Supertest - Audi RS 6 Avant GT (2025) : pousse-t-elle le bouchon un peu trop loin ?

Publié le 18 août 2025 à 15:00
Mis à jour le 18 août 2025 à 15:15
Supertest - Audi RS 6 Avant GT (2025) : elle pousse le bouchon un peu trop loin...

De l’autre côté du Rhin, certaines autoroutes ne sont pas limitées et on voue un culte aux break. Les Allemands aiment la polyvalence mais il faut qu’elle soit mâtinée de performance. Née il y a plus de 20 ans, l’Audi RS 6 Avant répond à ce cahier des charges. Quitte à pousser le bouchon un peu trop loin en version GT…

Je n’ai pas encore la réponse. A qui s’adresse l’Audi RS 6 Avant GT ? A l’amateur de sorties circuit entre potes ? Nous allons voir que non. Aux familles nombreuses qui ne sont pas effrayées par des centaines de kilomètres d’autoroute ? Pas davantage.
Aux spéculateurs, sûrs d’avoir investi dans un placement rentable ? Peut-être. Limitée à 660 exemplaires, assemblée à Böllinger Höfe (comme la R8), cette locomotive est facturée 230 000 €. C’est 65 000 € de plus qu’un break M5.
Les 70 000 € de malus, auxquels échappe la BMW, ne sont pas compris. Sachant que l’Audi développe 100 ch de moins et s’assoit sur toute forme d’hybridation. Ça commence à faire pencher un peu trop la balance du mauvais côté, n’est-ce pas ?
« GT », c’est pour « Grand Tourisme », ou l’art de voyager vite, loin, sans se fatiguer et sans restriction de bagages. Sur ce dernier point, l’Audi est une excellente élève, avec ses 565 litres. Le hayon électrique grimpe haut, le seuil de chargement est bas (la garde au sol est minorée de 10 mm par rapport à une RS 6) et la soute est découpée sans boursouflures.
Au second rang, à l’exception des vitres surteintées qui obscurcissent abondamment l’intérieur, la place est généreuse et le confort appréciable. Du moins avant que la RS 6 Avant GT ne commence à faire tourner ses roues…

IMSA style

Fin des années 80, dans le championnat IMSA (International Motor Sports Association) sévissait une berline qui châtiait tout ce qui roule. Son nom : la 90 GTO, à laquelle notre break du jour rend hommage.
Ne lui manquent que les jantes pleines, et la monte de 22 pouces (pneus Continental SportContact 7) est tellement immense qu’on se demande comment glisser un doigt entre la gomme et le passage de roue.
La réponse est simple : on ne peut pas. Peintures de guerre, ailes élargies (en carbone sur la GT) : le lien de parenté est étroit mais le 5 cylindres 2.2 monoturbo de l’époque (turbine KKK) qui développait jusqu’à 720 ch cède sa place à un moteur avec plus de chambres de combustion, plus de turbos (deux), plus de cylindrée (4 litres), mais moins de puissance et de pression de suralimentation (1,2 bar).
630 ch, c’est aussi la valeur revendiquée par la RS 6 Avant Performance. De nouveau une information qui ne plaide pas en faveur de cette version limitée, 80 000 € plus chère que le modèle de base. Pourquoi dépenser plus pour un cheptel identique ?
Car de break surpuissant cantonné au rôle de dragster autoroutier, l’Audi se mue en un engin… qui ne rentre dans aucune case. Et la polyvalence en prend pour son grade. Dépourvue de système de levage, l’allemande frotte partout.
Les descentes de parking se transforment en crises d’angoisse, les ralentisseurs sont des stoppeurs, et avec ses mensurations à la Shaquille O’Neal, même les voies d’accélération semblent trop étroites. Ce n’est évidemment pas le cas, mais rétros compris, l’Audi affiche quand même 2,11 m de large. Le permis poids lourd serait presque imposé aussi : 2 173 kg, dont 1 203 sur le train avant. C’est un quintal de plus que ce qu’Audi revendique.
Capot, rétros, ailes en carbone et suppression des barres de toit ne suffisent pas pour descendre sous la barre symbolique des 2 tonnes. On essuie nos larmes en se rappelant que c’est toujours 300 kg de moins qu’une M5 berline…

Rendez-vous à Mortefontaine

Comme pour chaque Supertest, c’est d’abord à Mortefontaine que nous avons rendez-vous. Les saignées sur l’A1 font sauter l’arrière et le confort n’est pas la qualité première de ce break aux allures de pace car. Le responsable technique de la presse chez Audi nous informe que, l’auto étant destinée à claquer des chronos, il a durci la suspension (la hauteur de caisse reste standard).
L’amortissement piloté de la RS 6 normale laisse sa place à quatre combinés filetés. La compression est ajustable sur treize niveaux, la détente sur seize. Une fois sur l’anneau, après la pesée réglementaire, les hostilités débutent par les reprises.
2’’4 pour expédier le 100 à 140 km/h, c’est aussi bien qu’une GT3 RS ou qu’une Ioniq 5 N. La première est atmo, la seconde électrique, mais pour une auto (la RS 6 GT) qui, avec moi à bord, tutoie les 2 300 kg, c’est véloce. Et je n’ai rien vu.
Le Launch Control n’est pas opérationnel lorsque le contrôle de stabilité est entièrement débranché. On rebascule donc en mode Sport et on se prend un bourre-pif. 3’’2 pour le 0 à 100 km/h, c’est le chrono d’une M3 CS.
Pour le 1 000 m D.A., l’Audi fait cette fois jeu égal avec la M4 CSL qui pèse 545 kg de moins ! Au-delà des 260 km/h, on sent que le V8 s’essouffle, et ce break profilé comme un congélateur pousse l’air plus qu’il ne le fend.
Alors que l’autoroute avait mis en exergue des tressautements de la suspension, la RS 6 GT est sereine sur l’anneau de vitesse, au surfaçage pourtant perfectible. L’amortissement de l’Audi, comme bien d’autres, préfère qu’on le contraigne pour travailler efficacement.

Le jour et la pluie

Le trajet jusqu’au Vigeant confirme que la GT n’est pas une voyageuse idéale à rythme de sénateur. En revanche, dès que ça tourne, l’écart de comportement avec une RS 6 Performance est notable. Avec une direction très incisive et un essieu arrière qui braque dans le sens opposé (5°), l’inscription en virage est déroutante pour une auto de ce gabarit.
Pour moduler le braquage postérieur, un moteur accompagné de son calculateur est positionné sur la crémaillère arrière (il n’y a pas d’actuateurs dans les roues). Juste avant L’Isle-Jourdain, un enchaînement de virages est particulièrement exigeant pour les autos manquant de train avant.
L’Audi y slalome avec une agilité étonnante. Le lendemain matin, ce sont des trombes qui noient le circuit du Val de Vienne. Photos et chronos sont inenvisageables, alors nous allons nous balader pour faire circuler les fluides dans les conduits.
Après tout, c’est une Quattro. Les Continental SportContact 7 (285 mm de large aux quatre coins) évacuent l’eau assez mal. Très accrocheur la veille, le train avant peine à rester sur la trajectoire. Je m’y attendais. Mais pas à la réaction de l’arrière.
Avec une répartition du couple typée propulsion (jusqu’à 85 % renvoyés derrière), la RS 6 GT ne rechigne pas à la glisse et le sieur Tinseau, en espérant que la météo s’améliore, s’en donne à cœur joie. Comme le V8 développe plus de 80 mkg de 2 900 à 5 400 tr/mn, et malgré la transmission intégrale, il faut doser la remise des gaz par temps de pluie.
Quand tout est déconnecté, le tête‑à‑queue guette, et étant donné que le break pèse autant que trois Caterham, s’arrêter dans les limites de piste n’est pas simple. Idéalement, le jeu consiste à rentrer presque en marche arrière, conserver les roues droites et réguler la dérive avec l’accélérateur. Et je conduis de façon tout sauf idéale…

Pas qu’un produit marketé

En début d’après‑midi, la piste sèche vite malgré l’humidité et une température frisquette. Radar installé, bien calé dans le siège semi‑baquet à coque carbone, Christophe Tinseau s’élance. C’est le jour et la nuit par rapport au matin.
Le chrono prouve que la RS 6 GT n’est pas qu’un produit marketé pour spéculateurs nostalgiques des années 80. Elle devance une AMG GT 63 S E Performance, encore plus pachydermique mais aussi beaucoup plus puissante.
Le durcissement des barres antiroulis (30 % à l’avant, 80 % à l’arrière) rend le break précis et stable sur les longs appuis. Sur sol sec, la glisse, plus ou moins bien maîtrisée, n’est plus d’actualité. Une fois les quatre énormes pneus à température, le grip est impossible à prendre en défaut.
A condition d’anticiper les freinages car, malgré des disques carbone‑céramique larges comme des paraboles TV (440 et 370 mm), la RS 6 GT va donner quelques suées à notre pilote. Le constructeur a pourtant fait le nécessaire avec des plaquettes neuves, mais il a omis de nous prévenir que ces dernières n’ont pas été rodées.
Alors que les violentes décélérations au Ceram ne m’avaient pas alerté sur une quelconque défaillance, Christophe ne peut pas terminer sa seconde tentative, en raison de l’allongement dramatique de la course de la pédale et d’un durcissement peu engageant. Blanchies par l’effort, les plaquettes ont hélas perdu de leur efficacité.
Avec des mâchoires bien mordantes, placer convenablement le lourd museau du break n’est déjà pas chose aisée. Avec des mandibules hyperlaxes, c’est mission impossible La frustration de notre pilote est réelle. « Je pense vraiment qu’elle peut descendre sous 1’47’’ », explique‑t‑il.
Ce qui positionnerait l’énorme Audi à quelques encablures seulement d’une 992 GTS phase 1. Pas de boîte à double embrayage pour l’Audi (en raison du couple), mais une automatique qui rechigne de temps en temps à tomber le rapport lorsque l’électronique juge le régime trop haut.
En mode Dynamic, quelques à‑coups agrémentent les sensations. Qui, contre toute attente, ne manquent pas. La RS 6 GT est la familiale la plus sportive de la marque. Plus lourde qu’une RS 4, elle fait davantage dresser les poils.
Son allure y est pour beaucoup, ses capacités mécaniques aussi, mais c’est bien le comportement global qui séduit le plus. Alors qu’une M5 désormais hybride filtre exagérément (direction, moteur, suspension), ce break ravit par son côté brut de fonderie.
Ce n’est pas la GT3 RS des transporteurs de troupes, mais Audi a réussi à transformer une locomotive bien sous tous rapports en engin équilibré, précis et qui aime être malmené (à l’exception des freins). Dès lors, pourquoi ne pas avoir poussé le curseur encore plus loin ?
Avec la suppression de la banquette arrière par exemple (comme sur la Taycan Turbo GT). Avec une ligne d’échappement plus sonore. Avec la possibilité, comme chez BMW, de basculer en deux roues motrices… Le journaliste n’est jamais satisfait, même lorsque, objectivement, la copie rendue force le respect.

L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux

La RS 6 GT n’a peut-être pas sa place sur la piste mais elle est la familiale la plus sportive qu’Audi ait jamais produite. Elle est bien plus qu’un buffet vendéen peinturluré. Agile voire marrante sous la pluie, elle renoue avec ses gènes sérieux par temps sec mais ajoute la précision et l’équilibre qui faisaient jusqu’alors défaut à ce modèle.

Audi RS 6 Avant GT : ses performances en piste

© ERAS

Audi RS 6 Avant GT : fiche technique

  • Moteur : V8, biturbo, 32 S
  • Position : AV, longitudinale
  • Cylindrée : 3 996 cm3
  • Alésage x course : 86 x 86 mm
  • Rapport volumétrique : 9,7
  • Régime maxi : 7 000 tr/mn
  • Puissance maxi : 630 ch à 6 000 tr/mn
  • Puissance au litre : 157,5 ch/l
  • Couple maxi : 86,6 mkg à 2 300 tr/mn
  • Couple au litre : 21,7 mkg/l
  • Transmission : intégrale, 8 rapports auto
  • Autobloquant : central + AR piloté Quattro Sport
  • Antipatinage : de série déconnectable
  • Suspension AV/AR : MacPherson, barre antiroulis, combinés filetés réglables en compression et détente/essieu multibras, barre antiroulis, combinés filetés réglables en compression et rebond
  • Direction : crémaillère, assistance électromécanique
  • Tours de volant/diamètre de braquage : 2,3/11,1 m
  • Freins AV/AR : disques percés ventilés carbone‑céramique (440 mm, étriers 6 pistons)/ disques percés ventilés carbone‑céramique (370 mm, étriers monopistons flottants)
  • Antiblocage : de série
  • Poids constructeur/contrôlé : 2 075/2 173 kg
  • Répartition AV/AR : 55/45 %
  • Rapport poids/puissance : 3,4 kg/ch
  • L - l - h : 5 018 - 1 951 - 1 437 mm
  • Empattement : 2 927 mm
  • Voies AV/AR : 1 668/1 650 mm
  • Réservoir : 73 l
  • Roues AV & AR : 10,5 x 22
  • Pneus AV & AR : 285/30 ZR 22
  • Prix de base : 230 000 €
  • Options/malus : 0/70 000 €
  • Prix du modèle essayé : 300 000 € (malus compris)

Retrouvez notre supertest de l'Audi RS 6 Avant GT dans le Sport Auto n°762 du 27/06/2025.

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