Lamborghini Urus (2018) : Hulk, bientôt à l'essai

Et oui, Sport Auto va tester un gros SUV la semaine prochaine, alors qu'il les déteste. Mais il est signé Lambo'... Révolutionne-t-il pour autant le segment ?
L'enjeu est considérable pour la marque, qui a doublé la surface
de production et change d'ère. « Nous sommes une manufacture. Nous
voulons garder cet état d'esprit. L'homme est au centre de
l'automatisation », scande la responsable marketing Katia Bassi. De
prime abord, le choc est inévitable en apercevant le 4x4 : oui, il
s'agit bien d'une Lambo' !
L'Urus reprend quelques gimmicks maison : arêtes saillantes,
hexagones, formes en Y, arches de roues marquées en hommage au
LM002. Mais on ne retrouve pas le coup de crayon décapant maison.
Sur ce point, le concept de 2012 était plus marquant. L'impression
de bride créative domine et des éléments irritent la rétine : gros
rétros, poignées, pseudo-diffuseur, griffes colorées sur les côtés
du bouclier avant, jantes allant jusqu'à 23 pouces, fausses ouïes
latérales ornées du drapeau italien...
Gueule de l'emploi
Une petite conversation avec Mitja Borkert, le responsable du
design (ex-Porsche) s'impose. « Lorsque je suis arrivé chez
Lamborghini en avril 2016, le projet était bien avancé. J'ai pu
faire évoluer l'avant, le capot et harmoniser davantage
l'intérieur. » En toute décontraction, il tente de convaincre qu'il
s'agit bien d'une Lambo' : « Les habitués de la marque ont bien
réagi... L'inspiration vient de la Countach et du LM002. Il s'agit
du plus bas et du plus large des SUV. Les optiques évoquent celles
de la Centenario. Pour l'intérieur, j'ai voulu être
fidèle à une ambiance salle des machines, où l'artisanat italien se
mêle à la haute technologie. » Allons voir cette salle des
machines, en « montant » à bord. L'altitude n'est pas élevée pour
un SUV et peut s'abaisser via la suspension pneumatique.
Le volant est proche de celui d'une Audi RS. Les compteurs digitaux
évoquent ceux des Huracán et Aventador. La planche de bord frappe par son
côté massif et la largeur de la console, intégrant deux écrans
tactiles : multimédia et ventilation. Au pied de cette dernière
trône le Tamburo, incluant l'Anima et l'Ego. Traduction, une
commande en forme de tambour permet de modifier les modes de
conduite. A droite, l'Ego permet d'ajuster la transmission, la
direction et la suspension pilotée. A gauche, l'Anima offre jusqu'à
six modes de conduite prédéfinis : Strada (route), Sport, Corsa
(course), Sabbia (sable), Terra (terre), Neve (neige)... Précisons
que les Sabbia et Terra sont optionnels et font partie du pack Off
Road, incluant des boucliers et un soubassement renforcés. Ces
modes influent sur le moteur, la boîte, la direction, les roues
arrière directrices, les amortisseurs, les aides et le différentiel
vectoriel. Sacré programme. Bonne nouvelle Sylvain Vétaux, toi qui
a la chance de la tester fin avril, les grands gabarits sont les
bienvenus et tu vas enfin pouvoir t'installer dans une Lambo'.
Enfin, à l'avant... A l'arrière, il ne faut pas dépasser les 1,85
m. Trois personnes (2 en option) peuvent prendre place dans le
bunker, à la visibilité obstruée par les baquets, la hauteur de
caisse latérale et la lunette-meurtrière. On ne peut pas tout
avoir. La famille aura déjà l'honneur de voyager en Lamborghini,
avec ses bagages (coffre de 616 l). On peut même ajouter un coffre
de toit et accrocher une remorque. Ce n'est pas une plaisanterie.
Un parfait utilitaire cet Urus !
Banque d'organes
La visite de l'usine d'assemblage flambant neuve de Sant'Agata
s'avère instructive. Au total, 23 postes mêlant hommes et machines
se succèdent, à un rythme de 30 mn par poste. Toutes les pièces
viennent du « Supermarché », l'entrepôt voisin qui pourrait être
surnommé Volkswagen market. La carrosserie alu est évidemment
spécifique, mais la majorité des dessous provient du groupe. La
plate-forme est commune au Cayenne/Bentayga/Q7 et l'on aperçoit des
logos Audi de partout... Jusqu'aux triangles de suspension alu.
Maurizio Reggiani, responsable du développement, précise tout de
suite que le V8 biturbo a été profondément remanié pour grimper à
650 ch : culasses, distribution, échappement pour limiter les
contre-pressions et soigner le son (prometteur).
« La décision d'opter pour un moteur turbo a été difficile mais
nécessaire à un usage off road, où il faut beaucoup de couple à bas
régimes." En dehors des modifications du 4 litres, on a du mal
à dégoter des nouveautés. La boîte à 8 rapports, signée ZF, est
connue et cache un convertisseur. Une première chez Lambo ! « Il
fallait trouver un compromis entre rapidité et précision en
conduite sportive, puis douceur dans les autres configurations »,
justifie M. Reggiani. Concernant la transmission intégrale, le
constructeur opte pour un Torsen central privilégiant l'arrière (60
à 87 %) comme le Q7 (et non le Cayenne à embrayage multidisque
piloté), assorti d'un autobloquant piloté à l'arrière (option sur
le Cayenne). La visite de l'usine continue avec le montage des
trains roulants. La suspension - gigantesque ! - est pneumatique et
l'antiroulis actif est de type électromécanique, comme le Cayenne (en option). On retrouve aussi des
roues arrière directrices, braquant sur 3° maxi (comme le Cayenne).
Au travers des immenses roues, allant de 21 à 23 pouces, on
aperçoit des disques géants en carbone/céramique, culminant à 440
mm à l'avant et pincés par des étriers à 10 pistons ! L'ensemble
peut s'avérer utile pour stopper le monstre lancé à plus de 300
km/h. Lamborghini met donc le paquet pour que l'Urus remue
dignement.
« Le développement n'a pas été facile, avec des variables inédites
chez nous, comme un centre de gravité haut pour affronter toutes
les situations. Notre objectif premier a été de contrôler les
mouvements de caisse, puis d'assurer la stabilité à haute vitesse
et de rendre l'auto facile en ville » confie le responsable
développement. Il ressort de ce premier contact un sentiment
d'amertume et des interrogations. Qu'apporte l'Urus à la galaxie
des SUV : de la puissance ? Certes, mais le Jeep Grand Cherokee Trackhawk vendu l'été
prochain en France le toise : 717 ch. Et Brabus propose plusieurs
SUV à 850 ch. De la performance avec un 0 à 100 km/h en 3''6 ? Jeep
devrait atteindre ce niveau (0 à 60 mph en 3''5), mais s'en
tiendrait à 290 km/h en vitesse maxi, contre 305 pour Lambo et 320
km/h pour Brabus (GLE coupé). Du dynamisme ? Oui, il y a de fortes
chances pour qu'il frappe plus fort que le Cayenne. Mais
techniquement, il innove peu puisqu'il partage la plupart de ses
ressources avec les copains du groupe Volkswagen. Quant au poids,
il s'élèverait à 2,2 tonnes, comme le Cayenne. Pas de miracle. Les
premiers modèles de série (présérie jusqu'à présent) sortiront des
chaînes en janvier. La production 2018 a d'ores et déjà trouvé
preneur (environ 1 800 exemplaires). Dès 2019, la cadence culminera
à 20 Urus par jour, contre 5 en 2018. Mais la production restera
limitée à 3 800 exemplaires. La liste d'attente risque d'être
longue.
Prochaine étape ? Lamborghini prévoit le développement d'une
version hybride.
Les ancêtres
En 1977, le premier 4 x 4 Lambo, c'est ce baroudeur militaire : le Cheetah ! Le projet, mené avec la société américaine Mobility Technology International, répondait à un appel d'offre de l'armée américaine. Le prototype de 2 tonnes embarquait un V8 Chrysler de 180 ch à l'arrière ! L'idée de commercialiser un 4 x 4 hante Lamborghini, qui présente le prototype LM001 au Salon de Genève 1981. Le V8, positionné à l'arrière, provient d'AMC (180 ch). Le déséquilibre généré par cette architecture empêchera le monstre de 2,1 t d'atteindre le stade de la production. Le concept LMA préfigure le premier 4 x 4 de la marque, le LM002 (1986-1991) embarquant à l'avant un V12 de Countach de 450 ch et une transmission intégrale. Malgré ses 2,7 t, il serait capable d'atteindre 201 km/h ! La clientèle moyen-orientale apprécie ce délire, produit à 301 ex. et manquant de mise au point.
Quelques données
Voici quelques données sur cette Lambo' d'un autre genre. L'Urus
reposant sur une base connue et approuvée, il a toutes les chances
de rafler la palme du SUV le plus agile. Mais possèdera-t-il l'aura
Lambo' ? Difficile d'y croire. Encore faut-il que le feeling, la
sonorité et le plaisir soient à la hauteur du blason.
> Moteur : V8 biturbo, 4 litres , 650 ch à 6 000 tr/mn, 86,6 mkg
à 2 250 tr/mn
> Transmission : intégrale, boîte 8 auto
> Poids annoncé : 2 197 kg
> Perfs : 0 à 100 km/h en 3''6, 0 à 200 km/h en 12''8, 305
km/h
> Tarif : 205 715 €


