Essai - Land Rover Range Rover Sport SV : esprit plus "Range", moins gangster "endimanché"
Plus mature et plus efficace que l’ancien SVR, le nouveau Range Rover Sport SV propose un esprit plus Range, et moins gangster endimanché. Quitte à en rendre certains nostalgiques. Mais que sa discrétion et son flegme ne vous trompent pas, il redouble de puissance. En route avec Sport Auto.
L'ex-circuit de F1 de Portimão, au
Portugal, est un curieux endroit pour présenter un nouveau Range Rover. Ce tracé
est réputé pour son dénivelé, ses longues courbes en appui,
enchaînant grosses compressions et détentes, et sa visibilité
compromise par la topographie de la région. Mais les équipes de
Range Rover savent très bien ce qu’elles font.
Parmi les innovations proposées sur cette nouvelle version sportive
du SUV anglais, la marque est très fière de nous présenter son
système 6D Dynamics. Pour espérer révolutionner le genre, les
metteurs au point ont développé en interne une nouvelle suspension
hydraulique, avec amortisseurs interconnectés.
Le Range se passe ainsi de barres antiroulis actives, pour
maîtriser aussi bien son tangage que les effets de cabrage ou de
plongeon à l’accélération et au freinage. Sur le principe, ce
système est déjà connu. McLaren avait opté pour une idée similaire
pour sa 720S, tout comme Citroën voilà près de 70 ans.
Chauvins, nous ? Ici donc, pas de système alimenté électriquement
(hormis pour les valves de régulation), le fluide est naturellement
mis sous pression lors des contraintes, voyageant de la chambre de
compression de l’amortisseur avant droit, par exemple, jusqu’à la
chambre de détente de son homologue arrière gauche.
Les quatre coins étant reliés entre eux par ces vases communicants,
les forces s’annulent donc mutuellement, permettant de conserver
une assiette plane en virage ou lors des changements de rythme. Les
équipes nous précisent également les économies réalisées en matière
de coût et de poids (moins 8 kg face à une barre antiroulis
classique).
Les autres avantages seraient nombreux, avec une résistance à
l’effort deux fois plus importante, une motricité accrue, une
gestion du confort optimale et des capacités en franchissement
conservées. Nous reviendrons sur ces deux derniers points, mais
pour le moment, faisons mumuse à Portimão.
En bout de ligne droite des stands, à plus de 200 km/h, le point de
freinage est encore loin. Mais mon moniteur est visiblement
frileux, d’autant plus que le relief plonge à l’arrivée du premier
droite. Tant pis. En prenant les freins, le mufle de mon SV ne
bronche pas, et son bouclier ajouré se rapproche à peine du
bitume.
De quoi sereinement aller chercher un point de corde facile à
atteindre. Mais ensuite, les choses se compliquent. Sans les
directives de mon passager, je ne saurais vraiment pas où aller…
Alors faisons confiance, et allons-y gaiement. L’enchaînement
suivant implique une position peu naturelle en milieu du virage,
mais la colline que je m’apprête à gravir cache effectivement une
trajectoire surprenante.
Sortie de virage au sommet, puis plongeon sur une pente qui dessine
un long gauche qui repart en ascension. Des montagnes russes qui
permettent de mettre en exergue le travail efficace de cette
suspension hydraulique. Les grosses compressions en virage ne
perturbent pratiquement pas ce SV, d’une stabilité impériale.
Le grip en profite, même s’il faut garder dans un coin de la tête
l’énorme masse déplacée. Les changements d’appui induisent
l’inertie inhérente à ce genre de véhicule, mais ils s’effectuent
avec un certain flegme. Voilà qui permet d’y voir plus clair, avec
une direction bien calibrée mais avare en informations.
Même aux limites, tout semble être sous contrôle (aides
électroniques conservées). Mais surtout, le système 6D Dynamics
révèle là son véritable atout. Lorsque les barres antiroulis
(souvent alimentées en 48 volts sur ce type d’engin) arrivent à
leur limite (environ 1 400 Nm), le système n’est plus capable de
contrer les énormes charges, et des mouvements parasites de pompage
apparaissent.
Ce qui n’est pas le cas ici, avec une force disponible deux fois
supérieure, selon les équipes Range Rover. Dans ces conditions
donc, beau travail. Information primordiale ? Probablement pas, la
probabilité de voir apparaître un SV lors d’un track day étant
proche de zéro. Mais cette balade fut fort instructive.
Un certain penchant
Qu’en est-il alors en utilisation quotidienne ? Avec un tel
amortissement et une suspension pneumatique préservée, les attentes
en matière de confort étaient forcément très grandes. Déception.
Pas tant en ce qui concerne les filtrations, plus que convaincantes
malgré la monte des 23 pouces et les capacités du modèle, mais
davantage en matière de mouvements transversaux. Plus un véhicule
est haut, plus les barres antiroulis sont costaudes.
Un élément mécanique qui a traditionnellement tendance à
occasionner des va-et-vient gauche-droite particulièrement
déplaisants. A ma grande surprise, ils sont ici très sensibles,
secouant les passagers à la moindre ondulation de la route. De
l’aveu même des ingénieurs, la clé tiendrait dans l’anticipation,
ce système 6D Dynamics ne faisant que réagir à des mouvements déjà
amorcés.
Range Rover propose également, en option et en première mondiale,
des jantes en carbone de 23 pouces et des freins carbone-céramique
inédits sur un Range. De quoi réduire le poids de 76 kg, qui plus
est sur des masses non suspendues. Plus que l’inertie réduite que
cela implique, le confort y gagne, notamment sur des irrégularités
rencontrées en appui. La différence est flagrante.
Ça cogne moins fort, moins bruyamment, et la stabilité permet de
survoler les nids-de-poule avec brio. Pour hausser le rythme, les
modes de conduite Dynamic et SV optimisent la calibration de tous
les autres (réponse du moteur, assistance de direction, réactivité
de la transmission à 8 rapports et différentiel arrière à
glissement limité).
Nos modèles étaient équipés, pour la route, de pneus quatre
saisons, un choix étrange pour un véhicule aussi performant. En
mode Dynamic, les réglages semblent un peu timides : il est très
facile de saturer le train avant, qui a certes fort à faire malgré
des roues arrière directrices salvatrices, et le tempo du mariage
moteur/boîte goûte peu aux changements de rythme incessants. C’est
mieux en mode SV (via un bouton bien mis en évidence sur le
volant). Les palettes s’illuminent en rouge, et le Range Rover Sport SV retrouve là
une belle efficacité sans être caricatural.
La transmission maintient une aiguille haut perchée sur le
compte-tours, rendant l’exploitation des performances du V8
d’origine BMW plus évidentes. Ce 4.4 biturbo, emprunté à la M5 CS,
développe ici 635 ch et un couple colossal de 76,5 mkg. Son
caractère est très linéaire, surtout si on le compare au bestial V8
Supercharged de l’ancien SVR.
Mais les chronos ont parlé, ce nouveau SV est nettement plus
performant (3’’8 pour atteindre les 100 km/h, contre 4’’5
auparavant), avec une bien meilleure allonge. On regrettera juste
son caractère plus « raz de marée » et moins « catapulte ».
Polyvalence préservée
Dans les enchaînements effectués sur petites routes, le flegme
britannique est omniprésent. Facile à appréhender, le SV se montre
efficace et peut à nouveau se reposer sur son système hydraulique
pour afficher une stabilité remarquable en appui au profit de la
précision. La transmission, typée propulsion, autorise même à
pivoter sur les gaz pour une conduite plus ludique.
Dommage que la direction ne se montre pas plus informative. Côté
freinage, notre rapide virée à Portimão ne nous a pas permis de
jauger l’endurance du système (8 pistons mordant des assiettes de
440 mm à l’avant), pas plus que notre balade routière. Mais le
feeling naturel de la pédale autorise néanmoins un dosage précis,
malgré une technologie by-wire.
Ce Range Rover Sport SV ne lance aucun pavé dans la mare. Si la
synthèse est bonne, il ne revendique la place de premier de la
classe dans aucune matière. Le raffinement et le confort
reviendraient au Bentayga Speed de Bentley, tandis que la palme de
l’efficacité serait attribuée au Lamborghini Urus S ou à Ferrari
avec le Purosangue.
Quant aux sensations de conduite, l’Aston Martin DBX 707, pour sa
part, est un petit bijou. Il reste alors au SV la polyvalence, avec
des capacités en franchissement à peine entamées. Certes, il doit
désormais se passer de boîte courte pour permettre une vitesse de
pointe de 290 km/h (le différentiel placé à l’arrière ne
supporterait pas de telles contraintes de transmission), mais en
bon Range, il arrive encore une fois à se mettre dans des positions
plus que délicates avec élégance.
La marque incite toutefois à démonter la lèvre inférieure du
bouclier avant pour ne pas égratigner l’onéreuse lame en carbone.
Mais encore une fois, qui s’y aventurerait ? Globalement, le gain
en maturité est flagrant. Alors que l’ancien SVR jouait les
gangsters endimanchés avec un caractère mécanique tonitruant, une
sonorité et une rigueur sur la route très personnelles, sa
succession est finalement plus « Range » dans l’esprit.
La ligne se veut plus discrète également. Il faudra bien analyser
le bouclier avant, la présence des étriers de frein possiblement
fluo, la quadruple sortie d’échappement ou le carrossage des roues
arrière pour s’en rendre compte. A bord, c’est encore et toujours
d’un goût divin. Simple et recherché à la fois. Les sièges
spécifiques sont de bonne facture, mais le maintien est léger, et
la finition tutoie réellement les standards du luxe.
Ce SV étrenne en revanche un nouveau système multimédia Pivi Pro4,
qui n’a été mis à jour que pour intégrer les commandes de
climatisation, qui ont désormais disparu. Sans surprise, c’est une
très mauvaise idée. L’ergonomie du système, autrefois plébiscitée,
perd tout sens sur l’autel du design qui n’y gagne, lui, pas
grand-chose.
Enfin, notez qu’il s’agit désormais du seul Range Rover Sport V8 de
la gamme, l’ancien P530 étant désormais remplacé par ce nouveau
venu, avec un surcoût d’environ 80 000 €. L’inflation, on vous
dit.
L'avis de notre essayeur Walid Bouarab
Trois feux verts, ça peut paraître sévère, mais je m’explique. Nos attentes exigeaient peut-être un miracle. Mais hormis aux limites sur circuit ou sur revêtement très dégradé, le Range Rover Sport SV ne chamboule pas la concurrence, qui fait souvent mieux sur le plan dynamique. Quant à l’intérêt en matière de confort, il est discutable.
Land Rover Range Rover Sport SV Edition One : fiche technique
- Moteur : V8, biturbo, 32 S
- Cylindrée : 4 395 cm3
- Puissance maxi : 635 ch à 6 000 tr/mn
- Couple maxi : 76,5 mkg à 1 800 tr/mn
- Transmission : intégrale, 8 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série/arrière
- Poids annoncé : 2 560 kg
- Rapport poids/puissance : 4 kg/ch
- L - l - h : 4 946 - 2 047 - 1 820 mm
- Empattement : 2 997 mm
- Voies AV & AR : 1 702 & 1 704 mm
- Réservoir : 72 l
- Prix de base : 209 100 € (Edition One)
- Prix des options/malus : 24 933/60 000 €
- Prix du modèle essayé : 294 033 € (malus compris)
- V. max. : 290 km/h 0 à 100 km/h : 3’’8
Retrouvez notre essai du Land Rover Range Rover Sport SV Edition One dans le Sport Auto n°747 du 29/03/2024.


