Essai - Maserati GranCabrio Trofeo (2025) : la "dolce vita" au long cours ?
Trofeo ou pas, la Maserati GranCabrio incite à la "dolce vita". Rythmée par un V6 rentré dans les rangs et infiniment moins tonitruant que le V8 d’antan. Voyons ce qu’elle donne dans le cadre d’un voyage au long cours.
La scène s’est répétée une dizaine de fois au cours de notre
périple. Tous âges et tous profils confondus : « Waouuuh, elle
est ma-gni-fique. Ces Italiens… ils savent dessiner les voitures !
»
En l’occurrence, le designer à qui l’on doit ce coup de crayon
s’appelle Klaus Busse, chef du style de Maserati depuis
2015 et Allemand de son état. Mais pas le temps d’entrer dans ce
genre de détail, l’heure tourne. Direction l’île de Ré et sa
région, pour une croisière au long cours.
L’idée de ce road trip est de redécouvrir la Maserati
GranCabrio Trofeo après un galop d’essai qui nous avait
laissés sur notre faim, nostalgiques que nous sommes du V8
atmosphérique, de son caractère impétueux et de sa sonorité
inimitable.
Sur le plan du style en tout cas, il n’y a pas de regret à avoir.
La gueule de squale fait mouche et la configuration de notre modèle
d’essai en rajoute une couche : bleu Modena et capote grenat, notre
GranCabrio se pose là.
Aucun risque de la confondre avec les BMW M8 cabriolet ou Mercedes
SL de chez AMG. L’habitacle 2 + 2 est de la même veine, avec des
cuirs rehaussés de surpiqûres, chic et sans fioritures.
En revanche, l’ambiance moins baroque que dans le passé est devenue
non pas interchangeable, mais disons presque classique. Le
caractère moteur et le châssis ont, eux aussi, beaucoup changé…
Maîtrise
Il y a prescription, donc je peux en parler : pour avoir
expérimenté une série de tonneaux à 130 km/h sur une autoroute au
volant d’une Maserati Coupé 4200 GT, je confirme que le
comportement routier est moins scabreux que dans le passé.
Trois raisons à cela, une mécanique moins (!) bouillante, une
transmission intégrale qui veille au grain et un empattement long
comme un jour sans pain. Mais ce qui interpellera le plus les
connaisseurs, c’est la discrétion du moteur. Le démarrage met la
puce à l’oreille.
Hormis l’échappement qui vrombit, le cliquetis et les vibrations
ressemblent presque à ceux d’une citadine quand la désactivation
d’un banc de cylindres lui coupe la chique. Cela ne l’empêche pas
d’avoir du répondant. Une fois ses liquides en température, la
Trofeo passe du ronron docile
aux grondements prolongés d’un multi-cylindre volontaire.
Sur le plan sonore, le plus spectaculaire reste la déflagration des
silencieux qui accompagne les changements de vitesse en mode Corsa.
Le bruit est sourd, rauque et feutré, mais manque d’aigus, même à
l’approche de la zone rouge. Pas un ténor, c’est clair.
Mais le 3 litres abat ses cartes au fil des kilomètres. C’est un
moteur rond, disponible, puissant et besogneux. Il manque néanmoins
d’éruptions volcaniques. Surtout face à une concurrence qui place
la barre très haut dans le domaine, telles la Porsche 911 Turbo,
l’Aston Martin Vantage ou encore la Ferrari Roma cabriolet.
Sur autoroute, en revanche, ce caractère lissé et le filtrage des
suspensions autorisent à parcourir de grandes distances, comme dans
un TGV. L’autre bonne nouvelle concerne le permis de conduire, dans
la mesure où ce V6 biturbo n’est pas un pousse-au-crime.
Disons qu’une 911 Turbo S ou une Ferrari Roma auront bien plus vite
fait de vous faire péter les plombs, en clair, de prendre votre
permis et d’en faire des confettis. En mettant le cap sur
Rochefort, puis La Rochelle, la Maserati avale les kilomètres sur
une mer d’huile. Les longues lignes droites laissent un boulevard
pour se familiariser avec l’instrumentation.
C’est-à-dire l’écran tactile qui regroupe la quasi-totalité des
fonctions. On se demande quand même pourquoi les réglages basiques,
comme la climatisation, n’ont pas de simples boutons. Cela aurait
permis de garder les yeux sur la route en permanence, ce qui ne
semble pas idiot. Passons.
Après un premier arrêt à la pompe, il est temps de couper court à
la monotonie de l’autoroute. En plongeant dans la bretelle qui mène
vers la sortie, la Trofeo démontre une stabilité impériale et un
équilibre sans faille. Ses mouvements de caisse sont bien jugulés,
sans roulis exagéré ni verrouillage caricatural.
On sent le poids, sans jamais avoir l’impression de conduire une
enclume. Avec 1 895 kg annoncés sur la balance, Maserati est dans
la moyenne haute du segment. La répartition entre essieux et le
centre de gravité relativement bas lui confèrent cependant un bel
équilibre.
Sur les départementales de Charente-Maritime, la GranCabrio fait
même preuve d’une agilité déconcertante. Pas au point d’inquiéter
les cadors des G latéraux, mais suffisamment pour inspirer
confiance et ne pas craindre de repousser occasionnellement ses
freinages.
Derrière ses faux airs désinvoltes, cette Maserati peut facilement
soutenir une cadence musclée. L’autre différence majeure par
rapport aux Maserati d’antan concerne la motricité. Même sur des
routes au bitume irrégulier, voire légèrement gravillonné, les
remises de gaz se font sans arrière-pensée.
Les départementales des environs de Surgères, où des virages se
referment parfois en aveugle, ne sont qu’une simple formalité. Il
suffit de braquer. La position du moteur est assez reculée pour ne
pas alourdir le nez. L’agilité est remarquable malgré l’empattement
de péniche et tout se fait dans la plus grande fluidité.
Pour ne rien gâcher, le filtrage des suspensions est à l’avenant.
Un nouvel arrêt à la pompe et un lavage en vue de la séance photos
sont l’occasion de dresser un premier bilan. Si l’on regrette le
tempérament impétueux de l’ancien V8 ? Evidemment !
La Trofeo a moins de caractère, mais elle n’est pas dénuée
d’intérêt pour autant. En réalité, elle est à la croisée des
chemins. Elle n’est pas aussi démonstrative qu’une 911 Turbo
Cabriolet, pas aussi luxueuse qu’une Bentley Continental GTC ni
aussi agile qu’une Ferrari Roma Spider, néanmoins elle présente des
qualités de vraie GT. A commencer par une capacité surnaturelle à
effacer les kilomètres.
Calme et volupté
La Rochelle disparaît dans les rétroviseurs et le port de
Saint‑Martin‑de‑Ré se dresse à travers le pare‑brise, en cette fin
de journée aux couleurs d’été. La Maserati arpente les ruelles
désertes avec le V6 en sourdine, dans une lumière presque tamisée
et un calme olympien. Malgré ses 550 ch, la Trofeo se cale
volontiers sur un rythme coulé.
Pas de vague ni de saute d’humeur à l’accélérateur, le 3 litres
repart avec la régularité d’un métronome. Rien à voir avec ces
moteurs de course domestiqués qui piaffent d’impatience en guettant
le moindre appel du pied pour décamper. La vraie nature de la
Trofeo est éminemment docile.
Mais n’allez pas croire qu’elle soit soporifique, puisqu’elle vous
fait ressentir la route à travers des remontées d’informations
infiniment plus présentes qu’au volant d’une Mercedes‑AMG SL par
exemple. En clair, on ne s’ennuie pas à son volant.
Même après quatorze heures de conduite quasi non‑stop à la
recherche de la lumière parfaite pour clore ce premier jour de
prises de vues. Et ne comptez pas sur Laurent Villaron, notre
photographe émérite, pour en avoir assez.
Ce qui tombe bien, puisque je ne suis pas pressé non plus de
quitter le siège baquet. En position ouverte ou fermée, la
GranCabrio reste une invitation permanente au voyage. Surtout que
l’air iodé ajoute un parfum de vacances avant l’heure.
Quant au plaisir de rouler décapoté, on pourrait en écrire un
roman. Autant un cabriolet peut être imbuvable devant la terrasse
d’un restaurant blindé, autant il n’a pas d’équivalent sur une
route déserte, un soir d’été.
La Trofeo repart au trot dès l’aurore du lendemain. Avec une boucle
jusqu’à ce décor de bout du monde, devant l’île Madame, au sud du
fort Boyard, en face d’Oléron. Le temps semble s’être arrêté devant
cette route submersible magnifique mais qui n’inspire pas assez
confiance pour y poser les roues de notre carrosse, sous peine de
l’imaginer tanqué dans le sable, à la marée montante.
Ne tentons pas le diable et profitons de l’ambiance de carte
postale qui suffit au bonheur de notre photographe. La Maserati
prend la pause puis rebrousse chemin en mettant le cap vers Les
Sables‑d’Olonne. Le caractère infatigable du V6 se dévoile
encore.
Et nous de répéter notre rengaine, à savoir le regret d’une mélodie
et de vibrations plus suggestives. Mais l’agrément des relances est
manifeste. La Trofeo survole ainsi les marais salants, en se
dirigeant vers les forêts de pins. Toujours plein ouest, lorsque
l’océan Atlantique et son bleu dur se dessinent dans le
pare‑brise.
Une heure plus tard, le long capot arpente le port des Sables
devant la foule des beaux jours. Sous les yeux du photographe qui
n’en perd pas une miette, la Maserati se plie à tous les exercices.
Le seul bémol concerne la fragilité des magnifiques jantes alu de
20 pouces et leur pneu à profil ultra‑bas, qui donnent l’impression
de déborder du pneu.
Mieux vaut avoir le compas dans l’œil pour ne pas les frotter
contre le trottoir lors des manœuvres de stationnement un peu
serrées. Hormis cela, la prise en main de la Trofeo est d’une
extrême facilité. Tout comme sa propension à se fondre dans la
circulation sur un filet de gaz.
C’est à ce rythme que nous levons les voiles, en mettant le cap
vers Nantes. De Brétignolles‑sur‑Mer à Sallertaine, le V6 ronronne
et dépasse les camping‑cars d’un bref rétrogradage. Les relances
sont énergiques, le couple est bien présent, mais il manque d’un
je‑ne‑sais‑quoi.
Disons que cette voiture est tellement belle qu’on aimerait une
bande‑son et des vibrations à la hauteur de sa plastique
irréprochable. Il faut se faire une raison. Cela ne l’empêche pas
d’être une auto remarquable. Notamment par sa faculté prodigieuse à
aligner les kilomètres sans générer la moindre fatigue, et avec un
style inimitable.
L'avis de Laurent Chevalier
Au terme de ces kilomètres sans compter, la Trofeo démontre
une capacité surnaturelle à voyager. Notamment grâce à l’équilibre
du châssis, à une stabilité et à une motricité qui offrent une
sécurité active de premier ordre.
On regrette juste le tempérament mécanique de ce V6 certes
puissant, mais pas assez communicatif. Voyons le verre à moitié
plein, Maserati n’a jamais produit de GT aussi douée pour effacer
les kilomètres.
Maserati GranCabrio Trofeo : fiche technique
- Moteur : V6 biturbo, 24 S
- Cylindrée : 2 992 cm3
- Puissance maxi : 550 ch à 6 500 tr/mn
- Couple maxi : 66,2 mkg à 3 000 tr/mn
- Transmission : intégrale, 8 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série/non
- Poids constructeur : 1 895 kg
- Rapport poids/puissance : 3,4 kg/ch
- L - l - h : 4 966 - 1 957 - 1 365 mm
- Empattement : 2 929 mm
- Réservoir : 70 l
- Prix de base : 207 050 €
- Prix des options/malus : 19 912/70 000 €
- Prix du modèle essayé : 296 962 € (malus compris)
- V. max. : 316 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’6
- 0 à 200 km/h : 12’’2
Retrouvez notre essai de la Maserati GranCabrio Trofeo dans le Sport Auto n°762 du 27/06/2025.


