Lotus : le bout du tunnel ? [interview exclusive]

INTERVIEW. Le Président de Lotus, Jean-Marc Gales, connait mieux que quiconque ses produits. Il fait un point sur la marque et ses projets.
Le Président de Lotus épate par sa simplicité et sa gentillesse.
Lors des essais à Hethel, il loge dans le même B&B que les
journalistes. Il s'occupe des conférences de presse. Il est
attentif à la moindre remarque sur ses bébés, dont il connaît par
cœur les évolutions.
Il a accepté un tête à tête avec Sport Auto en début d'année,
histoire d'en savoir plus sur la marque et son avenir. Au cours de
cette entrevue, Jean-Marc Gales a confirmé que Lotus fera l'impasse
sur le Salon de Genève, faute de véritable nouveauté à
présenter.
"Notre production continue de croître"
> Sport Auto : Quel est l'état de santé de Lotus ?
Jean-Marc Gales : Par rapport à ces vingt dernières années, nous
sommes en bien meilleure santé ! On parvient à dégager du bénéfice
opérationnel, ce qui nous aide à investir dans de nouveaux modèles,
comme l'Evora 410 (essai vidéo à découvrir par ici !) et l'Exige
Sport 380 (à l'essai en suivant ce lien). Lotus
produit et vend davantage de voitures. Il y a aujourd'hui près de
700 unités dans notre carnet de commandes, contre 300 il y a un an.
En vente annuelle, on arrive à 1 900 exemplaires. Ce sont des
voitures dont le prix est plus élevé comme, par exemple, l'Evora 400, en passe de devenir notre
modèle le plus produit. Et l'on s'attaque au marché américain, qui
va absorber, à lui seul, une cinquantaine de modèles par mois.
L'Elise 250 Cup rencontre également un grand succès. Nous comptions
produire 12 exemplaires par mois, nous en sommes à 25 ! Lotus a
fabriqué 160 voitures en septembre, un peu plus en octobre et en
novembre dernier. Notre production continue de croître, et notre
réseau aussi : la marque compte aujourd'hui plus de 200
revendeurs.
Des voitures entièrement revues
> S.A. : Lotus a pris du retard dans ses livraisons, pour
quelle raison ?
J-M G. : C'est simple ! Les voitures ont été complètement revues.
L'aérodynamique de l'Evora a ainsi été refaite en soufflerie :
hayon en carbone, aileron plus incliné, spoiler avant remodelé,
petits ailerons sous la voiture… On a réussi à doubler l'appui !
Sur l'Elise 250, nous avons décidé de changer la pompe à essence et
le réservoir pour obtenir un rendement plus élevé. Contrairement à
ce qui se passait auparavant, les mécaniques doivent produire la
puissance annoncée. Maintenant, elle doit délivrer 250 ch. Pour
l'Elise, cela nous a demandé deux mois d'efforts en plus, mais le
succès est au rendez-vous. Et on va à présent travailler le bruit
en s'attaquant à l'échappement et, au cours de cette année, nous
allons proposer une option en titane pour l'Elise et l'Exige, ce
qui réduira respectivement leur poids de 5-6 et 10 kg. Nous avons
déjà livré 20 exemplaires de la 3-Eleven, fabriquée à 12 exemplaires par
mois. On a commencé doucement en août. Elles arrivent sur circuit
!
Un SUV en préparation
> S.A. : Comment se passent les relations avec Proton, qui
possède Lotus et qui appartient à DRB HICOM ?
J-M G. : Depuis le 1er avril, la société a un nouveau patron, Datuk
Ahmad Fuaad. Proton est très content de nous. On gagne de l'argent,
on a un « cash flow » positif depuis avril. Cela nous permet de
lancer de nouveaux produits. Pour le SUV, nous aurons besoin de
l'injection de nouveaux capitaux, mais pour la nouvelle Elise, nous
nous débrouillerons nous-mêmes. L'Elise est toujours prévue pour
2020 et le futur SUV est work in progress. Ils arriveront
probablement en même temps, à quelques mois près. Pour les autres
modèles, Lotus continuera de sortir des évolutions, parfois plus
profondes, comme vous allez vous en apercevoir cette année. L'Evora
a encore une longue vie devant elle. Le châssis est tout moderne.
Vous le voyez, nous avons encore matière à la développer. Et s'il
est possible de gagner 10 ch supplémentaires, je le ferai, ça,
c'est sûr !
Des autos plus coûteuses à cause du brexit
> S.A. : Quelles sont les conséquences du Brexit pour Lotus
?
J-M G. : Il y a deux choses à considérer. D'un côté, on a beaucoup
de pièces qui viennent d'Europe, des Etats-Unis et du Japon, et qui
deviennent plus chères. De l'autre, 80 % de notre production est
vendue dans des pays qui ont pour monnaie le yen, le dollar ou
l'euro. Donc on a des gains et des pertes. Les gains sont pour
l'instant un peu plus élevés que les pertes. L'effet positif est
que, pour l'heure, la livre sterling reste plus forte que l'euro.
L'effet négatif est que les autos sont plus coûteuses… On utilise
le yen - monnaie assez forte - pour le moteur Toyota, l'euro pour
la carrosserie française Faurecia et le dollar pour le
compresseur Edelbrock. Il faut espérer que le
Royaume-Uni présente rapidement sa politique industrielle. Nous
attendons les propositions du Premier ministre Theresa May ! Je
n'ai pas peur, car c'est un pays très fort. Il y a des risques,
mais ils sont pour l'instant mesurés. Pour le client européen, les
prix n'ont pas bougé. Au Japon non plus. En Angleterre, nos tarifs
ont augmenté de 2 % fin octobre.
A la conquête de l'Amérique...
> S.A. : Quel est votre prochain défi?
J-M G. : Il s'agit de notre redéploiement aux Etats-Unis. Pour
l'instant, 250 commandes ont été passées. L'accueil a été fabuleux.
Une revue américaine nous a placés en 2e place des sportives
mondiales. J'espère que la 410 sera n° 1. 50 voitures ont déjà été
livrées. Nous nous appuyons sur 47 points de vente qui distribuent
aussi des Ferrari, des Lamborghini et des Aston Martin. Ils sont
enthousiastes et très fidèles. Ils avaient l'Evora jusqu'en 2014,
puis plus aucune auto. L'Elise ne passe plus les normes de sécurité
depuis 2011. L'Evora, elle, les passe sans problème. C'est
pourquoi, là-bas, nous ne vendons qu'elle.
Photo : Greg / Sport Auto


