Essai - Aston Martin Vantage (2025) : plus voyante, puissante et provocante !

Publié le 4 mars 2025 à 13:30
Essai - Aston Martin Vantage (2025) : plus voyante, puissante et provocante !

Revue et corrigée, affirmée et amplifiée, l'Aston Martin Vantage nouvelle a changé de robe mais pas seulement. Plus voyante, plus puissante, elle a évidemment travaillé sa musculature mais au moins autant sa philosophie, provocante et hédoniste. Embarquez avec Sport Auto.

Si je l’avais choisie, elle ne serait pas orange. Ne me demandez pas pour quelle couleur j’aurais opté, le nuancier proposé est à peu près infini. On y trouve des gris de lune, toutes sortes de verts, un rouge « cramoisi liquide » (« Liquid Crimson »).
Mais la voici garée dans ma petite cour secrète et elle est orange. Le choix délibéré d’un look voyant, façon appel de phares permanent, qui ne va pas nous quitter : pour ce qui est d’être vu, c’est parfait. Pour servir l’élégance des lignes, vous en jugerez.

Le plumage

Quelques-unes des plus belles automobiles de l’histoire des belles automobiles sont des Aston Martin. Quand un designer reçoit la commande d’en concevoir une, ce doit être une magnifique journée.
Il se retrouve successeur de Frank Feeley, de Carlo Felice Anderloni (Touring), d’Ercole Spada, de Ian Callum, de Henrik Fisker, que d’honneur ! Aujourd’hui, Marek Reichman est aux affaires depuis vingt ans et, avec lui, le fan d’Aston n’est pas malheureux.
Il arrive pourtant qu’un cahier des charges aussi splendide paralyse le talent et, de temps en temps, certains modèles émaillent le grand catalogue de la marque de taches moins lumineuses. Je n’en cite aucun, ne voulant gâcher l’Aston de personne, mais le grand Marek ne nous a pas toujours autant satisfaits.
Cette fois-ci, l’officiant a reçu la visite d’une inspiration précise et équilibrée. Bien aidé par des proportions dynamiques en elles-mêmes, il a donné à sa créature une expression conquérante et tranquille, qui attire immanquablement le regard et trouve le moyen de le magnétiser.
Cette voiture est intimidante. Les épaules élargies de 3 cm et les phares plus grands suffiraient à la métamorphose. Sous cette couleur, on le distingue mieux, la superbe carapace est bardée de lignes de carbone, panoplie aérodynamique qui n’a rien d’excessif pour une machine capable d’affronter la quatrième centaine de kilomètres-heure.
Quand une voiture est vraiment belle, ouvrir la portière est déjà un privilège. L’habitacle a toujours constitué le deuxième charme fort des Aston Martin. On y prend place. Quelque chose comme une double monoplace.
Mais depuis le temps de la première V8 Vantage (dessinée, elle, par Callum et Fisker, ils s’en disputent la paternité), la petite Aston n’est plus si petite et l’on y trouve facilement ses aises.
Le luxe de réglages des sièges sport permet de se concocter une position parfaite. A bord aussi, le carbone est très présent, il souligne et structure les larges volumes, revêtus en l’occurrence d’un cuir bleu très foncé.
De petites touches d’artisanat justifient le prix très élevé de ce qui est tout de même un objet commercial, tels les logos brodés sur les appuie-tête, mais l’essentiel de l’atmosphère naît de la forme générale de cet habitacle, dans la façon qu’a ce pare-brise bas de vous engoncer, de vous engager. Vous voilà enjoint de regarder la route comme un point de fuite, voilà solidement dynamisé tout mouvement de la machine.

Le ramage

Il manque un élément à cette description ? Eh oui, le bruit. Le robuste V8 d’AMG roule les épaules dès le ralenti, sûr de sa force. Tout cela fait de la Vantage une sacrée complice de l’instinct de tailler la route, de cet appétit de vitesse qui n’a rien à voir avec l’agressivité, encore moins avec le goût de domination, mais c’est aujourd’hui définitivement trop difficile à expliquer.
Pour sa mission, miss Aston a mis « On » et a travaillé sa fiche technique. Elle jouit à présent de 665 ch, un chiffre si copieux qu’il en devient abstrait, comme quand on compte en grosses sommes et que l’on finit par perdre le nord entre millions et milliards.
Notons que le précédent modèle en délivrait 510, rarement « mise à jour » aura été si généreuse. Mauvais camarade, on se félicite de voir les Ferrari Roma, Lambo Huracán, etc., nettement larguées. Pinailleur, vétilleux, on peut observer que c’est quand même 42 de moins que cousin DBX, le SUV maison.
De la place pour une future Vantage S ? En tout cas, c’est entre deux et trois fois plus que ce dont disposaient Carroll Shelby et Roy Salvadori et leur verte DBR1/300 dans les Hunaudières en 1959. Assurément, nous sommes bien plus rapides, mais ne faisons pas les malins pour autant.
N’allons pas nous imaginer supérieurs à ces acrobates de génie, qui tutoyaient la vitesse et savaient la dresser, la maîtriser du bout des doigts, mitaines de cuir et grand volant de Bakélite noire. Mon Aston à moi (ça ne va pas durer, mais tant que je suis au volant, c’est bien ma voiture, non ?) me promet 325 km/h.
Non, je ne vous mentirai pas, je n’irai pas voir si haut, pour trois raisons. Un, l’essai ne se déroule pas en Exopotamie ni au Farghestan mais en France, où les frasques de ce genre sont désormais plus sévèrement jugées qu’un banal détournement de fonds publics.
Deux, il faut un peu de place et donc de temps pour espérer le moment propice à bloquer le compteur ; je veux bien tenter le diable mais pas tout le temps. Trois, l’avertisseur de dépassement de ligne veut me prendre le volant des mains dès que je pointe le nez vers la corde ; à 30 km/h, ça dérange déjà, à 230, c’est carrément dangereux.
Bien sûr, un bouton sur la console désactive cette fonction et, en insistant un peu, on peut même supprimer la simple vibration dans le volant. Mais si l’on tient trop longtemps l’index, tout se réenclenche, de même que chaque fois que l’on coupe le contact.
L’inconvénient n’en est peut-être un que pour le vieil essayeur. Un jeune geek aurait parcouru les sous-menus et décrypté la solution avant tout agacement. Personnellement, je n’ai jamais réussi à me débarrasser durablement du parasite, peut-être salvateur à bord de machines qui poussent à somnoler, mais qui fait figure ici de petit policier intégré, un rigide vigile érigé au centre de mon espace à moi, la sphère de mes gestes de conduite.
Solution immédiate, on le trompe en activant le clignotant. Au premier péage de l’A13, qui, paraît-il, vit ses derniers instants, on lâche enfin tous les chevaux. Trois fois plus que l’autocar international qui démarre en même temps que nous à la guérite voisine ; 70 places. Dans la Vantage, nous sommes deux.

L’étalonnage

Bien sûr, l’art de l’automobile de qualité ne se borne pas à poser un beau moteur sous une belle forme. Tant de choses qui ne se voient pas peuvent vous gâcher une voiture.
En l’occurrence, nous avons affaire à une Aston Felisa, comme il y eut des Talbot-Lago et des Renault Gordini. Amedeo Felisa est l’homme clé qui a donné de l’esprit aux Ferrari, le type dont l’arrivée s’est traduite par le remplacement de la 348, passablement floue, par la 355, petit miracle de précision en son temps.
Une fois l’architecture définie, le moteur ici, le châssis comme ça, il reste à établir les réglages, le fine-tuning. Et ça, c’est son truc, à Felisa, récemment passé chez Aston. Le toucher exact de la voiture, son caractère en somme, la façon, prompte ou différée, précise ou rechignée, dont elle vous répond.
De ce côté, la Vantage fait un bond en avant. Même sans enclencher les menus extrêmes, qui convoquent les cartographies les plus radicales, l’auto n’a plus rien d’empesé. Felisa est allé jusqu’à débarrasser de certains filtres (antibruit, anti-vibrations ?) la colonne de direction.
Pour autant, le cocon n’est pas totalement détricoté et la suspension n’a rien d’un matelas de camping. La voiture amortit raisonnablement et la plus grosse part du « bruit » des échappements quadruples est pour l’extérieur. Pour en profiter davantage, vous n’avez que la vitre à baisser.

L’hommage

« Comme je suis l’homme élégant, pour conduire je mets les gants, dans les bolides extravagants de Françoise Sagan… » Par la grâce d’Alain Souchon, rimailleur expert et gentil évocateur de destins, léger détour à Equemauville, au-dessous de Honfleur et en face du Havre, aux abords de la petite et belle maison que possédait l’écrivaine.
Quel rapport avec notre canard et notre orange ? Sagan aimait les voitures, pour de vrai, et peu après sa première XK120 d’occasion qu’elle se paya à 18 ans avec une petite partie des gains de Bonjour tristesse, elle s’offrit une Aston DB2 cabriolet.
Une soirée agitée (donc juste normale pour Sagan, paraît-il), un virage raté à l’aube, toute une voiturée de fêtards et futurs écrivains retourne à la terre dans un champ de l’Essonne. Tous sont saufs, sauf la jeune Françoise, qui conduisait et n’a dès lors à s’en prendre qu’à elle-même.
Bien qu’elle soit aussi la seule victime sérieuse de l’accident, extrême-onction y comprise, la presse ne se gêne pas pour l’accabler. C’est ainsi ; même si tout le monde ne la lit pas, tout le monde la connaît et tout ce qui la concerne revêt un délicieux parfum de scandale, depuis son premier livre et jusqu’à son dernier, près de quarante ans plus tard.
La DB2, première Aston moderne, est pour notre Vantage une lointaine ancêtre, cinq fois moins puissante mais pareillement supérieure au commun du trafic en ces temps moins policés.
Elle offrait 125 ch, ce qui nous semble bien modeste, mais rappelons qu’une vaste Peugeot 403-7 faisait alors le bonheur des familles nombreuses avec seulement 42 ch.
L’Aston de Sagan, bien sûr, n’était pas orange (bleu marine), ni plus tard sa Pontiac GTO grise, ni sa Gordini T24S de course bleu ciel, ni son AC Ace Zephyr bleu marine. Elle avait l’automobilisme intime et sincère, elle savait ce que rouler veut dire.

Le message

Aussi glamour qu’une ancienne mais redoutablement performante, l’Aston vante partout les prestiges de la vitesse dans un monde encalminé. Et, à en juger par les réactions rencontrées au cours de notre petit voyage, la voir en chair et en os, si l’on ose dire, carnation orange et os de carbone, os de voiture, car bones, ça fait un bien fou.
Comme de voir passer un fantôme amical que l’on ne rattrapera pas, comme d’apercevoir un être physiquement parfait, parfaitement désirable, auquel on ne saurait prétendre. Au moins, on sait qu’il existe.
Au pied des murailles d’une vieille abbaye où notre artiste photographe cherche l’angle le plus flatteur, rencontre d’un badaud discret et attentif, un homme « qui a aimé les voitures » et qui s’en est lassé, à force d’embouteillages, d’autoroutes, de radars obsessionnels et peut-être surtout à force de voitures ordinaires en voie d’affadissement accéléré.
L’Aston éveille un peu plus que son intérêt : sa nostalgie, toute une dimension de passion peu à peu oubliée, mise de côté pour ne pas trop souffrir. Mais il prend plaisir à regarder l’Aston, et savoir que, selon moi, elle est véritablement sympa à conduire réveille l’envie ; peut-être ne pourra-t-il pas ou n’osera-t-il pas se l’offrir, mais il est content de la voir, de la considérer comme une réalité dont ne le séparent en somme que quelques contingences et 200 000 € en tarif de base, auxquels s’ajoutent 96 159 € d’options sur notre modèle d’essai.
Allez, sur la route du retour, distribuons encore quelques accélérations sonores et roboratives, pour soi, pour les autres, autant de coups de soleil dans la grisaille. Pas fâché qu’elle soit orange, finalement.

L'avis de notre essayeur Robert Puyal

Une Aston importante, qui marque des progrès bien tangibles. En matière de performances, c’est presque secondaire, mais surtout en matière d’interface, de qualité du contact entre le geste et la route. Plus sensible, plus réactive, plus présente, cette nouvelle Vantage convainc autant qu’elle fait rêver.

Aston Martin Vantage : fiche technique

  • Moteur : V8, biturbo, 32 S
  • Cylindrée : 3 982 cm3
  • Puissance maxi : 665 ch à 6 000 tr/mn
  • Couple maxi : 81,5 mkg à 2 750 tr/mn
  • Transmission : roues AR, 8 rapports auto
  • Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/E-diff
  • Poids annoncé : 1 605 kg à sec
  • Rapport poids/puissance : 2,4 kg/ch
  • L - l - h : 4 495 - 2 045 - 1 275 mm
  • Empattement : 2 705 mm
  • Pneus AV & AR : 275/35 R 21 & 325/30 ZR 21
  • Réservoir : 78 l
  • Prix de base : 199 664 €
  • Prix des options/malus : 96 159/60 000 €
  • Prix du modèle essayé : 355 823 € (malus compris)
  • V. max. : 325 km/h
  • 0 à 100 km/h : 3’’5

Retrouvez notre essai de l'Aston Martin Vantage dans le Sport Auto n°757 du 31/01/2025.

Nos marques populaires Voir tout

Sport Auto