Essai - Lotus Eletre R (2023) : 2,5 tonnes et 900 ch... est-ce encore une "Lotus" ?

Publié le 4 décembre 2023 à 11:00
Essai - Lotus Eletre R (2023) : 2,5 tonnes et 900 ch... est-ce encore une "Lotus" ?

Un SUV de plus de 2,5 tonnes, 5 m de long et, certes, plus de 900 chevaux, mais… électrique : est-ce que l'Eletre R est encore une Lotus ? Réponse au volant...

J'aimerais tant, cher lecteur, vous épargner la sempiternelle ritournelle du sacrilège commis sur l’autel de la survie d’un constructeur et/ou de sa rentabilité.

Parce que c’est toujours la même histoire. Celle du Cayenne de Porsche, de l’Urus de Lamborghini, du Levante de Maserati et du Purosangue de Ferrari ! Chaque fois, nous crions au crime de lèse‑majesté… et le coupable devient une star !

Il se vend aujourd’hui plus de Cayenne que de 911, d’Urus que d’Aventador, de Levante que de MC20, et le carnet de commandes du Purosangue explose ! Alors, pourquoi Lotus n’aurait pas le droit de faire pareil ?

Parce que c’était le dernier des Mohicans ? Parce que tout le monde a en tête les mots du fondateur Colin Chapman : « Light is right » ? Parce que nous aurions aimé, nous, qu’il en reste un, au moins un, qui ne craque pas. Sauf que les années 60, 70, 80… et même 2000, c’est fi‑ni. Je sais, c’est dur.

En plus, nous avons affaire dans le cas présent à un SUV… électrique ; autant dire, si nous écoutons nos a priori, à un animal sans odeur ni saveur. Pensez donc, chez Lotus, j’en suis restée à l’Elise ! Franchement, il faut y mettre du cœur pour trouver un point commun entre le petit coupé sportif minimaliste et le bébé du jour. J’en ai pourtant découvert un : 900 !

La puissance de l’Eletre – je vous fais grâce de 5 ch – et le… poids de l’Elise, à quelques kilos près. Mais puisqu’il faut se résoudre à vivre avec son temps, laissons sa chance au produit. En plus, ils avouent presque leur crime chez Lotus.

Certes, le discours marketing est formaté, mais ils le reconnaissent eux‑mêmes : « Nous avons fait une Lotus qui ne s’adresse pas à nos clients habituels » !

Une Lotus qui, avec l’Emeya l’an prochain et un petit SUV du format d’un Porsche Macan à suivre (tous deux électriques, bien sûr, et qui reposeront sur la même base technique que l’Eletre !), permettra à la marque britannique, désormais sous le giron du géant chinois Geely, d’atteindre son objectif de 150 000 voitures en 2028.

Rien que cela ! L’ingénieur Sylvain Verstraeten, director Attribute Integration, reprend le discours officiel :

« Un coupé sportif 2 places, ce n’est pas pour tout le monde. Si nous voulons vendre des voitures, nous devons nous adresser à d’autres clients que nos fans de toujours. Mais l’Eletre est une Lotus ! Nous avons tout fait pour qu’elle soit légère. La clientèle visée attend aussi du confort et des équipements. Plus personne ne veut d’une sportive tape-fesses qui oblige à se contorsionner pour s’installer à bord. Alors, nous avons également beaucoup travaillé sur la répartition des poids et sur l’équilibre routier pour que la masse ne se sente pas trop. »

2,6 tonnes !

A grands coups de transmission intégrale (obtenue en positionnant un moteur électrique sur chaque essieu) et de suspension adaptative couplée à des roues arrière directrices et à un contrôle antiroulis (optionnel), l’Eletre est d’une efficacité re‑dou‑ta‑ble !

Mais comment dire ? Quand le discours et la prouesse technique prennent le pas sur les émotions et les sensations de conduite, c’est qu’il y a un loup, non ? Cette pensée m’est venue à l’esprit aussi vite que l’Eletre R franchit le 0 à 100 km/h, c’est‑à‑dire en moins de 3”.

Certes, à cet instant, j’étais sur une belle route norvégienne au volant d’une « petite » Eletre, la S de « seulement »… 600 ch ! Il n’empêche, ce ne sont pas les deux petits tours de slalom tracé sur une piste d’aérodrome, au cœur du bocage du pays des elfes, ni le départ façon catapulte du launch control de la R et de ses 300 ch supplémentaires qui procurent une plus grande émotion.

Oui, l’Eletre colle au siège à vous en faire remonter les tripes au niveau des amygdales : « C’est du brutal ! » comme dirait l’autre… Sa direction ne souffre pas la critique : elle va renifler le point de corde comme un berger allemand des stups dans les bagages des trafiquants, et l’auto change d’appui avec la rigueur et la maîtrise d’un métronome.

Elle semble repousser les limites d’adhérence loin, si loin que l’on se demande s’il est possible de les retrouver… C’en est presque trop !

En mal de sensations

Certes, piste humide et prudence obligent, l’instructeur ne nous a pas laissés enclencher le mode Track tant convoité, exclusivité de l’Eletre R, qui désactive totalement l’ESP. Cette action nous aurait peut-être permis, à nous, de mesurer les travers inavoués de la bête. Et de la sentir… vivante aussi, peut-être.

Parce que là, c’est tellement propre, net et sans bavure, aseptisé et feutré qu’il ne se passe rien. Après les accélérations de dragster, on s’ennuie. Il manque un truc ! Quoi ? Une sonorité, sans doute, pour nous ramener à la réalité et à la vie ! L’absence de passage de rapport lisse également beaucoup l’accélération, si fulgurante soit-elle. Mais que voulez-vous ?

Bienvenue à bord d’un SUV de luxe surpuissant et électrique ! Un engin ultra-performant, efficace, confortable même, mais pas sportif. Le son, c’est du côté du super système audio en 3D Dolby de KEF qu’il faut aller le chercher (moyennant 6 600 € !).

Il transforme l’habitacle de l’Eletre en drive-in de luxe, en boîte de nuit chic ou en loge de la Philharmonique, selon vos goûts. A vous aussi de choisir la déco ! Faute d’agrément mécanique, il faut bien trouver satisfaction ailleurs : dans les équipements et les technologies embarquées, toutes dernier cri, évidemment !

L’écran central tactile de 25” met dans l’ambiance, au même titre que le bandeau lumineux qui court tout le long de la planche de bord et change de couleur (à vous de définir celle de base parmi le nuancier des 64 au choix) pour « communiquer » avec le conducteur. Il passe ainsi au rouge pour avertir d’un danger ou signaler que la batterie commence à faiblir. A ce sujet, l’Eletre recharge aussi vite qu’elle se décharge.

Avec une consommation avouée de 30 kWh/100 km, et à condition de ne pas abuser des 900 ch, heureusement qu’elle embarque une grosse pile de 112 kWh pour tenir la distance et qu’elle encaisse jusqu’à 350 kW de charge pour éviter de rester plus de vingt minutes au stand ! Encore faut-il que la dernière mise à jour ait été réalisée…

L'avis de notre essayeur Mélina Priam

A la question “la Lotus Eletre est-elle une Lotus ?”, la réponse est non ! Ce qui n’empêche pas l’Eletre d’être un SUV performant, efficace, confortable et plus encore.

Mais ses accélérations stratosphériques, son comportement redoutable et sa technologie à gogo ne parviennent pas à faire oublier sa masse. Pas plus qu’à générer des sensations et de l’émotion au volant.

Lotus Eletre R : fiche technique

  • Moteurs : 2 électriques synchrones à aimants permanents
  • Puissance maxi : 905 ch
  • Couple maxi : 985 Nm
  • Transmission : intégrale, réducteur 1 rapport AV + 2 AR
  • Batterie : lithium-ion, 109 kWh utiles, 112 kWh bruts
  • Autobloquant/antipatinage : de série/de série
  • Poids annoncé : 2 640 kg à vide
  • Rapport poids/puissance : 2,9 kg/ch
  • L - l - h : 5 103 - 2 020 - 1 636 mm
  • Empattement : 3 019 mm
  • Voies AV/AR : 1 706/1 684 mm
  • Pneus AV & AR : 275/40 & 315/35 R 22
  • Prix de base : 153 090 €
  • Prix des options/malus : 30 300/0 €
  • Prix du modèle essayé : 183 390 €
  • V. max. : 265 km/h 0 à 100 km/h : 2”9
  • Consommation mixte : 28,3 à 30,7 kWh/100 km
  • Temps de charge 22/350 kW : 5 h 50 (0 à 100 %)/20 mn (10 à 80 %)
  • Autonomie moyenne : 410 à 450 km

Retrouvez notre essai du Lotus Eletre R dans le Sport Auto n°742 du 27/10/2023.

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