Ferrari 812 Competizione (2022) : on a testé son V12 « diabolique » à Fiorano

Publié le 4 janvier 2022 à 15:23
Mis à jour le 4 janvier 2022 à 15:26
Ferrari 812 Competizione (2022) : l'essai de Sport Auto à Fiorano

Sport Auto s’est rendu au fief de Ferrari, à Maranello, pour prendre la vraie mesure de la nouvelle 812 Competizione et de son monstrueux V12 perché à 830 chevaux et 9 500 tr/mn. Accrochez vos ceintures ! 

Quatre tours du circuit de Fiorano, warm-up et refroidissement compris, c’est absolument extraordinaire. Et en même temps, c’est court. C’est un peu comme si l’on vous tendait la coupe d’un Dom Pérignon millésimé et qu’on vous la retirait des mains juste après la deuxième lampée (oui, je bois le champagne à la lampée, surtout quand il est bon). Bref, deux gorgées d’un breuvage miraculeux qui fait écarquiller les yeux et laisse abasourdi. Pour ce qui est d’en prendre plein les mirettes, il y a d’abord la carrosserie. Avec sa façon impressionnante de froncer le regard, comme si les traits d’origine étaient surlignés au marqueur indélébile.

L’oeuvre d’un designer français

On doit une grande partie de ce coup de crayon spectaculaire à Marc Poulain, un jeune designer français dont on peut prédire l’avenir tout tracé sans boule de cristal et sans trop se mouiller. C’est à la faveur d’un concours de design entre Modène et Vérone que notre compatriote s’est retrouvé propulsé dans les ateliers tant convoités de Maranello. Remise des prix par l’invité de marque, qui se trouvait être le patron du style de Ferrari, Flavio Manzoni, serrages de louches et tout s’enchaîne. Un contrat, de la sueur, beaucoup de sueur, et même une larmichette essuyée en voyant débouler, quelques années plus tard, la SF90, qu’il a dessinée en grande partie.

Plus menaçante en vrai qu’en photo

Mais contrairement à la fluidité de la Stradale, la 812 Competizione s’acharne à accrocher les regards avec une agressivité assumée, depuis ses échappements rectangulaires jusqu’à sa dorsale à ailettes, en passant par ses pare‑chocs ajourés comme du gruyère. La Competizione est encore plus menaçante en vrai qu’en photo. Quant au cri de guerre, il suffit d’appuyer sur le Start Engine pour l’entendre à des kilomètres à la ronde. J’exagère, mais pas tant que ça. Le V12 vous fait sursauter d’un coup de tonnerre d’échappement, avant de recouvrer un ralenti imperturbable et pénétrant. On y est, enfin. Au pied de l’Everest, avec le nez en l’air et la main en visière, le regard fixé vers le sommet : un rupteur perché à 9 500 tr/mn… tout là-haut ! Ça fait presque froid dans le dos.

830 chevaux à bride abattue

Et comme je suis le premier à me jeter à l’eau parmi ce petit groupe de veinards sélectionnés pour la conduire, je vérifie religieusement la température des fluides. Plutôt m’arracher une côte que de tirer à froid sur une telle mécanique. A propos de température, il fait une dizaine de degrés sur les bords de piste et ce n’est pas assez chaud pour les PZero qui équipent notre modèle d’essai. Ferrari propose aussi des Michelin Sport Cup 2 R, si vous n’êtes pas trop regardant sur la fréquence de remplacement. L’autre bonne nouvelle du jour concerne la météo. Aucune précipitation n’est annoncée et ce n’est pas anodin lorsqu’il s’agit de faire passer 830 ch aux roues arrière.

Une réactivité de la direction sidérante

Avec le Manettino en position Soft pour se faire la main, je tente de résister à la crampe de mon pied droit, sagement calé derrière la 812 Competizione rouge pétant de l’ouvreur et metteur au point maison. Le V12 fait ses gammes au gré de l’aiguille du compte‑tours qui grimpe à mi‑régime. A bord, même avec les rembourrages du casque vissé sur le crâne (obligatoire pour rouler à Fiorano), les vocalises du 6,5 l envoûtent littéralement.

A ce rythme, qui ne suffit pas à dévoiler le tiers du quart d’une partie du potentiel de l’auto, la réactivité de la direction est déjà sidérante. Pour rappel, la Competizione monte d’un cran dans le dressage des puces savantes. La direction électrique conserve pourtant du feeling. Les roues arrière directrices intègrent désormais une gestion électronique permettant de déclencher les actionneurs droit et gauche individuellement, et non plus seulement synchronisés.

Plus rapide que la 812 Superfast, plus prompte que la F12tdf

Le système SSC, pour Side Slip Control, s’adapte en conséquence. Précisons que le dispositif agit comme le chef d’orchestre de l’ensemble des aides électroniques, au bénéfice de l’efficacité, depuis le différentiel électronique E‑Diff, l’antipatinage F1‑Trac, la suspension magnétorhéologique SCM‑Frs, le contrôle de freinage FDE ou la direction des roues arrière. Voilà pour la théorie.

Pour ce qui est de la pratique, volant en mains, cela se traduit par une rapidité d’exécution invraisemblable pour plonger à la corde. En inscription dans les virages, la Competizione donne l’impression d’être beaucoup plus rapide que la 812 Superfast et plus prompte que la F12tdf. Quant à l’écart avec la 599 GTO, c’est le jour et la nuit. En mode Wet sur piste froide et sèche, en revanche, pas moyen de poser le pied sur l’accélérateur de la 812 Competizione sans faire buzzer l’antipatinage à tout va.

Des cris stridents qui déchirent l’air !

Il suffit de tourner la molette de deux crans vers la droite (Race, puis CT Off) pour avoir la paix. Ce qui revient à ouvrir les vannes non pas en matière de sensibilité à la pédale d’accélérateur, qui reste identique, mais bien d’ouverture du robinet qui déverse les vagues de couple sur le bitume. La première accélération franche coupe littéralement le souffle. Et je n’ai encore rien vu : 7 500 tr/mn. Je remets une pièce dans la machine en milieu de ligne droite.

La Competizione est prise de démence. 8 000, 8 500, 9 000 tr/mn… Le 6,5 l continue son ascension en lâchant des cris stridents qui déchirent l’air. Ce mélange de bruits d’aspiration, de vibrations, de détonations se répand telle une onde de choc stéréo qui s’amplifie, s’arrête une fraction de seconde au passage du rapport supérieur, puis repart de plus belle. 9 500 tr/mn !

Ju-bi-la-toi-re

Tout va tellement vite que je n’ai pas le temps de me rendre compte du mode Manuel sélectionné. La vitesse reste verrouillée et l’aiguille du compte‑tours tape dans le rupteur comme une rafale de pistolet mitrailleur. Je tire aussitôt sur la palette de droite pour enclencher le rapport supérieur et le V12 explose à nouveau dans une polyphonie d’échappement. Ju-bi-la-toi-re. A tel point qu’il n’y a pas de mot pour décrire la parenthèse qu’ouvre la 812 Competizione à partir de 7 000 tr/mn. Ni sa façon de respirer au-delà, sans contraintes, sans inertie et sans limites.

Et je ne parle pas de la rapidité de la boîte F1, à l’accélération et au freinage, lorsqu’elle rétrograde les rapports en cascade comme un flipper en multiball. Mais pour ne rien vous cacher, je dois avouer que je garde un souvenir encore plus marquant du 6,3 l de la F12tdf. Même si ce dernier ne grimpait pas aussi haut dans les tours (puissance à 8 400 tr/mn et coupure à 8 900 tr/mn), il produisait des vibrations plus émouvantes et générait des sensations plus organiques. Les dimensions galopantes des catalyseurs et des filtres à particules au fil des années n’y sont probablement pas étrangères.

Pompe à feu démentielle

Inutile de tergiverser, la Competizione est l’une des plus pures et des plus flamboyantes pompes à feu qui aient jamais existé. Et qui n’existera jamais plus, d’ailleurs. Sa façon d’être presque (j’ai dit presque !) creuse à bas régime et d’intensifier sa frappe en s’allongeant comme un élastique jusqu’à la zone rouge est fascinante. Au même titre que le caractère bouillant de son comportement. Même s’il nous faudra attendre de disposer d’une version en Michelin Sport Cup 2 R sur une piste sèche et à température pour entériner ce jugement. On peut d’ores et déjà constater que le comportement de la 812 Competizione est celui d’une bête de course. Voire d’une bête tout court. Bestiale, c’est bien le mot.

Une précision diabolique

J’ai beau avoir un faible pour les autos très dévergondées, là, je dois dire… c’est chaud. Avec le Manettino sur Race et l’antipatinage déconnecté, il faut y aller crescendo et bien relire la notice auparavant. Malgré le grip des 275 à l’avant, la 812 Competizione sous‑vire légèrement dans les virages lents avant de déborder au moindre appel du pied en sortie de courbe. Mais une fois le mode d’emploi assimilé, l’efficacité devient palpable. En gardant de la marge, le plaisir (d’avoir l’impression) de dompter un tel fauve n’a pas d’équivalent.

La 812 Competizione taille dans les grandes courbes avec une précision diabolique puis se cale en appui avec une assurance remarquable. Malgré la somme hallucinante de contrôles électroniques qui la composent, cette Ferrari ne donne jamais l’impression d’être téléguidée. Au contraire, elle réagit au doigt et à l’œil en communiquant la sensation d’être vivante. Ses liaisons au sol confèrent aussi le sentiment d’avoir gagné en jeu de jambes par rapport à la 812 Superfast. Probablement grâce au travail porté sur l’amortissement et la réduction des masses non suspendues.

La 812 Competizione est seule au monde

Le plus bluffant reste son équilibre général, qui ressemble trait pour trait à celui d’une architecture à moteur central arrière. Pour ce qui est de la masse totale, en revanche, on espérait une différence plus marquée avec la 812 Superfast. Maranello revendique un gain de 38 kg, contre 110 kg pour la F12tdf et 100 kg pour la 599 GTO par rapport à leurs origines respectives. Cela n’empêche pas Ferrari d’évoquer des performances cataclysmiques : 2’’85 pour atteindre les 100 km/h, 7’’5 pour passer les 200 km/h et 340 km/h en pointe.

Et accessoirement 1’20 pour boucler le circuit de Fiorano, à 1’’ d’une F12tdf et 1’’5 d’une 812 Superfast. En voulant prolonger les parallèles, on s’aperçoit que la Ferrari n’a pas vraiment de concurrentes. La McLaren 765LT est davantage rivée au sol mais (beaucoup, beaucoup !) moins lyrique, et la Lamborghini Aventador SVJ motrice mieux, mais se situe à un cran nettement inférieur sur le plan moteur‑boîte. En clair, la 812 Competizione est seule au monde.

Un mot sur la technique

  • Moteur : V12 atmosphérique à 65°, 48 V
  • Cylindrée : 6 496 cm3
  • Puissance maxi : 830 ch à 9 250 tr/mn
  • Régime maxi : 9 500 tr/mn
  • Couple maxi : 70,5 mkg à 7 000 tr/mn
  • Transmission : roues AR, 7 rapports double embrayage
  • Antipatinage/autobloquant : de série + contrôle de trajectoire
  • Poids annoncé : 1 487 kg à sec
  • Rapport poids/puissance : 1,8 kg/ch
  • L – l – h : 4 696 – 1 971 – 1 276 mm
  • Empattement : 2 720 mm
  • Voies AV/AR : 1 672/1 645 mm
  • Pneus AV & AR : 275/35 ZR 20 & 315/35 ZR 20
  • Réservoir : 92 l
  • Prix de base : 491 443 € pour la version Coupé produite à 999 exemplaires, et 569 974 € pour la version Targa Competizione A produite à 599 exemplaires (Toutes vendues)
  • Prix des options/malus : 110 400 €/30 000 €
  • Prix du modèle essayé : 631 843 € (malus compris)
  • Performances anoncées : V. max. : 340 km/h, 0 à 100 km/h : 2’’8, 0 à 200 km/h : 7’’5

L’avis de Laurent Chevalier

Cinq feux verts, de principe, pour cette incantation aux dieux de la mécanique, à une époque où l’on nous gave d’hybrides et d’électriques. La 812 Competizione marquera son temps par son caractère jusqu’au‑boutiste, ses sensations extrêmes et sa façon de l’assumer. Même si l’on aurait aimé un gain de poids plus significatif par rapport à la 812 Superfast d’origine. On attend aussi de pouvoir l’essayer avec des Michelin Cup 2 R et une température plus élevée.

Le reportage complet de Laurent Chevalier est à retrouver dans le Sport-Auto n°719 du 26/11/2021.

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