Essai - Nouvelle BMW M5 (2024) : démesure à tous les étages !
Tout est démesuré dans la nouvelle BMW M5 : la technologie embarquée, la puissance, le poids, le look de locomotive du 19ème siècle, les performances. Mais cette familiale, née il y a 40 ans, a toujours été ce savant mélange entre tempérament fougueux, équilibre, agilité et prestations routières. Pas sûr que la nouvelle venue coche toutes ces cases…
Nom de code : G90. Va falloir s’y habituer car cette M5 va faire causer. Et pas qu’en bien. Première hybride de cette noble lignée, fondée en 1984 (E28), elle est la plus puissante (727 ch cumulés), mais aussi, de très loin, la plus lourde (2 435 kg en berline).
La super-familiale pèse, officiellement, une tonne de plus que sa première aïeule. Ce n’est pas une info à prendre à la légère mais un argument de poids pour expliquer ce qui nous attend. Changeons de champ lexical pour causer boulons et rondelles.
Le V8 4,4 litres est toujours de la partie, lui et ses Cross-Bank Exhaust Manifolds, des collecteurs d’échappement logés entre les deux bancs, pour des raisons de compacité. En amont, les deux nouveaux turbos Twin Scroll, à soupape de décharge contrôlée électroniquement.
Saluons l’arrivée d’une pompe à huile à palettes et d’un carter de lubrification en plastique pour, dixit BMW, « réduire le poids ». Vous êtes sérieux ? Le moteur thermique fournit la majeure partie de la cavalerie : 585 ch, avec une zone rouge établie à 7 200 tr/mn.
Soit un déficit de 50 ch par rapport à la truculente M5 CS (F90). Comme il était inconcevable que la nouvelle venue soit moins bien lotie que sa devancière, la boîte auto Steptronic accueille, en plus de sa ribambelle de pignons, un moteur électrique synchrone à aimants permanents.
Et hop : 197 ch et 28,5 mkg en sus. Un moteur électrique ne carburant pas d’amour et d’eau fraîche, il a besoin de batteries, logées sous les petons des passagers. D’une capacité nette de 18,6 kWh, ces accus, une fois rechargés sur une borne à courant alternatif en 2 h 15, permettraient selon le constructeur au brise-glace bavarois de parcourir jusqu’à 67 km sans réveiller son injection directe (350 bar).
C’est le meilleur des deux mondes : l’amateur conserve un V8, et le papa écolo (qui n’achètera jamais de M5) se réjouit de faire l’aller-retour Bondoufle-Limours sans faire fondre la banquise. 727 ch et 101,9 mkg cumulés : voilà qui promet des accélérations à couper la digestion. Eh bien non
Plus puissante, moins véloce
En abattant le 0 à 100 km/h en 3’’5, la M5 n’est évidemment pas à ranger dans la catégorie des calèches asthmatiques. Pour nous vanter les mérites de cette musculature exacerbée et des bénéfices indiscutables de l’hybridation, BMW nous annonce que sur l’exercice du 80 à 120 km/h en quatrième, la G90 n’a besoin que de 2’’2.
C’est un dixième de mieux que la M5 CS pour le même exercice (en quatrième). C’est anecdotique, vous en conviendrez. Ce qui l’est moins, c’est que cette M5 CS explosait le 0 à 100 km/h en 3’’0, soit une demi-seconde plus vite que la petite dernière.
Evidemment, BMW tait ce chrono en retrait. Alors comme notre métier, c’est l’information, rappelons qu’en 2019 nous avions chiffré une M5 Competition (625 ch) en 10’’1 sur le 0 à 200 km/h. Pour sa G90, BMW espère 10’’9…
Mais vous le savez, aux chiffres qui n’expliquent pas tout et surtout pas le plaisir au volant, nous préférons les frissons qui courent du creux des reins aux poils des bras. La F90 nous avait plu ; sa descendante suit-elle le même chemin ? Oui, non, pas sûr…
Cette M5 n’est pas le tank Sherman que je craignais. Sur le sec, sa faculté à endiguer les transferts verticaux est même étonnante. Mieux : cette G90 est, dans ce segment, l’une des meilleures élèves en matière de suspension.
Les ressorts sont trop souples, notamment à l’arrière, suscitant parfois quelques réactions en conduite rythmée. Très rythmée. Très, très rythmée… A la fois, la pantagruélique familiale est très confortable, même lorsque le programme Sport Plus est activé, et elle ne se désunit jamais quand on la brusque.
Une Audi RS 6 est, dans ce domaine, moins aboutie. L’Audi ne peut même pas se gargariser de sa transmission intégrale rassurante parce que celle de la M5 l’est tout autant. En prime, on peut reposer les cardans avant et passer en 2 roues motrices, une fois l’ESC déconnecté.
Est-ce drôle ? Assurément. Est-ce recommandable ? Pas du tout, car aussi impressionnantes que soient ses liaisons au sol, la surcharge pondérale n’est pas annihilée. Et quand un paquebot commence à dériver, lui faire reprendre le cap n’est pas toujours aisé.
Les Michelin Pilot Sport S 5 sont très larges (1,16 m cumulé de surface au sol) et, bravo à eux, domptent fort bien les assauts du couple de chalutier. Sur le sec. Quelques parties encore humides nous ont appris qu’une certaine circonspection était la bienvenue.
Manque de caractère mécanique
Cette G90 est une réussite sur le plan du comportement. Le sans-faute n’est pas loin et en soi, c’est un exploit. Rappelons qu’avec notre photographe Greg, son matériel et votre serviteur à bord, la M5 tutoie les 2 700 kg.
C’est, en théorie, hérétique, mais dans les faits, l’essai met en exergue un comportement de GT, précis, rassurant, efficace, rigoureux. Agile ? Non, mais l’équilibre si cher à Motorsport est bien là. Bravo, BMW : vos ingénieurs ont su nous faire, en partie, oublier le principal grief qu’on peut adresser à la M5, c’est-à-dire son poids éléphantesque.
Mais deux ou trois trucs nous chagrinent. Il y a la brutalité de la boîte de vitesses qui, en pleine charge, génère des à-coups qui transmettent des soubresauts dans le train arrière. Sur une SMG, nous en avions l’habitude. Sur une automatique, c’est nouveau. Et désagréable.
Hélas, intervenir sur le Drivelogic (vitesse de passage des rapports) ne résout pas le problème, et comme la plupart de nos confrères ont subi le même désagrément, on en déduit que, plutôt que les pneus, ce sont les pignons qui supportent mal le couple gargantuesque.
D’ailleurs, si ce dernier permet des dépassements à la limite du concevable (pour une berline, entendons-nous bien), difficile de s’enthousiasmer pour le caractère mécanique. Je garde un souvenir plus ému de ce 4,4 litres lorsqu’il n’avait à mouvoir que les deux tonnes de la M5 CS.
La sonorité est chaude mais pas sportive et le tempérament de ce V8 manque de "niaque" au-delà des 5 000 tr/mn. On préfère celle du 6 en ligne, tout aussi biturbo, de la M4 mais, de l’aveu de Christian Pomp, porte-parole M Motorsport, « l’architecture V8 était quelque chose d’impératif ». Il faut dire que 37 % des M5 berlines seront vendues aux Etats-Unis.
Trop de filtrage
Je ne vous dis pas que cette familiale surexcitée n’est pas véloce, je vous écris qu’elle peine à nous le faire savoir. La direction électromécanique propose deux modes d’assistance mais tous ont le même défaut : un durcissement au point central avant qu’un braquage excessif prenne le relais et gomme les sensations dans l’essieu directionnel.
La M5 se place parfaitement (lorsque la chaussée est sèche), ses roues arrière directrices (jusqu’à 1,5°) allègent avantageusement l’inscription du derrière, mais les remontées d’informations dans les mains sont livrées au compte-gouttes. La G90 passe plus fort que sa devancière dans les virages mais filtre trop. C’est ballot.
Concluons sur deux bonnes notes. Primo, le bruit du moteur électrique est imperceptible et il est tout à fait synchronisé avec le thermique. Le conducteur a plus l’impression de cravacher un 16 cylindres fortement suralimenté qu’une mécanique épaulée par de l’électrique.
Deuzio, les freins carbone-céramique (optionnels) de notre modèle, s’ils réclament de l’adaptation dans le dosage, se sont montrés consistants et endurants pendant cette journée d’essai. Il est possible, par le biais de l’écran central, de doser le degré de récupération énergétique à la décélération, et ce freinage régénératifne nous a pas perturbés.
En épilogue, soulignons que nous aurions aimé, pour jauger des capacités hors norme du fleuron munichois, quelques tours de piste, quelle qu’elle soit. Pour les générations précédentes, nous avions eu ce privilège.
BMW a-t-il eu peur que, en usage intensif, le poids de la G90 ne prenne le pas sur les qualités avérées de cette berline dont les limites sont inatteignables sur route ouverte ? « Ne quittez pas, nous faisons tout pour écourter agréablement votre attente… »
L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux
Puissance démesurée, reprises affolantes, liaisons au sol fabuleuses : les raisons de se réjouir à l’issue de cette prise en main sont nombreuses. La M5 est, par de multiples aspects, la berline de sport parfaite. Si on fait fi d’une sonorité trop étouffée, d’une boîte de vitesses perfectible ou de sensations de conduite trop filtrées. Et ça, pour une Motorsport, ça interdit la note maximale.
BMW M5 : sa fiche technique
- Moteur thermique : V8 biturbo, 32 S
- Cylindrée : 4 395 cm3
- Puissance thermique : 585 ch à 5 600 tr/mn
- Couple thermique : 76,5 mkg à 1 800 tr/mn
- Puissance électrique : 197 ch (moteur synchrone à aimants permanents)
- Couple électrique : 28,5 mkg
- Puissance cumulée : 727 ch
- Couple cumulé : 101,9 mkg
- Transmission : intégrale débrayable, 8 rapports auto
- Antipatinage/Autobloquant : de série déconnectable/ central + arrière piloté
- L - l - h : 5 096 - 1 970 - 1 510 mm
- Empattement : 3 006 mm
- Roues AV & AR : 10,5 x 20 & 11 x 21
- Pneus AV & AR : 285/40 ZR 20 & 295/35 ZR 21
- Prix de base : 159 050 €
- Prix des options/malus : 27 350/0 €
- Prix du modèle essayé : 186 400 €
- V. max. : 305 km/h (avec pack Expérience M)
- 0 à 100 km/h : 3’’5
- 0 à 200 km/h : 10’’9
Retrouvez notre essai de la BMW M5 dans le Sport Auto n°754 du 25/10/2024.