Essai - McLaren Artura Spider : une sacrée réussite ? (+ images)
Paradoxale, la McLaren Artura Spider sait aussi bien vous choyer que vous en mettre plein les dents. Et c’est probablement pour ça que c’est l’une des meilleures pour l’exercice du Grand Format de Sport Auto.
Le genre de voiture qu’on admire mais dont on ne comprend le
réel intérêt que lorsqu’on en prend le volant. Et puis ce matin, à
La Haye‑du‑Puits, il faisait un soleil franc, ciel bleu parfait,
pas une brume pour cacher l’horizon.
Le toit du Spider s’est effacé en 11’’, pas plus long qu’un
clignotant mal anticipé, et soudain, l’expérience s’annonce
radieuse : c’est peut-être cette version, la plus savoureuse. Même
moteur, même base carbone, mais plus la même énergie.
Comme si on avait ôté les lunettes d’un prof austère pour découvrir
que, le week‑end, il jouait du hard-rock en cabriolet anglais. Là,
tout de suite, j’ai compris : ce Spider ne serait pas qu’un coupé
découpé, d’autant plus que les ingénieurs maison auraient
retravaillé leur copie pour cette variante décapsulée.
Le V6 biturbo 3.0 est évidemment resté fidèle au rendez‑vous. 120°
d’angle entre les bancs, mais désormais, 605 ch thermiques, moins
de 200 kg sur la balance, et deux turbos perchés dans le V pour
limiter l’inertie.
Ajoutez le moteur électrique axial de 95 ch intégré dans la boîte à
8 rapports, et vous obtenez 700 ch et 73,4 mkg. Mais ce matin, sous
le soleil normand qui chauffe déjà les haies, ces chiffres
deviennent des sensations.
Le V6 claque sec mais sans grand frisson, les turbos sifflent comme
deux sèche-cheveux sous amphétamines, et l’air marin s’engouffre
dans l’habitacle pour plaquer ce vacarme brut contre mes
tympans.
Chaque accélération me tasse, mes organes reculent d’un siège
imaginaire, mon estomac sert de chronomètre. 0 à 100 km/h en 3’’0 ?
Je n’ai pas besoin de le lire, mes cervicales m’ont passé
l’info.
Du bout des doigts
Les routes qui filent vers Barneville-Carteret ne sont pas un
billard. Ce sont des couloirs étroits bordés de haies, bosselés par
les saisons, parsemés de raccords vicieux. Parfait pour jauger
l’Artura Spider.
Le châssis carbone MCLA reste inflexible : y compris sans toit, pas
une vibration parasite, pas un grincement. On est ici lesté de 62
kg de plus que le coupé, et pourtant, on demeure largement sous les
1 600 kg. A l’heure où même les supersportives prennent un
embonpoint terrifiant, l’Artura Spider reste une ballerine, fil à
la patte et batterie sous le bras.
Et ça change tout dans les enchaînements : on la place au
millimètre, façon scalpel, et les micro-corrections n’existent pas.
La direction hydraulique, elle, mérite un poème. Alors que tous ont
cédé à l’assistance électrique qui filtre bien plus que les
imperfections, McLaren conserve le whisky sec. Chaque gravillon,
chaque raccord, je le sens dans le volant.
C’est brut, mais clair. A 90 km/h, j’ai l’impression de lire
l’asphalte en braille. La précision est telle que je corrige avant
même que le train avant bronche. Là où d’autres vous caressent,
l’Artura Spider vous serre la main comme un bûcheron.
C’est franc, direct, honnête. Et dans ces départementales
ensoleillées, cette franchise est un bonheur pur. Le soleil cogne
sur la peinture bleu clair, qui scintille tout en dévoilant des
reflets chauds sur une teinte froide. Superbe.
Le cuir chauffe doucement, l’odeur des matériaux se mêle à celle
des champs. Toit ouvert, c’est une expérience sensorielle totale.
En Comfort, la suspension filtre mieux qu’attendu, l’électrique
prend le relais, et on roule comme dans une GT chic.
McLaren conserve encore cette expertise côté filtration : hormis
les plus radicales du clan de Woking, toutes les anglaises du
catalogue savent ménager vos lombaires comme aucune autre sportive
de cette trempe. Mais basculez en Sport, et tout s’aiguise.
L’électrique devient une catapulte, gomme le lag, et chaque sortie
de virage est immédiate.
En symbiose
La boîte, justement. Huit rapports, double embrayage, plus
compacte et promise plus rapide de 50 %. Pas de marche arrière
mécanique, c’est l’électrique qui recule. Résultat : gain de poids,
gain de place et efficacité maximale.
Chaque rétrogradage claque comme un coup de fusil. Chaque montée de
rapport est quasi imperceptible. Le couple de l’électrique comble
la moindre rupture de charge. Un manque de caractère pour certains
? Une certaine manière de vivre pour d’autres.
La mécanique s’exécute sans attendre votre accord. Et quand le
moteur électrique vient remplir les creux, le turbo-lag devient un
concept du passé. C’est un pied dans l’arrière-train, violent et
instantané. Arrêt au port de Carteret, où se trouvent quelques
voiliers sous le soleil. Et ma McLaren au milieu, comme un cosplay
de Goldorak dans une carte postale marine.
Les passants s’arrêtent, intrigués. Dans le Cotentin, les gens sont
directs, sympas. Pas de jalousie, pas de raillerie. De la
curiosité, de l’enthousiasme, et souvent de la surprise : « Une
McLaren ? » Ferrari et Lamborghini, tout le monde connaît.
Mais une McLaren reste rare, discrète, presque mystérieuse. Et
c’est ce qui plaît. Elle attire, mais sans le côté m’as-tu-vu d’une
Aventador acidulée. Elle intrigue, et c’est encore plus fort. Je
repars par la D650.
Large, roulante, ouverte, un tapis noir qui longe l’océan. Le
Spider s’y accroche comme une moule à son rocher. L’aérodynamique a
été étudiée pour que le toit rétractable ne ruine pas l’équilibre.
Les conduits re-dessinés, les flux optimisés, le diffuseur
re-calibré : tout respire la soufflerie.
La voiture reste vissée et les Pirelli PZero, développés exprès,
mordent l’asphalte tel un molosse. Et le vent latéral, pourtant
bien présent sur cette portion ouverte, n’ébranle rien. Le Spider
trace droit, imperturbable.
Et sous ce soleil, cheveux au vent, V6 hurlant, c’est un plaisir
brut. Pas d’anesthésie. L’électronique veille, mais ne confisque
pas. Le différentiel électronique resserre les lignes, mais ne
prend pas la main.
Là où beaucoup de supercars modernes sont devenues des nounous,
l’Artura Spider vous file les clés et vous dit : « Amuse-toi,
mais ne sois pas idiot. » Chaque virage devient une discussion
intime. Je sens l’arrière pivoter, je dose, je corrige. Je ne lutte
pas contre la voiture, je coopère avec elle. Et ça, c’est rare
aujourd’hui.
Facile à vivre
A Portbail, je franchis le pont aux Treize Arches, vestige du
xixe siècle. Autrefois, il canalisait la marée pour alimenter
des moulins. Aujourd’hui, c’est un décor Instagram. Je passe en
silence, en mode E. A peine 95 ch électriques, pas un bruit. Si ce
n’est des sifflements un poil irritants. Les passants se
retournent.
Certains filment, d’autres sourient. Une supercar à 270 000 € qui
glisse en silence sur un vieux pont, sous le soleil normand : c’est
une image que même un publicitaire sous acide n’aurait pas
inventée. Mais c’est réel, et c’est ça, la magie de
l’hybridation.
Le retour par l’intérieur me donne encore plus de matière. Routes
étroites, bosselées, parfois défoncées. Et là, la suspension
Proactive Damping Control montre son génie. Capteurs partout,
ajustements en une poignée de millisecondes. Là où une allemande
m’aurait envoyé chez l’ostéo, l’Artura encaisse.
Pas de roulis, pas de flottement, mais juste une fermeté précise,
jamais punitive. Je freine tard, de plus en plus. Et les disques
carbone-céramique de 390 mm à l’avant, 380 à l’arrière, mordent
sans faiblir. La pédale est ferme, peut-être un peu trop, mais au
moins la précision demeure. Au quotidien, l’Artura Spider
étonne.
Les sièges, enveloppants mais accueillants, permettent d’avaler les
kilomètres. Le coffre avant de 160 litres prend deux sacs week-end.
L’ergonomie est nettement meilleure que ce que nous a proposé
McLaren par le passé : combiné numérique clair, commandes
intuitives.
Et pour les mélomanes, le puissant système Bowers & Wilkins couvre
le V6 même toit ouvert. Un parfait « daily » ? Pas si vite. C’est
large, bas (merci, le lift), lourd à manœuvrer et possiblement
gourmand. Mais peu importe : chaque plein devient une scène
sociale. Les gens s’arrêtent, curieux, surpris de voir une McLaren
dans le Cotentin.
Peu connaissent la marque, mais tous l’adorent visiblement. Et
c’est ça, le plus marquant : malgré ses 700 ch et son look acéré,
l’Artura Spider n’est pas une diva. Elle interpelle, mais elle
séduit. Elle impressionne, mais sans arrogance.
Et surtout, elle est utilisable. Traverser un village en silence,
s’arrêter prendre un café sans stresser, filer sur la côte pour
profiter du soleil : ce Spider, on peut vraiment vivre avec lui. Ce
n’est pas seulement une machine de guerre, c’est un compagnon de
route. Quand je coupe le contact, face à la Manche, la conclusion
s’impose.
L’Artura Spider n’est pas un coupé sans chapeau. C’est une
personnalité. Une voiture qui sait tout faire : catapulter vos
organes en sortie de virage, rouler en silence sur un pont
médiéval, encaisser des kilomètres sans vous briser le dos, séduire
des passants qui découvrent McLaren pour la première fois.
Une hybride qui reste légère, précise, vivante. Et sous le soleil
du Cotentin, c’est un Spider qui a trouvé son élément. Une supercar
qui ne se contente pas de chiffres, mais qui vous raconte des
histoires à chaque borne. Et c’est, avant tout ça, une bonne
compagne de route.
L'avis de Walid Bouarab : 5/5
Parfois, on imagine qu’il vaut mieux choisir une grande GT pour voyager. Et puis parfois, des sportives à la synthèse unique vous rappellent que l’efficacité ne doit pas fatalement vous briser en deux. L’Artura Spider en fait partie. Une recette savamment dosée qui fait de cette découvrable une sacrée réussite.
McLaren Artura Spider : fiche technique
- Moteur thermique : V6 biturbo, 24 S
- Cylindrée : 2 993 cm3
- Puissance thermique maxi : 605 ch à 7 500 tr/mn
- Couple thermique maxi : 73,4 mkg à 2 250 tr/mn
- Moteur électrique : 1 axial dans le carter de transmission
- Puissance électrique maxi : 95 ch
- Couple électrique maxi : 22,9 mkg
- Capacité de la batterie : 7,4 kWh
- Autonomie électrique : 33 km
- Puissance cumulée : 700 ch
- Couple cumulé : 73,4 mkg
- Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/de série piloté électroniquement
- Poids annoncé : 1 560 kg
- L - l - h : 4 539 - 1 976 - 1 193 mm
- Empattement : 2 640 mm
- Freins AV/AR : disques carbone-céramique 390/380 mm
- Pneus AV & AR : 235/35 ZR 19 & 295/30 ZR 20
- Réservoir : 65 l
- Prix de base : 272 250 €
- Prix des options/malus : 90 770/0 €
- Prix du modèle essayé : 363 020 € (malus compris)
- V. max. : 330 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’0
- 0 à 200 km/h : 8’’4
- 0 à 300 km/h : 21’’6
- 400 m D.A. : 10’’8
Retrouvez notre essai de la McLaren Artura Spider dans le Sport Auto n°766 du 31/10/2025.


