Essai - Mercedes-AMG GT 63 S E Performance : que vaut la plus puissante des AMG GT ?

C’est la plus puissante des AMG GT. La plus vertueuse aussi, avec sa motorisation hybride, mais soyons honnêtes, ce n’est pas pour ses vertus écolos que la 63 S E Performance nous a séduits. Non. Nous sommes revenus subjugués par sa façon bien à elle de raccourcir les distances et de distordre le temps.
Une GT 63 ne manquait pas de grand-chose pour être la parfaite voyageuse. A coup sûr, les ressources mécaniques ne lui faisaient pas défaut. C’est pourtant ce secteur qu’AMG a décidé de revoir de fond en comble.
En reprenant la chaîne cinématique de la GT 4 portes E Performance, le coupé devient, avec ses 816 ch cumulés, l’engin le plus puissant et performant de la gamme. Sur le 0 à 100 km/h, exercice peu représentatif, je vous l’accorde, l’auto serait même encore plus véloce que la rarissime One, motorisée par un V6 de F1. Mais qui dit hybridation dit kilos en trop. Voire en trop, trop.
Entre la version V8 biturbo, menée de main de maître en Supertest (voir Sport Auto no 749) par Christophe Tinseau, et notre modèle d’essai d’aujourd’hui, il y aurait près de 225 kg. C’est beaucoup. C’est énorme. C’est too much…
Oui, c’est tout cela, et pourtant, l’E Performance se comporte de la meilleure des façons. Et ce sont les routes autour du lac de Constance qui nous ont permis de nous en faire une idée.
Peur de rien
Commençons par un carton jaune : la navigation dans les trop nombreux programmes de conduite. Je m’y perdais dans la GT 63 tout court, et comme à présent s’ajoute un mode EV, c’est encore pire. La présentation n’est pas en cause : les affichages sont lisibles, contrastés, pléthoriques.
Mais entre l’AMG Dynamics (antiroulis), la suspension pilotée, la boîte de vitesses, le moteur, l’ESP, la récupération d’énergie, l’échappement, l’aéro, etc., pas facile de retrouver ses petits. La batterie sous 400 volts, composée de 560 cellules refroidies par un liquide non conducteur, pèse à elle seule 89 kg. Ensuite, c’est au tour du module électrique (moteur, boîte à 2 rapports, différentiel mécanique piloté). Et paf : 96 kg de plus.
Nous sommes à 185 kg, les 30 derniers étant l’œuvre du câblage et du refroidissement supplémentaire. En mode tout électrique, AMG annonce 13 km d’autonomie. En mode tout électrique, Sport Auto a fait 15 km, donc le contrat est rempli. Toutefois, avant de vous ruer sur le carnet de commandes, peut-être souhaitez-vous savoir comment se comporte cette enclume ?
Vous connaissez notre aversion à l’égard des engins dont la fiche technique semble tout droit sortie de l’univers agricole. Mais la GT, lors de son premier essai à Grenade, nous avait laissés comme deux ronds de flan. Grâce à l’antiroulis semi-actif, issu du SL, le lourd coupé se fendait la poire à l’arrivée des virages.
Compression verrouillée sur l’extérieur, assiette maintenue à l’horizontale : là où son prédécesseur, plus folklorique à conduire, manquait de précision à l’inscription, le nouveau venu témoignait d’une rigueur très Porsche dans l’âme. Et pour cause : AMG a voulu que sa GT soit plus… GT, comprenez par là qu’elle ne devait plus hésiter sur ses appuis et danser la gigue à chaque changement de direction. Pari osé mais réussi.
Cependant, dame Nature est régie par des lois, et ajouter 225 kg à une auto qui était déjà trop lourde ne pouvait être sans conséquence sur le comportement routier. Eh bien, c’est encore mieux. Et c’est énervant. Le surpoids à l’arrière assoit davantage le fessier et profite à la motricité. Les Michelin Pilot Sport S 5 sont indécrottables, et le calibrage de l’ESP, pas frustrant pour un sou, incite à adopter un rythme farfelu.
La direction électrique (et intégrale puisque les roues arrière braquent jusqu’à 2,5°) est très peu démultipliée. En 1,7 tour, vous touchez les deux butées. L’amortissement piloté réclame pas mal d’allure pour absorber correctement les aspérités. Le mode Sport Plus, le plus ferme, ne se montre raide que sur les méchantes saignées et raccords de bitume enjambés trop lentement.
En matière de suspension, avec ses doubles triangles aux quatre coins et son amortissement conciliant, la GT 63 S E Performance domine une 911 Turbo S qui n’est certes pas hybride, mais qui elle aussi humilie tout ce qui est motorisé. Nous préférons le feeling de direction de la Porsche, plus informatif. Mais tout n’est pas rose.
La boîte MCT, par exemple. A l’instar d’une Audi, les palettes sont trop petites et trop plastoc. En Drive, les rapports s’enchaînent sans heurts, mais la réactivité n’est pas l’atout principal de cette transmission qui, rappelons‑le, se prive de convertisseur de couple. En programme Confort, il n’est pas rare d’attendre 4 ou 5” avant que l’engrènement de la vitesse supérieure s’opère. Heureusement, ce désagrément disparaît une fois que le conducteur reprend la main.
A ce stade de l’essai, la GT 63 S E Performance est une routière agréable, au coffre pratique malgré la batterie qui en réduit une partie du volume, avec une infographie jolie mais compliquée et au physique de cartoon.
Ajoutons à cela des disques carbone‑céramique (de série) à la puissance impressionnante. Seul le mordant, assez inconstant, perturbe. Mais j’ai oublié de vous causer du plat de résistance, et, cela va surprendre, je m’apprête à dire du bien d’une motorisation hybride.
Intarissable
L’échappement inox de l’AMG, qui court du collecteur aux sorties, n’a pas été retouché par rapport à la non‑hybride et délivre la même ambiance musicale, mâtinée de graves, de crépitements au lâcher d’accélérateur et de notes métalliques vers 5 000 tr/mn. Mais avec cette instrumentation pas toujours lisible, mieux vaut anticiper les changements de vitesse car l’effet stroboscopique annonçant le rupteur ne dure pas longtemps.
Par conscience professionnelle, j’ai essayé le Launch Control. La motricité est sans faille, le sang quitte les jambes pour grimper au cerveau, les mains peinent à appréhender le volant : jamais une AMG ne m’avait à ce point coupé la respiration. J’en fais trop ?
Peut‑être, et l’heureux propriétaire de Koenigsegg Regera ou de McMurtry Spéirling trouvera le catapultage de l’E Performance bien fadasse. Mais qu’un engin de 2,4 t (avec deux personnes à bord) ait cette faculté de propulsion est déjà en soi un exploit.
Et le meilleur arrive : la poussée est sans fin. Vraiment.
Quelle que soit l’allure, le couple V8/moteur électrique de 204 ch ne tire jamais la langue. C’en est presque usant. A 200 km/h, avec 816 ch, on n’est pas surpris que le couple de fusée Ariane (144,7 mkg théoriques) fasse évanouir les malotrus dans les rétros. Mais à 250 km/h, la GT vous porte avec la même vigueur.
A 300 km/h, on note une légère faiblesse, mais elle est anecdotique car nous approchons de la vitesse maxi, que le coupé atteint comme qui rigole. La dernière fois qu’une voiture m’avait donné cette impression de fougue inépuisable, c’était à bord d’une Bugatti Chiron Super Sport.
Je ne vous dit pas que l’AMG fait jeu égal en matière d’agrément mécanique avec la quintessence automobile. Je vous explique juste qu’à ces vitesses inavouables, une auto, freinée par l’air, éprouve légitimement et naturellement quelques difficultés à relancer. L’E Performance ne s’essouffle jamais, et c’est à se demander comment une voiture de « seulement » 816 ch est capable d’une forme aussi olympique.
D’aucuns s’offusqueront que je mette à ce point l’accent sur ses attributs de TGV, mais en devenant hybride, la GT 63 n’a rien perdu de son dynamisme ni de son efficacité. Le surpoids sur le train arrière, associé à cette nouvelle unité motrice, rend ce dernier imperturbable.
L’allemande n’est pas la meilleure grand tourisme du monde, encore moins la meilleure sportive, catégorie qu’elle refuse d’intégrer (trop lourde, trop aseptisée). Mais elle nous rassure sur la capacité d’AMG à continuer de proposer des engins délivrant leur lot de sensations fortes.
L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux
Quelques défauts (poids, lenteur de transmission, trop de modes de conduite) lui font rater le coche, mais la GT 63 S E Performance évite un écueil de taille : celui de transformer un gros coupé surpuissant en un gros coupé encore plus surpuissant mais uniquement bon à cruiser sur autoroute. Motricité, agrément mécanique, dynamisme, reprises foudroyantes : cette AMG qui se donne une conscience écologique est avant tout une AMG qui soigne le plaisir de ses occupants.
Mercedes-AMG GT 63 S E Performance : fiche technique
- Moteur thermique : V8 biturbo, 32 S
- Cylindrée : 3 982 cm3
- Moteur électrique : synchrone à aimants permanents
- Puissance thermique : 612 ch à 5 750 tr/mn
- Couple thermique : 86,6 mkg à 2 500 tr/mn
- Puissance électrique : 204 ch
- Couple électrique : 32,6 mkg
- Puissance cumulée : 816 ch
- Couple cumulé : jusqu’à 144,7 mkg
- Transmission : intégrale, 9 rapports automatiques
- Antipatinage : de série réglable et déconnectable
- Autobloquant : de série piloté
- Poids : 2 195 kg
- L - l - h : 4 728 - 1 984 - 1 354 mm
- Empattement : 2 700 mm
- Pneus AV & AR : 295/35 & 305/35 ZR 20 (295/30 & 305/30 ZR 21 sur modèle essayé)
- Prix de base : 229 050 €
- Options/malus : 26 800/40 468 €
- Prix du modèle essayé : 296 318 € (malus compris)
- V. max. : 320 km/h
- 0 à 100 km/h : 2”8
Retrouvez notre essai de la Mercedes-AMG GT 63 S E Performance dans le Sport Auto n°752 du 30/08/2024.