Retour aux sources - Renault Clio V6 (Phase 2/2005) : poussin sous stéroïdes !
C’est l’histoire d’une sage Renault Clio qui avale un gros V6 en position centrale et s’attaque à des proies au blason prestigieux. Après avoir péché par orgueil, elle revient dans une version restylée, dont la livrée Jaune Sirius annonce la couleur !
La Phyllobates terribilis ne vous évoque sans doute pas grand-chose, et c’est bien normal. Cette étrange grenouille au nom imprononçable partage pourtant quelques similitudes avec notre Clio V6. A commencer par une couleur dorée proche de ce Jaune Sirius.
Ce spécimen que l’on trouve uniquement dans la région de Quebrada Guangui, à l’ouest de la Colombie, est pratiquement aussi difficile à dénicher que notre pétillante française – seule une trentaine de Clio V6 aurait été produite en 2005 dans cette livrée iconique chez Renault Sport, dont 17 pour la France.
Notre amphibien de la famille des Dendrobatidae et cette citadine déjantée sont également deux redoutables prédateurs. Le premier stocke sur sa peau un terrible poison dont le contact peut être mortel. La seconde n’a bien sûr pas pour objectif d’altérer l’intégrité physique de son dompteur, mais son châssis réputé pointu peut tout aussi bien le désarçonner.
A l’image du batracien, elle se donne surtout les moyens de s’attaquer à plus gros que soi, en allant maltraiter les Audi TT V6, BMW Z3 Coupé 3.0, Honda S2000 et Porsche Boxster de l’époque. Point de substance toxique ici, mais des arguments techniques de choc qui en font une Clio pas comme les autres.
A commencer par ce fameux V6, niché en position centrale à la place de la banquette arrière. Il fallait oser ! La firme au losange est coutumière des manipulations génétiques a priori contre-nature pour parvenir à ses fins. La mythique Renault 5 Turbo qui ouvre les hostilités en 1980 en est le parfait exemple. Pratiquement vingt ans plus tard, le constructeur tente de réécrire l’Histoire : gros V6 en position centrale et bouille de batracien sous amphétamines.
L’étude lancée au Salon de Paris 1998 fait tourner les têtes, avant de débarquer en 2000. Sauf que le scénario ne se déroule pas comme prévu. A force de vouloir se faire aussi grosse que le bœuf, la grenouille Clio V6 devient plus orgueilleuse encore que sa cousine colombienne. La réalisation n’est pas à la hauteur des promesses du concept génial.
Le responsable, c’est ce châssis parfois erratique dont Renault n’est pourtant pas un habitué. Avec le recul, la principale erreur du constructeur est d’avoir confié le projet à la société TWR chargée de la mise au point et de la fabrication de la Clio V6.
La légende racontant que son patron Tom Walkinshaw aurait bâclé le travail pour mieux gonfler son bas de laine n’est sûrement pas si loin de la vérité. Toujours est-il que Renault se retrouve avec une bestiole rétive sur les bras. Blessé dans sa fierté, il remet son ouvrage sur la table lors du restylage, en décidant de tout reprendre en interne.
Afin de devenir plus prévisible, le châssis est raffermi et s’offre un nouveau berceau arrière plus rigide, dont les points d’ancrage sont déplacés et renforcés. L’empattement s’allonge de 23 mm, la barre antiroulis avant grossit, tandis que la voie avant augmente de 33 mm.
Mutation
Cette seconde génération de Clio V6, apparue en 2003, se reconnaît au premier coup d’œil. Notre modèle « état concours » en fait un Graal que son méticuleux propriétaire a mis trois ans à trouver. Son exclusivité ferait presque oublier que, lors de son restylage, la Clio V6 troque ses yeux ronds pour des phares plus effilés et une nouvelle calandre.
Elle en profite également pour faire passer ses jantes de 17 à 18 pouces. Sa faculté à susciter la crainte rappelle notre Phyllobates terribilis. Non par ses capacités mortifères, mais par sa réputation sulfureuse qui alimente les légendes urbaines.
Une boule de nerfs à moteur central basée sur une simple Clio dont la bouille cartoonesque semble pratiquement aussi large que longue, ce n’est pas commun. Ses voies avant XXL, ses hanches rebondies, ses vastes entrées d’air latérales, ses bas de caisse échappés d’un circuit et j’en passe en rajoutent à l’envi.
Les sportives du milieu des années 2000 apparaissent généralement bien graciles par rapport à celles d’aujourd’hui, mais pas ici. Rares sont les modèles actuels à impressionner autant. Quelle gueule !
Les imposants seuils de porte que l’on enjambe ne font pas illusion longtemps. Le fait de grimper à bord d’une Clio V6, comme on le ferait dans un monospace d’alors, douche rapidement l’enthousiasme initial. Le garnissage des sièges en Alcantara et leurs bourrelets latéraux peinent à cacher cette promiscuité excessive avec les autres Clio.
Sans oublier bien sûr cette position de conduite dominante et ce fichu volant installé à l’horizontale comme celui d’un vulgaire Scénic d’alors. Dans cette ambiance hostile, le quart de tour de clé est salvateur. D’abord parce que la sonorité chaude, rauque et profonde qui envahit l’habitacle rappelle la présence d’un passager hors norme.
La commande de boîte de vitesses rehaussée à la manière d’une tourelle est l’une des spécificités de cette drôle de Clio. Le maniement du pommeau en aluminium est loin d’être aussi enthousiasmant qu’à bord d’une Honda S2000. Les longs débattements, les verrouillages moins francs et cette relative imprécision ternissent, un peu, le tableau.
Poussin sous stéroïdes
Mais l’incroyable état de conservation de notre modèle redonne le sourire. Il ne peut rien, en revanche, contre son appétence limitée pour la ville. Ses 3,84 m de long sont un atout de taille dans ces conditions, mais son 1,83 m de large oblige parfois à viser dans les passages plus étroits. Le principal problème vient du rayon de braquage de camion-citerne.
Le moindre demi-tour impose des manœuvres, et les virages serrés le sont encore bien davantage derrière le volant. Ce défaut devient vite rédhibitoire en ville. La garde au sol assez basse et l’absence de tout système de levage du train avant comme sur certaines sportives actuelles exigent également une grande prudence.
Etant donné qu’elle n’a pas vocation à jouer les citadines, ce n’est pas spécialement un problème. La fraîcheur exceptionnelle de notre monture donne cette unique impression de se retrouver en 2005, à bord d’un modèle tout droit sorti de l’usine de Dieppe. Pas le moindre bruit parasite ni le moindre jeu dans les commandes, la direction ou les articulations de suspension.
Notre poussin sous stéroïdes conserve une précision et une fermeté assez proches de ses contemporaines. Je dois pourtant avouer ne pas avoir joué avec les limites sur des routes bosselées où deux autos peinent à se croiser. Il faudra donc repasser pour vérifier si l’effet sac à dos d’une poupe sujette à un brutal décrochage une fois exagérément inscrite sur les freins a été suffisamment corrigé sur cette seconde mouture.
La tendance à écarter dans les passages lents, ainsi que cette impression d’avoir un train avant léger au point de corde et à la réaccélération, laissent penser que ce n’est sans doute pas le cas. Avec un tel typage, la Clio semble un brin pataude sur un itinéraire sinueux, même si les Michelin Pilot Sport 4 S montés ici la rendent efficace.
La très bonne motricité permet de se passer de différentiel autobloquant, bien que l’arrière donne la sensation de pousser l’avant en adoptant une attitude un peu sous-vireuse lors d’une franche remise des gaz. Impossible de confirmer ou non le caractère volage de la poupe en courbe rapide.
En revanche, l’excellent ressenti offert par le freinage et la stabilité lors d’une décélération un peu musclée rassurent. La bonne vieille assistance hydraulique de direction plus communicative que les unités électriques actuelles rappelle que c’était parfois mieux avant. Mais c’est pourtant bel et bien ce fameux V6 caché derrière le conducteur et son passager qui conserve le premier rôle. Sa sonorité est évidemment exacerbée par son implantation centrale, qui amplifie ses délicieux râles à l’admission.
Le timbre rauque et chaud incite constamment à jouer avec la petite boule ronde faisant office de levier de vitesses pour user et abuser de ses montées en régime. Puisqu’il est subtilement revu pour mieux chanter, autant lui faire honneur.
Son collecteur d’admission redessiné, son filtre à air plus gros, son papillon motorisé augmenté de 40 %, ses arbres à cames retaillés pour les hauts régimes, sa rampe d’injection au débit accru de 50 %, sans oublier ses calculateurs et catalyseurs revisités, lui permettent de passer de 230 à 255 ch, pour un couple identique de 30,6 mkg, fixé 900 tr/mn plus haut.
Le résultat ? Une jolie souplesse à bas régime et un regain de vitalité vers 4 500 tr/mn qui incite à aller titiller un régime maxi établi à 7 200 tr/mn. Les performances se rapprochent d’une bonne GTi actuelle, avec une saveur incomparable. Le plaisir de flirter avec la zone rouge de la plus exclusive des Clio donne cette impression de goûter au fruit défendu.
Renault Clio V6 (Phase 2/2005) : fiche technique
- Années de production : 2003-2005
- Exemplaires produits : 1 309
- Moteur : V6, 24 S
- Position : centrale arrière
- Cylindrée : 2 946 cm3
- Puissance maxi : 255 ch à 7 150 tr/mn
- Couple maxi : 30,6 mkg à 4 650 tr/mn
- Transmission : roues AR, 6 rapports manuels
- Autobloquant/antipatinage : non/non
- Suspension AV/AR : MacPherson, barre antiroulis/essieu multibras, ressorts hélicoïdaux
- Freins : disques ventilés
- Poids annoncé : 1 400 kg
- Rapport poids/puissance : 5,5 kg/ch
- L - l - h : 3 841 - 1 830 - 1 356 mm
- Empattement : 2 532 mm
- Pneus AV & AR : 205/40 & 245/40 R 18
- Réservoir : 61 l
- Prix à l’époque : environ 39 950 € (2005)
- Cote actuelle : environ 60 000 €
- V. max. : 237 km/h
- 0 à 100 km/h : 6”3
- 1 000 m D.A. : 26”3
Retrouvez notre sujet "Retour aux sources" sur la Renault Clio V6 (Phase 2/2005) dans le Sport Auto n°751 du 26/07/2024.