Oscar Piastri : l'irrésistible ascension en F1 d'un "assassin silencieux"...

Parier sur les courses de Formule 1 n’est pas une bonne idée, car la réalité y dépasse souvent la fiction. Si j’écrivais un scénario suggérant qu’un pilote perd un Championnat du monde parce qu’il a glissé sur une peau de banane, n’importe quel producteur me rirait au nez.
Pourtant, au fil des ans, nous avons vu des pilotes se mettre hors course en se crashant à vélo, en deltaplane, en hélicoptère, en se faisant rouler dessus par leur tracteur et même en jouant au tennis.
Malgré tout, si vous êtes accro aux paris sportifs, il serait assez logique de miser sur Oscar Piastri en tant que probable Champion du monde 2025. L’écurie McLaren est en pleine forme et a gagné 11 des 14 premières courses de la saison.
Lando Norris, le plus expérimenté des deux pilotes de l’équipe, a remporté cinq victoires. Piastri, six. Au stade de la mi-saison, seuls Max Verstappen et George Russell ont réussi à briser la domination de McLaren.

Oscar Piastri : "l’assassin silencieux"

Je serais très surpris si Oscar Piastri n’était pas champion du monde. Pourquoi ? Parce qu’il semble avoir tout sous contrôle. Au début de cette année, il avait 23 ans et n’avait couru en F1 que pendant deux saisons, disputant 46 courses et en gagnant deux (et une sprint). Lando Norris, lui, avait 25 ans et avait participé à six saisons complètes (128 courses), remportant quatre grands prix.
Aujourd’hui, les rôles sont inversés, Piastri a plus de victoires et Norris est conscient qu’il sera de plus en plus difficile de battre l’Australien. Il est naturellement plus rapide que Piastri, mais cela ne suffit pas.
Oscar est plus constant et plus résistant mentalement alors que Lando peut commettre des erreurs sous la pression, au point de causer un accrochage comme au Grand Prix du Canada, le pire des scénarios.
On surnomme parfois Piastri The Silent Assassin ("l’assassin silencieux"). Rien ne l’effraie. Si l’équipe lui demande de céder sa position à son coéquipier, il le fait, sachant que la cession d’une place est plus dommageable psychologiquement pour le receveur que pour le donneur.
Le vainqueur est conscient qu’il n’a pas vraiment gagné et le sacrifié n’oublie pas que la course était bel et bien la sienne. De nos jours, la F1 est autant une affaire de psychologie que de compétences de pilotage. Au Japon, par exemple, Oscar était coincé derrière Lando, mais il n’a blâmé personne d’autre que lui-même.
C’est un vrai défi pour l’équipe d’avoir à gérer deux jeunes pilotes très rapides, tous deux déterminés à remporter le Championnat du monde. Lando a laissé passer beaucoup de chances en 2024 et aurait peut-être pu être champion sans cela, mais il a progressé.
Oscar, lui, n’a peur de rien. Il a été champion de F2 et de F3, mais a ensuite dû passer une saison à attendre une place en F1. C’était frustrant, mais il a mis ce temps à profit pour se familiariser avec la discipline-reine. Il affirme que cette année d’interruption l’a rendu plus avide de succès.
En 2022, il a changé d’écurie avant même d’avoir piloté une F1, quittant Alpine pour tenter sa chance avec McLaren parce que l’équipe d’Enstone n’était pas capable de confirmer son statut pour 2023… et n’avait pas signé de contrat en bonne et due forme avec lui. Oscar savait qu’aller chez McLaren était un risque.
L’équipe n’avait obtenu qu’un seul podium en 2022 et s’était classée cinquième du championnat des constructeurs. Piastri savait que se confronter à Norris serait un défi. Mais grâce aux conseils de ses managers australiens – l’ancien pilote Mark Webber et sa femme Ann Neal, celle-ci jouant un rôle plus important que beaucoup ne le pensent –, il a toujours bénéficié d’un soutien et de conseils solides. Même s’il n’en avait pas vraiment besoin.

Oscar Piastri : peu de mots, mais des mots justes

Certains le qualifient d’ennuyeux, mais Piastri s’en moque. A bien des égards, il ressemble à Alain Prost, « le professeur », mais même Alain avait des moments d’émotion. Oscar, lui, ne semble jamais perturbé. Il est intelligent, solide et totalement focalisé sur ses objectifs.
Il n’est pas du genre fêtard et est heureux de passer son temps libre avec sa petite amie Lily Zneimer. Ils se sont rencontrés dans un internat en Angleterre et sont ensemble depuis l’âge de 17 ans. Pendant qu’Oscar était en F1, elle a passé le plus clair de son temps à étudier l’ingénierie à l’université en Grande-Bretagne.
« C’est un jeune homme très sérieux et concentré, déclare Zak Brown, le directeur général de McLaren. Dans sa vie quotidienne, il est très réfléchi, très curieux et très calme. Je pense que vous pouvez observer ce caractère dans la manière dont il gère ses courses. »
Le directeur de l’équipe, Andrea Stella, est lui aussi un grand fan : « Nous disons qu’Oscar est un homme de peu de mots, mais de mots justes, indique-t-il. Et il y a une particularité dans les interactions que nous avons eues jusqu’à présent avec lui, c’est qu’il est exigeant. Mais exigeant d’une manière très compétente. J’ai déjà travaillé avec des pilotes très performants et l’une de leurs caractéristiques est qu’ils sont toujours un peu insatisfaits. C’est quelqu’un de très mûr. »
L’Australie a un riche passé en Formule 1, qui remonte à 1952, lorsque l’ancien pilote de chasse Tony Gaze est devenu le premier Australien à courir en F1 au volant d’une HWM. Jack Brabham a suivi en 1955 et a remporté 14 grands prix et trois championnats du monde, dont un avec sa propre voiture (1959, 1960, 1966).

Il reste le seul pilote de F1 de l’histoire à avoir gagné le Championnat du monde des pilotes dans une monoplace portant son nom. Plus tard, Alan Jones a enlevé 12 victoires et le Championnat du monde et, plus récemment, Mark Webber et Daniel Ricciardo ont remporté des grands prix. Oscar pourrait devenir le troisième Champion du monde australien cette année… à moins qu’il ne glisse sur une peau de banane...

Retrouvez notre enquête sur Oscar Piastri dans le Sport Auto n°762 du 27/06/2025.