Retour aux sources - Porsche 968 ClubSport (1992) : talents cachés...

Publié le 19 mars 2025 à 11:30
Retour aux sources - Porsche 968 ClubSport (1992) : talents cachés...

Un 4 cylindres à l’avant, cela ne fait pas forcément rêver quand on arbore un logo Porsche. Dieu sait pourtant si la dernière de cette lignée 968 mésestimée conserve des talents cachés. Surtout dans cette version ClubSport.

Les ralentisseurs pullulent dans les environs du hall d’exposition de L’Essence de l’automobile. Et lorsqu’on les franchit à bord de notre magnifique Porsche 968 CS, mise à disposition par ce bel espace de vente, ils deviennent particulièrement inhospitaliers.
La difficulté se surmonte à l’allure d’un escargot fatigué, en la contournant du mieux possible. C’est à se demander si la majorité des dos‑d’âne du coin sont bel et bien réglementaires !
Le soleil de plomb n’arrange pas les choses en l’absence de toute climatisation et de ces vitres avant qui ne s’ouvrent qu’à l’huile de coude ! Je finis par croire que dans sa recherche de spot ultime, l’ami Laurent prend un malin plaisir à me faire tourner en bourrique !
L’amortissement typé circuit et l’assistance de direction réduite remplaceraient presque cette fameuse séance de gymnastique matinale ! Des conteneurs aux couleurs pratiquement identiques à la livrée bleu maritime de notre monture du jour inspirent notre talentueux photographe au flair de chien truffier.
Il décide donc d’arrêter cette procession pour mieux mettre en valeur les formes de notre belle allemande. L’impossibilité de glisser le moindre auriculaire entre les passages de roue est un premier indice visuel sur les intentions de la bête.
Les jantes Cup 17 pouces de même couleur que la carrosserie en sont un deuxième. Sans oublier, bien évidemment, le petit cache en plastique niché sur la lunette arrière en lieu et place de l’essuie‑glace. Ces trois détails rappellent que le label « CS » de notre 968 verse dans la radicalité.
La présence d’un châssis rabaissé de 20 mm participe à transformer ces fameux ralentisseurs précédemment abordés en Everest. Cette griffe « ClubSport » en profite aussi pour traquer 50 kg par rapport aux versions classiques et s’en tenir à 1 320 kg sur la balance.
Il suffit d’ouvrir la porte pour s’en rendre compte immédiatement. L’absence de climatisation et de vitres électriques s’accompagne de la mise au rancart d’autres éléments de confort et de sécurité.
Plus d’airbags ni même de banquette arrière et encore moins de condamnation centralisée ou de rétroviseurs réglables électriquement. Ces derniers s’ajustent en ouvrant les fenêtres. Les sièges classiques laissent place à de véritables baquets de 13,6 kg, dont la partie arrière reprend la couleur de la carrosserie.
Le plus difficile reste comme toujours de s’y glisser, mais une fois installé, impossible d’en sortir tant la position absolument parfaite donne l’impression de se sentir tout de suite chez soi, malgré un volant fixe.
A l’instar de toute Porsche, la 968 place le conducteur au centre des débats. La présence d’un arceau arrière optionnel et d’une trappe d’ouverture du coffre de l’intérieur respire autant la course qu’elle met dans l’ambiance. Juste devant le champ de vision, la zone rouge flirtant avec les 7 000 tr/mn incite à réveiller la salle des machines.

Porsche 968 ClubSport : parent pauvre ?

L’emplacement de la clé à droite de la colonne de direction, comme sur la majorité de la production automobile, détonne sur une Porsche ; le long capot qui abrite ici un 4 cylindres peut‑être encore davantage.
Certains parlent même d’une double peine. « Une 944 grossièrement restylée », « une Porsche du pauvre » ou « un coupé à l’architecture technique indigne du blason qu’il exhibe » et j’en passe : la 968 fait partie de ces Porsche tombées dans l’oubli auprès du grand public.
Il faut dire qu’à sa sortie fin 1991, cette simple évolution d’une 944 chargée de jouer les entrées de gamme doit également composer avec deux voisines particulièrement encombrantes.
Primo, parce que la 911 génération 964 s’appuie sur une image en béton armé et une offre ultra‑complète, malgré des dessous encore rustiques. Secundo, parce que la 928 reste la GT la plus aboutie du marché grâce à ses nombreuses évolutions qui font oublier ses quinze ans d’existence.
La partie est d’autant plus compliquée qu’une certaine BMW M3 E36 jette un pavé dans la mare de Zuffenhausen en 1993 : un 6 en ligne 3.0 de 286 ch et quatre places pour 300 000 francs de l’époque. Pour un tarif sensiblement équivalent, la 968 n’a qu’un 4 cylindres de 240 ch à lui opposer.
L’arrivée en 1993 d’une version CS au châssis plus affûté mais à la puissance inchangée ne suffit pas à inverser la tendance. Sur le papier tout du moins. La majeure partie des doutes s’estompe dès ce fameux quart de tour de clé.
La sonorité confirme peut‑être la présence d’un 4 cylindres, mais le timbre évocateur sent bon la course. La ligne inox Scart montée sur notre modèle d’essai n’y est certainement pas étrangère.
Et puis ce quatre pattes est un cas à part. Sa cylindrée de 3 litres en fait le plus gros du genre et l’autorise à tailler aussi grand que le 6 en ligne munichois. Il lui rend peut-être 46 ch, mais sa distribution variable VarioCam prouve qu’il n’oublie pas les raffinements techniques.
Les insonorisants réduits à leur plus simple expression sur cette version CS en font un compagnon présent, qui a le bon goût de ne pas se montrer excessivement fatigant. Sa disponibilité, son couple à bas régime, sa souplesse exceptionnelle et sa réactivité à l’accélérateur rappellent les bienfaits d’un gros bloc atmosphérique et des sensations mécaniques que l’on ne peut que regretter aujourd’hui.
La commande de boîte franche permet d’entretenir une relation plus intime avec la mécanique. La direction et l’amortissement participent à cette connexion étroite entre le pilote et sa monture.
La raideur des combinés Koni montés sur le châssis de la CS apparaissait sûrement particulièrement marquée à sa sortie en 1993. Les trente ans qui sont entre-temps passés par là et la radicalité croissante des châssis actuels la rendent désormais acceptable.
Les roues de 17 pouces et la hauteur de flanc des pneumatiques élevée par rapport à nos références contemporaines apportent peut-être cette petite pointe de filtration qui restitue un confort viril mais correct. Le long capot aux formes facilement identifiables et les dimensions d’une compacte moderne en font un coupé dont les proportions et le gabarit sont aisés à appréhender.
Cette manière unique que la 968 CS a de vous mettre à l’aise incite à hausser le ton sur une route plus adaptée à ses qualités. Déjà plaisant dans les évolutions urbaines, le bloc Porsche devient bien plus sympa encore une fois cravaché.
Non seulement parce qu’il marche à tous les régimes, mais aussi parce que les deux petits coups de collier perceptibles dès 3 500 tr/mn puis 5 500 tr/mn apportent un soupçon de caractère appréciable.
Son appétence à aller chercher une zone rouge fixée à 6 800 tr/mn étonne d’autant plus avec un quatuor de gamelles accusant chacune une cylindrée unitaire proche de 750 cm3. Le 6 en ligne de la M3 chante peut-être un peu mieux, mais pour une mécanique snobée des pseudo-puristes par son architecture roturière, ce quatre pattes ne s’en tire pas si mal !
L’échappement spécifique à notre CS ajoute un supplément d’âme notable aux côtés d’une commande de boîte qui incite à en abuser. Logiquement moins rapide et dotée de débattements plus amples que ceux d’une Honda Civic Type R d’aujourd’hui, elle se montre suffisamment communicative et verrouille comme il faut pour donner du plaisir. Surtout avec un étagement approprié et un pédalier dessiné pour constamment jouer du talon-pointe.

Porsche 968 ClubSport : équilibriste

Le plus impressionnant se passe pourtant en virage. Le léger flou dans la direction au point milieu qui engendre un petit manque de réactivité dans les changements de cap constitue sans doute le seul défaut d’un châssis en son temps encensé des connaisseurs.
Les trente années d’utilisation de notre exemplaire affichant 150 000 km au compteur expliquent en grande partie ce péché véniel. Une belle départementale lui suffit à déployer ses incroyables talents. La 968 CS serpente sur le ruban d’asphalte avec la grâce d’une ballerine.
Verrouillant ses mouvements de caisse, elle plonge à la corde avec une gourmandise actuelle et conserve sa trajectoire avec assurance. Cette fameuse M3 qui lui fit tant de misères à l’époque subit davantage de mouvements de caisse et apparaît bien moins précise en comparaison.
Il se peut que l’amortissement typé circuit perde de sa superbe quand le revêtement s’apparente à un champ de mines, mais sa rigueur permet tout de même de garder du rythme ailleurs que sur un billard.
Les commandes au ressenti parfait donnent d’autant plus envie d’en profiter que le freinage aussi puissant qu’infatigable autorise à faire durer le plaisir. Sur une sportive des années 90, c’est suffisamment rare pour être souligné, n’est-ce pas, miss M3 ?
La principale qualité de cette 968 CS demeure pourtant l’équilibre exceptionnel de son châssis dont l’architecture transaxle rejette la boîte en arrière pour une répartition des masses idéale.
La poupe réagit aux transferts de charge et fait preuve d’une telle réactivité et d’une telle progressivité qu’on n’a qu’une envie : trouver au plus vite un circuit de préférence rapide, après avoir coché l’option pont auto-bloquant. Mais comment diable un châssis pareil a-t-il pu rester aussi méconnu du grand public ?

Porsche 968 ClubSport (1992) : fiche technique

  • Années de production : 1993-1995
  • Exemplaires produits : 1 538
  • Moteur : 4 en ligne, 16 S
  • Cylindrée : 2 990 cm3
  • Position : centrale avant
  • Puissance maxi : 240 ch à 6 700 tr/mn
  • Couple maxi : 31,1 mkg à 4 100 tr/mn
  • Transmission : roues AR, 6 rapports manuels
  • Autobloquant/antipatinage : non (en option)/non
  • Suspension AV/AR : MacPherson/bras obliques, ressorts hélicoïdaux
  • Freins AV/AR : disques ventilés
  • Poids annoncé : 1 320 kg
  • Rapport poids/puissance : 5,5 kg/ch
  • L - l - h : 4 320 - 1 735 - 1 255 mm
  • Empattement : 2 400 mm
  • Pneus AV & AR : 225/45 & 255/40 ZR 17
  • Réservoir : 74 l
  • Prix à l’époque : env. 297 100 F (1993)
  • Cote actuelle : environ 45 000 €
  • V. max. : 252 km/h
  • 0 à 100 km/h : 6’’3
  • 1 000 m D.A. : 26’’5

Retrouvez notre essai "Retour aux sources" de la Porsche 968 ClubSport (1992) dans le Sport Auto n°757 du 31/01/2025.

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