Essai - Pininfarina Battista Edizione Nino Farina : sous haute tension !
Que vous aimiez les voitures électriques ou non, la Pininfarina Battista reste une vraie curiosité. Aussi bien en matière de design que de puissance annoncée : 1 900 ch ! Nous sommes allés à sa rencontre, près de Turin, en Italie.
Le premier épisode se déroule un beau jour de juillet 2024, dans la région de Turin, en Italie, au siège d’Automobili Pininfarina. Des gens passionnés et avenants, qui me tendent les clés d’une somptueuse Battista.
Je ne résiste évidemment pas. Sans être un grand fan de voitures électriques, il y a de quoi être intrigué. Notamment pour expérimenter une poussée sans équivalent : 1 900 ch !
Autant dire qu’en deux temps, trois mouvements, j’expédie les préliminaires et j’écrase l’accélérateur au plancher. Alors ? Mouais. Ça pousse, c’est certain, mais pas plus qu’une bonne pompe à feu.
En tout cas, pas autant que cela devrait le faire avec une puissance aussi abracadabrantesque. Je m’en enquiers auprès de mes hôtes, qui s’empressent de passer la voiture au peigne fin et décèlent une anomalie technique.
Fin du premier épisode. Un deuxième rendez-vous est pris, six mois plus tard, en prenant soin d’éviter les périodes pluvieuses de la fin de l’année.
Vraie vie
La seconde rencontre se déroule en février, par un jour froid et sec. Pas les conditions absolument idéales en matière de température, juste la vraie vie. Disons que c’est le genre de météo qui ne vous empêcherait pas d’aller faire un tour avec votre Pagani.
C’est l’ingénieur et metteur au point Georgios Syropoulos lui-même qui m’ouvre la route au gré des collines piémontaises. Impossible d’accélérer franchement pour l’instant, faute de ligne droite adéquate.
Je prends le temps de me familiariser avec la Battista, dont la coque carbone confère une impression de rigidité exemplaire. Et un curieux sentiment de ne pas avoir de limites.
Malgré ses 2 300 kg (!) revendiqués, l’auto se révèle être d’une agilité très inattendue. Un poids d’enclume mais une sensation de plume. Il faut dire que la répartition du couple entre les quatre roues est d’une rapidité et d’une complexité qui laissent pantois.
Georgios explique son mode d’emploi : "Pour obtenir une efficacité optimale, il ne faut pas être hésitant. Plus vous serez clair, plus vous donnerez la priorité à l’algorithme et au contrôle dynamique, et plus ils adapteront la propulsion et la direction. Si vous êtes indécis ou entre deux eaux, l’algorithme essaiera toujours d’optimiser mais sans trancher. Donc en sortie de virage, il ne faut pas craindre d’appuyer sur le champignon. Je veux dire vraiment, au plancher, à 100 %. Parce qu’à mi-régime, c’est un autre sous-programme qui fonctionne. Mais une fois que l’on appuie complètement sur la pédale d’accélérateur, ça change tout. C’est pourquoi si vous me regardiez conduire sur un circuit, vous verriez que mon comportement n’est jamais hésitant. C’est On ou Off. Il est rare que je maintienne l’accélérateur sur une même position. Seulement sur une section de la piste de Nardò, comme contre-exemple, où vous soulevez trop la voiture avec l’accélération et vous perdez de la force d’appui Mais dès que vous avez atteint le point de corde, voire avant, vous devez redonner toute la puissance nécessaire. C’est vraiment à ce moment-là qu’il faut mettre la gomme."
A ce propos… notre Battista est montée en Sport Cup 2 et non pas Cup 2 R. Et comme il fait 5 °C et que les routes sont poussiéreuses, on va d’abord y aller mollo. En gardant à l’esprit que la Pininfarina développe son plein potentiel dans une fenêtre réduite.
Georgios poursuit : « Le mode Furiosa a été particulièrement travaillé avec les Cup 2 R. Le cœur du développement et la mise au point ont été effectués avec une température de 90 °C du pneu, qui est sa plage optimale. Tant que vous n’êtes pas dans cette fenêtre de température, le niveau n’est pas approprié pour que les contrôles prennent le relais. C’est une recherche constante de solutions, un problème mathématique en fin de compte, la résolution de la meilleure combinaison, à partir de données de direction et de transfert de charge sur chaque roue. Et en sachant cela, l’électronique connaît la charge et peut calculer la demande de force ainsi que le niveau à appliquer. Toute cette boucle se produit en temps réel, et la voiture a toujours une longueur d’avance sur vous. »
Même chose en ce qui concerne l’accélération longitudinale. « Il faut que les pneus aient une température optimale et que vous ayez une bonne surface. Car la limite, c’est très, très souvent le pneu aujourd’hui. Ce ne sont plus les moteurs. »
De quoi attiser ma curiosité et espérer patiemment qu’une ligne droite assez longue se profile devant le pare-brise pour mettre le feu aux poudres. Pensez donc, moins de 2’’ annoncées de 0 à 100 km/h et moins de 5’’ revendiquées pour atteindre les 200 ! Six mois que j’attends cela.
Voilà enfin qu’une départementale déserte et rectiligne s’offre à moi. Je m’assure d’être sur le mode Furiosa avec la molette de gauche et j’écrase la pédale de droite sans retenue. La Battista se projette en avant… mais pour arrêter le suspense, autant le dire tout de suite : j’ai connu plus violent.
J’ai l’impression que la poussée n’est pas plus élevée que sur une Ferrari SF90. Disons qu’au doigt levé, il y a un bon millier de chevaux, mais pas beaucoup plus.
Non pas que je crache dans la soupe, mais la sensation physique que je ressens ici ne correspond pas à ce que j’escomptais avec une puissance de 1 900 ch (même pour 2,3 t).
L’explication proviendrait des conditions d’adhérence, qui empêchent de libérer toute la puissance, même en mode Furiosa. Trop chaud en juillet, trop froid en février : pas évident de trouver la bonne fenêtre de tir. En revanche, il y a quelque chose que l’on ne pourra pas lui retirer, c’est son agilité. Edifiante !
Instantané
La Battista, qui reprend la base de la Rimac Nevera, dispose de sa propre géométrie de suspension avant, de ressorts, amortisseurs, jantes et pneus spécifiques ainsi que de son propre arceau de sécurité.
Tout le développement du châssis n’a donc rien à voir avec celui de la Nevera. Toutefois, le principe de base demeure : quatre moteurs électriques, un par roue, qui agissent de manière indifférenciée et surtout instantanée. Pas comme le café soluble, mieux, en temps réel.
Lorsqu’un différentiel, même électronique, calcule et distribue le couple sur un même essieu, la Pininfarina, elle, est déjà deux virages plus loin. Georgios explique : « Notre temps de réponse du vecteur de couple est de l’ordre de 5 millisecondes, ce qui est incroyable. Il n’y a jamais aucun délai, aucune latence. Un moteur à combustion ne pourra jamais atteindre les temps de réponse que nous avons ici. Actuellement, la meilleure transmission à double embrayage nécessite de 60 à 70 ms, bien que les fabricants annoncent 30 à 40 ms parce qu’ils ne comptent pas les phases d’accouplement qui doublent le délai ni l’éventuel temps de réponse d’un turbo. Ici, c’est immédiat, instantané, très fluide, et une fois que vous vous y êtes habitué, vous sentez la différence lorsque vous revenez à d’autres types de propulsion. »
S’ajoutent à cela quatre modes de conduite pour coller à chaque utilisation (Calma, Pura, Energica et Furiosa) et un cinquième personnalisable (Carattere). Le mode Calma s’en tient à 500 kW (680 ch) et à une vitesse maximale de 200 km/h.
La Battista fonctionne alors en simple traction mais peut repasser en intégrale à la demande, de façon totalement imperceptible au volant. C’est le mode autonomie employé pour l’homologation WLTP, qui permet d’annoncer 476 km – même si mon parcours routier me fait dire que la réalité est plus proche des 200 à 250 km.
C’est également le mode dans lequel l’amortissement est réglé au plus soft parmi les trois positions possibles (Standard, Sport et Piste). Ensuite, le mode Pura monte la barre à 745 kW (1 013 ch) et 280 km/h, avec les 4 roues motrices permanentes et une répartition de 65/35 %, ajustée en fonction des conditions, mais sans vectorisation du couple, c’est-à-dire comme avec un différentiel ouvert.
Si l’électronique n’aide donc pas encore la voiture à tourner, elle la stabilise sur le mouillé. Puis le mode Energica grimpe à un potentiel de 1 100 kW (1 496 ch) avec une vectorisation du couple, un tarage d’amortisseur plus ferme et une direction plus dure.
Enfin, le mode Furiosa opte pour un Torque Vectoring agressif et libère la puissance totale, avec une vitesse maxi limitée à 350 km/h en raison des pneumatiques. Sur route ouverte, le mode Energica est amplement suffisant.
La Battista virevolte ainsi de virage en virage, tout en gardant un filet électronique appréciable en cas de baisse soudaine d’adhérence, ce qui est fréquent sur les départementales sinueuses de notre essai. Dans ces conditions de roulage, les 2 300 kg passent tout à fait incognito.
Pour mémoire, la répartition du poids entre essieux est comparable à celle d’une Super GT à moteur central arrière. En sachant que la batterie pèse environ 750 kg, chaque moteur avant fait 20 kg et chaque arrière 40 kg, ce qui correspond à un total de 870 kg.
Pour juguler cette inertie, des freins en carbone-céramique sont appelés à la rescousse. Cette virée sur départementale n’a évidemment pas permis d’en tester une quelconque limite, mais le toucher à la pédale n’est pas aussi direct que sur une 911 GT3 avec option PCCB du fait de la régénération.
Reste la question de savoir ce que la Battista apporte par rapport à une Pagani Utopia ou une Aston Martin Valkyrie, par exemple, pour un tarif similaire.
Le débat est ouvert, entre ceux pour qui elle a le mérite de défricher des zones inexplorées, où l’électronique repousse les limites du dynamisme, et ceux qui se demandent à quoi bon, puisque c’est au prix d’une absence de sensations mécaniques, dans un exercice qui nous a habitués à les exalter.
J’ai bien ma petite idée, même si je demeure ouvert à la discussion. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la plage d’utilisation optimale de la Battista est très restreinte.
L'avis de Laurent Chevalier : 4/5
Quatre feux verts avec le bénéfice du doute à l’égard de l’accélération maximale, que je n’ai pas pu expérimenter faute de pouvoir réunir les conditions (adhérence, température, etc.) malgré deux tentatives. L’aspect positif concerne la mise au point et l’agilité de la voiture, qui se conduit au doigt et à l’œil, malgré son poids élevé.
Pininfarina Battista Edizione Nino Farina : fiche technique
- Moteurs : 4 électriques
- Puissance maxi : 1 900 ch
- Couple maxi : 238,5 mkg Batterie : 120 kWh net
- Puissance de recharge : 250 kW
- Transmission : intégrale
- Antipatinage/autobloquant : de série + Torque Vectoring
- Poids annoncé : 2 300 kg
- Rapport poids/puissance : 1,2 kg/ch
- L - l - h : 4 912 - 2 240 avec rétros - 1 214 mm
- Empattement : 2 745 mm
- Pneus AV & AR : 265/35 R 20 & 325/30 R 21
- Prix de base : 3 100 000 €
- Prix des options/bonus : NC/0 €
- Prix du modèle essayé : 3 100 000 € sans les options
- V. max. : 350 km/h
- 0 à 100 km/h : 1”86
- 0 à 200 km/h : 4”75
Retrouvez notre essai de la Pininfarina Battista Edizione Nino Farina dans le Sport Auto n°759 du 28/03/2025.