L'humeur du GP : le fil de l'affaire Mercedes

Avant et après chaque GP, Sportauto.fr se laisse aller à une humeur très personnelle. A Monaco, on revient en détail sur l'erreur stratégique de Mercedes.
Soixante quatrième tour du GP de Monaco 2015, Lewis Hamilton s'envole vers un succès largement mérité. Personne ne peut le menacer dans les 14 tours restant.
1h25'09 de course : c'est alors que Max Verstappen percute violemment Romain Grosjean au freinage de Sainte-Dévote. L'écart entre le leader Hamilton et Nico Rosberg, le deuxième, est de 19,301 secondes.
Comme le règlement le prévoit, la direction de course décide immédiatement l'application de la procédure de Doubles Drapeaux Jaunes dans tout le Secteur 1, et pas seulement dans le virage où l'accident a eu lieu.
1h25'28 de course : 19 secondes plus tard, la direction de course applique l'Article 41.1 du règlement sportif et lance la nouvelle procédure de la Voiture de Sécurité Virtuelle. Hamilton a alors 19,393 secondes d'avance sur Rosberg.
1h25'59 de course : 21 secondes plus tard, c'est maintenant la voiture de sécurité qui rentre physiquement en piste. Hamilton a alors 28,705 secondes d'avance. C'est l'écart le plus important entre les deux premiers de la course.
30 secondes plus tard, l'écart se réduit à 23''204, puis remonte à 26''869 dans les autres 30 secondes qui suivent, pour se stabiliser à 25''015. Pendant 1 minute et 30 secondes, rien n'a donc vraiment bougé, Hamilton a même creusé un peu l'écart.
1h26'12 de course : nous entrons alors dans le 65e tour de course. L'écart est de 25''727.
A la fin du premier secteur, Lewis rajoute 1 seconde à cet écart.
A la radio, Hamilton prévient son écurie que ses pneus tendres l'inquiètent. Ils les a pourtant montés au 38e tour, soit 1 tour après Rosberg. Les deux pilotes Mercedes étaient repartis avec des gommes neuves. Sur le papier, il ne doit donc y avoir aucun problème pour rallier l'arrivée.
Hamilton demande s'il ne doit pas s'arrêter. Il a un réflexe naturel. Il domine le grand prix avec une telle avance que l'arrivée de la voiture de sécurité ne peut être vécue que comme une menace. Il se met dans une position mentale de protection de sa victoire. Il se sent en danger. Il confirmera d'ailleurs en conférence de presse avoir eu peur que soit Nico soit Vettel soit les deux ne s'arrêtent pour mettre des pneus neufs, afin de finir le grand prix, regroupés derrière lui, avec des pneus neufs contre ses vieux pneus neufs. Doubler à Monaco est presque impossible, mais on ne sait jamais, se dit Hamilton.
L'écurie Mercedes lui répond être en train de faire des calculs et qu'elle va revenir vers lui avec une décision. A ce moment-là, oui, Hamilton peut s'arrêter, un arrêt coutant environ 24 secondes. Il a encore de la marge, entre deux et trois secondes au moment du dilemme.
Mais voilà, toujours à ce moment-là, l'hypothèse d'un arrêt de Vettel est impossible car le quatrième, Daniil Kvyat, est trop proche de lui, à 16,5 secondes. Le Russe serait assurément passé devant lui. Pareil donc pour Rosberg qui était à peine devant Vettel.
Un secteur 2 qui a tout changé
Dans le deuxième secteur du 65e tour, tout change. Hamilton, gêné derrière le Safety Car, le couvre en 53,240 secondes. Rosberg le fera en 44,5 secondes. L'Allemand a repris presque 10 secondes en quelques virages, ramenant l'écart entre eux à 18''528. Là, évidemment cela ne passe plus. Hamilton, alors près des stands, ne doit surtout pas rentrer au stand.
Mercedes décide au dernier moment de lui donner le feu vert pour rentrer. Hamilton arrive alors à La Rascasse. Cela s'est joué à peu de choses et est allé très vite, sur un seul secteur du circuit.
Au moment où Lewis se jette dans les stands, Rosberg est déjà dans le virage 15, à la sortie de la deuxième chicane de la Piscine. C'est trop tard.
L'arrêt d'Hamilton se passe en plus moyennement. L'Anglais perd 1,318 seconde au moment du changement des pneus (lenteur du mécano à l'arrière gauche) et est gêné par la Sauber de Nasr.
Quand Lewis ressort des stands, il est derrière Rosberg et presque à la hauteur de Vettel. Il a perdu la course et même la deuxième place.
Conclusion :
Premièrement, Hamilton n'a pas eu de chance. La voiture de sécurité est venue stopper sa domination outrancière. Sans elle, il dominait Monaco comme peu avant lui.
Ensuite, Hamilton a clairement paniqué. C'est normal. La Safety Car ne pouvait que menacer sa victoire. La réaction du pilote est légitime sauf à ce qu'il ait mal jugé de la dégradation de ses pneus. Mais il est le seul dans le cockpit ! C'est ensuite à son écurie, avec la distance qu'elle a par rapport à l'action, de tempérer ou non l'angoisse de son pilote.
Mercedes a commis une erreur, c'est évident. Une double erreur de calcul. La plus grosse est de n'avoir pas tout de suite objecté que ni Nico ni Vettel ne pouvaient s'arrêter pour mettre des pneus neufs, car Kvyat serait alors passé devant eux. D'ailleurs, à l'arrivée, à fois Rosberg et Vettel ont reconnu n'avoir pas une seule seconde imaginé rentrer au stand. Si Lewis avait su cela, jamais il n'aurait choisi de changer de pneus. C'est la vraie bourde de Mercedes.
Car pour le reste, Mercedes a eu le courage de reconnaître son erreur de calcul. Notamment dans le secteur 2. Tout en pointant un début d'excuse : l'absence de GPS à Monaco. L'argument est faux car il est bel et bien disponible autour du circuit monégasque. Il a évidemment été utilisé pendant les qualifications notamment pour calculer le trafic. En revanche, nous pouvons témoigner d'une chose. Sur l'application officielle de la FOM, on constate que la position GPS d'Hamilton a été très vite bloquée au niveau de Mirabeau. Plus jamais la position GP de Lewis n'a alors bougé, alors que toutes les autres évoluaient constamment et parfaitement. Mercedes a donc sans doute eu du mal à juger de l'évolution des positions dans ce fameux secteur 2 du 65e tour, même si nous pouvons penser qu'ils ont d'autres moyens de suivre leurs voitures que ceux qui nous sont offerts. Cela dit, aussi, sur l'enclavé circuit de Monaco, les communications et liaisons satellites sont un peu perturbées. Il y a certainement eu un effet GPS dans la panique générale.
Bref, vouloir à tout prix sauver la victoire de Lewis a abouti au contraire, le faire perdre. C'est tellement classique à Monaco. La domination (trop) outrancière d'un pilote se retourne souvent contre lui. Soit il part à la faute par manque de concentration soit son écurie pense avoir une marge telle qu'elle peut jouer avec. Monaco est impitoyable.