Fernando Alonso : de Minardi à Aston Martin, retour sur les 7 vies de l'Espagnol
Alors que la rumeur l’envoyait chez Red Bull ou Mercedes en 2025, Alonso a finalement prolongé chez Aston Martin . Ce sera probablement la dernière équipe pour laquelle l’Espagnol roulera au plus haut niveau. Si on y ajoute son expérience avec Toyota, l’Asturien aura donc couru pour 7 constructeurs en Formule 1. Flash-back sur un parcours hors normes.
Selon certaines indiscrétions, le recrutement de Fernando
Alonso, dont on connaît le caractère éruptif, n’a jamais été
envisagé du côté de Mercedes. Et seule la certitude de perdre Max
Verstappen aurait encouragé les responsables de l’équipe Red Bull a
étudier l’arrivée du double champion du monde à Milton Keynes.
L’Espagnol qui n’aime rien tant que d’être désiré n’avait pas
d’autre choix que de poursuivre et sans doute achever sa carrière
chez Aston Martin où il est cajolé et respecté. Et très bien payé,
ce qui ne gâte rien.
Flavio Briatore, son manager de toujours aujourd'hui de retour chez
Renault/Alpine, continue d’ailleurs à prélever sa dîme. Il faut
rappeler que c’est l’Italien qui, fin 2000, a eu le réflexe de se
précipiter au pied du podium de Spa-Francorchamps après une
course de F3000 pour faire signer à Alonso un de ses fameux
contrats de longue durée.
Le jeune Espagnol, alors débutant dans la catégorie, venait de
faire une démonstration pour s’imposer dans des conditions
difficiles, typiques sur le circuit belge. Adrián Campos, le
premier manager de l’Asturien, fut écarté mais la carrière d’Alonso
lancée.
Et l’association Alonso-Briatore gravée dans le marbre. On verra
que cette association a résisté aux épreuves du temps et des aléas
d’une carrière qui s’est avérée riche en rebondissements, coups
d’éclat, triomphes… mais aussi crises et scandales.
Minardi : premier contrat
Après une seule saison dans l’antichambre de la Formule 1,
Fernando Alonso y accède dès 2001, Briatore ayant négocié un volant
dans la petite équipe Minardi dont son poulain a été le pilote
d’essais. Il a dans l’idée de le titulariser dès que possible dans
l’écurie Renault qu’il dirige alors.
Comme tous les cracks en devenir, Fernando Alonso ne tarde pas à se
faire remarquer au volant de sa modeste Minardi. Ce n’est pas
spectaculaire mais subtile, et surtout les données de la télémétrie
ne se trompent pas. Alonso à quelque chose en plus. L’écurie qui
fut italienne, et créée par Giancarlo Minardi, est alors la
propriété de l’Australien Paul Stoddart depuis le début de l’année
2001. Stoddart garde un souvenir lumineux du passage d’Alonso dans
son équipe.
"Déjà à l’époque, je pouvais voir que Fernando Alonso était un
futur champion du monde. Il était évident qu’il avait un caractère
spécial. Dès le premier grand prix avec nous, Fernando est resté
avec les ingénieurs jusqu’à minuit. Il voulait tout savoir. Il
s’est classé 12e pour ses débuts. Au fil des courses, il n’a pas
cessé de montrer son génie technique, et sa
détermination."
Quant à la qualité de son pilotage,
Stoddart se souvient du dernier grand prix d’Alonso avec Minardi.
L’Espagnol était contrarié à cause d’une mauvaise qualification.
« Nous avons eu une discussion et je lui ai dit : Fernando,
c’est ta dernière course avec nous, vas-y et profites-en. Ce qu’il
a fait, c’est boucler les 53 tours de Suzuka en mode qualification
! »
Qualifié 18e (sur 22), Alonso est ainsi remonté jusqu’à la 11e
place. Et pour avoir suivi la progression puis l’éclosion de son
ancien pilote, Paul Stoddart est catégorique. « Alonso est l’un
des plus grands pilotes de tous les temps. Il a mérité chacun de
ses podiums. Par manque de chance, il est seulement deux fois
champion du monde. Il aurait dû l’être au moins quatre fois.
»
Beaucoup le pensent, mais il se trouve que la carrière
d’Alonso ne fut pas un chemin parsemé de roses comme le prouve un
déroulé rapide de ses nombreux allers-retours dans les paddocks.
Après la première saison d’Alonso, Briatore considère d’ailleurs
que son pilote apprendra plus en le désignant réserviste de
l’équipe Renault.
Renault : deux fois couronné
Titularisé en 2003, il obtient sa première pole position à sa
deuxième course et remporte son premier grand prix à la mi-saison.
Bousculé en 2004 par son coéquipier Jarno Trulli – qui s’impose à
Monaco – Fernando Alonso dévoile une facette de son caractère en se
montrant irascible et très influent dans la coulisse. Etrangement,
Trulli est écarté avant la fin de la saison.
En 2005, l’Espagnol profitant d’une Renault enfin compétitive et de
toute l’attention de Flavio Briatore, se lance dans un bras de fer
contre Kimi Raïkkönen (McLaren-Mercedes), puis Michael Schumacher
(Ferrari), en 2006, dont il sort victorieux et donc couronné à deux
reprises.
Avec un tel statut, Fernando Alonso est sollicité par les plus
grandes équipes et porte son choix sur McLaren, avec un juteux
contrat à la clé et, bien sûr, l’aval de son gourou Flavio
Briatore. On verra qu’il reviendra chez Renault, pas vraiment pour
le meilleur mais surtout pour le pire.
McLaren : clash et trahison
En 2007, ce Latin jusqu’au bout des gants débarque en Angleterre
chez McLaren et compte bien être un digne successeur des
Fittipaldi, Hunt, Lauda, Prost et évidemment Senna, son idole.
« Ayrton Senna est la référence de tous les pilotes. Il s’est
toujours battu jusqu’à la fin et c’est ce qui lui a valu de gagner
le respect et le statut de légende aujourd’hui », dit-il.
Mais les choses vont mal se passer dans la mythique équipe anglaise
où Alonso tombe sur un os en la personne de Lewis Hamilton (autre
admirateur de Senna). Le débutant s’avère coriace, rapide et au
moins aussi ambitieux que son aîné.
Leur lutte farouche va déboucher sur un fameux clash lorsque, après
une qualification houleuse (en Hongrie) où les deux pilotes se sont
gênés, Alonso va finalement trahir son équipe en l’accusant
d’espionnage au détriment de Ferrari en le dénonçant auprès de la
FIA.
Tout ça débouchera sur la perte du titre mondial pour Hamilton et
Alonso (à égalité de points à la 2e place), une amende record
de 100 millions de dollars pour McLaren, la perte des points
constructeurs et la séparation du pilote espagnol et de l’équipe de
Ron Dennis.
Renault (bis) : retour raté et scandale
Pour 2008, Flavio Briatore fait le ménage chez ses pilotes,
recueille Fernando Alonso qui n’avait plus de volant, et lui
adjoint pour coéquipier le peu dérangeant (croit-il) Nelsinho
Piquet. La Renault de cette époque a perdu de sa superbe et ce
n’est qu’en fin de saison qu’Alonso ajoute deux victoires à son
palmarès.
Dont une lors du premier Grand Prix de Singapour de l’Histoire,
grâce à la safety car provoquée par la sortie de piste de … Piquet
junior. Et dont on apprendra presque un an plus tard que tout était
manigancé par Briatore et Pat Symonds, alors le directeur technique
de Renault F1.
Personne dans le paddock n’imagine que Fernando Alonso ne fut pas au
courant de cette « stratégie » extrême. Le pilote n’a jamais été
inquiété par la FIA, mais cet épisode a terni son image. Sa
punition est de végéter une année de plus chez Renault avant de
réaliser le rêve de beaucoup de pilotes : courir pour Ferrari.
Ferrari : quel gâchis !
Que retenir du passage d’Alonso à Maranello ? Qu’il aurait
mérité d’y remporter au moins deux titres supplémentaires en 2010
et 2012, perdus sur le fil et à chaque fois lors de la dernière
course face à Sebastian Vettel, alors dominateur chez Red Bull.
Les errements stratégiques finissent par lasser Alonso et
l’ambiance en interne s’en ressent, même si Alonso est
l’incontestable leader de l’équipe. Ils sont nombreux au sein de la
Scuderia à ne pas apprécier les manœuvres en coulisses d’Alonso,
capable d’être aussi génial au volant qu’imbuvable en dehors du
cockpit.
Ce n’est donc pas sous les applaudissements qu’il quitte la
Scuderia à la fin de la saison après cinq années où il se sera
classé trois fois 2e du championnat et remporté 11 grands prix,
dont son 32e et dernier succès en F1 à ce jour.
McLaren (bis) : mauvaise idée
Le retour de McLaren entretient l’espoir pour Alonso. L’équipe
anglaise n’est plus dirigée par Ron Dennis, mais par Zak Brown,
beaucoup plus détendu. Alonso rate toutefois le début de la saison
2015 après un accident lors des tests privés.
Cette deuxième époque McLaren va surtout être marquée par la
rupture culturelle et sportive entre l’Espagnol et le motoriste
Honda. Plus étonnant, en 2017, la star Alonso fait l’impasse sur le
GP de Monaco pour disputer les 500 Miles d’Indianapolis (également
sur une McLaren-Honda), figurant longtemps en tête avant d’être
victime… de son moteur Honda.
A la fin d’une anonyme saison 2018, Alonso annonce qu’il prend sa
retraite de la F1. L’occasion d’une belle cérémonie des adieux à
Abu Dhabi…
Toyota : victoires au Mans, déroute à Indy
Alonso ne reste pas longtemps inactif. Il profite de son sabbat
pour disputer et gagner les 24 heures du Mans deux années de suite,
en 2018 et 2019 au volant des Toyota seules dans ce monde
d’endurance.
En revanche, ses deux participations supplémentaires à Indianapolis
sont des fiascos (2019 et 2020). Honda ayant refusé qu’il pilote
une monoplace propulsée par leur moteur. Ils n’ont pas digéré les
critiques de l’Espagnol, lorsque celui-ci avait hurlé furieux « GP2
engine ! » dans sa radio et qui fut diffusé en mondovision à Suzuka
2015 !
Alpine : les affaires reprennent
Comme on pouvait s’y attendre, Fernando Alonso malgré ses
multiples engagements s’ennuie loin de la F1. Briatore négocie le
retour de son célèbre client en 2021. Et c’est encore une fois
l’ex-équipe Renault, rebaptisée Alpine, qui est sa
planche de salut.
Alonso justifie son retour. « J’adore piloter. Durant ces deux
années sans F1, je me suis libéré l’esprit de mes envies et j’ai
rayé sur ma liste des choses que je rêvais de faire : Daytona,
Endurance, 24 Heures du Mans, Dakar… »
Mais Fernando Alonso n’est pas revenu pour faire de la figuration,
et surtout il ne supporte pas qu’on puisse douter de sa motivation
et de son talent. Lorsque ses employeurs tergiversent au moment de
prolonger son contrat, au prétexte qu’il se fait vieux (41 ans), le
fier Espagnol claque la porte. Et file chez Aston Martin.
Aston Martin : toujours vert
Début 2023, l’ambitieux Lawrence Stroll déroule le tapis vert
(qui est aussi la couleur des dollars) à Fernando Alonso. Le
Guerrier des Asturies n’a pas rejoint l’équipe de Silverstone pour
assurer ses points retraite. Très vite, le « vieux » démontre qu’il
n’a rien perdu de son coup de volant, enfilant les podiums comme
des perles. Mais il y a mieux.
Désireux de découvrir ce que sera la Formule 1 à partir de 2026,
Fernando Alonso qui fêtera cette saison-là ses 45 ans, a prolongé
son bail de pilote. Si l’Espagnol garde l’espoir d’accrocher une
33e victoire, il peut faire son deuil d’une troisième
couronne, pour intégrer un club où il aurait pourtant toute sa
place.
Retrouvez notre article sur les 7 vies en F1 de Fernando Alonso dans le Sport Auto n°749 du 31/05/2024.


