Essai - Aston Martin Vanquish (2024) : le nouveau fleuron du Grand Tourisme ?

Publié le 31 décembre 2024 à 12:00
Essai - Aston Martin Vanquish (2024) : le nouveau fleuron du Grand Tourisme ?

La Vanquish revient. Le fleuron du grand tourisme chez Aston Martin espère bien s’imposer comme la référence dans ce secteur, face à une Ferrari 12Cilindri au timbre de voix cristallin. Que lui oppose l’anglaise ? A peu près tout, à commencer par sa plastique.

Ne dites surtout pas à Julian Nunn, le designer de la Vanquish, que son rejeton est un ersatz de DB12. Primo, c’est faux, puisque la plateforme diffère. Deuzio, comme le garçon est costaud, il serait capable de vous coucher plus rapidement que prévu.
En dépit du lien de parenté avec ce qu’il convient désormais d’appeler sa « petite sœur », celle-ci et la Vanquish n’ont donc pas grand-chose en commun. A commencer par le moteur, un V12 5,2 litres biturbo ici. Une fois encore, les râleurs regretteront qu’Aston ait ressorti de ses cartons une mécanique déjà connue.
Et une fois encore, c’est faux. Comme Simon Newton, le directeur de la performance, est plus petit, il vous fera peut-être moins mal, mais il n’empêche que la Vanquish est bel et bien une toute nouvelle auto et pas seulement une DBS plus grosse et plus rapide.
D’ailleurs, l’anglaise est la voiture de série la plus véloce de la marque de Gaydon : 345 km/h. Petit tour du propriétaire. La calandre, 13 % plus imposante que sur la DBS, est typiquement Aston. Tout comme les ailes remontant haut, le design en S des portières (vues de face), le capot percé d’évents (six de chaque côté) ou bien encore les phares ovoïdes.
La nouvelle silhouette latérale rappelle la lignée des DB. L’arrière est plus novateur, avec des optiques fumées difficilement visibles si elles sont éteintes, une découpe de malle originale et quatre grosses sorties d’échappement. Sur notre modèle, ce dernier est en titane, depuis le collecteur jusqu’au quatuor de trompettes.
Ça a son importance, mais nous y reviendrons. Cet amuse-bouche stylistique vous a mis en appétit ? Tant mieux, voici le plat de résistance : la technique. Bien que course et alésage n’aient pas évolué, Simon Newton nous assure que ce moteur est entièrement nouveau. « Culasses, bloc, turbos, admission, pistons, bielles, soupapes : il n’y a plus rien en commun, précise cet ex-ingénieur de Lotus.
Pourquoi avoir opté pour des cotes internes identiques ? Parce qu’elles offrent le meilleur compromis encombrement/puissance. » Les turbos, toujours logés au cœur du V et soufflant à 1,25 bar, tournent 15 % plus vite que par le passé mais font la même taille.
Rappelons que la Vanquish inaugure une fonction Boost Reserve qui consiste, comme son nom l’indique, en un « matelas » de surpression obtenu en maintenant fermées brièvement les wastegates, générant ainsi un volume d’air pressurisé en amont du papillon des gaz.
Dès que le pied droit s’alourdit, cet air est libéré et la suralimentation est instantanée. Pour la première fois dans une Aston Martin V12, la boîte ZF est mariée à un différentiel e-diff. Il s’agit d’un véritable autobloquant avec embrayage et actuateur qui s’ouvre ou se ferme totalement en 135 millisecondes.
L’appellation de la transmission change d’ailleurs : de « 8HP75 » sur les Vantage et DB12, elle se mue en « 8HP95 ». Les 81,5 mkg du V8 4 litres biturbo des modèles sus-cités sont de la gnognotte à côté de ce qu’elle doit désormais endurer. Le V12 développe maintenant 835 ch et 101,9 mkg !

C’est beau, mais pas que...

Inutile de préciser qu’en se déplaçant à bord de la Vanquish, on connaît assez vite un franc succès. L’intérieur se veut plus ergonomique, le bloc d’instrumentation est numérique mais lisible (BMW, prenez-en de la graine) et l’auto conserve des commandes physiques.
Au milieu de la molette centrale, qui intervient sur les cinq programmes de conduite, le démarreur. 1-7-5-11-3-9-6-12-2-8-4-10 : c’est l’ordre d’allumage des cylindres. Et ce code a tout du numéro gagnant, comme je vais bientôt m’en apercevoir.
Faisons d’abord connaissance avec les proportions généreuses de la machine (empattement 8 cm plus long que celui de la DB12 et 18 cm plus long que celui de la Vantage). La Vanquish mesure 2,04 m de large, voire 2,12 m si l’on tient compte des rétros.
Autant dire que les premiers kilomètres sur les départementales souvent étroites de la Sardaigne, lieu de cet essai, se font avec concentration. Le châssis collé en aluminium est relié à des doubles triangles à l’avant et à un multibras derrière. Les deux essieux ont droit à leur barre antiroulis, qui n’est pas pilotée. Pas plus que les roues postérieures.
« Nous avons songé à une direction intégrale, mais cela ne correspond pas à ce que nous voulions mettre en œuvre. Outre le poids ajouté, ce système dénature le feeling à l’inscription. Certes, la voiture est très agile en entrée de virage, mais les réactions au braquage sont perturbantes. Pour que la Vanquish se jette à l’inscription, nous avons préféré jouer sur le différentiel et affiner le rebond des amortisseurs arrière, pour conférer plus de plongée et un pouvoir directionnel plus important », explique Simon Newton.
En mode GT, la direction électrique dispose d’un faible taux de démultiplication (13,1:1), mais ne séduit guère. Trop légère et floue dès qu’on tourne le volant (très agréable en main au demeurant), elle gomme trop les informations.
Mieux vaut la cantonner à l’autoroute où, cette fois-ci, c’est l’amortissement qui ne donne pas pleine et entière satisfaction, avec une compression bien molle qui altère le confort. Alors, une foirade, cette Vanquish ?
C’est tout l’inverse ! Il suffit de basculer en Sport ou en Sport+ pour révéler le vrai potentiel de l’auto. Et il y en a deux ou trois à Maranello qui ne vont pas aimer ce qui suit.

Action, réaction, vibrations

Pas de mensonge : les routes partiellement sèches au moment de la prise en main et l’encombrement de l’Aston ne m’ont guère incité à déconnecter les aides à la conduite.
Ceux qui estiment que mon boulot est mal fait auront probablement raison, mais je vous assure que l’arrivée cataclysmique du couple vers 3 000 tr/mn suppose un tarmac bien sec et une chaussée plus large que ce que nous avions.
Pour résumer, la poussée dans l’Aston, c’est un peu comme dans une électrique mais en bien mieux. Action, réaction, vibrations, sensations, émotions ! L’absence totale d’inertie de la suralimentation donne l’impression de cravacher un énorme atmo.
Le punch est progressif, fait rarissime sur un moteur turbo, et faiblit à peine à l’approche du rupteur (7 000 tr/mn). La gestion du couple varie en fonction du mode choisi. Alors qu’il déferle moins vers le mi-régime en GT, il explose littéralement en Sport ou en Sport+.
Les dépassements se muent en humiliation. La transmission ZF, qui peut être bloquée en manuel pour plus de plaisir, manque indéniablement de célérité par rapport à la boîte de la 12Cilindri, si j’en crois Laurent Chevalier. Mais à l’inverse de celle de la BMW M5, elle fonctionne sans heurt.
Toutefois, ce qui rend ce moteur si génial, c’est sa sonorité. L’échappement en titane optionnel intensifie le plaisir. Le souffle des turbos n’est pas audible et, au-delà de 4 000 tr/mn, le crescendo métallique prend aux tripes. Et les bonnes impressions ne s’arrêtent pas là. La direction n’a pas ce côté limpide d’une GT3 ni d’une McLaren 750S mais elle permet un placement franc, précis.
En cas de corrections, le train avant se montre toujours aussi costaud, grâce à cette poupe dense, rassurante de motricité, se plaçant promptement, qui ne pousse pas l’avant vers l’extérieur mais au contraire l’aide à conserver sa trajectoire.
Simon avait raison : les roues arrière directrices ne sont pas indispensables, même lorsqu’il s’agit de mener tambour battant une GT de près de 2 tonnes. Le dosage des freins carbone-céramique immenses (410 et 360 mm) est également un point fort. On sait que ces galettes endurantes ne sont pas réputées pour leur feeling naturel, mais la Vanquish évite cet écueil.
Tempérer ses ardeurs avec une mécanique aussi volontaire n’est pas simple, ainsi faut-il toujours garder à l’esprit que l’anglaise vaut son pesant de kilos (et d’euros) et que sa suspension pilotée préfère les conduites rythmées pour bien travailler. Equilibré (50,6 % du poids sur l’avant), accrocheur, réactif aux changements d’appui, le coupé n’est pas une supersportive qui serpente de grande courbe en épingle.
Pour s’assurer de mises en vitesse sportives et d’un grip sans faille, Aston Martin délaisse Michelin pour des Pirelli PZero AML (spécifiques). Notre fibre patriotique en prend un coup, mais il faut reconnaître que les gommes italiennes ont encaissé magistralement les assauts continus du V12 sans fléchir.
A part une fois où, présomptueux en sortie d’épingle, le pied droit s’est oublié. Car aussi charismatique et statutaire soit-elle, la Vanquish est une auto de caractère. A son bord, voyager n’est pas abattre des kilomètres mais découvrir la route à coups d’accélérations tempétueuses, dans une ambiance où se mêlent raffinement, technologie et sportivité.
Pinaillons sur les assises, trop dures, ou sur certaines vis apparentes de la planche de bord pour lesquelles Julian Nunn nous explique qu’il a voulu « conserver un peu de bestialité brute », mais le plaisir est là.
Cette Vanquish, au design si singulier, n’est pas qu’une œuvre d’art, comme certaines de ses aïeules destinées aux longs périples. Elle est surtout l’une des manières les plus belles (et véloces) de rendre hommage au grand tourisme.

L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux

Tout n’est pas parfait, mais j’avoue être tombé sous le charme. De sa ligne, c’est sûr, mais surtout de ce tempérament mécanique. En cette période pleine de doutes, ce V12 est un remède à la morosité.
Il émeut, vibre, expédie, ronronne, catapulte, souffle. La Vanquish n’a probablement pas la noblesse mécanique de la Ferrari 12Cilindri, mais elle n’a de leçons à recevoir de personne en ce qui concerne l’agrément et la polyvalence.

Aston Martin Vanquish : fiche technique

  • Moteur : V12 biturbo, 48 S
  • Cylindrée : 5 200 cm3
  • Puissance maxi : 835 ch à 6 500 tr/mn
  • Couple maxi : 101,9 mkg à 2 500 tr/mn
  • Transmission : roues AR, 8 rapports auto
  • Antipatinage : de série déconnectable
  • Autobloquant : de série piloté e-diff
  • Poids annoncé : 1 774 kg à sec
  • Rapport poids/puissance : 3,4 kg/ch
  • L - l - h : 4 850 - 2 044 - 1 290 mm
  • Empattement : 2 885 mm
  • Pneus AV & AR : 275/35 & 325/30 ZR 21
  • Réservoir : 82 l
  • Prix de base : 389 244 €
  • Prix des options/malus : NC/60 000 €
  • Prix du modèle essayé : 449 244 € (hors options, malus compris)
  • V. max. : 345 km/h
  • 0 à 100 km/h : 3’’3

Retrouvez notre essai de l'Aston Martin Vanquish dans le Sport Auto Vanquish dans le Sport Auto n°755 du 29/11/2024.

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