Essai - Mercedes-AMG SL 63 S E Performance : que valent ses 816 ch ?

Publié le 3 janvier 2025 à 13:35
Mis à jour le 3 janvier 2025 à 13:40
Essai - Mercedes-AMG SL 63 S E Performance : que valent ses 816 ch ?

Une puissance de 816 ch, une vitesse maxi de 317 km/h et un prix dépassant largement les 230 000 € : le tout nouveau Mercedes-AMG SL 63 S E Performance ne fait pas les choses à moitié ! Mais que vaut-il dans la vraie vie ? Eléments de réponse après un road trip de 800 km dans le Grand Nord (de la France).

Les gens du Nord / Ont dans le cœur le soleil / Qu’ils n’ont pas dehors », chantait Enrico Macias. Pourtant, en cette fin septembre où toute la France est occupée par une monstrueuse dépression atmosphérique, le soleil fait de la résistance dans le Nord et illumine beffrois, terrils et maisons en brique rouge.
Ou du moins, c’est ce que nous promet Météo‑France ! Avec l’ami Laurent, nous décidons donc de faire fi des quolibets de nos amis (« Aller chercher le soleil dans le Nord, quelle idée ! ») et choisissons de nous rendre en pays ch’ti. Mais il faut d’abord ranger armes, bagages et matériel photo, et ce n’est pas gagné, parce que notre monture pour ce road trip est déjà pleine comme un œuf !
Dans ses 4,70 m de long, ce plantureux cabriolet parvient en effet à glisser un V8 biturbo, une boîte automatique à 9 rapports, un moteur électrique, une autre boîte (à 2 rapports celle‑ci) destinée à ce dernier, une transmission intégrale et une batterie lithium contenant 560 cellules.
Sans compter la suspension pilotée avec antiroulis actif, les roues arrière directrices… et les quatre places. Enfin, plutôt deux, car si vous aimez vraiment vos enfants, vous éviterez de les installer sur ces strapontins !
Pour notre part, nous nous contenterons d’y loger les bagages ne tenant pas dans le (trop) petit coffre de 110 l. La faute à la batterie, située juste en dessous. Avec sa capacité de 6,1 kWh, elle promet une autonomie de 13 km en mode électrique, mais AMG s’empresse de préciser que cet accumulateur « est conçu pour un débit rapide de la puissance », sous‑entendu pas pour aller tailler des croupières aux Toyota Prius.
Il n’empêche : avec ses 175 g/km de CO2 , le SL 63 S E Performance vous permettra d’économiser 45 675 € de malus par rapport au SL 63 ! Vous allez me dire qu’avec un tarif hors options de 230 650 €, nous ne sommes plus à ça près, mais c’est toujours ça que le fisc n’aura pas…

Hybride jusqu’à l’intérieur

On s’installe à bord et l’on découvre un habitacle qui ne sait pas trop s’il appartient à une super‑GT ou à un luxueux cabriolet. Côté pile, on note les abondantes décorations en carbone (pack à 2 800 €), le volant habillé de microfibre et doté des désormais traditionnelles molettes permettant de piloter mécanique et châssis ou encore les sièges baquets Performance AMG (1 750 €).
Côté face, l’habitacle est intégralement tendu d’un superbe cuir Nappa truffe, les sièges sont électriques et à mémoire (et sont bien évidemment chauffants et ventilés) et la sono Burmester crache 1 220 W en Dolby Atmos au travers de 17 haut‑parleurs (4 500 € tout de même !).
Nous quittons la grise banlieue parisienne à l’heure où blanchit la campagne, en croisant des passants mal réveillés qui se frottent les yeux en voyant glisser dans les faubourgs du Neuf‑Trois cet impressionnant bolide à face de squale qui évolue dans un silence surprenant. Mirage ou fantôme ?
Aux modestes allures urbaines et avec sa batterie chargée, le SL joue en effet les sages voitures électriques, et son V8 reste en sommeil. En pressant la molette de droite du volant, on peut même ajuster la récupération d’énergie de manière à bénéficier d’un surcroît de frein moteur.
Ainsi, pas besoin d’utiliser la pédale de gauche dans le trafic : très reposant ! Cabriolet de luxe alors ? Peut-être, mais la suspension brouille le message. Dotée de ressorts hélicoïdaux, d’amortisseurs pilotés et de vérins hydrauliques interconnectés remplaçant les traditionnelles barres antiroulis, elle gomme avec une grande efficacité les dos-d’âne, mais trépide sur les petites inégalités, bouches d’égout et les pavés entre autres.
Heureusement, les sièges sport, aux rembourrages un peu minces au premier abord, se révéleront confortables au cours de ce road trip.

Plus de peur que de mal

Deux heures d’autoroute nous séparent d’Arras, notre première étape, et le plafond est tellement bas que les éoliennes picardes caressent les nuages ! Le V8 ronronne sur le neuvième rapport, et le SL cajole ses occupants : bruits de roulement admirablement bien filtrés, épaisse capote permettant de discuter sans avoir besoin de hausser la voix et excellente position de conduite épargnant toute fatigue.
Quant au GPS, il nous indique même le chemin grâce à un affichage en réalité augmentée dans l’écran central ! On préférerait cependant disposer des mêmes informations dans l’affichage tête haute, ce qui éviterait de devoir quitter la route des yeux.
Il est 9 h 30 lorsque nous atteignons Arras, et si le soleil ne brille pas sur la préfecture du Pas-de-Calais, il ne pleut toujours pas ! La sublime place des Héros, dominée par son hôtel de ville du xvie  siècle surmonté d’un beffroi culminant à 75 m, est inaccessible en voiture, mais ce n’est pas le cas de la Grand-Place, ceinturée de façades de style hispano-flamand en bas desquelles des arcades abritent commerçants et restaurants.
Le SL y pose donc ses roues sans délicatesse (2 120 kg à vide annoncés…), et les pavés arrageois permettent de constater que si la rigidité de la coque est de très bonne facture, cette chaussée dégradée fait vibrer la baie de pare-brise et la colonne de direction. On note aussi quelques menus à-coups de transmission.
Mais voilà qu’au beau milieu de nos prises de vues, l’auto fait des siennes ! Un témoin de batterie rouge s’allume au tableau de bord, tandis que l’affichage indique « Groupe motopropulseur indisponible ». Effectivement, la voiture s’immobilise en pleine voie, et refuse de redémarrer, même après en être descendu et l’avoir verrouillée quelques secondes.
A peine commencé, le reportage serait-il déjà fini ? Coup de fil au monsieur de chez Mercedes, qui, bien embêté, en réfère à l’ingénieur maison. Ce dernier pense qu’il s’agit d’un problème de (dé)charge de la batterie 12 V et conseille de fermer l’auto et d’éloigner la clé pendant une bonne demi-heure afin que le SL entre en « sommeil » électronique, une hibernation qui devrait permettre aux systèmes de se réinitialiser.
Ni une ni deux, je referme tout (y compris la capote, sait-on jamais !) et tends les clés à Laurent qui s’en va me soutenir mentalement devant un café bien chaud ! Pendant ce temps, j’organise le trafic, la voiture étant bloquée, boîte en prise, au beau milieu de la voie de circulation.
Heureusement, la population locale se montre dans son immense majorité compréhensive… Après ces longues minutes (toujours sans une goutte de pluie !), Laurent me rapporte les clés et… hourra ! L’auto redémarre comme si de rien n’était… à l’exception d’un témoin moteur qui finira par disparaître plus tard dans la journée.
Peut-être par superstition, nous décidons alors de quitter Arras et de continuer vers Lille, où nous déjeunons puis mettons le cap au nord-ouest en direction de Dunkerque. Mais avant d’atteindre la côte, nous faisons un détour par Bergues, charmante bourgade protégée par une imposante forteresse Vauban, mais surtout connue pour avoir servi de décor au film Bienvenue chez les Ch’tis.
Seize ans plus tard, la ville garde encore la mémoire de ce tournage, avec par exemple un mannequin de postier à l’effigie de Dany Boon ornant la façade d’une taverne près de la porte de Dunkerque. Mais Bergues séduit surtout par ses ruelles étroites et ses canaux bordés de petites maisons en brique claire.
Sa batterie haute tension étant vide depuis belle lurette, le SL bascule du tout-électrique à très basse vitesse au grondement sourd du V8, qui résonne comme un moteur de remorqueur le long des façades. Des sensations étranges, mais pas désagréables, d’autant que le redémarrage du bloc thermique se fait dans la douceur.

Un potentiel non exploité

Nous arrivons enfin à Dunkerque, et Laurent m’oriente aussitôt vers les docks. L’homme au Nikon ne sait plus où donner de la tête tant ce spot aux tendances « urbex » l’inspire. « Tu connais le jeu vidéo et la série Fallout ? On est en plein dedans ! » me lance-t-il d’un air gourmand.
Effectivement, les herbes folles poussent entre les pavés et le long de bâtiments tagués aux vitres cassées et aux façades délavées. Une ambiance post-apocalyptique qui tranche avec l’aspect sportivo-luxueux du SL 63 S E Performance.
Dans cette livrée Vert Irlande Magno Manufaktur, facturée la bagatelle de 7 100 €, il dévisse toutes les têtes sur son passage ! Mais il a bien grandi par rapport à son prédécesseur : + 93 mm en longueur, + 38 mm en largeur et + 39 mm en hauteur.
Une crise de croissance qui se ressent en ville et sur petites routes, où l’engin n’est pas des plus faciles à manœuvrer. D’autant que, malgré les roues arrière directrices de série, il braque plutôt mal.
Mais il faut reconnaître qu’il en impose, avec son long capot nervuré, ses optiques acérées et son postérieur rebondi… qui n’est pas sans évoquer celui d’une Porsche 911. Notre journée s’achève avec une délicieuse carbonnade, réconfortante spécialité flamande à base de bœuf braisé et de bière.
Mais au sortir du restaurant, le « miracle » touche à sa fin : la pluie est arrivée ! Le lendemain, au saut du lit, je tire les rideaux : il pleut toujours. Avec Laurent, nous prenons la décision de repartir plein sud, dans l’espoir d’y croiser une éclaircie.
En attendant, le Nikon reste dans son sac, et nous roulons à travers des campagnes légèrement vallonnées aux allures de bocage normand. Les routes y sont plutôt étroites et rendues glissantes par la météo et les traces boueuses des tracteurs. Pas vraiment l’endroit idéal pour lâcher les 816 ch !
Mais l’électrification permet de gommer tout temps de réponse à l’accélérateur : ça pousse tout de suite, tout le temps… et fort, bien sûr. Avec près de 145 mkg en pic lorsque les deux turbos soufflent à pleins poumons dans les bronches du V8 et que la batterie envoie tout ce qu’elle peut au moteur électrique, le SL 63 S E Performance est une force de la nature.
Dans les modes S, S+ ou Race, le système hybride force le rechargement des accumulateurs, afin d’avoir en permanence un maximum de puissance électrique sous le coude. Cela fonctionne tellement bien qu’il suffit de quelques kilomètres à bon rythme pour récupérer une charge quasi complète !
Mais l’hybridation n’a pas que des avantages : la transition entre freinage régénératif et mécanique reste compliquée à gérer, chez AMG comme ailleurs. Ici, si la pédale du milieu donne satisfaction en temps normal, elle se durcit excessivement en conduite sportive, rendant le dosage difficile.
Et puis il y a le poids, bien sûr. Pesant près de 2,3 tonnes avec deux personnes à bord, pas de miracle : malgré toute sa technologie, le SL 63 S E Performance ne se départit jamais d’une certaine inertie.
Voilà qui dissuade de trop hausser le rythme, d’autant que la direction, précise mais trop avare en sensations, ne contribue pas à rassurer le conducteur sur sol glissant.
Sans parler de l’instrumentation numérique, qui propose moult modes d’affichage différents… dont aucun n’offre les informations et la lisibilité désirées en conduite sportive. Laurent profite d’une accalmie pour faire quelques ultimes photos, puis nous programmons la navigation vers Paris.
Le chemin du retour  donne l’occasion de méditer sur cet étonnant engin qu’est le SL 63 S E Performance. Après 800 km, sa vocation ne m’apparaît pas encore clairement. Grâce à l’hybridation, il offre des performances qui donnent le tournis, tout en se montrant incroyablement docile (et discret !) en ville.
D’un autre côté, cette électrification ajoute de la masse : + 225 kg par rapport à un SL 63 4Matic+ qui n’a pourtant déjà rien d’une ballerine ! Une masse qui… pèse évidemment sur le plaisir de conduite, en réduisant l’agilité et en nuisant aux sensations.
Si bien que l’on se retrouve à préférer « cruiser » au volant de ce monstre de 816 ch plutôt que d’attaquer couteau entre les dents. Dès lors, on peut se demander quel est l’intérêt de disposer d’une telle cavalerie… Entre super GT et luxueux cabriolet, le SL 63 S  E Performance n’arrive pas à choisir, et c’est sans doute son plus gros problème.
J’en suis là de mes réflexions lorsque des gouttes de pluie viennent de nouveau frapper le pare-brise, refermant une parenthèse enchantée dans un Nord de carte postale, où, pour une fois, le soleil n’aura pas été que dans les cœurs.

L'avis de notre essayeur Vincent Desmonts : 4/5

« Hybride, pour quoi faire ? » est-on tenté de se demander en sortant du SL 63 S E Performance. Car si l’électrification apporte 231 ch de plus que sur la version SL 63 classique, elle ajoute également un embonpoint nuisible au plaisir de conduite, pour des gains somme toute assez négligeables en agrément d’utilisation quotidienne… sans même parler du malus réduit, d’un intérêt discutable à ce niveau de prix.

Mercedes-AMG SL 63 S E Performance : fiche technique

  • Moteurs: V8 32 S biturbo + 1 électrique synchrone à aimants permanents
  • Cylindrée : 3 982 cm3
  • Puissance cumulée : 816 ch (thermique : 612 ch/électrique : 204 ch)
  • Couple cumulé : 144,7 mkg
  • Capacité de la batterie : 6,1 kWh
  • Transmission : intégrale, 9 rapports auto à convertisseur (boîte à 2 rapports pour le moteur électrique) Antipatinage/autobloquant : de série/piloté
  • Poids annoncé : 2 120 kg à vide
  • Rapport poids/puissance : 2,69 kg/ch
  • L - l - h : 4 705 - 1 915 - 1 354 mm
  • Voies AV/AR : 1 660/1 625 mm
  • Empattement : 2 705 mm
  • Pneus AV & AR : 265/40 & 295/35 R 20
  • Réservoir : 70 l
  • Prix de base : 230 650 €
  • Prix des options/malus : 32 550/14 325 €
  • Prix du modèle essayé : 277 525 € (malus compris)
  • V. max. : 317 km/h
  • 0 à 100 km/h : 2’’9

Retrouvez notre essai Grand Format du Mercedes-AMG SL 63 S E Performance dans le Sport Auto n°755 du 29/11/2024.

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