Grand Format – Caterham 170R : « Pistarde dans l’âme »

Publié le 10 janvier 2022 à 10:14
Mis à jour le 10 janvier 2022 à 10:18
Grand Format - Caterham 170R : "Pistarde dans l’âme"

Rouler en Caterham au milieu de l’automne peut sembler inattendu… Mais parcourir 650 km en deux jours au volant de cette 170R de seulement 85 ch s’est transformé en révélation. Naviguer dans un engin pareil depuis Paris jusqu’au Havre, en alternant départementales et autoroute, est une excellente remise à niveau. Hop, en voiture !

Seul impératif : pouvoir se glisser à bord, ce qui n’est pas donné à tout le monde étant donné l’étroitesse du cockpit. Bonne pioche ! Pour ce Grand Format et voir du pays, il fallait un gabarit comme le mien. Quant au fait d’abattre des kilomètres en 170R (indication de puissance par tonne), en automne, ça rend un peu méfiant, de prime abord. Et voyager (léger) avec ce type d’engin réclame une certaine organisation.

Heureusement, la météo est clémente. Direction Le Havre, depuis la capitale. Avec l’objectif d’abuser des petites routes dès Rouen et de longer les berges de la Seine le plus longtemps possible. Le départ à la fraîche met dans l’ambiance. La sonorité plutôt discrète et la souplesse du 3 cylindres ne présentent aucune difficulté particulière en ville.

Reste qu’aux feux rouges, assis au ras du sol (merci au plancher abaissé optionnel), le moindre scooter 125 cm³ à votre niveau ressemble à un engin diabolique de hauteur. Par bonheur, les feux à LED (option obligatoire à 930 €) équipant notre exemplaire permettent d’être vu, leur réglage (quel réglage ?), certes trop haut et éblouissant pour les autres usagers, conférant de fait une certaine sécurité. Sensations au rendez-vous. Enfin, c’est ce que je pensais…

Sur l’autoroute, un premier Scénic vient se rabattre devant le museau en carbone, sans clignotant. Soyez donc prévenu : cette icône du siècle dernier est tellement petite avec ses 3,18 m de long qu’elle en devient très vulnérable dans la circulation moderne, un peu à l’image d’un deux-roues. Maintenant avisés qu’il ne faut plus « subir » le trafic, nous accélérons jusqu’à Rouen pour solder la partie la moins agréable de la balade. A 130 km/h au compteur, les sensations sont inhabituelles, malgré le port d’un casque intégral et alors que le boîtier Coyote indique 117 km/h réels.

Cette 170R est en fait parfaitement dans l’air du temps avec ses vitesses raisonnables. Après un déjeuner sur le pouce au port autonome de Rouen, nous empruntons la D51, direction Saint-Pierre-de-Manneville, qui longe la Seine au plus près. Le constat s’avère identique. Cette usine à sensations vous en donne pour votre argent dès les plus basses vitesses.

L’impression de rouler vite est réellement présente, bien aidée par la disponibilité du 3 cylindres Suzuki de 660 cm³ et de son couple lilliputien, finalement étonnant au regard des 469 kg mesurés tous pleins faits. Ce moteur est directement repris des « Kei cars », spécialités japonaises contraintes d’afficher des dimensions et une cylindrée limitées pour bénéficier d’une fiscalité et de primes d’assurance réduites.

A l’ancienne

La 170R, grâce à ses proportions contenues, est donc éligible à cette catégorie. Et cela tombe bien, car depuis mars 2021 le nouveau propriétaire de la marque n’est autre que la société VT Holdings, laquelle importait les Caterham au Japon depuis 2009. Rageur, le bloc monte jusqu’à 7 000 tr/mn avec, en bonus après chaque passage de rapport, le « psstt » caractéristique de la soupape de décharge, qui donne vraiment le sentiment d’avoir trois fois la cylindrée annoncée.

Les relances sont franches et permettent donc de dépasser sans hésitation ; et le maniement du micro-levier en aluminium est un régal, rappelant la commande d’une certaine Civic Type R, en moins docile toutefois. Notre balade nous mène ensuite, après avoir traversé la Seine dans un bac (ils sont gratuits en Seine-Maritime et très usités par les locaux), au château d’Yville, datant du XVIIIe  siècle. Soit, à peu de choses près, l’époque de conception de notre Seven, sportive 1.0 qui remet franchement les idées en place au chapitre de l’électronique embarquée.

Car si l’on excepte la prise allume-cigare, rien ne respire la modernité. Le tableau de bord offre tout de même une forme d’ergonomie avec ses contacteurs bien placés, tel celui des clignotants tombant parfaitement sous la main. Pour un petit gabarit, la position de conduite est irréprochable ; on est bien calé dans les baquets carbone équipés de harnais pas vraiment homologués pour la route. Sur cette version R, on retrouve également un volant Momo démontable en Alcantara qui flaire bon la compétition et s’avère un antivol de choix.

Facilitant l’accès à bord, il offre une préhension idéale lorsqu’on dispose de pattes avant à « l’échelle ». La direction, sans filtre, remonte l’information à la perfection, même en présence de gravillons sur la chaussée, une sensation de plus en plus lointaine sur les sportives up to date. Le fait de voir précisément où l’on met les roues est une autre spécificité d’outre-Manche assez immersive. Après un passage près de la commune de Barneville-sur-Seine et du lieu-dit de La Coquinerie, notre Cat’ traverse une forêt particulièrement photogénique, qui rassasie Laurent, l’artiste.

Ce qui n’est pas le cas du bitume, qui n’apparaît plus comme une priorité de la DDE. Dans ces conditions, notre version R ne démérite pas, malgré une suspension sport disposant d’excellentes cartouches Bilstein. Si l’essieu avant reste précis grâce à sa double triangulation (comme une 992 GT3 !), l’essieu arrière rigide répercute sans ménagement les irrégularités, de fait reliées en direct avec votre coccyx, qui doit composer avec la fine mousse du siège. Nous cheminons ensuite à bon rythme vers le parc naturel des Boucles de la Seine, poumon vert de 90 000 ha entre Rouen et Le Havre. Nous croisons une nouvelle fois le fleuve au pont de Brotonne et filons par la D982 jusqu’à Tancarville.

Pistarde dans l’âme

Ici, l’absence de pare-brise et de pare-soleil ne facilite pas la tâche sous une lumière rasante. Les lunettes devraient être obligatoires. Et si cette moto à quatre roues n’impose pas le port du casque, il est en revanche très fortement conseillé. Surtout lorsque la Peugeot 308 roulant calmement devant vous décide d’utiliser son lave-glace… le glycol au contact de la pupille n’ayant rien de bienveillant. On minimise également le pouvoir d’une simple feuille morte, ou pire, d’un micro-gravillon rencontré aux allures usuelles et charrié sans détour par le premier 38 tonnes croisé… Ça pique !

L’arrivée par les travées du port du Havre est toujours impressionnante. L’odeur de pétrochimie près des énormes réservoirs est prenante, surtout sans la fonction « recyclage de l’air » activée… Les structures portuaires et les conteneurs intimident, d’autant plus au volant d’une auto culminant à 1,09 m. Car cette version R embarque toute la panoplie d’une pistarde, avec un différentiel à glissement limité, certes pas débordé par la puissance mais contraint de composer avec une monte pneumatique Avon ZT7, très grand public. Suffisants sur chaussée sèche, ils sont dépassés en cas de pluie et rendent vraiment chaotiques les freinages (non assistés) à haute vitesse. Dans ces circonstances, comme avec une supersportive de 700 ch avec des pneus semi-slicks, la prudence sera de mise. 

Le soleil couchant devant le musée d’art moderne André-Malraux est l’occasion d’une discussion à bâtons rompus avec des passants, certains curieux et d’autres connaisseurs, en l’occurrence un Porschiste, qui ne dénigrent pas la puce de Dartford, bien au contraire. Et s’ils sont admiratifs de notre mini-périple automnal, les plus heureux, c’est nous. Rouler dans ces conditions, profiter sur près de 650 km sans ravitailler (le réservoir de 36 l et l’appétit d’oiseau du Suz’ permettant une telle autonomie) de cette incroyable machine est un privilège qui s’échange contre 37 194 €, avant personnalisation. Même issu de la génération PlayStation et fan des sportives dernier cri, on ne peut que rêver de posséder dans son garage de folie un exemplaire de cette icône, qui attire la sympathie sur son passage et offre surtout de tirer la quintessence de toutes les routes croisées. Un plaisir exquis par les temps qui courent.

L’avis d’Arthur Matal

Cette Caterham est un piège, déclenchant instantanément l’envie de faire des bêtises avec son compte en banque. Les performances, modestes dans l’absolu, ne peuvent rien face au plaisir éprouvé derrière le petit volant. On peut donc idolâtrer une GT3, sportive idéale en tous points, tout en gardant une place dans son cœur pour ce (tout) petit bout d’histoire, même faiblement motorisé. Certes, les sensations offertes se paieront au quotidien par une polyvalence toute relative. Mais qu’importe !

Fiche technique

  • Moteur : 3 cyl. turbo, 12 S
  • Position : AV, longitudinal
  • Cylindrée : 660 cm3
  • Puissance maxi : 85 ch à 6 500 tr/mn
  • Couple maxi : 11,8 mkg de 4 000 à 6 500 tr/m
  • Transmission : roues AR, boîte 5 méca.
  • Autobloquant/antipatinage : de série/non
  • Suspension AV/AR : double triangulation, essieu rigide
  • Direction : crémaillère non assistée
  • Freins AV/AR : disques/tambours
  • Antiblocage : non
  • Poids annoncé/contrôlé : 437/469 kg
  • Rapport poids/puissance : 5,1 kg/ch L – l – h : 3 180 – 1 470 – 1 090 mm
  • Empattement : 2 230 mm
  • Pneus : 155/55 R 14
  • Réservoir : 36 l
  • Prix de base : 37 194 €
  • Prix des options/malus : 7 050/0 €
  • Prix du modèle essayé : 44 244 € (malus compris)
  • Performances annoncées : V. max. : 168 km/h, 0 à 100 km/h : 6’’9

L’essai complet de Arthur Matal est à retrouver dans le Sport Auto n°719 du 26/11/2021.

A lire aussi :

Nos marques populaires Voir tout

Sport Auto