Supertest - Audi RS 6 Avant GT (2025) : pousse-t-elle le bouchon un peu trop loin ?
De l’autre côté du Rhin, certaines autoroutes ne sont pas limitées et on voue un culte aux break. Les Allemands aiment la polyvalence mais il faut qu’elle soit mâtinée de performance. Née il y a plus de 20 ans, l’Audi RS 6 Avant répond à ce cahier des charges. Quitte à pousser le bouchon un peu trop loin en version GT…
Je n’ai pas encore la réponse. A qui s’adresse l’Audi RS 6 Avant GT ? A l’amateur
de sorties circuit entre potes ? Nous allons voir que non. Aux
familles nombreuses qui ne sont pas effrayées par des centaines de
kilomètres d’autoroute ? Pas davantage.
Aux spéculateurs, sûrs d’avoir investi dans un placement rentable ?
Peut-être. Limitée à 660 exemplaires, assemblée à Böllinger Höfe
(comme la R8), cette locomotive est facturée 230 000 €. C’est 65
000 € de plus qu’un break M5.
Les 70 000 € de malus, auxquels échappe la BMW, ne sont pas
compris. Sachant que l’Audi développe 100 ch de moins et s’assoit
sur toute forme d’hybridation. Ça commence à faire pencher un peu
trop la balance du mauvais côté, n’est-ce pas ?
« GT », c’est pour « Grand Tourisme », ou l’art de voyager vite,
loin, sans se fatiguer et sans restriction de bagages. Sur ce
dernier point, l’Audi est une excellente élève, avec ses 565
litres. Le hayon électrique grimpe haut, le seuil de chargement est
bas (la garde au sol est minorée de 10 mm par rapport à une RS 6)
et la soute est découpée sans boursouflures.
Au second rang, à l’exception des vitres surteintées qui
obscurcissent abondamment l’intérieur, la place est généreuse et le
confort appréciable. Du moins avant que la RS 6 Avant GT ne
commence à faire tourner ses roues…
IMSA style
Fin des années 80, dans le championnat IMSA (International Motor
Sports Association) sévissait une berline qui châtiait tout ce qui
roule. Son nom : la 90 GTO, à laquelle notre break du jour rend
hommage.
Ne lui manquent que les jantes pleines, et la monte de 22 pouces
(pneus Continental SportContact 7) est tellement immense qu’on se
demande comment glisser un doigt entre la gomme et le passage de
roue.
La réponse est simple : on ne peut pas. Peintures de guerre, ailes
élargies (en carbone sur la GT) : le lien de parenté est étroit
mais le 5 cylindres 2.2 monoturbo de l’époque (turbine KKK) qui
développait jusqu’à 720 ch cède sa place à un moteur avec plus de
chambres de combustion, plus de turbos (deux), plus de cylindrée (4
litres), mais moins de puissance et de pression de suralimentation
(1,2 bar).
630 ch, c’est aussi la valeur revendiquée par la RS 6 Avant Performance. De
nouveau une information qui ne plaide pas en faveur de cette
version limitée, 80 000 € plus chère que le modèle de base.
Pourquoi dépenser plus pour un cheptel identique ?
Car de break surpuissant cantonné au rôle de dragster autoroutier,
l’Audi se mue en un engin… qui ne rentre dans aucune case. Et la
polyvalence en prend pour son grade. Dépourvue de système de
levage, l’allemande frotte partout.
Les descentes de parking se transforment en crises d’angoisse, les
ralentisseurs sont des stoppeurs, et avec ses mensurations à la
Shaquille O’Neal, même les voies d’accélération semblent trop
étroites. Ce n’est évidemment pas le cas, mais rétros compris,
l’Audi affiche quand même 2,11 m de large. Le permis poids lourd
serait presque imposé aussi : 2 173 kg, dont 1 203 sur le train
avant. C’est un quintal de plus que ce qu’Audi revendique.
Capot, rétros, ailes en carbone et suppression des barres de toit
ne suffisent pas pour descendre sous la barre symbolique des 2
tonnes. On essuie nos larmes en se rappelant que c’est toujours 300
kg de moins qu’une M5 berline…
Rendez-vous à Mortefontaine
Comme pour chaque Supertest, c’est d’abord à Mortefontaine que
nous avons rendez-vous. Les saignées sur l’A1 font sauter l’arrière
et le confort n’est pas la qualité première de ce break aux allures
de pace car. Le responsable technique de la presse chez Audi nous informe que, l’auto
étant destinée à claquer des chronos, il a durci la suspension (la
hauteur de caisse reste standard).
L’amortissement piloté de la RS 6 normale laisse sa place à quatre
combinés filetés. La compression est ajustable sur treize niveaux,
la détente sur seize. Une fois sur l’anneau, après la pesée
réglementaire, les hostilités débutent par les reprises.
2’’4 pour expédier le 100 à 140 km/h, c’est aussi bien qu’une GT3
RS ou qu’une Ioniq 5 N. La première est atmo, la seconde
électrique, mais pour une auto (la RS 6 GT) qui, avec moi à bord,
tutoie les 2 300 kg, c’est véloce. Et je n’ai rien vu.
Le Launch Control n’est pas opérationnel lorsque le
contrôle de stabilité est entièrement débranché. On rebascule donc
en mode Sport et on se prend un bourre-pif. 3’’2 pour le 0 à 100
km/h, c’est le chrono d’une M3 CS.
Pour le 1 000 m D.A., l’Audi fait cette fois jeu égal avec la M4
CSL qui pèse 545 kg de moins ! Au-delà des 260 km/h, on sent que le
V8 s’essouffle, et ce break profilé comme un congélateur pousse
l’air plus qu’il ne le fend.
Alors que l’autoroute avait mis en exergue des tressautements de la
suspension, la RS 6 GT est sereine sur l’anneau de vitesse, au
surfaçage pourtant perfectible. L’amortissement de l’Audi, comme
bien d’autres, préfère qu’on le contraigne pour travailler
efficacement.
Le jour et la pluie
Le trajet jusqu’au Vigeant confirme que la GT n’est pas une
voyageuse idéale à rythme de sénateur. En revanche, dès que ça
tourne, l’écart de comportement avec une RS 6 Performance est
notable. Avec une direction très incisive et un essieu arrière qui
braque dans le sens opposé (5°), l’inscription en virage est
déroutante pour une auto de ce gabarit.
Pour moduler le braquage postérieur, un moteur accompagné de son
calculateur est positionné sur la crémaillère arrière (il n’y a pas
d’actuateurs dans les roues). Juste avant L’Isle-Jourdain, un
enchaînement de virages est particulièrement exigeant pour les
autos manquant de train avant.
L’Audi y slalome avec une agilité étonnante. Le lendemain matin, ce
sont des trombes qui noient le circuit du Val de Vienne. Photos et
chronos sont inenvisageables, alors nous allons nous balader pour
faire circuler les fluides dans les conduits.
Après tout, c’est une Quattro. Les Continental SportContact 7 (285
mm de large aux quatre coins) évacuent l’eau assez mal. Très
accrocheur la veille, le train avant peine à rester sur la
trajectoire. Je m’y attendais. Mais pas à la réaction de
l’arrière.
Avec une répartition du couple typée propulsion (jusqu’à 85 %
renvoyés derrière), la RS 6 GT ne rechigne pas à la glisse et le
sieur Tinseau, en espérant que la météo s’améliore, s’en donne à
cœur joie. Comme le V8 développe plus de 80 mkg de 2 900 à 5 400
tr/mn, et malgré la transmission intégrale, il faut doser la remise
des gaz par temps de pluie.
Quand tout est déconnecté, le tête‑à‑queue guette, et étant donné
que le break pèse autant que trois Caterham, s’arrêter dans les
limites de piste n’est pas simple. Idéalement, le jeu consiste à
rentrer presque en marche arrière, conserver les roues droites et
réguler la dérive avec l’accélérateur. Et je conduis de façon tout
sauf idéale…
Pas qu’un produit marketé
En début d’après‑midi, la piste sèche vite malgré l’humidité et
une température frisquette. Radar installé, bien calé dans le siège
semi‑baquet à coque carbone, Christophe Tinseau s’élance. C’est le
jour et la nuit par rapport au matin.
Le chrono prouve que la RS 6 GT n’est pas qu’un produit marketé
pour spéculateurs nostalgiques des années 80. Elle devance une AMG
GT 63 S E Performance, encore plus pachydermique mais aussi
beaucoup plus puissante.
Le durcissement des barres antiroulis (30 % à l’avant, 80 % à
l’arrière) rend le break précis et stable sur les longs appuis. Sur
sol sec, la glisse, plus ou moins bien maîtrisée, n’est plus
d’actualité. Une fois les quatre énormes pneus à température, le
grip est impossible à prendre en défaut.
A condition d’anticiper les freinages car, malgré des disques
carbone‑céramique larges comme des paraboles TV (440 et 370 mm), la
RS 6 GT va donner quelques suées à notre pilote. Le constructeur a
pourtant fait le nécessaire avec des plaquettes neuves, mais il a
omis de nous prévenir que ces dernières n’ont pas été rodées.
Alors que les violentes décélérations au Ceram ne m’avaient pas
alerté sur une quelconque défaillance, Christophe ne peut pas
terminer sa seconde tentative, en raison de l’allongement
dramatique de la course de la pédale et d’un durcissement peu
engageant. Blanchies par l’effort, les plaquettes ont hélas perdu
de leur efficacité.
Avec des mâchoires bien mordantes, placer convenablement le lourd
museau du break n’est déjà pas chose aisée. Avec des mandibules
hyperlaxes, c’est mission impossible La frustration de notre pilote
est réelle. « Je pense vraiment qu’elle peut descendre sous
1’47’’ », explique‑t‑il.
Ce qui positionnerait l’énorme Audi à quelques encablures seulement
d’une 992 GTS phase 1. Pas de boîte à double embrayage pour l’Audi
(en raison du couple), mais une automatique qui rechigne de temps
en temps à tomber le rapport lorsque l’électronique juge le régime
trop haut.
En mode Dynamic, quelques à‑coups agrémentent les sensations. Qui,
contre toute attente, ne manquent pas. La RS 6 GT est la familiale
la plus sportive de la marque. Plus lourde qu’une RS 4, elle fait
davantage dresser les poils.
Son allure y est pour beaucoup, ses capacités mécaniques aussi,
mais c’est bien le comportement global qui séduit le plus. Alors
qu’une M5 désormais hybride filtre exagérément (direction, moteur,
suspension), ce break ravit par son côté brut de fonderie.
Ce n’est pas la GT3 RS des transporteurs de troupes, mais Audi a
réussi à transformer une locomotive bien sous tous rapports en
engin équilibré, précis et qui aime être malmené (à l’exception des
freins). Dès lors, pourquoi ne pas avoir poussé le curseur encore
plus loin ?
Avec la suppression de la banquette arrière par exemple (comme sur
la Taycan Turbo GT). Avec une ligne d’échappement plus sonore. Avec
la possibilité, comme chez BMW, de basculer en deux roues motrices…
Le journaliste n’est jamais satisfait, même lorsque, objectivement,
la copie rendue force le respect.
L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux
La RS 6 GT n’a peut-être pas sa place sur la piste mais elle est la familiale la plus sportive qu’Audi ait jamais produite. Elle est bien plus qu’un buffet vendéen peinturluré. Agile voire marrante sous la pluie, elle renoue avec ses gènes sérieux par temps sec mais ajoute la précision et l’équilibre qui faisaient jusqu’alors défaut à ce modèle.
Audi RS 6 Avant GT : ses performances en piste

Audi RS 6 Avant GT : fiche technique
- Moteur : V8, biturbo, 32 S
- Position : AV, longitudinale
- Cylindrée : 3 996 cm3
- Alésage x course : 86 x 86 mm
- Rapport volumétrique : 9,7
- Régime maxi : 7 000 tr/mn
- Puissance maxi : 630 ch à 6 000 tr/mn
- Puissance au litre : 157,5 ch/l
- Couple maxi : 86,6 mkg à 2 300 tr/mn
- Couple au litre : 21,7 mkg/l
- Transmission : intégrale, 8 rapports auto
- Autobloquant : central + AR piloté Quattro Sport
- Antipatinage : de série déconnectable
- Suspension AV/AR : MacPherson, barre antiroulis, combinés filetés réglables en compression et détente/essieu multibras, barre antiroulis, combinés filetés réglables en compression et rebond
- Direction : crémaillère, assistance électromécanique
- Tours de volant/diamètre de braquage : 2,3/11,1 m
- Freins AV/AR : disques percés ventilés carbone‑céramique (440 mm, étriers 6 pistons)/ disques percés ventilés carbone‑céramique (370 mm, étriers monopistons flottants)
- Antiblocage : de série
- Poids constructeur/contrôlé : 2 075/2 173 kg
- Répartition AV/AR : 55/45 %
- Rapport poids/puissance : 3,4 kg/ch
- L - l - h : 5 018 - 1 951 - 1 437 mm
- Empattement : 2 927 mm
- Voies AV/AR : 1 668/1 650 mm
- Réservoir : 73 l
- Roues AV & AR : 10,5 x 22
- Pneus AV & AR : 285/30 ZR 22
- Prix de base : 230 000 €
- Options/malus : 0/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 300 000 € (malus compris)
Retrouvez notre supertest de l'Audi RS 6 Avant GT dans le Sport Auto n°762 du 27/06/2025.


