Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio vs Mercedes-AMG C 63 S E Performance : laquelle choisir ?
Sur le papier, elle a tout pour elle : des performances de supersportive, une hybridation qui la rend vertueuse, une technologie de haut vol et une transmission intégrale aussi efficace que rassurante. La Mercedes-AMG C 63 S E Performance est objectivement plus aboutie que sa rivale du jour, l’Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio. Mais à trop vouloir en faire, l’Allemande peine à nous émouvoir...
Une fois n’est pas coutume, commençons par un remerciement, à
l’attention de gens de chez Alfa Romeo. Le parc presse français
n’avait plus à disposition de Giulia Quadrifoglio. Chez
Stellantis, « thermique » est devenu un gros mot et même nos
confrères de la presse généraliste ont un mal fou à mettre la main
sur une Astra ou une 208 essence.
Merci, donc, au responsable presse qui, tout spécialement pour
nous, a fait venir d’Italie la belle berline Vert Montréal. Cette
Giulia est un modèle célébrant les 100 ans de la marque (née en
1923). Seuls 100 exemplaires, bien sûr tous vendus, ont été
produits. L’Alfa étrenne aussi un léger restylage (phares, bloc
d’instrumentation, surpiqûres dorées) mais conserve son joli
profil.
Le V6 2,9 litres biturbo en profite pour gagner 10 ch et délivre
ses 520 ch aux roues arrière par l’intermédiaire d’un autobloquant
emprunté à la version GTA. Alors forcément, avec ses 680 ch
cumulés, la C 63 S E Performance se gausse déjà. Ajoutez à cela les
quatre roues motrices de sa transmission 4Matic+ (privilégiant
l’arrière) et, au petit jeu de celui qui détale le plus vite du feu
rouge, le match semble plié d’avance. C’est le cas.
Une météo capricieuse, alternant températures très en deçà de la
normale et goudron peinant à sécher, ne nous a hélas pas permis de
corroborer les valeurs revendiquées par AMG et Alfa Romeo. Mais volant en
mains, il n’y a pas débat. La C 63 S E Performance est un lanceur
et vous êtes la boule de flipper.
Même si, honnêtement, la poussée est moins spectaculaire que ce que
la fiche technique annonce, l’effet lance-pierre est bien sensible.
Attention : l’Alfa ne lambine pas mais la cavalerie, pourtant moins
nombreuse, trépigne plus qu’elle ne galope. Les Pirelli PZero Corsa
ne raffolent pas des frimas, couinent au départ, twerkent un chouïa
et laissent de petits dixièmes s’envoler.
Bravo à l’AMG : elle est plus véloce. Mais on s’en fiche, car
aujourd’hui plus que jamais il nous faut noter les autos non pas
pour leur capacité à vous aplatir les synapses dans la calebasse
mais pour les émotions qu’elles distillent. Vous me voyez venir :
le tableau se ternit pour l’allemande.
Si l’hiver nous a empêchés d’installer notre radar, il n’a
heureusement pas gelé la serrure du box de la balance. AMG, presque
tout sourire, annonce 2 165 kg pour sa C sous amphétamines. J’ai
souvenir, lors de la présentation presse en novembre 2022, que
Steffen Jastrow, responsable du développement, cherchait à me faire
partager son enthousiasme sur ce « poids plume ».
Désolé, Steffen, mais 2 165 kg pour une berline de 4,84 m abritant
un 4 cylindres 2 l, c’est lourd. D’autant que sur notre
pèse-voiture, l’aiguille grimpe à 2 189 kg. Je comprends que la
teutonne, puisqu’elle se trimballe moteur électrique et batteries,
ne peut pas afficher le poids d’une Mégane R.S.
Mais comme vous lisez ces lignes pour savoir quelles sont les
sensations au volant d’une C 63 S E Performance, je vous dois la
franchise : c’est paradoxal. Les roues arrière directrices gomment
en grande partie l’impression de lourdeur. La C, aux trop nombreux
modes de conduite (huit), n’est pas mollassonne et fait presque
oublier sa surcharge pondérale.
La tenue de route est prévenante, avec une direction très dense en
Sport et Sport+, une assiette peu sujette aux transferts de charge
et un train avant légèrement sous-vireur, qui facilite la prise en
main lorsque le rythme s’accélère. Mais je disais que la conduite
de l’AMG est paradoxale car, s’il convient de reconnaître qu’une
auto de ce gabarit et de ce poids ne devrait pas se comporter aussi
bien sur des routes sinueuses, la débauche technologique n’arrive
pas à dissiper cette sensation de lourdeur dans le creux des
reins.
S’il fallait résumer : la C 63 S passe partout en force et donne
l’impression de maltraiter le goudron plutôt que de virevolter à
son contact. Dans l’Alfa, changement de décor. Les placages en
carbone brut ne sont pas très agréables au toucher, l’écran au
tableau de bord est risible comparé à la dalle verticale de l’AMG
et, si la présentation est soignée, il n’y a pas l’effet waouh.
En revanche, pas la peine d’abattre une centaine de kilomètres pour
se faire une idée du comportement de l’italienne. La sensation de
légèreté, notamment directionnelle, est flagrante. L’assistance
plus prononcée de l’Alfa aurait pu être source de désagrément, mais
ce n’est pas le cas.
Les remontées dans la colonne ne sont pas trop filtrées et la mise
en effort est informative. Sur la même balance, le score est sans
appel : 1 743 kg, tous pleins faits. Soit un écart de 446 kg. On
sort la calculette. Cela nous fait un rapport poids/puissance de
3,2 kg/ch pour la C 63 et de 3,3 kg/ch pour la Giulia. Cela
explique que, une fois la motricité des Pirelli enfin atteinte (pas
simple), le ressenti en matière de poussée ne diffère pas tant que
ça entre les deux autos.
6 mieux que 4
Ce qui rajoute de l’eau à notre moulin. En optant pour un 4
cylindres, même greffé d’un turbo cogéré par l’électricité
(pression absolue de 2,6 bar), même associé à un moteur à
électrons, même avec une sonorité « rauquifiée » par des
haut-parleurs, la magie n’opère pas comme par le passé dans
l’AMG.
Ce millésime rend, dans quasi tous les secteurs, une meilleure
copie que son aïeul. Sauf pour l’agrément mécanique. Et de nouveau
un direct du droit de l’Alfa. Son V6 à 90° est plus démonstratif à
l’oreille, plaisant à l’usage et endurant quand il s’agit d’en
tirer la substantifique moelle. Chaque pression de la pédale de
droite est saluée par une joviale stridence.
Ce n’est pas hargneux comme dans une 911 GT3 mais, dans la
Quadrifoglio, le conducteur a l’illusion qu’une mécanique
volontaire, un brin trop timorée, a pris place au-dessus de ses
pieds. Alors qu’importe que le 2,9 l biturbo ne distille pas les
accélérations musclées du 4 pattes AMG.
Sur la précédente génération, nous avions chiffré le 1 000 m D.A.
en 21’’9, ce qui permet quand même de se défaire de quelques
malotrus. Ce moteur répond instantanément (voire brutalement en
mode Race, qui déconnecte l’ESP) et a ce côté bipolaire qui nous
ravit.
Cruiser à allure légale, dans un feulement discret, est dans ses
cordes, mais c’est lorsque nos vils instincts se réveillent qu’il
donne la pleine mesure de son talent. Il est moins coupleux que le
2 l allemand, il n’a pas cette force inépuisable qui est l’une des
marques de fabrique du 6 en ligne biturbo de la M3, mais il ne tire
jamais la langue quand il faut attraper les 6 500 tr/mn de sa zone
rouge.
Ne parlons pas d’extase, mais comparé aux coups de boutoir
qu’inflige l’énorme turbo Garrett dans la Mercedes, l’allant et la
progressivité du V6 ont notre préférence.
A trop vouloir en faire…
N’allez pas croire que l’Alfa n’a pour elle que son duo
moteur‑agilité. Elle est équipée d’une boîte auto 8 vitesses (9
dans l’AMG) qui aime mieux qu’on lui prenne les rênes plutôt que de
la laisser jouer toute seule en automatique.
Les grandes oreilles en aluminium, solidaires de la colonne de
direction comme les constructeurs italiens en ont l’habitude, sont
faciles à atteindre, même sur les phases de braquage. Les rapports
s’engrènent promptement, que ce soit à la montée comme au
rétrogradage, et les tuyères Akrapovic (4 000 €) délivrent cette
note métallique et sauvage qu’on leur connaît.
Et comme si cela ne suffisait pas, l’amortissement piloté de la
Giulia (trois modes) est efficace. Le programme Confort est fidèle
à ce qu’il doit être, avec un véritable ouaté de la compression.
Les deux autres, plus sportifs (Dynamic ou Race), ne trompent pas
davantage le chaland : il faudra une route parfaitement surfacée et
une allure soutenue pour faire travailler en rythme les vérins dans
leurs amortisseurs.
L’AMG propose elle aussi trois modes de suspension. Si le confort
est moins prononcé en Normal, le programme Sport offre un compromis
idéal entre maintien de caisse et respect des lombaires. La C 63 S
dispose d’un mode Drift : une fois en Race et l’ESP totalement
désactivé, il faut basculer en mode manuel de la transmission,
avoir les roues droites, tirer vers soi les deux gâchettes de
vitesses (moins ergonomiques que les palettes de l’Alfa) et
confirmer, via celle de droite, que vous êtes suffisamment sain de
corps et d’esprit pour tricoter des avant‑bras.
La combinaison thermique et électrique fournit 70 % de couple en
plus que le V6 Alfa Romeo. Sans surprise donc, ça fume vite et bien
de l’arrière‑train mais la dérive, pas piégeuse ni violente, est
cependant plus délicate à maîtriser que sur la précédente C 63, qui
ne manquait pourtant pas de tempérament. Les défenseurs
d’Affalterbach souligneront, à raison, l’un des traits de caractère
des AMG : cette propension à vous faire regarder la route par les
vitres latérales.
Les mêmes rappelleront que, si la familiale n’est pas aussi
volubile que par le passé, elle associe en revanche le meilleur des
deux mondes, avec une récupération de l’énergie (jusqu’à 100 kWh au
freinage) importante qui recharge rapidement ses accus et permet de
rouler en tout électrique en ville, et une mécanique thermique
certes de faible cylindrée mais au rendement record (238 ch/l).
C’est vrai.
La C 63 S E Performance est une berline ultra‑technologique, une
familiale très véloce et… c’est tout. Face à elle, la Giulia ne
peut lutter en matière de performances pures. Face à elle, l’Alfa
ne peut prétendre être aussi vertueuse et fait l’impasse sur toute
considération écologique. Mais face à elle, la Quadrifoglio joue à
fond son rôle, celui d’une familiale élégante et de caractère.
Au rugby, l’AMG serait Uini Atonio et sa rivale, Antoine Dupont. La
première est étonnamment technique et efficace compte tenu de son
gabarit et délivre une force inépuisable. La seconde a ce côté feu
follet, ces déplacements aériens et cette réactivité. La C 63 n’est
pas une AMG au rabais, loin de là.
C’est même probablement cette génération qui donnera le plus de fil
à retordre lors d’un track day. Mais d’une AMG, j’attends autre
chose que des accélérations brutales et un comportement sans
faille. La Giulia, en dépit de son grand âge, offre ce petit
supplément d’âme, surtout parce qu’elle a su prendre soin de sa
ligne.
Sa direction est un peu plus démultipliée que celle de la C, mais
elle est plus informative. Sa boîte de vitesses n’est pas la
meilleure au monde mais elle réagit aussi rapidement que la
9G‑Tronic allemande. En Confort, l’Alfa est une voyageuse hors pair
alors qu’en Race, les à‑coups dans la transmission et la réactivité
de l’accélérateur supposent une conduite vraiment rythmée. Série
anniversaire ou pas, la Giulia est une familiale qui a du caractère
mais qui s’apprivoise facilement.
L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux
Dans bien des secteurs, l’AMG mérite la victoire. Elle est plus rapide, plus efficace, mieux finie, plus polyvalente, plus écolo. Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore. A Sport Auto, nous sommes des égoïstes et notre plaisir passe avant la débauche technologique. Et la Giulia Quadrifoglio, une fois encore, nous a donné beaucoup de plaisir.
Mercedes-AMG C 63 S E Performance : fiche technique
- Moteur : 4 en ligne, turbo, 16 S + 1 électrique
- Cylindrée : 1 991 cm3
- Puissance cumulée : 680 ch
- Couple cumulé : 104 mkg
- Transmission : intégrale, 9 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/ de série central + piloté AR
- Poids annoncé/contrôlé : 2 165/2 189 kg
- L - l - h : 4 842 - 1 900 - 1 458 mm
- Empattement : 2 875 mm
- Pneus AV & AR : 265/35 & 275/35 ZR 20
- Prix de base : 134 350 €
- Prix des options/malus : 15 050/3 331 €
- Prix du modèle essayé : 152 731 € (malus compris)
- V. max. : 280 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’4
Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio : fiche technique
- Moteur : V6, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 2 891 cm3
- Puissance maxi : 520 ch à 6 500 tr/mn
- Couple maxi : 61,2 mkg à 2 500 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports auto
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/ de série piloté
- Poids annoncé/contrôlé : 1 660 à sec/1 743 kg
- L - l - h : 4 639 - 1 874 - 1 433 mm
- Empattement : 2 820 mm
- Pneus AV & AR : 245/35 & 285/30 ZR 19
- Prix de base : 99 500 €
- Prix des options/malus : 0/60 000 €
- Prix du modèle essayé : 159 500 € (malus compris)
- V. max. : 308 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’9
Retrouvez notre match entre les Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio et Mercedes-AMG C 63 S E Performance dans le Sport Auto n°748 du 26/04/2024


