A la loupe - Alpine A424 (2024) : tout savoir sur l'Hypercar du WEC (+ images)

Publié le 29 juillet 2024 à 13:30
Mis à jour le 29 juillet 2024 à 13:54
A la loupe - Alpine A424 (2024) : tout savoir sur l'Hypercar du WEC

Après 10 ans en LMP2 ou dans la catégorie reine avec une ancienne LMP1 rebadgée, Alpine s’implique enfin à fond à travers un engagement officiel en Hypercar. Sport Auto se penche sur la superbe A424 incarne cette nouvelle ambition ainsi que la ligne stylistique des futures Alpine de route.

A l’heure où les constructeurs se bousculent en Endurance, Alpine se devait de passer à la vitesse supérieure. Amasser les trophées en LMP2 a permis à la marque de ranimer la flamme de la compétition à un moment où elle était en plein relancement.
Mais pour cadrer avec les ambitions du A fléché et le niveau désormais affiché en Endurance, il fallait une implication plus directe et soutenue. La ferveur du public ressentie par Luca de Meo au départ des 24 Heures du Mans 2021 l’a convaincu de la pertinence de cette option.
Alors même que les Bleus sont déjà présents en Formule 1, le directeur général du groupe Renault a donné son feu vert pour un engagement pleinement officiel en Endurance, qui a été officialisé le 5 octobre 2021. Celui-ci est orchestré par l’usine de Viry-Châtillon, sous la houlette de François Champod, directeur Véhicules d’Alpine Racing.
"Bien au-delà du moteur, c’est vraiment Viry qui pilote le programme, que ce soit sur le plan technique ou celui de l’engagement sportif", nous confirme-t-il. "Monter un programme de cette envergure, en plus de la F1, alors que Viry n’est pas, à la base, une organisation orientée “multi-projet” a constitué un défi en soi, mais l’un de nos plus gros challenges a été le timing. Nous sommes partis assez tard et il a fallu sacrément rattraper le temps perdu."
Les choix fondamentaux ont été opérés très vite et – comme Porsche – cet engagement s’est naturellement tourné vers une voiture de type Le Mans Daytona hybrid (LMDh), c’est-à-dire basée sur un système hybride standard et sur un châssis préexistant à sélectionner parmi les quatre homologués.
« Cette option s’est imposée tout de suite comme étant le meilleur rapport coût de développement/ performance", indique François Champod. Au départ, nous envisagions une approche où l’on aurait pu vendre des voitures à des clients et puis, finalement, nous nous sommes orientés vers un engagement d’usine. Ça cadre assez bien avec les ambitions de développement de la marque. C’est un bon complément à la F1."
Des passerelles ont bien sûr été constituées avec les autres départements d’Alpine Racing : "Beaucoup de synergies ont été mises en place avec nos spécialistes de la Formule E pour les parties software, contrôle véhicule et gestion de l’énergie, ainsi qu’avec l’équipe de Formule 1 sur des sujets de performances moteur et de logiciel."
"Par exemple, tout le logiciel de gestion moteur est basé sur celui de la F1, que nous avons porté sur une plateforme Marelli. Enfin, nous avons bénéficié des moyens d’essais de Viry pour mettre au point le moteur, surtout en mode GMP avec la boîte. Grâce à la limitation des heures de banc en F1, il y avait des créneaux de banc disponibles, ce qui n’arrive jamais en temps normal."

Le choix du châssis n’a pas vraiment fait débat. "Oreca est un choix assez naturel", poursuit François Champod. "Nous avons une histoire avec Oreca depuis longtemps, spécialement en Endurance. Hugues de Chaunac a joué le jeu dès le début, et les résultats de l’Infinity, qui utilise la même coque en championnat IMSA, nous ont vite rassurés sur le fait que la base était bonne."
Une fois ce choix fait, une active coopération s’est mise en place : "Viry a réalisé le cahier des charges qui intègre le moteur dans la coque et c’est ensuite Oreca qui œuvre. C’est un boulot triparti entre Viry, Oreca et Mecachrome. On peut même ajouter le Design car toutes les questions de refroidissement les concernent aussi. C’est très précieux de travailler avec des partenaires avec lesquels nous sommes en pleine confiance", se réjouit le directeur Véhicules d’Alpine Racing.

Une Alpine qui se démarque

Le département Design d’Alpine a œuvré pour intégrer les marqueurs des futurs modèles du constructeur dans la carrosserie de cette A424, comme la réglementation technique l’encourage.
Soutien enthousiaste des efforts de l’équipe Signatech-Alpine depuis une dizaine d’années, le directeur du Design Antony Villain a enfin pu apporter sa contribution en coopération avec les aérodynamiciens d’Oreca. Celle-ci se traduit par une ligne superbe qui a toutefois quelque peu déconcerté les officiels américains chargés d’homologuer les LMDh…
"Quand on leur a montré la voiture, ils nous ont dit : 'Ce n’est pas une Alpine !', s’amuse François Champod. "Nous avons été obligés de leur présenter les ébauches de nos prochaines autos de série pour leur prouver que c’était bien annonciateur du futur design de la marque !"
Pour la partie moteur, le constructeur français s’est tourné vers Mecachrome, qui monte déjà tous les moteurs F1 d’Alpine, en plus d’en usiner les blocs et les culasses. Son moteur de Formule 2 constituait une base idéale.
"Cela avait du sens de partir sur cette base déjà existante", explique François Champod. "Nous avons rapidement vérifié que ce V6 pouvait remplir la mission, même s’il fallait bien sûr, pour cela, que Viry refasse l’ingénierie du moteur afin qu’il réponde à un kilométrage plus important et pour en relever le niveau de performance. On a dû passer de 450 à 520 kW tout de même !"
Il a été nécessaire d’accoupler à ce V6 3,4 litres mono-turbo la batterie fournie par Williams et le système hybride développé par Bosch pour toutes les LMDh. "Ce système était déjà au point. Il a tout de suite bien marché, ce qui nous a permis de gagner du temps", poursuit l’ingénieur. Conformément au plan initial, la voiture a effectué ses premiers tours de roues en août 2023.
L’exploitation de ce programme a bien sûr été confiée à l’équipe Signatech, qui représente Alpine sur les circuits depuis maintenant dix ans. "C’est une chance d’avoir pu participer de bout en bout au développement de cette voiture", savoure Philippe Sinault. "C’est le côté passionnant de ce projet. C’est la première fois que cela nous arrive et c’est une vraie plus-value."
Pour faire face à cette mission, l’équipe de Bourges a dû renforcer ses effectifs : "Ce programme a entraîné un changement d’échelle en matière de ressources humaines et de savoir-faire à intégrer dans l’équipe", poursuit le fondateur de Signatech. "Nous avons globalement augmenté notre staff d’environ 30 %, essentiellement en engineering."
En effet, l’intégration du système hybride change la donne en matière d’exploitation : "C’est une toute nouvelle approche", nous affirme même Philippe Sinault. "La partie hybridation entre pleinement dans la partie set-up de la voiture. Ce n’est pas juste un élément de fonctionnement. C’est aussi un outil de réglage potentiel et de performance de l’auto. C’est inédit pour nous. L’exploitation de toute cette partie hybridation ne pourrait pas se faire sans l’aide d’Alpine. Ce soutien est crucial."
Ayant piloté toutes les Alpine d’Endurance depuis 2013, Nicolas Lapierre est bien placé pour cerner l’impact de cette hybridation : "En matière de pilotage, c’est assez transparent au volant. C’est davantage sur les réglages que se situe la différence. On dispose d’une quantité d’énergie par relais et il faut faire le plus grand nombre de tours possible."
"On passe donc beaucoup de temps avec nos ingénieurs pour essayer d’optimiser la récupération d’énergie, l’endroit où elle va être redéployée. On travaille aussi sur le différentiel à l’arrière du moteur électrique pour adapter les réglages en fonction des diverses phases des virages. C’est passionnant !"

L’équipier de Mick Schumacher et de Matthieu Vaxiviere sur la no 36 est le pilier de ce travail de développement : "J’ai eu la chance de faire les premiers tours de la voiture et d’être présent sur toutes les séances de développement", précise-t-il. "C’est une vraie fierté. Ce travail de mise au point est une phase que j’aime beaucoup. C’est super-intéressant. Avec Alpine, c’est encore plus spécial parce que ça fait longtemps que l’on attendait ce projet. C’est une sorte d’aboutissement…"

Alpine A424 (2024) : fiche technique

  • Moteur : thermique V6 à 95°, turbo
  • Cylindrée : 3 400 cm3
  • Position : central arrière, axe longitudinal
  • Alésage x course : 96 x 78,2 mm
  • Distribution : double arbre à cames en tête, 4 soupapes par cylindre
  • Alimentation : injection directe
  • Lubrification : par carter sec, pompe à huile à étages
  • Régime maxi : 9 000 tr/mn
  • Système hybride : Bosch standard développant entre 30 et 50 kW (40-67 ch) restitués sur le train arrière, batterie Williams Advanced Engineering
  • Gestion électronique : Magneti Marelli
  • Puissance cumulée maxi : 675 ch (500 kW) selon BoP
  • Transmission : roues AR
  • Boîte de vitesses : Xtrac longitudinale à 7 rapports semi-automatiques (+ marche arrière) avec commande pneumatique par palettes au volant
  • Embrayage : en carbone, quatre disques
  • Châssis/Coque : monocoque fibres de carbone et nid-d’abeilles
  • Suspensions : double triangulation, poussoirs
  • Freins : disques Carbone Industrie ventilés, étriers Oreca en monoblocs à 6 pistons
  • Direction : assistée électriquement
  • Roues AV & AR : 12,5 x 18 & 14 x 18 pouces
  • Pneus AV & AR : Michelin 29/71 & 34/71 R 18
  • L – l - h : 5 088 - 1 992 - 1 055 mm
  • Empattement : 3 148 mm
  • Poids : 1 030 kg (à vide) selon BoP

Retrouvez notre article à la loupe de l'Alpine A424 dans le Sport Auto n°749 du 31/05/2024.

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