Une course, une histoire : festival "tricolore" au Grand Prix du Brésil 1980
En 1980 à Interlagos, le Français Jean-Pierre Jabouille détermine au Grand Prix du Brésil de Formule 1 des réglages efficaces pour les Renault, dont la domination sera concrétisée par so, compatriote René Arnoux. Sport Auto remonte le temps.
La saison 1980 avait très mal commencé en
Argentine pour les deux équipes françaises Ligier
et Renault, dont on attendait beaucoup. Elles n’y avaient guère
fait illusion, notamment Renault.
Qui se trouvait, en outre, au centre d’un affrontement
politique entre la fédération internationale et
l’association des constructeurs (FOCA), cette dernière, dirigée par
Bernie Ecclestone, prônant l’interdiction
des moteurs turbo dont l’existence mettait en péril le
moteur Ford-Cosworth qui propulsait les F1
anglaises… et les Ligier.
Les conflits étaient nombreux et d’ordres divers,
l’un d’eux opposant notamment les pilotes à Ecclestone dont les
prérogatives ne cessaient de croître. Les pilotes, emmenés par le
champion du monde Jody Scheckter, jugeaient
dangereux le circuit d’Interlagos à São
Paulo où devait être disputée la 2e manche du
championnat.
L’autorité d’Ecclestone fut la plus forte et le Grand Prix du Brésil eut
finalement bien lieu comme prévu, le 27 janvier
1980, deux semaines après l’Argentine. A cette époque,
Interlagos était très différent de ce qu’il est de
nos jours. Il se développait sur un vaste parcours de 7,814
km comportant des difficultés très variées. Sur ce tracé
exigeant, les F1 étaient mises à rude épreuve.
La surprise fut d’autant plus grande d’y voir une
Renault dominer l’opposition dès les essais. A son
volant, Jean-Pierre Jabouille avait pleinement
exprimé son talent de metteur au point. Il avait déterminé des
réglages d’une efficacité aussi surprenante qu’indiscutable.
« Jean-Pierre a trouvé un réglage de suspension nous
ayant permis d’utiliser correctement nos pneus Michelin, rendant la
voiture très performante en tenue de route », devait confirmer
René Arnoux après sa victoire.
Quatre Français en tête !
Vif comme l’éclair, à son habitude, Gilles
Villeneuve prit un départ foudroyant, glissant habilement
sa Ferrari entre la Renault (Jabouille) et la
Ligier (Pironi) qui occupaient la première ligne.
Il aborda en tête la longue descente
rectiligne.
A l’inverse, soucieux d’épargner son
embrayage, Jabouille n’était que 4e. Mais il régla
le compte des Ligier de Pironi et
Laffite avant la fin du premier tour, anéantissant
les espoirs de Villeneuve dès le suivant. Faute d’adhérence, la
Ferrari ne tarda pas à sombrer, laissant en tête quatre des
sept Français au départ : Jabouille, Laffite, Pironi et
Arnoux !
Le feu d’artifice connut un premier à-coup dès le
quatrième passage, Pironi rentrant au stand, à la totale surprise
de l’équipe Ligier, pour un réglage de barre
antiroulis qu’il aurait pu effectuer lui-même au moyen
d’une mollette prévue à cet effet.
Il regagna la course en 21e position, loin du trio
de tête. Jacques Laffite y produisait bonne figure : il parvenait à
garder Jabouille en point de mire, alors qu’Arnoux, chaussé de
Michelin plus durs que ceux de Jabouille, était légèrement
distancé.
Au 14e des 40 tours,
Laffite fut soudain immobilisé par une panne
électrique, laissant les deux Renault contrôler la
situation, Jabouille avec 12 secondes d’avance sur
Arnoux. On crut le leader précautionneux quand la
confortable avance qu’il s’était assurée sur Arnoux commença à
s’amenuiser.
Mais c’était plus sérieux : un turbo faiblissait sur la
Renault de tête, provoquant un fâcheux temps de réponse à
chaque accélération. Il céda au 25e tour, arrêtant Jabouille pour
le compte et ouvrant largement la voie de la victoire à
René Arnoux. A condition bien sûr qu’aucune menace
ne surgisse de l’arrière pour mettre à mal le Grenoblois.
Mais ce ne fut pas le cas. Et cela malgré une très belle
prestation du jeune Romain Elio De Angelis (22 ans) qui
avait brillamment repris le flambeau pour Lotus après l’élimination
de son leader, Mario Andretti, sorti de la route
dès le deuxième tour. De Angelis roulait tambour battant.
Il avait été le seul à opposer un semblant de résistance au quatuor
français Jabouille - Laffite - Pironi - Arnoux en début de course.
Ce dont s’était avéré incapable Alan Jones
(Williams) que l’on attendait en
de meilleures dispositions après sa victoire initiale, en
Argentine.
Mais De Angelis avait réussi à le mettre à
distance, preuve que Colin Chapman avait visé juste en
l’enrôlant auprès d’Andretti à l’issue de sa première saison en F1
accomplie chez Shadow.
Arnoux
contrôlant aisément sa position de leader, la course aurait pu
devenir ennuyeuse. Mais tel ne fut pas le cas. En premier lieu
grâce à Didier Pironi, que son arrêt imprévu avait
relégué en queue de peloton. Mais qui réussit à joliment se
frayer un passage parmi les retardataires pour finalement
se hisser à une 4e place inespérée.
Le coriace Patrese
Alain Prost, qui n’en était qu’à son
deuxième grand prix en F1, contribua lui aussi à
animer la fin de course à travers un duel épique qu’il livra à
Riccardo Patrese (Arrows) pour l’obtention de la
5e place. Patrese avait déjà montré, en offrant une belle
résistance à Pironi, qu’il n’était pas homme à céder sa place sans
combattre.
Prost (McLaren) en fit l’expérience à son tour. Mais comme Pironi
un peu plus tôt, il finit par trouver une brèche
dans laquelle il se faufila, dérobant joliment la 5e place au
coriace Italien. Après la 6e place obtenue dès ses
débuts en Argentine, ce résultat soulignait à l’évidence que Prost
était promis à un brillant avenir.
Chez
McLaren, il n’avait pas attendu pour reléguer son équipier
John Watson au second rang. Sur le podium, Arnoux,
triomphant, avait des raisons bien plus tangibles encore de se
réjouir.
Même s’il ignorait qu’en vertu de la bienvenue « loi des
séries », un sort aussi favorable l’attendait dans
l’épisode suivant : les Renault allaient dominer le Grand
Prix d’Afrique du Sud et un nouvel abandon de Jabouille
(crevaison) résulterait sur une seconde victoire de René
Arnoux. Aussi heureuse et méritée que la première.
Classement du Grand Prix du Brésil 1980
- 1. Arnoux (Renault), 318,400 km en 1h40’1’’35 (188,933 km/h)
- 2. De Angelis (Lotus), à 22’’
- 3. Jones (Williams), à 1’6’’
- 4. Pironi (Ligier), à 1’40’’
- 5. Prost (McLaren), à 2’25’’


