Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio vs Mercedes-AMG C 63 S E Performance : laquelle choisir ?

Publié le 5 juin 2024 à 12:30
Mis à jour le 6 juin 2024 à 16:28
Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio vs Mercedes-AMG C 63 S E Performance : laquelle choisir ?

Sur le papier, elle a tout pour elle : des performances de supersportive, une hybridation qui la rend vertueuse, une technologie de haut vol et une transmission intégrale aussi efficace que rassurante. La Mercedes-AMG C 63 S E Performance est objectivement plus aboutie que sa rivale du jour, l’Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio. Mais à trop vouloir en faire, l’Allemande peine à nous émouvoir...

Une fois n’est pas coutume, commençons par un remerciement, à l’attention de gens de chez Alfa Romeo. Le parc presse français n’avait plus à disposition de Giulia Quadrifoglio. Chez Stellantis, « thermique » est devenu un gros mot et même nos confrères de la presse généraliste ont un mal fou à mettre la main sur une Astra ou une 208 essence.
Merci, donc, au responsable presse qui, tout spécialement pour nous, a fait venir d’Italie la belle berline Vert Montréal. Cette Giulia est un modèle célébrant les 100 ans de la marque (née en 1923). Seuls 100 exemplaires, bien sûr tous vendus, ont été produits. L’Alfa étrenne aussi un léger restylage (phares, bloc d’instrumentation, surpiqûres dorées) mais conserve son joli profil.
Le V6 2,9 litres biturbo en profite pour gagner 10 ch et délivre ses 520 ch aux roues arrière par l’intermédiaire d’un autobloquant emprunté à la version GTA. Alors forcément, avec ses 680 ch cumulés, la C 63 S E Performance se gausse déjà. Ajoutez à cela les quatre roues motrices de sa transmission 4Matic+ (privilégiant l’arrière) et, au petit jeu de celui qui détale le plus vite du feu rouge, le match semble plié d’avance. C’est le cas.
Une météo capricieuse, alternant températures très en deçà de la normale et goudron peinant à sécher, ne nous a hélas pas permis de corroborer les valeurs revendiquées par AMG et Alfa Romeo. Mais volant en mains, il n’y a pas débat. La C 63 S E Performance est un lanceur et vous êtes la boule de flipper.
Même si, honnêtement, la poussée est moins spectaculaire que ce que la fiche technique annonce, l’effet lance-pierre est bien sensible. Attention : l’Alfa ne lambine pas mais la cavalerie, pourtant moins nombreuse, trépigne plus qu’elle ne galope. Les Pirelli PZero Corsa ne raffolent pas des frimas, couinent au départ, twerkent un chouïa et laissent de petits dixièmes s’envoler.
Bravo à l’AMG : elle est plus véloce. Mais on s’en fiche, car aujourd’hui plus que jamais il nous faut noter les autos non pas pour leur capacité à vous aplatir les synapses dans la calebasse mais pour les émotions qu’elles distillent. Vous me voyez venir : le tableau se ternit pour l’allemande.
Si l’hiver nous a empêchés d’installer notre radar, il n’a heureusement pas gelé la serrure du box de la balance. AMG, presque tout sourire, annonce 2 165 kg pour sa C sous amphétamines. J’ai souvenir, lors de la présentation presse en novembre 2022, que Steffen Jastrow, responsable du développement, cherchait à me faire partager son enthousiasme sur ce « poids plume ».
Désolé, Steffen, mais 2 165 kg pour une berline de 4,84 m abritant un 4 cylindres 2 l, c’est lourd. D’autant que sur notre pèse-voiture, l’aiguille grimpe à 2 189 kg. Je comprends que la teutonne, puisqu’elle se trimballe moteur électrique et batteries, ne peut pas afficher le poids d’une Mégane R.S.
Mais comme vous lisez ces lignes pour savoir quelles sont les sensations au volant d’une C 63 S E Performance, je vous dois la franchise : c’est paradoxal. Les roues arrière directrices gomment en grande partie l’impression de lourdeur. La C, aux trop nombreux modes de conduite (huit), n’est pas mollassonne et fait presque oublier sa surcharge pondérale.
La tenue de route est prévenante, avec une direction très dense en Sport et Sport+, une assiette peu sujette aux transferts de charge et un train avant légèrement sous-vireur, qui facilite la prise en main lorsque le rythme s’accélère. Mais je disais que la conduite de l’AMG est paradoxale car, s’il convient de reconnaître qu’une auto de ce gabarit et de ce poids ne devrait pas se comporter aussi bien sur des routes sinueuses, la débauche technologique n’arrive pas à dissiper cette sensation de lourdeur dans le creux des reins.
S’il fallait résumer : la C 63 S passe partout en force et donne l’impression de maltraiter le goudron plutôt que de virevolter à son contact. Dans l’Alfa, changement de décor. Les placages en carbone brut ne sont pas très agréables au toucher, l’écran au tableau de bord est risible comparé à la dalle verticale de l’AMG et, si la présentation est soignée, il n’y a pas l’effet waouh.
En revanche, pas la peine d’abattre une centaine de kilomètres pour se faire une idée du comportement de l’italienne. La sensation de légèreté, notamment directionnelle, est flagrante. L’assistance plus prononcée de l’Alfa aurait pu être source de désagrément, mais ce n’est pas le cas.
Les remontées dans la colonne ne sont pas trop filtrées et la mise en effort est informative. Sur la même balance, le score est sans appel : 1 743 kg, tous pleins faits. Soit un écart de 446 kg. On sort la calculette. Cela nous fait un rapport poids/puissance de 3,2 kg/ch pour la C 63 et de 3,3 kg/ch pour la Giulia. Cela explique que, une fois la motricité des Pirelli enfin atteinte (pas simple), le ressenti en matière de poussée ne diffère pas tant que ça entre les deux autos.

6 mieux que 4

Ce qui rajoute de l’eau à notre moulin. En optant pour un 4 cylindres, même greffé d’un turbo cogéré par l’électricité (pression absolue de 2,6 bar), même associé à un moteur à électrons, même avec une sonorité « rauquifiée » par des haut-parleurs, la magie n’opère pas comme par le passé dans l’AMG.
Ce millésime rend, dans quasi tous les secteurs, une meilleure copie que son aïeul. Sauf pour l’agrément mécanique. Et de nouveau un direct du droit de l’Alfa. Son V6 à 90° est plus démonstratif à l’oreille, plaisant à l’usage et endurant quand il s’agit d’en tirer la substantifique moelle. Chaque pression de la pédale de droite est saluée par une joviale stridence.
Ce n’est pas hargneux comme dans une 911 GT3 mais, dans la Quadrifoglio, le conducteur a l’illusion qu’une mécanique volontaire, un brin trop timorée, a pris place au-dessus de ses pieds. Alors qu’importe que le 2,9 l biturbo ne distille pas les accélérations musclées du 4 pattes AMG.
Sur la précédente génération, nous avions chiffré le 1 000 m D.A. en 21’’9, ce qui permet quand même de se défaire de quelques malotrus. Ce moteur répond instantanément (voire brutalement en mode Race, qui déconnecte l’ESP) et a ce côté bipolaire qui nous ravit.
Cruiser à allure légale, dans un feulement discret, est dans ses cordes, mais c’est lorsque nos vils instincts se réveillent qu’il donne la pleine mesure de son talent. Il est moins coupleux que le 2 l allemand, il n’a pas cette force inépuisable qui est l’une des marques de fabrique du 6 en ligne biturbo de la M3, mais il ne tire jamais la langue quand il faut attraper les 6 500 tr/mn de sa zone rouge.
Ne parlons pas d’extase, mais comparé aux coups de boutoir qu’inflige l’énorme turbo Garrett dans la Mercedes, l’allant et la progressivité du V6 ont notre préférence.

A trop vouloir en faire…

N’allez pas croire que l’Alfa n’a pour elle que son duo moteur‑agilité. Elle est équipée d’une boîte auto 8 vitesses (9 dans l’AMG) qui aime mieux qu’on lui prenne les rênes plutôt que de la laisser jouer toute seule en automatique.
Les grandes oreilles en aluminium, solidaires de la colonne de direction comme les constructeurs italiens en ont l’habitude, sont faciles à atteindre, même sur les phases de braquage. Les rapports s’engrènent promptement, que ce soit à la montée comme au rétrogradage, et les tuyères Akrapovic (4 000 €) délivrent cette note métallique et sauvage qu’on leur connaît.
Et comme si cela ne suffisait pas, l’amortissement piloté de la Giulia (trois modes) est efficace. Le programme Confort est fidèle à ce qu’il doit être, avec un véritable ouaté de la compression. Les deux autres, plus sportifs (Dynamic ou Race), ne trompent pas davantage le chaland : il faudra une route parfaitement surfacée et une allure soutenue pour faire travailler en rythme les vérins dans leurs amortisseurs.
L’AMG propose elle aussi trois modes de suspension. Si le confort est moins prononcé en Normal, le programme Sport offre un compromis idéal entre maintien de caisse et respect des lombaires. La C 63 S dispose d’un mode Drift : une fois en Race et l’ESP totalement désactivé, il faut basculer en mode manuel de la transmission, avoir les roues droites, tirer vers soi les deux gâchettes de vitesses (moins ergonomiques que les palettes de l’Alfa) et confirmer, via celle de droite, que vous êtes suffisamment sain de corps et d’esprit pour tricoter des avant‑bras.
La combinaison thermique et électrique fournit 70 % de couple en plus que le V6 Alfa Romeo. Sans surprise donc, ça fume vite et bien de l’arrière‑train mais la dérive, pas piégeuse ni violente, est cependant plus délicate à maîtriser que sur la précédente C 63, qui ne manquait pourtant pas de tempérament. Les défenseurs d’Affalterbach souligneront, à raison, l’un des traits de caractère des AMG : cette propension à vous faire regarder la route par les vitres latérales.
Les mêmes rappelleront que, si la familiale n’est pas aussi volubile que par le passé, elle associe en revanche le meilleur des deux mondes, avec une récupération de l’énergie (jusqu’à 100 kWh au freinage) importante qui recharge rapidement ses accus et permet de rouler en tout électrique en ville, et une mécanique thermique certes de faible cylindrée mais au rendement record (238 ch/l). C’est vrai.
La C 63 S E Performance est une berline ultra‑technologique, une familiale très véloce et… c’est tout. Face à elle, la Giulia ne peut lutter en matière de performances pures. Face à elle, l’Alfa ne peut prétendre être aussi vertueuse et fait l’impasse sur toute considération écologique. Mais face à elle, la Quadrifoglio joue à fond son rôle, celui d’une familiale élégante et de caractère.
Au rugby, l’AMG serait Uini Atonio et sa rivale, Antoine Dupont. La première est étonnamment technique et efficace compte tenu de son gabarit et délivre une force inépuisable. La seconde a ce côté feu follet, ces déplacements aériens et cette réactivité. La C 63 n’est pas une AMG au rabais, loin de là.
C’est même probablement cette génération qui donnera le plus de fil à retordre lors d’un track day. Mais d’une AMG, j’attends autre chose que des accélérations brutales et un comportement sans faille. La Giulia, en dépit de son grand âge, offre ce petit supplément d’âme, surtout parce qu’elle a su prendre soin de sa ligne.
Sa direction est un peu plus démultipliée que celle de la C, mais elle est plus informative. Sa boîte de vitesses n’est pas la meilleure au monde mais elle réagit aussi rapidement que la 9G‑Tronic allemande. En Confort, l’Alfa est une voyageuse hors pair alors qu’en Race, les à‑coups dans la transmission et la réactivité de l’accélérateur supposent une conduite vraiment rythmée. Série anniversaire ou pas, la Giulia est une familiale qui a du caractère mais qui s’apprivoise facilement.

L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux

Dans bien des secteurs, l’AMG mérite la victoire. Elle est plus rapide, plus efficace, mieux finie, plus polyvalente, plus écolo. Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore. A Sport Auto, nous sommes des égoïstes et notre plaisir passe avant la débauche technologique. Et la Giulia Quadrifoglio, une fois encore, nous a donné beaucoup de plaisir.

Mercedes-AMG C 63 S E Performance : fiche technique

  • Moteur : 4 en ligne, turbo, 16 S + 1 électrique
  • Cylindrée : 1 991 cm3
  • Puissance cumulée : 680 ch
  • Couple cumulé : 104 mkg
  • Transmission : intégrale, 9 rapports auto
  • Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/ de série central + piloté AR
  • Poids annoncé/contrôlé : 2 165/2 189 kg
  • L - l - h : 4 842 - 1 900 - 1 458 mm
  • Empattement : 2 875 mm
  • Pneus AV & AR : 265/35 & 275/35 ZR 20
  • Prix de base : 134 350 €
  • Prix des options/malus : 15 050/3 331 €
  • Prix du modèle essayé : 152 731 € (malus compris)
  • V. max. : 280 km/h
  • 0 à 100 km/h : 3’’4

Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio : fiche technique

  • Moteur : V6, biturbo, 24 S
  • Cylindrée : 2 891 cm3
  • Puissance maxi : 520 ch à 6 500 tr/mn
  • Couple maxi : 61,2 mkg à 2 500 tr/mn
  • Transmission : roues AR, 8 rapports auto
  • Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/ de série piloté
  • Poids annoncé/contrôlé : 1 660 à sec/1 743 kg
  • L - l - h : 4 639 - 1 874 - 1 433 mm
  • Empattement : 2 820 mm
  • Pneus AV & AR : 245/35 & 285/30 ZR 19
  • Prix de base : 99 500 €
  • Prix des options/malus : 0/60 000 €
  • Prix du modèle essayé : 159 500 € (malus compris)
  • V. max. : 308 km/h
  • 0 à 100 km/h : 3’’9

Retrouvez notre match entre les Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio et Mercedes-AMG C 63 S E Performance dans le Sport Auto n°748 du 26/04/2024

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