Essai - Aston Martin Vantage (2025) : plus voyante, puissante et provocante !
Revue et corrigée, affirmée et amplifiée, l'Aston Martin Vantage nouvelle a changé de robe mais pas seulement. Plus voyante, plus puissante, elle a évidemment travaillé sa musculature mais au moins autant sa philosophie, provocante et hédoniste. Embarquez avec Sport Auto.
Si je l’avais choisie, elle ne serait pas orange. Ne me demandez
pas pour quelle couleur j’aurais opté, le nuancier proposé est à
peu près infini. On y trouve des gris de lune, toutes sortes de
verts, un rouge « cramoisi liquide » (« Liquid Crimson »).
Mais la voici garée dans ma petite cour secrète et elle est orange.
Le choix délibéré d’un look voyant, façon appel de phares
permanent, qui ne va pas nous quitter : pour ce qui est d’être vu,
c’est parfait. Pour servir l’élégance des lignes, vous en
jugerez.
Le plumage
Quelques-unes des plus belles automobiles de l’histoire des
belles automobiles sont des Aston Martin. Quand un designer
reçoit la commande d’en concevoir une, ce doit être une magnifique
journée.
Il se retrouve successeur de Frank Feeley, de Carlo Felice
Anderloni (Touring), d’Ercole Spada, de Ian Callum, de Henrik
Fisker, que d’honneur ! Aujourd’hui, Marek Reichman est aux
affaires depuis vingt ans et, avec lui, le fan d’Aston n’est pas
malheureux.
Il arrive pourtant qu’un cahier des charges aussi splendide
paralyse le talent et, de temps en temps, certains modèles
émaillent le grand catalogue de la marque de taches moins
lumineuses. Je n’en cite aucun, ne voulant gâcher l’Aston de
personne, mais le grand Marek ne nous a pas toujours autant
satisfaits.
Cette fois-ci, l’officiant a reçu la visite d’une inspiration
précise et équilibrée. Bien aidé par des proportions dynamiques en
elles-mêmes, il a donné à sa créature une expression conquérante et
tranquille, qui attire immanquablement le regard et trouve le moyen
de le magnétiser.
Cette voiture est intimidante. Les épaules élargies de 3 cm et les
phares plus grands suffiraient à la métamorphose. Sous cette
couleur, on le distingue mieux, la superbe carapace est bardée de
lignes de carbone, panoplie aérodynamique qui n’a rien d’excessif
pour une machine capable d’affronter la quatrième centaine de
kilomètres-heure.
Quand une voiture est vraiment belle, ouvrir la portière est déjà
un privilège. L’habitacle a toujours constitué le deuxième charme
fort des Aston Martin. On y prend place. Quelque chose comme une
double monoplace.
Mais depuis le temps de la première V8 Vantage (dessinée,
elle, par Callum et Fisker, ils s’en disputent la paternité), la
petite Aston n’est plus si petite et l’on y trouve facilement ses
aises.
Le luxe de réglages des sièges sport permet de se concocter une
position parfaite. A bord aussi, le carbone est très présent, il
souligne et structure les larges volumes, revêtus en l’occurrence
d’un cuir bleu très foncé.
De petites touches d’artisanat justifient le prix très élevé de ce
qui est tout de même un objet commercial, tels les logos brodés sur
les appuie-tête, mais l’essentiel de l’atmosphère naît de la forme
générale de cet habitacle, dans la façon qu’a ce pare-brise bas de
vous engoncer, de vous engager. Vous voilà enjoint de regarder la
route comme un point de fuite, voilà solidement dynamisé tout
mouvement de la machine.
Le ramage
Il manque un élément à cette description ? Eh oui, le bruit. Le
robuste V8 d’AMG roule les épaules dès le ralenti, sûr de sa force.
Tout cela fait de la Vantage une sacrée complice de l’instinct de
tailler la route, de cet appétit de vitesse qui n’a rien à voir
avec l’agressivité, encore moins avec le goût de domination, mais
c’est aujourd’hui définitivement trop difficile à expliquer.
Pour sa mission, miss Aston a mis « On » et a travaillé sa fiche
technique. Elle jouit à présent de 665 ch, un chiffre si copieux
qu’il en devient abstrait, comme quand on compte en grosses sommes
et que l’on finit par perdre le nord entre millions et
milliards.
Notons que le précédent modèle en délivrait 510, rarement « mise à
jour » aura été si généreuse. Mauvais camarade, on se félicite de
voir les Ferrari Roma, Lambo Huracán, etc., nettement larguées.
Pinailleur, vétilleux, on peut observer que c’est quand même 42 de
moins que cousin DBX, le SUV maison.
De la place pour une future Vantage S ? En tout cas, c’est
entre deux et trois fois plus que ce dont disposaient Carroll
Shelby et Roy Salvadori et leur verte DBR1/300 dans les Hunaudières
en 1959. Assurément, nous sommes bien plus rapides, mais ne faisons
pas les malins pour autant.
N’allons pas nous imaginer supérieurs à ces acrobates de génie, qui
tutoyaient la vitesse et savaient la dresser, la maîtriser du bout
des doigts, mitaines de cuir et grand volant de Bakélite noire. Mon
Aston à moi (ça ne va pas durer, mais tant que je suis au volant,
c’est bien ma voiture, non ?) me promet 325 km/h.
Non, je ne vous mentirai pas, je n’irai pas voir si haut, pour
trois raisons. Un, l’essai ne se déroule pas en Exopotamie ni au
Farghestan mais en France, où les frasques de ce genre sont
désormais plus sévèrement jugées qu’un banal détournement de fonds
publics.
Deux, il faut un peu de place et donc de temps pour espérer le
moment propice à bloquer le compteur ; je veux bien tenter le
diable mais pas tout le temps. Trois, l’avertisseur de dépassement
de ligne veut me prendre le volant des mains dès que je pointe le
nez vers la corde ; à 30 km/h, ça dérange déjà, à 230, c’est
carrément dangereux.
Bien sûr, un bouton sur la console désactive cette fonction et, en
insistant un peu, on peut même supprimer la simple vibration dans
le volant. Mais si l’on tient trop longtemps l’index, tout se
réenclenche, de même que chaque fois que l’on coupe le contact.
L’inconvénient n’en est peut-être un que pour le vieil essayeur. Un
jeune geek aurait parcouru les sous-menus et décrypté la solution
avant tout agacement. Personnellement, je n’ai jamais réussi à me
débarrasser durablement du parasite, peut-être salvateur à bord de
machines qui poussent à somnoler, mais qui fait figure ici de petit
policier intégré, un rigide vigile érigé au centre de mon espace à
moi, la sphère de mes gestes de conduite.
Solution immédiate, on le trompe en activant le clignotant. Au
premier péage de l’A13, qui, paraît-il, vit ses derniers instants,
on lâche enfin tous les chevaux. Trois fois plus que l’autocar
international qui démarre en même temps que nous à la guérite
voisine ; 70 places. Dans la Vantage, nous sommes deux.
L’étalonnage
Bien sûr, l’art de l’automobile de qualité ne se borne pas à
poser un beau moteur sous une belle forme. Tant de choses qui ne se
voient pas peuvent vous gâcher une voiture.
En l’occurrence, nous avons affaire à une Aston Felisa, comme il y
eut des Talbot-Lago et des Renault Gordini. Amedeo Felisa est
l’homme clé qui a donné de l’esprit aux Ferrari, le type dont
l’arrivée s’est traduite par le remplacement de la 348,
passablement floue, par la 355, petit miracle de précision en son
temps.
Une fois l’architecture définie, le moteur ici, le châssis comme
ça, il reste à établir les réglages, le fine-tuning. Et ça, c’est
son truc, à Felisa, récemment passé chez Aston. Le toucher exact de
la voiture, son caractère en somme, la façon, prompte ou différée,
précise ou rechignée, dont elle vous répond.
De ce côté, la Vantage fait un bond en avant. Même sans enclencher
les menus extrêmes, qui convoquent les cartographies les plus
radicales, l’auto n’a plus rien d’empesé. Felisa est allé jusqu’à
débarrasser de certains filtres (antibruit, anti-vibrations ?) la
colonne de direction.
Pour autant, le cocon n’est pas totalement détricoté et la
suspension n’a rien d’un matelas de camping. La voiture amortit
raisonnablement et la plus grosse part du « bruit » des
échappements quadruples est pour l’extérieur. Pour en profiter
davantage, vous n’avez que la vitre à baisser.
L’hommage
« Comme je suis l’homme élégant, pour conduire je mets les
gants, dans les bolides extravagants de Françoise Sagan… » Par la
grâce d’Alain Souchon, rimailleur expert et gentil évocateur de
destins, léger détour à Equemauville, au-dessous de Honfleur et en
face du Havre, aux abords de la petite et belle maison que
possédait l’écrivaine.
Quel rapport avec notre canard et notre orange ? Sagan aimait les
voitures, pour de vrai, et peu après sa première XK120 d’occasion
qu’elle se paya à 18 ans avec une petite partie des gains de
Bonjour tristesse, elle s’offrit une Aston DB2 cabriolet.
Une soirée agitée (donc juste normale pour Sagan, paraît-il), un
virage raté à l’aube, toute une voiturée de fêtards et futurs
écrivains retourne à la terre dans un champ de l’Essonne. Tous sont
saufs, sauf la jeune Françoise, qui conduisait et n’a dès lors à
s’en prendre qu’à elle-même.
Bien qu’elle soit aussi la seule victime sérieuse de l’accident,
extrême-onction y comprise, la presse ne se gêne pas pour
l’accabler. C’est ainsi ; même si tout le monde ne la lit pas, tout
le monde la connaît et tout ce qui la concerne revêt un délicieux
parfum de scandale, depuis son premier livre et jusqu’à son
dernier, près de quarante ans plus tard.
La DB2, première Aston moderne, est pour notre Vantage une
lointaine ancêtre, cinq fois moins puissante mais pareillement
supérieure au commun du trafic en ces temps moins policés.
Elle offrait 125 ch, ce qui nous semble bien modeste, mais
rappelons qu’une vaste Peugeot 403-7 faisait alors le bonheur des
familles nombreuses avec seulement 42 ch.
L’Aston de Sagan, bien sûr, n’était pas orange (bleu marine), ni
plus tard sa Pontiac GTO grise, ni sa Gordini T24S de course bleu
ciel, ni son AC Ace Zephyr bleu marine. Elle avait l’automobilisme
intime et sincère, elle savait ce que rouler veut dire.
Le message
Aussi glamour qu’une ancienne mais redoutablement performante,
l’Aston vante partout les prestiges de la vitesse dans un monde
encalminé. Et, à en juger par les réactions rencontrées au cours de
notre petit voyage, la voir en chair et en os, si l’on ose dire,
carnation orange et os de carbone, os de voiture, car bones, ça
fait un bien fou.
Comme de voir passer un fantôme amical que l’on ne rattrapera pas,
comme d’apercevoir un être physiquement parfait, parfaitement
désirable, auquel on ne saurait prétendre. Au moins, on sait qu’il
existe.
Au pied des murailles d’une vieille abbaye où notre artiste
photographe cherche l’angle le plus flatteur, rencontre d’un badaud
discret et attentif, un homme « qui a aimé les voitures »
et qui s’en est lassé, à force d’embouteillages, d’autoroutes, de
radars obsessionnels et peut-être surtout à force de voitures
ordinaires en voie d’affadissement accéléré.
L’Aston éveille un peu plus que son intérêt : sa nostalgie, toute
une dimension de passion peu à peu oubliée, mise de côté pour ne
pas trop souffrir. Mais il prend plaisir à regarder l’Aston, et
savoir que, selon moi, elle est véritablement sympa à conduire
réveille l’envie ; peut-être ne pourra-t-il pas ou n’osera-t-il pas
se l’offrir, mais il est content de la voir, de la considérer comme
une réalité dont ne le séparent en somme que quelques contingences
et 200 000 € en tarif de base, auxquels s’ajoutent 96 159 €
d’options sur notre modèle d’essai.
Allez, sur la route du retour, distribuons encore quelques
accélérations sonores et roboratives, pour soi, pour les autres,
autant de coups de soleil dans la grisaille. Pas fâché qu’elle soit
orange, finalement.
L'avis de notre essayeur Robert Puyal
Une Aston importante, qui marque des progrès bien tangibles. En matière de performances, c’est presque secondaire, mais surtout en matière d’interface, de qualité du contact entre le geste et la route. Plus sensible, plus réactive, plus présente, cette nouvelle Vantage convainc autant qu’elle fait rêver.
Aston Martin Vantage : fiche technique
- Moteur : V8, biturbo, 32 S
- Cylindrée : 3 982 cm3
- Puissance maxi : 665 ch à 6 000 tr/mn
- Couple maxi : 81,5 mkg à 2 750 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/E-diff
- Poids annoncé : 1 605 kg à sec
- Rapport poids/puissance : 2,4 kg/ch
- L - l - h : 4 495 - 2 045 - 1 275 mm
- Empattement : 2 705 mm
- Pneus AV & AR : 275/35 R 21 & 325/30 ZR 21
- Réservoir : 78 l
- Prix de base : 199 664 €
- Prix des options/malus : 96 159/60 000 €
- Prix du modèle essayé : 355 823 € (malus compris)
- V. max. : 325 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’5
Retrouvez notre essai de l'Aston Martin Vantage dans le Sport Auto n°757 du 31/01/2025.


