Retour aux sources - Porsche 968 ClubSport (1992) : talents cachés...
Un 4 cylindres à l’avant, cela ne fait pas forcément rêver quand on arbore un logo Porsche. Dieu sait pourtant si la dernière de cette lignée 968 mésestimée conserve des talents cachés. Surtout dans cette version ClubSport.
Les ralentisseurs pullulent dans les environs du hall
d’exposition de L’Essence de l’automobile. Et lorsqu’on les
franchit à bord de notre magnifique Porsche 968 CS, mise à
disposition par ce bel espace de vente, ils deviennent
particulièrement inhospitaliers.
La difficulté se surmonte à l’allure d’un escargot fatigué, en la
contournant du mieux possible. C’est à se demander si la majorité
des dos‑d’âne du coin sont bel et bien réglementaires !
Le soleil de plomb n’arrange pas les choses en l’absence de toute
climatisation et de ces vitres avant qui ne s’ouvrent qu’à l’huile
de coude ! Je finis par croire que dans sa recherche de spot
ultime, l’ami Laurent prend un malin plaisir à me faire tourner en
bourrique !
L’amortissement typé circuit et l’assistance de direction réduite
remplaceraient presque cette fameuse séance de gymnastique matinale
! Des conteneurs aux couleurs pratiquement identiques à la livrée
bleu maritime de notre monture du jour inspirent notre talentueux
photographe au flair de chien truffier.
Il décide donc d’arrêter cette procession pour mieux mettre en
valeur les formes de notre belle allemande. L’impossibilité de
glisser le moindre auriculaire entre les passages de roue est un
premier indice visuel sur les intentions de la bête.
Les jantes Cup 17 pouces de même couleur que la carrosserie en sont
un deuxième. Sans oublier, bien évidemment, le petit cache en
plastique niché sur la lunette arrière en lieu et place de
l’essuie‑glace. Ces trois détails rappellent que le label « CS » de
notre 968 verse dans la radicalité.
La présence d’un châssis rabaissé de 20 mm participe à transformer
ces fameux ralentisseurs précédemment abordés en Everest. Cette
griffe « ClubSport » en profite aussi pour traquer 50 kg par
rapport aux versions classiques et s’en tenir à 1 320 kg sur la
balance.
Il suffit d’ouvrir la porte pour s’en rendre compte immédiatement.
L’absence de climatisation et de vitres électriques s’accompagne de
la mise au rancart d’autres éléments de confort et de sécurité.
Plus d’airbags ni même de banquette arrière et encore moins de
condamnation centralisée ou de rétroviseurs réglables
électriquement. Ces derniers s’ajustent en ouvrant les fenêtres.
Les sièges classiques laissent place à de véritables baquets de
13,6 kg, dont la partie arrière reprend la couleur de la
carrosserie.
Le plus difficile reste comme toujours de s’y glisser, mais une
fois installé, impossible d’en sortir tant la position absolument
parfaite donne l’impression de se sentir tout de suite chez soi,
malgré un volant fixe.
A l’instar de toute Porsche, la 968 place le conducteur au centre
des débats. La présence d’un arceau arrière optionnel et d’une
trappe d’ouverture du coffre de l’intérieur respire autant la
course qu’elle met dans l’ambiance. Juste devant le champ de
vision, la zone rouge flirtant avec les 7 000 tr/mn incite à
réveiller la salle des machines.
Porsche 968 ClubSport : parent pauvre ?
L’emplacement de la clé à droite de la colonne de direction,
comme sur la majorité de la production automobile, détonne sur une
Porsche ; le long capot qui abrite ici un 4 cylindres peut‑être
encore davantage.
Certains parlent même d’une double peine. « Une 944 grossièrement
restylée », « une Porsche du pauvre » ou « un coupé à
l’architecture technique indigne du blason qu’il exhibe » et j’en
passe : la 968 fait partie de ces Porsche tombées dans l’oubli
auprès du grand public.
Il faut dire qu’à sa sortie fin 1991, cette simple évolution d’une
944 chargée de jouer les entrées de gamme doit également composer
avec deux voisines particulièrement encombrantes.
Primo, parce que la 911 génération 964 s’appuie sur une image en
béton armé et une offre ultra‑complète, malgré des dessous encore
rustiques. Secundo, parce que la 928 reste la GT la plus aboutie du
marché grâce à ses nombreuses évolutions qui font oublier ses
quinze ans d’existence.
La partie est d’autant plus compliquée qu’une certaine BMW M3 E36 jette un pavé dans la
mare de Zuffenhausen en 1993 : un 6 en ligne 3.0 de 286 ch et
quatre places pour 300 000 francs de l’époque. Pour un tarif
sensiblement équivalent, la 968 n’a qu’un 4 cylindres de 240 ch à
lui opposer.
L’arrivée en 1993 d’une version CS au châssis plus affûté mais à la
puissance inchangée ne suffit pas à inverser la tendance. Sur le
papier tout du moins. La majeure partie des doutes s’estompe dès ce
fameux quart de tour de clé.
La sonorité confirme peut‑être la présence d’un 4 cylindres, mais
le timbre évocateur sent bon la course. La ligne inox Scart montée
sur notre modèle d’essai n’y est certainement pas étrangère.
Et puis ce quatre pattes est un cas à part. Sa cylindrée de 3
litres en fait le plus gros du genre et l’autorise à tailler aussi
grand que le 6 en ligne munichois. Il lui rend peut-être 46 ch,
mais sa distribution variable VarioCam prouve qu’il n’oublie pas
les raffinements techniques.
Les insonorisants réduits à leur plus simple expression sur cette
version CS en font un compagnon présent, qui a le bon goût de ne
pas se montrer excessivement fatigant. Sa disponibilité, son couple
à bas régime, sa souplesse exceptionnelle et sa réactivité à
l’accélérateur rappellent les bienfaits d’un gros bloc
atmosphérique et des sensations mécaniques que l’on ne peut que
regretter aujourd’hui.
La commande de boîte franche permet d’entretenir une relation plus
intime avec la mécanique. La direction et l’amortissement
participent à cette connexion étroite entre le pilote et sa
monture.
La raideur des combinés Koni montés sur le châssis de la CS
apparaissait sûrement particulièrement marquée à sa sortie en 1993.
Les trente ans qui sont entre-temps passés par là et la radicalité
croissante des châssis actuels la rendent désormais acceptable.
Les roues de 17 pouces et la hauteur de flanc des pneumatiques
élevée par rapport à nos références contemporaines apportent
peut-être cette petite pointe de filtration qui restitue un confort
viril mais correct. Le long capot aux formes facilement
identifiables et les dimensions d’une compacte moderne en font un
coupé dont les proportions et le gabarit sont aisés à
appréhender.
Cette manière unique que la 968 CS a de vous mettre à l’aise incite
à hausser le ton sur une route plus adaptée à ses qualités. Déjà
plaisant dans les évolutions urbaines, le bloc Porsche devient bien
plus sympa encore une fois cravaché.
Non seulement parce qu’il marche à tous les régimes, mais aussi
parce que les deux petits coups de collier perceptibles dès 3 500
tr/mn puis 5 500 tr/mn apportent un soupçon de caractère
appréciable.
Son appétence à aller chercher une zone rouge fixée à 6 800 tr/mn
étonne d’autant plus avec un quatuor de gamelles accusant chacune
une cylindrée unitaire proche de 750 cm3. Le 6 en ligne de la M3
chante peut-être un peu mieux, mais pour une mécanique snobée des
pseudo-puristes par son architecture roturière, ce quatre pattes ne
s’en tire pas si mal !
L’échappement spécifique à notre CS ajoute un supplément d’âme
notable aux côtés d’une commande de boîte qui incite à en abuser.
Logiquement moins rapide et dotée de débattements plus amples que
ceux d’une Honda Civic Type R d’aujourd’hui, elle
se montre suffisamment communicative et verrouille comme il faut
pour donner du plaisir. Surtout avec un étagement approprié et un
pédalier dessiné pour constamment jouer du talon-pointe.
Porsche 968 ClubSport : équilibriste
Le plus impressionnant se passe pourtant en virage. Le léger
flou dans la direction au point milieu qui engendre un petit manque
de réactivité dans les changements de cap constitue sans doute le
seul défaut d’un châssis en son temps encensé des connaisseurs.
Les trente années d’utilisation de notre exemplaire affichant 150
000 km au compteur expliquent en grande partie ce péché véniel. Une
belle départementale lui suffit à déployer ses incroyables talents.
La 968 CS serpente sur le ruban d’asphalte avec la grâce d’une
ballerine.
Verrouillant ses mouvements de caisse, elle plonge à la corde avec
une gourmandise actuelle et conserve sa trajectoire avec assurance.
Cette fameuse M3 qui lui fit tant de misères à l’époque subit
davantage de mouvements de caisse et apparaît bien moins précise en
comparaison.
Il se peut que l’amortissement typé circuit perde de sa superbe
quand le revêtement s’apparente à un champ de mines, mais sa
rigueur permet tout de même de garder du rythme ailleurs que sur un
billard.
Les commandes au ressenti parfait donnent d’autant plus envie d’en
profiter que le freinage aussi puissant qu’infatigable autorise à
faire durer le plaisir. Sur une sportive des années 90, c’est
suffisamment rare pour être souligné, n’est-ce pas, miss M3 ?
La principale qualité de cette 968 CS demeure pourtant l’équilibre
exceptionnel de son châssis dont l’architecture transaxle rejette
la boîte en arrière pour une répartition des masses idéale.
La poupe réagit aux transferts de charge et fait preuve d’une telle
réactivité et d’une telle progressivité qu’on n’a qu’une envie :
trouver au plus vite un circuit de préférence rapide, après avoir
coché l’option pont auto-bloquant. Mais comment diable un châssis
pareil a-t-il pu rester aussi méconnu du grand public ?
Porsche 968 ClubSport (1992) : fiche technique
- Années de production : 1993-1995
- Exemplaires produits : 1 538
- Moteur : 4 en ligne, 16 S
- Cylindrée : 2 990 cm3
- Position : centrale avant
- Puissance maxi : 240 ch à 6 700 tr/mn
- Couple maxi : 31,1 mkg à 4 100 tr/mn
- Transmission : roues AR, 6 rapports manuels
- Autobloquant/antipatinage : non (en option)/non
- Suspension AV/AR : MacPherson/bras obliques, ressorts hélicoïdaux
- Freins AV/AR : disques ventilés
- Poids annoncé : 1 320 kg
- Rapport poids/puissance : 5,5 kg/ch
- L - l - h : 4 320 - 1 735 - 1 255 mm
- Empattement : 2 400 mm
- Pneus AV & AR : 225/45 & 255/40 ZR 17
- Réservoir : 74 l
- Prix à l’époque : env. 297 100 F (1993)
- Cote actuelle : environ 45 000 €
- V. max. : 252 km/h
- 0 à 100 km/h : 6’’3
- 1 000 m D.A. : 26’’5
Retrouvez notre essai "Retour aux sources" de la Porsche 968 ClubSport (1992) dans le Sport Auto n°757 du 31/01/2025.


