Lamborghini Centenario (2016) : l'essai du siècle!

La Centenario est un collector, facturé à prix d'or. Nous avons eu la chance d'en prendre le volant, sur le circuit de Nardo, dans le sud de l'Italie.
Le genre de courrier qu'il vaut mieux éviter de lire avant
d'aller dormir : "Vous faites partie du groupe très restreint de
médias à pouvoir essayer la Centenario sur le circuit de Nardo,
dans le sud de l'Italie." Traduction : vous êtes l'un des six
enf..., pardon, invités, dans le monde, à conduire l'une des
Lamborghini les plus exclusives de tous les temps, sur l'un des
plus grands centres d'essais de la planète. Réveil à cinq heures du
matin. Ça tombe bien, je ne dormais pas bien. La première note du
carillon me fait sursauter et atterrir directement sous la douche.
Rasé de loin et peigné, en trois minutes chrono. Un double expresso
et une demi-heure plus tard, la navette qui nous conduit jusqu'au
circuit s'arrête devant une entrée protégée comme une ambassade,
celle du Nardo Technical Center. Deux cerbères opinent du chef et
notre Caravelle se relance, en direction d'une aire gigantesque et
plate comme un billard. Un plateau de bitume, sur lequel on nous
présente le menu du jour, entrée, plat, dessert : une Aventador
classique, une Superveloce et la Centenario. « La » Centenario, et
non pas « une » Centenario, puisqu'il s'agit d'une présérie. La
production des 40 exemplaires, 20 coupés et 20 roadsters, débutera
à l'automne. Et Maurizio Reggiani, le directeur de la Recherche et
du Développement de Lamborghini, de détailler le programme des
réjouissances. « Nous avons prévu une série d'exercices pour que
vous puissiez comparer ces trois Lamborghini. La première chose à
faire, c'est de vous remettre en mémoire l'accélération de la SV.
Vous allez faire des launch control sur la longue ligne droite qui
est là-bas. Souhaitez-vous qu'on vous réexplique la procédure de
départ ? » Pas mal, comme radio-réveil.
Découvrez nos impressions en vidéo au volant de la
Lamborghini Centenario.
Chaud devant !
Le centre d'essais de Nardo, près de Brindisi, dans le sud de
l'Italie, c'est La Mecque de la mise au point automobile. Une
vingtaine de pistes étalées sur 700 hectares, dont le fameux anneau
de vitesse de 12 kilomètres de circonférence, qui permit à Mercedes
d'accrocher les 403 km/h avec la C111 en 1979 et à Coluche de
parcourir un kilomètre lancé à 252 km/h au guidon de sa 750, en
1985. C'est ici que nous avions réuni cinq missiles en 2002, à
l'occasion d'un Sport Auto Spécial Vitesse. Depuis, le circuit est
devenu la propriété de Porsche Engineering, filiale de Porsche AG,
d'où les accointances avec le cousin Lamborghini. Mais n'allez pas
croire que le personnel de Sant'Agata y soit au Club Med' en open
bar. « Les pistes sont tellement louées aux constructeurs que
chaque heure est comptée précieusement », explique Rita Passerini,
de la communication Lamborghini. Maurizio Reggiani lui emboîte le
pas. « C'est une journée un peu spéciale pour vous, et pour nous.
Vous allez conduire les Aventador et la Centenario, puis les noter
de 1 à 10, en ce qui concerne le comportement dynamique, le moteur
et toutes les différences que vous remarquerez entre les modèles.
La production de la Centenario n'a pas commencé, et nous pouvons
encore modifier de petites choses sur la voiture. Avoir le regard
de personnes extérieures à l'usine est toujours intéressant pour
nous. Nous débrieferons votre expérience, en fin de séance
d'essais, avec nos ingénieurs. Voici vos cahiers de notes. » Je
n'ai jamais été aussi heureux d'avoir des devoirs de vacances.
Les premiers tours de roues au volant de l'Aventador de série sont
une bonne révision des classiques. L'auto est lourde, mais
volontaire lorsqu'il s'agit de plonger à la corde, puis s'allège,
comme par enchantement, lorsqu'on allume le pétard en sortie de
virage. La motricité ? C'est propre et sans bavure, grâce aux
quatre roues motrices. Pas de surprise, donc, juste du plaisir, et
encore du plaisir. Mais passons aux choses sérieuses (!). La
Superveloce, ou plutôt, la super Superveloce. « Ce modèle est un
exemplaire de développement que nous appelons SV laboratory. Il est
équipé du système de roues arrière directrices de la Centenario »,
poursuit Reggiani en désignant le siège conducteur de la main
droite. « Prego ! » Direction le slalom géant, un peu comme celui
des rollers devant Notre-Dame de Paris, mais avec des plus grosses
roues. Des 355/25 ZR 21 à l'arrière, en l'occurrence, qui donnent
désormais l'impression de pivoter sur elles-mêmes.
Dès les premiers cônes du slalom, la SV laboratory est très
différente de l'Aventador classique. Le système RWS pour Rear
Wheels Steering procure un progrès sensible en dynamisme. Pour
mémoire, les roues arrière tournent dans le sens contraire des
roues avant à basse vitesse, pour favoriser l'agilité dans les
virages lents, et dans le même sens que les roues avant à hautes
vitesses, pour améliorer la vitesse de changement de cap, tout en
garantissant la stabilité. De fait, l'Aventador laboratory est plus
rapide à plonger dans le virage et plus véloce pour enchaîner les
changements de cap, tout en conservant une stabilité inébranlable.
Fin des révisions.
Countach
Si le terme Countach désigne, en argot piémontais, l'expression
d'étonnement et d'admiration devant quelque chose de très
spectaculaire, alors il s'applique à la Centenario. Non pas qu'elle
arrive à la cheville de la vraie Countach en termes de style, ni
qu'elle parvienne à égaler le dixième de la grâce de la Miura, mais
il faut quand même reconnaître la présence spectaculaire qu'elle
impose dans la réalité. Je dois pourtant avouer que j'étais loin
d'être emballé lorsque j'ai découvert son profil de Goldorak sur le
stand du Salon de Genève 2016. « L'arrière ? On dirait, un Gillette
à 5 lames », s'exclame un internaute qui regrette la pureté des
Lamborghini d'antan, dont les traits de crayon étaient autant de
coups de génie. Pas faux. Mais loin des spots des Salons, la vraie
vie rend justice à la Centenario. Le charisme qu'elle dégage en
roulant et sa façon de capter la lumière du jour sont réellement
hypnotisants. A l'intérieur, en revanche, je m'attendais à
davantage de différences par rapport à la SV de série. Hormis les
matériaux et l'écran central agrandi, ce n'est pas le jour et la
nuit. « Nous avons concentré nos efforts sur les fonctionnalités et
connectivité », précise Thomas Richter, directeur de la Recherche
et du Développement électronique de Lamborghini.
Il poursuit. « Nous avons deux caméras embarquées dans la voiture
et nous pouvons charger les tracés des circuits et analyser les
données. Nous pouvons même avoir une vue fantôme de la voiture
pendant son meilleur tour en piste, par exemple, pour comparer les
chronos en live. » Sympa, mais on n'est pas là pour du virtuel.
Action !
La Centenario démarre et couvre le ralenti de l'Aventador d'une
octave. Dès les premiers tours de roues, le bruit de l'échappement
est beaucoup plus élevé que celui du V12 Aventador, dont la voix
est magique de l'extérieur mais trop étouffée de l'intérieur. C'est
aussi plus sonore que dans la SV, mais le timbre reste mécanique,
au contraire de la plupart des supersportives dont les silencieux
couvrent la musique du moteur. Et quelle musique ! C'est l'opposé
du V12 de la Pagani Huayra, par exemple. La Lamborghini incite à
grimper dans les aigus, à sortir la cravache et à tirer sur les
rapports. Non pas qu'elle soit molle à bas régime, mais c'est à
partir de 6 000 tours que la magie opère vraiment. Pour mémoire,
les motoristes de Sant'Agata décalent le rupteur à 8 600 tr/mn,
soit 350 tr/mn de plus que l'Aventador classique et 100 tr/mn de
plus que la SV. La puissance en profite ainsi pour culminer à 770
chevaux, contre 750 pour la SV. Une différence relative donc,
d'autant que l'écart de poids, de l'ordre de 5 kg entre les deux
modèles, est insoupçonnable. Au volant, en revanche, il y a des
choses à dire. A commencer par une sonorité plus marquée dans la
Centenario, dont le V12 atmo reste l'une des plus extraordinaires
machines à sensations du marché. Quant à savoir s'il s'agit de « la
» plus extraordinaire, c'est une autre histoire. Au titre convoité
du meilleur moteur du monde, je continue de penser que la Ferrari
F12 tdf conserve une longueur d'avance. Sa réponse plus instantanée
à bas régime, son absence absolue d'inertie et sa force
exponentielle jusqu'au rupteur remportent le bras de fer, face à
Lamborghini.
A l'usage, le V12 de la Centenario donne l'impression d'être un peu
moins aérien que celui de la Ferrari. Même si Sant'Agata n'a rien à
envier à Maranello en matière de sonorité et de vibrations à moyens
régimes. La boîte de la Centenario, en revanche, ne joue pas dans
la même cour. Elle est infiniment plus rapide et progressive que
celle des toutes premières Aventador, mais cela reste une
transmission à simple embrayage, dans une galaxie où la rapidité
des boîtes à double embrayage sert de mètre étalon. En clair, c'est
plus progressif, même si ça reste un poil rustique. Voyons le verre
à moitié plein, la rupture de couple au changement de rapport donne
l'impression d'une poussée moins linéaire, donc plus forte en
sensations, qu'avec une boîte à double embrayage.
Fulguropoing
L' aérodynamique de la Centenario est totalement repensée. Elle
est bien plus efficace que sur l'Aventador classique, et moins
radicale que celle de la SV, grâce à l'aileron automatique à 3
positions. La différence est sensible au volant, avec l'impression
d'une stabilité hors pair et le sentiment de pousser moins d'air.
En clair, la Centenario a un toucher plus fin que celui de la SV.
Précisons que l'aileron se règle en fonction des modes de conduite,
Strada, Sport ou Corsa. Ces derniers agissent sur le moteur, la
boîte, la direction active, la suspension électromagnétique, les
roues arrière directrices, la répartition du couple et les aides
électroniques à la conduite. Par exemple, le mode Sport est conçu
pour privilégier le couple sur les roues arrière, et le mode Corsa,
pour la recherche de la performance et l'efficacité. Ce dernier
fait apparaître une Centenario très équilibrée, ultra-stable,
performante et progressive, presque prévenante.Mention spéciale
pour le contrôle de trajectoire, qui prévient des mauvaises
surprises, sans être intrusif en mode Corsa. Idem pour le système
des roues arrière directrices dont l'effet n'a rien d'artificiel.
La suspension électromagnétique renvoie celle de l'Aventador
classique au rang de ressort à lames.
Dans les mêmes conditions, l'Aventador donne l'impression de
pomper, de prendre du roulis et/ou de sous-virer. Et surtout, la
Centenario confère le sentiment de repousser les limites de la SV,
tout en les rendant plus faciles à cerner, grâce à une lecture plus
fine de la route. Quant à savoir si l'écart de prix de la
Centenario est justifié, je ferai une réponse de Normand. C'est
non, en termes de sensations au volant, mais oui, en termes de
placement. Quand on voit flamber la cote des Veneno, on se dit que
ce n'est pas forcément idiot du point de vue financier. Et surtout,
pendant ce temps-là, nous, on continue de rêver.
Lamborghini Centenario : le verdict
> L'avis de Laurent Chevalier
Ce n'est pas le jour et la nuit par rapport à l'Aventador SV, on
s'en doutait. Mais la Centenario répond parfaitement à la
définition des supercars : les roues arrière motrices apportent un
vrai plus à cette vitrine technologique dont la production
ultra-limitée garantit une exclusivité absolue.
Fiche technique
Découvrez la fiche technique et les performances annoncées de la
Lamborghini Centenario:
> Performances annoncées :
V. max : 350 km/h
0 à 100 km/h : 2''8
0 à 200 km/h : 8''6
0 à 300 km/h : 23''5
> Technique
Moteur : V12 atmo
Cylindrée : 6 498 cm3
Puissance maxi : 770 ch à 8 500 tr/mn
Couple maxi : 70,3 mkg à 5 500 tr/mn
Transmission : intégrale, robotisée à 7 rapports
Autobloquant + contrôle de trajectoire : de série
Poids annoncé : 1 520 kg (à sec)
Rapport poids/puissance : 1,97 ch/kg
L x l x h : 4 924 x 2 062 x 1 143 mm
Empattement : 2 700 mm
Pneumatiques AV & AR : 255/30 ZR 20 & 355/25 ZR 21
Prix de base : 2 100 000 € (production limitée à 20 coupés et 20
roadsters)


