- Pneus AV & AR : 275/35 & 325/30 ZR 21
- Réservoir : 78 l
- Prix de base : 210 800 €
- Prix des options/malus : NC/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 280 800 € (hors options et malus compris)
- V. max. : 325 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’6
Retrouvez notre essai de la Aston Martin Vantage Roadster dans le Sport Auto n°761 du 30/05/2025.